L'ÉGLISE SAINT-MÉDARD DE THOUARS ♣ PÉRIODE REVOLUTIONNAIRE
L'ÉGLISE SAINT-MÉDARD DE THOUARS
PÉRIODE REVOLUTIONNAIRE
Thouars, dès le début, adopta les idées révolutionnaires qui trouvaient dans le Bocage tant d'adversaires militants et résolus.
A première vue, et étant données ces aspirations libérales des Thouarsais, il semblerait donc que les églises, et en particulier celle qui nous occupe, aient eu à pâtir considérablement des exactions républicaines.
Il n'en est heureusement rien. Dans son "Histoire de Thouars", Berthre de Bourniseaux prétend bien que "pendant la Révolution, l'église de Saint-Médard, abandonnée, a beaucoup souffert" et qu'elle "a longtemps servi de magasin et de fenil", mais ce ne sont là qu'affirmations sans preuves. Certes, à maintes reprises, la soldatesque a dû envahir le temple de Dieu, y loger, s'y établir victorieusement. Toutefois, les autels et les objets sacrés furent chaque fois respectés, et jamais l'église ne fut transformée en fenil, pas plus qu'elle ne fut fermée un seul jour au culte.
Du reste, il y avait à cela une raison que l'on ne saurait nier ; c'est que, dès 1790, l'abbé Goirand, curé de Saint-Médard en 1791, figurait dans les procès-verbaux de formation du corps administratif du district de Bressuire, et remplissait à la même époque les fonctions de "vénérable" de la loge franc-maçonnique de Thouars.
Le nouveau curé avait, en outre, prêté le serment schismatique exigé par la loi du 17 avril 1791, toutes choses bien faites, assurément, pour éviter au clergé de Saint-Médard, les vexations et les outrages dont un grand nombre de prêtres vendéens étaient alors victimes, notamment ceux de Noirlieu, de la Chapelle-Gaudin et de Noirterre, massacrés au mois de mars 1793 au moment de leur transport à l'île de Ré. M. Goirand dut sans doute à cette faiblesse et à son titre de Vénérable de la Loge de Thouars l'honneur de joindre à son titre de curé-prieur de Saint-Laon celui d'archiprêtre de Thouars.
D'après la tradition orale vivant encore chez quelques vieux Thouarsais heureusement doués, le prieur de Saint-Laon, malgré ses idées et ses attaches républicaines, malgré son oubli coupable des engagements les plus sacrés, n'échappa pourtant point aux violences des sectaires qui exploitaient la France à cette triste époque. Accusé de modérantisme, il fut chargé de chaînes, et on rapporte cette parole du serrurier occupé à lui mettre les fers aux pieds : "Tu cries, prieur, tais-toi, nous savons bien que ce ne sont pas là des bas de soie !"
Pour en finir avec l'abbé Goirand, nous devons dire encore qu'il se rétracta et fit amende honorable au moment du Concordat, puisque nous le retrouvons en 1803 curé de Saint-Laon et qu'en 1804 il fut installé définitivement curé de Saint-Médard et archiprêtre de Thouars. Il mourut en 1809, n'ayant laissé dans la mémoire de ses concitoyens d'autre souvenir que celui d'un apostat et d'un lâche. Détail typique, il conserva jusqu'à la fin l'habitude de signer les actes paroissiaux comme les francs-maçons les leurs, c'est-à-dire avec trois points en forme d'équerre.
Disons, enfin, qu'au commencement de la Révolution, en 1789, le curé de Saint-Médard était l'abbé Quétin, installé en 1755. Celui-ci est-il mort en 1791, ou son état maladif l'obligea-t-il à remettre à ses deux vicaires l'administration de la paroisse ? nous l'ignorons. Les registres de Saint-Médard, déposés aux archives communales de Thouars, donnent les noms de ces deux jeunes et courageux collaborateurs ; M. l'abbé d'Orléans, qui fut guillotiné à Saumur, et M. l'abbé Boussi, qui, après avoir émigré en Angleterre, vint reprendre son poste de vicaire de Saint-Médard en 1801 et fut nommé curé de Saint-Laon en 1804.
Le zèle de nos concitoyens et de leurs prêtres était d'ailleurs tant admiré en haut lieu qu'en 1792, après la fuite en Suisse de l'évêque de Poitiers, l'évêque constitutionnel des Deux-Sèvres, Joseph-Jean Mescadier, élu à Niort, le 28 novembre 1790, crut devoir visiter d'aussi libérales ouailles ... Le 6 mars, le nouveau Monseigneur fit son entrée dans la ville et complimenta tous les représentants et fonctionnaires conventionnels. On tira le canon en son honneur, si fort qu'il fallut ensuite payer 6 livres au canonnier Camus pour une telle orgie de poudre.
La même année, à la fin du mois d'août, la place Saint-Médard fut encore choisie pour l'accomplissement d'un acte de justice, mais cette fois de la part des bleus. A la bataille de Bressuire, le 24 août, le procureur-syndic Trotouin, de Thouars, avait déserté devant l'ennemi, alors que ses camarades tombaient en foule autour de lui. Le lâche fut obligé de faire amende honorable, en face le portail de l'église Saint-Médard, devant la garde nationale assemblée et presque tous les habitants accourus. Trotouin se vengea le lendemain en passant dans l'armée vendéenne, où il devint le major général de Stofflet.
Assurément, ce sont là des évènements que nous ne pouvions passer sous silence, mais qui n'ont aussi qu'un rapport de circonstance avec les dégâts qu'aurait pu subir l'église Saint-Médard sous la Révolution. Aussi bien, ces dégâts, les seuls dont il reste encore des traces et qu'enregistre la chronique, sont-ils imputables à une seule journée, celle du 5 mai 1793, c'est-à-dire de la prise de Thouars par La Rochejaquelein. Et l'on voit encore sur les murs de l'édifice des multitudes de trous provenant des balles vendéennes.
Extrait du livre : L'église Saint-Médard de Thouars (Deux-Sèvres) par Auguste Nayel.