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La Maraîchine Normande
29 octobre 2012

ARRETÉ DES DAMES ET DEMOISELLES DE LA VILLE DE GUÉRANDE, EN BRETAGNE ♣ Août 1788

ARRETÉ DES DAMES ET DEMOISELLES

DE LA VILLE DE GUÉRANDE, EN BRETAGNE

Les Dames & Demoiselles de Guérande, en Bretagne, assemblées en Comité, où a présidé Madame de ***, une de Mesdames, a dit :

MESDAMES,

NOUS sommes dans les temps de malheurs & de troubles ; tous les Corps de l'État se sont empressés de donner des preuves non suspectes de leur zèle & de leur dévouement au bien public ; les Dames de Rennes ont suivi cet exemple de patriotisme ; & par un Arrêté qui les couvre de gloire, elles ont dévoué à l'horreur publique & à leur indignation particulière, tous les Citoyens qui, voulant élever leur fortune sur la ruine de l'État, entreront eux-mêmes, ou feront entrer leurs enfants dans des Tribunaux réprouvés par la Nation, & dans aucun des Corps d'Administration non avoués par les États de cette Province, dans lesquels seuls réside le droit de consentir aux changements qui peuvent être faits à nos anciennes Constitutions.

Laisserons-nous, Mesdames, un si bel exemple inutile ? La Ville de Guerrande est fort ancienne, & de fondation Ducale ; elle doit la réédification de ses murs à sa Souveraine Anne de Bretagne, dont les mariages avec deux Rois de France, ont annexé la Bretagne à ce Royaume, & lui ont assuré, par un contrat solennel, la jouissance de ses droits, franchises & libertés ; elle ne doit, par conséquent, céder à aucune Ville par l'attachement de ses Citoyens aux droits & prérogatives de cette Province.

Des Édits désastreux enregistrés par force aux deux Cours Souveraines de cette Province, portant, dans leur ressort, le trouble & la désolation ; l'exil du Parlement ; les vacances forcées de la Chambre des Comptes, ont été le prix de leur généreuse opposition aux changements que des Ministres destructeurs ont voulu introduire dans l'État.

Le Corps de la Noblesse, (dont nous avons, pour la plupart, l'honneur d'être Membres), assemblé à Vannes & à Saint-Brieuc, a fait porter aux pieds du Trône ses justes réclamations. Qu'ont-ils trouvé à leur arrivée ? Les avenues du Trône fermées par les Ministres, & bientôt une indigne captivité ; d'autres Citoyens, dont tout le crime est d'avoir témoigné hautement le zèle qui les enflamme pour la Patrie, se sont vus poursuivis & recherchés, & n'ont trouvé de ressource que dans une prompte évasion.

Tous les Corps de la Province se sent déjà portés avec empressement à demander la liberté de ses Députés, qui se sont si généreusement dévoués à la Patrie, & la suppression des ordres rigoureux qui menacent les autres.

Souffrirons-nous, Mesdames, qu'on nous impute d'être moins attachées à l'État ? Loin de nous un pareil déshonneur ; députons-nous nous-mêmes aux pieds du Trône : le mérite, la jeunesse & la beauté, unis à la vertu, ont bien des droits ; nous ne trouverons peut-être pas toujours des coeurs impitoyables ; & quand même les plus grands dangers seroient la suite de notre démarche patriotique, précipitons-nous comme d'autres Curtius dans l'abîme qui menace d'envahir notre Patrie, nous laisserons à nos Citoyens une mémoire chère & respectable. Cette flatteuse & assurée récompense nous payera au centuple les dangers où notre zèle nous expose. Proscrivons aussi de notre Assemblée tous les Citoyens qui oublient que leur premier devoir est de l'être, & qui, soit dans le civil, soit dans le militaire, voudront fonder leur fortune sur le renversement de l'État : prenons d'ailleurs toutes les autres mesures convenables que notre patriotisme nous suggérera.

Sur cet exposé, Mesdames & Mesdemoiselles délibérant, ont continué, pour leurs Assemblées ultérieures, Madame de *** en qualité de Présidente, & ont choisi pour Syndic Mademoiselle de ***, les avis débattus, & oui les conclusions de Mademoiselle de ***, Syndic, & les voix recueillies par Madame la Présidente, il a été pris unanimement l'Arrêté qui suit :

1° Qu'il sera nommé au scrutin une députation composée d'une des Dames & d'une des Demoiselles de l'Assemblée, pour, en cas que les autres Dames & Demoiselles des autres Villes de la Province se portent (comme il y a tout lieu de le présumer) à faire la même démarche, se joindre auxdites Dames & Demoiselles députées, & présenter, au nom de toutes, à Sa Majesté, les respectueuses réclamations des Dames & Demoiselles de la Province, lui demander la conservation des droits, franchises & libertés de la Bretagne, confirmés par le serment des Commissaires de Sa Majesté à chaque tenue d'États ; solliciter le plein & prompt exercice de la Justice, dont la privation est si préjudiciable à la tranquillité publique ; supplier Sa Majesté de retirer les Édits surpris à sa religion, & enregistrés contre les formes ordinaires, les 8 & 10 Mai dernier, aux deux Cours Souveraines de cette Province ; de rétablir dans tous leurs droits & prérogatives les Cours du Parlement & de la Chambre des Comptes, & d'assembler au plutôt, pour remédier aux désordres que des nouveautés ont introduits dans le Royaume, les États généraux & les États particuliers de cette Province. Seront en outre chargées les Dames députées de supplier le Roi de rendre la liberté aux douze Gentilshommes renfermés à la Bastille, et de supprimer les ordres rigoureux donnés contre plusieurs autres, dont le crime est d'être attachés à l'État & à la gloire personnelle de Sa Majesté, ordonnant que les dépenses de la députation seront à frais communs.

2° Qu'il sera dressé par la Dame Orateur un acte par lequel elles dévouent à l'infamie ceux qui, par sollicitation ou autrement, accepteront des places dans les Bailliages & autres Tribunaux non autorisés par les États ; comme aussi ceux qui se trouveront dans un état honorable, pourroient le dégrader en suivant les ordres rigoureux qui pourroient être donnés contre la vie, l'honneur, la fortune, ou la liberté des citoyens, ainsi que leurs femmes, filles, enfants & adhérents ; elles déclarent les expulser de leur corps & société, & regardent comme atteintes de même opprobe celles d'entre elles qui, au mépris de cet Arrêté, pourront contracter avec eux mariage, ou même société particulière, pour quelque cause & raison que ce puisse être.

3° Ordonnent que le présent Arrêté sera envoyé, à la diligence de la Demoiselle Syndic, à toutes les Villes & autres lieux considérables de cette Province, & notamment à celles de Rennes, Nantes & Vannes, afin de solliciter l'adhésion des Dames & Demoiselles.

4° Que les Dames & Demoiselles de cette société, qui n'ont pu être présentes à cette Assemblée, enverront au plutôt leur adhésion, sous peine d'expulsion de ladite société ; qu'il leur sera envoyé à cet effet copie de la Délibération par la Demoiselle Greffière en chef de l'Assemblée.

5° Qu'en cas que les affaires l'exigent, elles s'assembleront au même lieu, d'après la convocation qui sera faite par Madame la Présidente, pour prendre les mesures convenables aux circonstances.

Fait & arrêté en la Ville de Guérande, sous les seings de toutes les Dames & Demoiselles de cette Assemblée, au mois d'Août 1788.

FIN.

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