JACQUES-ÉTIENNE DE LA GRANGE-GOURDON, COMTE DE FLOIRAC (1755 - 1842)
JACQUES-ÉTIENNE DE LA GRANGE-GOURDON, COMTE DE FLOIRAC
Le comte de Floirac, noble et dévoué royaliste est décédé à Paris (10e), 89 rue du Bac, le 22 janvier 1842, à l'âge de 86 ans.
Né le 26 décembre 1755 à Lavercantière (46), baptisé le 31 décembre, il fut d'abord page de Monsieur, et placé ensuite dans le régiment de dragons de ce prince. Il était capitaine dans ce corps en 1789, lorsque M. le comte, depuis duc de Damas, le choisit pour commander le détachement qui devait accompagner le Roi et la famille royale à partir de Clermont en Argone, lors du voyage de Varennes. Arrêté avec M. de Damas et emprisonné, il ne dut sa liberté qu'à l'amnistie que le Roi eut en quelque sorte la permission d'accorder, après l'acceptation de la constitution de 1791.
Il fit la campagne de 1792, à l'armée de Coblentz, dans l'état-major de l'armée commandée par le maréchal duc de Broglie. Plus tard, retiré en Allemagne, il avait obtenu de s'embarquer pour rejoindre le régiment d'Hervilly, qui se formait pour l'expédition de Quiberon ; mais, pris par un corsaire français, il fut conduit à Dunkerque, se nomma, et on le dirigeait sur Périgueux, pour y être jugé comme émigré, quand il parvint à s'évader, retourna en Allemagne, et fut chargé de diverses missions de confiance par Louis XVIII.
Revenu en France, à Lyon d'abord, et ensuite à Versailles, il fut décrété de prise de corps lors de la conspiration de Pichegru. On arrêta à sa place le marquis de Galard-Terraube, qui était à la fois son ami et le gendre de Mme de Floirac, née de La Ferronnays. Dès que M. de Floirac fut instruit de ce fait, il se livra, dégagea M. de Galard, et fut conduit à l'Abbaye, où il resta quatre mois.
En 1814, Louis XVIII le nomma préfet du Morbihan. Dans les Cent-Jours, il fut un des commissaires nommés par le Roi dans la Bretagne. A la seconde Restauration, sa préfecture ne lui ayant pas été rendue, le département sollicita sa réintégration, et le Roi, pour tout concilier, le nomma commandant du département du Morbihan.
Quatre mois plus tard, le comte de Floirac passa à la préfecture de l'Hérault. M. Decases ayant envoyé au nouveau préfet l'ordre de nommer une personne que, dans son âme et conscience, M. de Floirac jugeait devoir compromettre les intérêts de la monarchie, celui-ci refusa de la nommer. On le destitua en alléguant que son catholicisme profond effrayait les protestants, si nombreux dans ces provinces. Un événement remarquable vint bientôt faire justice de cette allégation ; aux élections qui suivirent la destitution de M. de Floirac, les électeurs des deux religions, les royalistes, qui aimaient en lui l'homme selon leur coeur, les républicains, qui respectaient en lui l'homme qui avait apporté des soins paternels à l'adoucissement du sort des prévenus politiques, tous enfin se trouvèrent d'accord à porter sur lui leurs suffrages. On était en 1822.
Il fut bientôt après nommé préfet du département de l'Aisne, et pendant qu'il remplissait cette fonction, MM. Odillon-Barrot et le général Sébastiani, ayant entendu dire qu'il avait reçu l'ordre de les rayer de la liste des électeurs, et étant venus l'interroger à ce sujet, il leur répondit qu'il les y maintiendrait suivant leur droit, ne voulant rien faire d'injuste, mais qu'il devait les avertir que, quant à leur élection comme députés, il s'y opposerait de toute son influence, parce qu'il la croyait dangereuse.
Il occupa la place de préfet de l'Aisne jusqu'à la fin de 1828 : Charles X alors l'appela au conseil d'état en qualité de conseiller en service ordinaire.
Bientôt la révolution de juillet éclata. A ce coup, qui abattit plus d'un courage, le comte de Floirac releva la tête. Il prévit la persécution et se prépara à la recevoir comme une amie de jeunesse qu'on retrouve dans ses vieux jours. Appelé dans les conseils légitimistes, sa droiture, sa fermeté unie à un jugement sain et à un esprit plein de modération, furent appréciées. Le temps des épreuves arriva bientôt, le gouvernement fit faire une visite domiciliaire chez le comte de Floirac ; une lettre attribuée à la duchesse de Berry, et qu'on trouva chez lui, motiva son arrestation. Ce fut une chose touchante que de voir la joie qui brillait dans les yeux du vétéran de la fidélité, à travers l'expression de la douleur qu'il éprouvait en quittant sa vertueuse compagne ; on eût dit que retrouvant la force en même temps que les épreuves de ses premières années, il remerciait Dieu de lui avoir donné le privilège de souffrir pour la cause du principe monarchique, sous deux révolutions.
Une circonstance rendit son emprisonnement particulièrement odieux. Mme de Floirac, âgée de plus de 80 ans, tomba malade de saisissement, lorsqu'elle vit son mari arrêté. Bientôt le danger devint imminent ; cependant la rigueur du pouvoir ne se relâcha point. Un jour, la maison qui touchait celle de la malade fut drapée de noir, pour la mort d'une personne qui l'habitait. Le bruit se répandit que Mme de Floirac avait succombé à sa douleur ; la nouvelle en vint jusqu'à la Bourse, où elle fit sensation. Le gouvernement, cédant à l'indignation générale, donna l'ordre de conduire M. de Floirac auprès de la malade. Sa présence, comme un charme puissant, sembla rendre Mme de Floirac à l'existence, et depuis, elle retombait ou renaissait à la vie, selon que le vénérable objet de ses tendres affections s'éloignait ou se rapprochait d'elle. Au bout de quatre mois, une ordonnance de non lieu rendit définitivement M. de Floirac à la liberté.
Dans le cours de l'année passée, la mort, qui pouvait seule rompre des liens si étroits, vint frapper Mme de Floirac. En mourant, ce ne fut pas un adieu qu'elle adressa à celui qu'elle avait tant de peine à quitter, ce fut un prophétique rendez-vous : "Mon ami, lui dit-elle, consolez-vous, nous ne tarderons pas à nous rejoindre ; je vous appellerai à moi dans peu." La prophétie de Mme de Floirac s'est réalisée : M. de Floirac vient d'aller la rejoindre auprès de Dieu.
L'Hermine : journal de la Bretagne et de la Vendée - 26 février 1842
Charlotte-Pierrette FERRON DE LA FERRONNAYS
née à Paris en 1755
veuve en 1ères noces de Marie-Yves, marquis de Goulet.
mariée à Jacques-Étienne, comte de Floirac, à Versailles, le 3 juin 1808,
décédée à Paris (10e arr.) le 11 mars 1841 à l'âge de 86 ans.
Ils furent inhumés dans le cimetière du sud (Montparnasse)
AD46 - Registres paroissiaux de Lavercantière
État-civil de Paris