SAUMUR (49) THOUARS (79) - DENIS JOUANNE, PRIEUR-CURÉ D'ARGENTON-CHÂTEAU (1742 - 1800)
Le dernier prieur-curé d'Argenton, M. Denis Jouanne, avait été baptisé à Saumur, paroisse Saint-Pierre, le 22 décembre 1742 ; il appartenait à une famille de notaires de cette ville.
Après avoir été quelque temps vicaire de son oncle Toussaint Jouanne, il lui avait succédé comme prieur-curé d'Argenton (à partir de 1776) ; il ne comparut pas à l'Assemblée du clergé du Poitou en 1789 et se fit représenter par M. Jean-François Frère, sous-chantre et chanoine de Sainte-Radegonde de Poitiers.
M. Denis Jouanne prêta le serment à la Constitution Civile et celui de Liberté-Égalité. Après la seconde prise d'Argenton par les Vendéens, à la fin de février 1794, il suivit à Thouars les patriotes argentonnais qui se réfugiaient dans cette ville et y vécut sans exercer le saint ministère dans la compagnie de son frère Jacques-Claude Jouanne des Landes.
Une note de police du 25 vendémiaire an VI (16 octobre 1797) nous apprend que "Jouanne Denis, âgé de 55 ans, n'exerce pas et (que) sans avoir donné des preuves d'attachement à la République, il s'est cependant toujours montré paisible et ami de l'ordre". Il fit son testament le 28 brumaire an IX (19 novembre 1800) ; on y lit : "que par rapport aux actes de religion, en ce qui concerne ses obsèques, il s'en remet à la piété et à la prudence du citoyen Jean-Claude Jouanne des Landes, son frère, demeurant avec lui".
Denis Jouanne mourait peu de temps après, le 4 frimaire an IX (25 novembre 1800), comme le constate l'acte de décès dressé à la mairie de Thouars par Audebert, adjoint au maire de la ville de Thouars. Les paroles testamentaires de Denis Jouanne ne contiennent malheureusement pas d'allusions à une rétractation de ses serments.
L'État du clergé du diocèse de Poitiers, dressé en 1800, parle de lui en ces termes : "Deslandes, prieur d'Argenton-Château, "jureur (schismatique) résident à Thouars". Le mot schismatique ayant été ajouté plus tard, le dernier prieur de Saint-Gilles serait donc mort dans le schisme constitutionnel.
Son frère, qui testait à son tour en messidor an X, exprimait des sentiments religieux plus accentués.
Un autre prêtre de la même famille, M. Toussaint-Antoine Deslandes, avait honoré autrement son sacerdoce, nous le trouvons déporté en Espagne en 1796. Il s'y rencontra avec le prieur d'Étusson, M. Réthoré, à la Corogne et signa avec lui la supplique adressée à Pie VI. (Argenton-Château - par l'abbé Gustave Michaud)
Le 13 mai 1791,les dépendances du ci-devant prieuré-cure d'Argenton-Château, consistant en une maison et dépendances, 4 boisselées de pré et deux pièces avec un côteau joignant l'une des dites pièces, 2 boisselées de luzerne, 15 boisselées de terre labourable, le tout situé à Argenton-Château, le Breuil et Boesse, estimé 2.303 livres, 15 sols, furent vendus par l'État 7.225 livres à Jacques Thibault.
Le 28 prairial an IX, l'emplacement, les débris et matériaux du ci-devant prieuré d'Argenton-Château incendié, un petit bâtiment de deux chambres, avec jardin, le tout provenant du ci-devant clergé, furent vendus pour l'État 89.000 francs à René, Augustin Perreau et à Jacques, Reine, Charles, Louis Deligny, demeurant à Argenton-Château.
Les archives de la paroisse nous apprennent dans quelles conditions ces deux citoyens firent l'acquisition de l'ancien prieuré. Les conseillers municipaux d'Argenton, voulant conserver le presbytère, mandatèrent les citoyens Perreau, maire de la commune et Deligny, membre du conseil municipal à l'effet d'acheter la maison curiale, "afin de conserver à la commune le seul moyen qu'elle avait de loger le pasteur que dès lors elle désirait" (1801) Ces messieurs offrirent à leurs collègues leur billet de garantie ; par confiance en leur probité, le conseil municipal le refusa. Prêtant leurs noms à la commune les citoyens Perreau et Deligny devinrent adjudicataires du prieuré, ils firent valoir leur mission auprès des citoyens Saugé et Testreau des Aubiers pour les détourner de mettre des enchères ; ils en payèrent le prix par le produit de la vente de la terre du jardin dépendant de la maison. Cette terre vendue comme engrais à non seulement suffi pour solder le montant du prix de l'adjudication, mais encore à faire une grande partie des réparations de la maison brûlée pendant la guerre de la Vendée. Ainsi les adjudicataires n'avaient rien eu à débourser ; le citoyen Perreau disait cependant avoir fait quelques avances qui ont été employées dans les réparations de la maison et en réclamait le remboursement. Le conseil municipal reconnaissait la justice de cette réclamation à la condition que les preuves de ces avances lui fussent faites.
Les citoyens Perreau et Deligny entreprirent ensuite de se réserver chacun les parties de l'ancien prieuré qui leur convenaient, déclarant vouloir en payer la valeur au profit de la commune. A l'appel fait de sa probité le citoyen avait d'abord déclaré à ses collègues du conseil municipal qu'il se désistait de sa prétention. Le citoyen Deligny persistait à se conserver la partie qu'il disait lui convenir, c'est contre cet abus de confiance que les membres du conseil municipal réclamèrent auprès du Préfet, faisant appel à sa justice, ils exprimèrent le voeu de tous les habitants de la commune, "vous suppliant citoyen Préfet, de les autoriser à se mettre en possession de la totalité du presbytère, vous leur faciliterez le seul moyen qu'ils aient de donner au curé de leur paroisse un logement convenable et décent". Cette déclaration du 9 germinal an XII (1804) est signée : Renaudin, Bodin, Renaudet, Bréard, Jublin, Voisine, Girard, Gobron, Joguet et Montault, adjoint.
Perreau et Deligny qui ne voulaient pas lâcher leur proie écrivirent au Préfet qu'ils avaient acquis d'après la Loi et la forme voulue par elle et qu'on devrait leur savoir gré d'avoir cédé pour rien au conseil municipal la très grande majorité de leur acquisition tant pour faire une salle d'audience de la justice de paix avec maison de détention que pour le logement du curé et même d'avoir contribué avec le produit des terres du jardin au rétablissement de la maison curiale, alors qu'ils auraient pu tout garder, vendre les terres à leur profit et ne céder que l'emplacement. "Ils font appel au gouvernement pour qu'on n'inquiète pas les acquéreurs de domaines nationaux" (15 floréal an XII).
Les citoyens Perreau et Deligny avaient trouvé la formule salvatrice, ils obtinrent gain de cause contre leurs dix collègues ; leur probité sortait de cette affaire assez fortement entamée ; ils n'en avaient cure ... mais ils avaient la cure. Ceci explique la singulière situation du presbytère actuel. (Argenton-Château et ses environs par l'abbé Gustave Michaud)
Les parents de l'abbé Jouanne, Étienne-Toussaint, notaire royal, et Madeleine Bineau s'étaient mariés à Saumur, paroisse Saint-Pierre, le 15 juillet 1732.
De cette union étaient nés :
- Etienne-Jacques, né à Saumur, paroisse St-Pierre, le 12 avril 1733 ; marié à Saumur, même paroisse, le 22 mai 1758, avec Perrine Hubert ;
- Magdeleine-Françoise, née à Saumur, paroisse St-Pierre, le 25 juin 1736 ; mariée à Saumur, même paroisse, le 19 juin 1764, avec Jean Pignier ; décédée à Saint-Cyr-en-Bourg, le 6 frimaire an III (26 novembre 1794), à l'âge de 57 ans ;
- Marie-Jeanne, née à Saumur, paroisse St-Pierre, le 26 février 1739 ; mariée à Saumur, même paroisse, le 23 juillet 1765, avec Charles-Pierre Bedasne, ingénieur ; décédée à Varrains (49), le 8 mai 1820 ;
- Jacques-Claude (Jouanne des Landes) ; né à Saumur, paroisse Saint-Pierre, le 24 février 1740 ; notaire ; décédé à Thouars, le 14 floréal an X (4 mai 1802) ;
et Denis.
Son père ,Étienne-Toussaint, né à Saumur, paroisse St-Pierre, vers 1700, notaire royal, est décédé au même lieu, le 20 mars 1768.
Sa mère, Madeleine Bineau, née à Saumur, paroisse St-Pierre, le 11 août 1708, a été inhumée dans l'église du même lieu, le 26 janvier 1751.
AD49 - Registres paroissiaux et d'état-civil de Saumur
AD79 - Registres d'état-civil de Thouars