M. LE MARQUIS DE BONCHAMPS - CEREMONIE FUNEBRE
CEREMONIE FUNEBRE
Qui a eu lieu à Saint-Florent, le 18 octobre 1817, jour où les restes du Marquis de Bonchamps ont été provisoirement transportés à la chapelle, sépulture de ses ancêtres ;
M. le marquis de Bonchamps, l'un des chefs les plus illustres de la Vendée, fut blessé à mort à la bataille de Cholet, en 1793. On le transporta à Saint-Florent, au moment où l'armée vendéenne effectuait le passage de la Loire. A ce moment, les républicains portaient le fer et la flamme dans les habitations du Bocage. Le Vendéen, jetant un dernier et douloureux regard sur son pays, voyait les sombres lueurs de ce féroce incendie ; les cris des enfans, des femmes et des vieillards qu'on massacrait, retentissaient jusqu'à lui. Le désespoir, l'indignation et la fureur s'emparèrent de l'armée. Elle emmenait avec elle cinq mille prisonniers républicains. Des transports de rage et de vengeance éclatèrent de toutes parts. Une artillerie meurtrière s'avançait ... Ils allaient périr ... On apprit à M. de Bonchamps l'exaspération de ses soldats. Il était expirant ... Rappelant ses forces défaillantes, il demanda, il ordonna que les prisonniers fussent épargnés, et rendit le dernier soupir ... La voix mourante du général fut entendue de ses braves frères d'armes. L'admiration succéda à la fureur, et l'armée Vendéenne, rendue à ses sentimens accoutumés, fit retentir, par acclamation, ces accens de miséricorde : Grâce ! grâce ! Bonchamps l'ordonne !
La mort de M. de Bonchamps répandit la consternation parmi les Vendéens. Ils perdaient un chef adoré. Les républicains la signalèrent comme une victoire ; elle les délivrait d'un redoutable ennemi. Mais Républicains et Vendéens, tous s'unirent pour rendre justice à ce héros, dont les grands talens, l'intrépidité rare et la touchante humanité étaient dignes d'une meilleure destinée.
Les cendres de M. de Bonchamps sont restées plus de vingt ans sans honneurs. La cause sacrée pour laquelle il avait péri, semblait perdue ; la France était veuve de ses Rois légitimes.
Ces temps de deuil ont disparu. Les petits-fils du Béarnais ont recouvré leur antique patrimoine. La Vendée, ses malheurs, son courage et sa fidélité sont rendus à leur gloire, et le monde entier qui l'admire, parle d'avance pour elle le langage de la postérité.
Les amis du Trône ont enfin pu rendre à la mémoire de M. de Bonchamps un hommage si justement mérité et si long-temps suspendu. Ils ont projeté un monument ; le Roi l'a autorisé, et une souscription s'est aussitôt ouverte.
M. le comte Arthur de Bouillé, gendre de M. de Bonchamps, a fait exhumer les restes de son beau-père, après avoir pris toutes les précautions qui assurent leur identité ; et le 20 de ce mois, ces restes précieux ont été transportés de la commune de Varades, dans l'église de la commune de la Chapelle-Saint-Florent, où ils sont déposés provisoirement, en attendant l'érection du monument qui doit les renfermer pour toujours.
A dix heures du matin, le cortège qui accompagnait le cercueil a traversé la Loire, et s'est dirigé vers la Chapelle-Saint-Florent. Un détachement de la légion de la Dordogne, en garnison à Angers ; plusieurs brigades de gendarmerie et un détachement de Vendéens armés, faisant aujourd'hui le service de la garde nationale, formaient la haie. Une foule immense de Vendéens non armés, de fonctionnaires publics, d'officiers de differens corps, de vieillards, de femmes et d'enfans, composait le cortège. A sa tête était M. le comte Arthur de Bouillé. On y remarquait M. le comte Charles d'Autichamp, pair de France, lieutenant-général, commandant la vingt-deuxième division militaire ; M. le baron de Wismes, préfet de Maine-et-Loire ; M. le chevalier d'Andigné, pair de France, maréchal-de-camp, commandant ce département ; M. le vicomte de Serrant, lieutenant-général ; M. le chevalier de Fleuriot, maréchal-de-camp ; M. de Romain, inspecteur des gardes nationales de Maine-et-Loire ; M. de Maquillé, colonel de la garde nationale d'Angers ; M. le marquis de la Roche-Bousseau, colonel de la sixième légion de gendarmerie royale ; M. le marquis de Civrac, colonel de la légion de Maine-et-Loire ; M. le baron de Montgardet, colonel du régiment des chasseurs des Vosges, etc. etc. etc.
Le cercueil était porté par d'anciens Vendéens, soldats de l'armée de M. de Bonchamps, fiers à la fois et d'avoir vaincu sous ses ordres, et de leurs vieilles cicatrices conquises au service de l'antique monarchie, et du noble dépôt qui leur était confié. Quelques-uns d'entre eux l'avaient porté expirant, quand il traversa la Loire. Des pleurs involontaires trahissaient ce cruel souvenir. La marche lente et silencieuse du convoi ; l'aspect de ces champs vendéens, théâtre de tant d'infortunes et de tant de gloire ; le souvenir du général, de sa bonté, de sa popularité, de sa vaillance ; la présence des braves qu'il conduisit si souvent à la victoire ; les chants funèbres d'un nombreux clergé, et les roulemens de tambours retentissant par intervalles, à ces stations pieuses, où tous les assistans, à genoux, invoquaient les bénédictions célestes, tout imprimait à cette auguste cérémonie un caractère douloureux et sombre, dont les coeurs étaient profondément émus.
Arrivé à l'église, le cercueil a été placé en face de l'autel. Une messe des morts a été chantée. M. le curé de Montrevault a lu l'éloge du général. Cet éloge, écouté avec recueillement, a rappelé aux Vendéens les vertus de M. de Bonchamps, son amour pour ses soldats, sa sollicitude pour leurs besoins, le courage avec lequel il affrontait les dangers, sa modestie dans les succès, sa supériorité dans les revers, cette active prévoyance qui ne laissait rien au hasard, et ce génie si fécond en ressources, qui tant de fois maîtrisa la fortune. A ce nom vénéré de Bonchamps, au récit de leurs anciens exploits, ces vétérans de l'honneur et de la foi ont tout à coup repris l'attitude audacieuse et fière qu'ils avaient au jour des combats ; et sur ces figures mâles et sévères, où brillait tant d'énergie, on pouvait reconnaître que les plus constans amis de l'Autel et du Trône en ont été les plus intrépides défenseurs.
Bons Vendéens ! la Providence divine a entendu vos voeux ; elle a récompensé vos efforts. Un fils de saint Louis règne sur vous ; le culte de vos pères vous est rendu ; et les nobles champs de la Vendée, devenus l'orgueil de la France et l'héritage glorieux de l'histoire, seront désormais salués par elle la Terre sacrée de la Fidélité !