LA LEGENDE DU MARRONNIER DU 20 MARS
"Parmi les légendes parisiennes les plus populaires est celle du marronnier du jardin des Tuileries, le marronnier du 20 mars. Bien qu'on le désigne ainsi, il est rare que sa floraison ait eu lieu à cette époque, mais elle est en vérité précoce. D'après la légende, cette précocité serait dûe aux cadavres des Suisses tués le 10 août 1792, en défendant les Tuileries, enterrés au pied de ce marronnier. Il est certain que, si toutefois le fait des cadavres des Suisses, ensevelis en cet endroit, n'est pas une légende, l'attribution de l'effet à une cause pareille est entièrement fantaisiste.
En effet, l'extrême sensibilité des marronniers aux influences atmosfériques rend en apparence leurs fonctions irrégulières et mystérieuses.
C'est ainsi qu'à Paris, il n'est pas rare de les voir fleurir deux fois par an. Ce fénomène bizarre, et qui ne se produit que très rarement à la campagne, a été jusqu'ici insuffisamment expliqué. On a dit que c'étaient les chaleurs excessives de juin et juillet qui provoquaient la chute des feuilles estivales et que l'arbre se reprenait à fleurir avec les premières pluies d'automne. Cela est inexact, et la chaleur n'est pour rien dans cette exfoliation qui est souvent si hâtive que les marronniers parisiens sont absolument dénudés, alors que les marronniers suburbains ont encore leurs feuilles très vertes ; c'est aux méfaits d'un champignon muqueu qu'est dû le désastre. Mêlé aux poussières, il pénètre peu à peu dans les pores de la feuille qu'il ronge et, qu'il étouffe, et qu'il finit bientôt par tuer. L'arbre se trouve ainsi veuf après juillet et août, alors qu'il est encore plein de sève vive et inemployée. A ce moment, les bourgeons sollicités s'ouvrent et donnent des fleurs nouvelles.
Quant à la date d'apparition des fleurs printanières, elle est subordonnée à une foule de circonstances, à la qualité du sol, à la douceur de la saison, à la situation plus ou moins abritée de l'arbre. Le marronnier du 20 mars est loin d'être le seul à devancer le printemps de ses fleurs.
M. Charles Ballet garde joyeusement dans un coin de ses pépinières de Croncels, à Troyes, un marronnier qui, beaucoup plus pressé que celui des Tuileries, réveille ses bourgeons dès le 10 février. Il paraît même que si quelques froids n'étaient survenus vers la fin de 1897, on aurait eu le marronnier du 10 décembre. On aurait presque eu le droit de se demander s'il retardait au lieu d'avancer.
Le marronnier des Tuileries ne maintient d'ailleurs pas avec beaucoup de soin ses traditions de précocité : en 1892, il fut dans le marasme et fleurit plus tard que la plupart de ses congénaires parisiens."
Le père Vaillant
Ce marronnier avait une particularité, celle de fleurir, depuis 1815, bien
avant ses congénères de la grande allée.
L’année précédente, en 1814 donc, les Cosaques qui occupaient Paris
avaient installé là leur cuisine. L’arbre du 20 mars, ce marronnier ne devait
donc sa floraison précoce qu’aux eaux grasses dont il avait été copieusement
abreuvé.
D’ailleurs, les Royalistes ne se privèrent pas de colporter l’histoire. Ce
qui n’empêcha pas ensuite les Bonapartistes d’aller, chaque printemps, faire un
tour au « marronnier du 20 mars ».
On trouva même un matin, son tronc entouré d’un ruban tricolore.
Durant des années, le marronnier continua à devancer ses frères de l’année, et
les vieux de la Grande Armée, chaque année un peu moins nombreux,
regardaient toujours avec attendrissement l’arbre qui avait fleuri pour le retour
de leur Empereur.
C’est également à ses pieds que l’on enterra, le soir du 10 août 1792, le
soir de la chute de la royauté, quelques-uns des Suisses massacrés lors de
l’attaque du château des Tuileries.
L’année suivante, l’arbre se couvrit de fleurs bien avant ses
congénères :
« Dieu, dirent les Royalistes, fleurissait ainsi la tombe des martyrs à qui
l’on avait refusé une sépulture en terre chrétienne. »
L’arbre des Suisses deviendra ainsi plus tard, le marronnier du 20 mars.
Cet arbre serait mort en 1911.