L'ENFANT ET SON VIEUX DRAPEAU
J'entends le bruit lointain des armes
L'Europe se lève à grands cris
Lorsque par le sang et par les larmes
D'Orléans règne dans Paris
Souffrirons-nous que la superbe France
Lentement descende au tombeau
Qui hâtera peuple ta délivrance ?
Un enfant et son vieux drapeau.
Lorsque l'étendard régicide
Flotte insolemment sur la croix ;
Et que l'iniquité préside
Dans le sanctuaire des loix,
Quand l'anarchie image de la peste,
Nous menace de son fléau ;
Faut-il nous plaindre ? armons-nous ! il nous reste
Un enfant et son vieux drapeau.
L'humble artisan dont l'industrie
Se consume en son atelier ;
Le preux d'une antique patrie
N'a plus de toit hospitalier ;
Le favori des filles de mémoire,
S'éteint sur son docte flambeau ;
Qui nous rendra le bonheur et la gloire ?
Un enfant et son vieux drapeau.
Serrons nos rangs sur ce rivage
Où le rhin voit les fils du nord,
Saluer d'un houra sauvage
L'arbre planté sur notre bord.
A l'étranger disputons nos ruines,
Faisons-nous un destin plus beau,
Qui nous présage Austerlitz ou Bovines ?
Un enfant et son vieux drapeau.
Disciple d'un mentor auguste ;
Que le malheur n'a pas vaincu,
Il vivra grand, pieux et juste,
Comme ses ayeux ont vécu.
Si l'orphelin que notre amour seconde
S'empare du siècle nouveau,
Que nous faut-il pour étonner le monde ?
Un enfant et son vieux drapeau.
Mais si le combat recommence,
N'oublions pas pour nous venger,
Que des palmes de la clémence
La victoire aime à s'ombrager ;
Faisons aimer l'éclat du blanc panache
Dans la ville et dans le hameau,
Et qu'à jamais pour nous brille sans tache
Un enfant et son vieux drapeau.