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La Maraîchine Normande
5 novembre 2024

ANNE-FRANÇOISE-HIPPOLYTE BOUTET DITE MADEMOISELLE MARS

melle mars portrait z

 

ANNE-FRANÇOISE-HIPPOLYTE MARS naquit non pas à Paris le 9 février 1779 mais à Rouen, le 20 décembre 1778, le lendemain du jour où Marie-Antoinette mettait au monde Marie-Thérèse-Charlotte, plus tard duchesse d'Angoulême et Dauphine. Elle était fille de Jacques-Marie Boutet, connu à la scène française sous le nom de Monvel, et de Jeanne-Marie Salvetat dite Mars, actrice de province, très médiocre mais fort belle, qu'au théâtre on nommait madame Mars.

 

L'erreur de date est venue de ce qu'en effet, Hippolyte Mars fut baptisée à Paris le 10 février 1779 dans l'église Saint-Germain-l'Auxerrois : l'extrait de baptême la dit née de la veille ; il ne faut pas s'en étonner ; on sait avec quelle négligence étaient alors tenus les registres de l'état-civil confiés au clergé des paroisses. Dans celui-ci, le père signe seulement de son premier nom et s'intitule "bourgeois de Paris" ; Jeanne Salvetat y est déclarée "son épouse". N'étant point mariée, elle aurait pu l'être effectivement, et n'en perdit totalement l'espoir qu'au moment où Monvel, appelé en Suède par le souverain du pays, prit pour femme la fille d'un ancien comédien, pensionnaire du roi, nommé Cléricourt. La date du 20 décembre 1778 se trouve décidée par la pension de cinq cents francs accordée à tous les enfants nés en même temps que Marie-Charlotte, pension payée par les Bourbons à Mademoiselle Mars jusqu'en 1830, époque à laquelle on la supprima. Une autre preuve se tire de la plaisanterie que faisait souvent Monvel en disant que l'on avait tiré le canon à la naissance de sa fille. Les défenseurs de la date de 1779 prétendent qu'elle désignait l'époque des relevailles de Marie-Antoinette, sans songer que l'on ne tire pas le canon pour les relevailles.

 

L'artiste, qui devait plus tard obtenir une si juste et si grande célébrité, parut d'abord dans des rôles d'enfant sur le théâtre de Versailles, dirigé par mademoiselle Montansier. Les pièces où se montrait Hippolyte étaient pour l'ordinaire des "divertissements", introduits alors assez fréquemment dans certains ouvrages sur les théâtres de province.

 

A treize ans, elle jouait les rôles de "l'Amour et du Plaisir" dans des pièces allégoriques dont sa charmante figure assurait le succès.

 

En 1795, mademoiselle Mars, âgée de dix-sept ans, quittait le théâtre Montansier pour entrer dans la portion de l'ancienne troupe dite de la Comédie-Française, qui s'était, en 1791, séparée du théâtre de la République et donnait ses représentations dans la salle de la rue Feydeau. De cette époque datent les véritables débuts de Mars à la Comédie-Française.

 

Elle y joua d'abord la tragédie avec peu de réussite. La faiblesse de sa voix, et même, en dépit des premiers succès dont son enfance avait été favorisée, les moyens bornés qu'on lui supposait, l'empêchèrent de persister. A l'égard de la comédie, ses premières apparitions ne semblaient non plus, sous aucun rapport, annoncer un brillant avenir. Avec le temps, il fallut cependant lui reconnaître de l'intelligence ; mais, disait-on, elle la réservait pour l'intimité. A son entrée dans l'adolescence, elle avait perdu la gentillesse enfantine, tout en restant d'une maigreur excessive ; son visage n'avait aucune fraîcheur ; elle se tenait mal, portant les bras accolés au corps et les coudes en arrière ; elle manquait d'ailleurs de distinction, s'habillait bourgeoisement et se laissait comparer à "une petite demoiselle de boutique allant à la messe le dimanche". Cette beauté, cette splendeur, ce noble port, cette aisance dans la tournure et les manières, qui contribuèrent si puissamment à ses succès, ne datent point de sa première jeunesse. Ce fut seulement à l'âge de trente ans qu'elle posséda complètement ces précieuses qualités extérieures, qui, au moment où elle paraissait sur la scène, la faisaient applaudir avant même qu'elle eût ouvert la bouche.

 

Les vieux habitués de la Comédie-Française qui, durant le dernier quart du dix-huitième siècle, avaient applaudi l'admirable troupe, formée alors dans son entier d'une réunion de talents de premier ordre, possédaient un goût trop délicat et un jugement trop exercé pour n'avoir pas compté parmi les plus chaleureux appréciateurs du talent de Mars dans les rôles d'ingénues et de jeunes premières, mais c'était surtout dans ceux des grandes coquettes qu'on l'attendait. A peine avait-elle trente ans que l'on avait commencé à raisonner sur son âge, à ne la trouver plus jeune. On semblait vouloir la pousser de force dans l'emploi des "maturités" ; elle ne se fit point prier pour y entrer, lorsqu'en 1809 mademoiselle Contat eut pris sa retraite.

 

On peut ainsi diviser la vie théâtrale de Mars en trois périodes : la première datant de ses débuts jusqu'à l'époque où elle aborda les grandes coquettes ; la seconde dans laquelle ces derniers rôles vinrent donner un nouveau caractère à des triomphes ininterrompus ; la troisième où elle parut enfin dans ce que l'on a nommé le "drame moderne".

 

Mars avait fait partie de la société nouvelle formée par suite de la réunion des deux théâtres français en 1802 ; elle ne la quitta que pour ses excursions dans les départements, qui étaient de véritables marches triomphales.


Au temps des grandes prospérités de Napoléon, elle alla jouer en Allemagne en présence des souverains dont il avait prétendu faire le rempart d'un trône qu'ils ne tardèrent pas à renverser. Elle fit aussi, peu de temps avant sa retraite, une courte apparition dans la haute Italie.

 

 

Sous la Restauration, Mars eut le tort de manifester des opinions politiques et des regrets du précédent régime qui jetèrent sur elle un ridicule d'autant plus mérité, qu'outre une pension que lui avait assignée Louis XVIII, elle ne se faisait aucun scrupule de recevoir du même souverain de magnifiques cadeaux. On mit à cette époque dans la bouche de l'actrice de prétendus bons mots qu'elle n'avait jamais prononcés, mais elle avait réellement assez parlé pour qu'un soir le public l'ait, au théâtre, forcée à crier : Vive le roi ! ce qu'elle fit d'assez mauvaise grâce. Quand Louis-Philippe monta sur le trône, on la trouva de meilleure composition.

 

Bien des fois, on avait annoncé sa retraite, qu'elle prit enfin le 31 mars 1841, après avoir été couronnée sur la scène au bruit des applaudissements et des cris inspirés par le plus sincère enthousiasme, qu'on vit se reproduire de nouveau à la représentation donnée à son bénéfice le 7 avril suivant. Ce fut la dernière fois qu'elle joua les rôles de Célimène du Misanthrope et d'Araminthe des Fausses confidences.

 

La part de sociétaire dont elle jouissait depuis son entrée à la Comédie-Française, les feux, les suppléments de traitement, les pensions d'une part, et, de l'autre, les somptueux et innombrables cadeaux reçus des souverains, des princes, des ministres et de quantité de riches particuliers, avaient de bonne heure procuré à l'actrice un renom de beaux moyens d'existence ; tant qu'elle fut au théâtre, de même qu'après sa retraite, il y eut toujours chez elle un luxe d'excellent goût et une sage magnificence.

 

Madame Mars, qui, tant qu'elle vécut, administra la maison de sa fille, l'avait de bonne heure habituée à l'ordre et à la régularité en lui inspirant surtout l'aversion du gaspillage. Aussi, malgré les brillantes fêtes qu'elle donna et les dépenses journalières d'une maison richement montée, possédait-elle une grande fortune, sans parler des diamants dont elle se montrait couverte aux grandes occasions. On estimait son écrin au delà de deux cent mille francs, et plus d'une fois, il tenta la cupidité des voleurs. Pour se soustraite aux inquiétudes de ce genre, elle prit le parti de tout vendre, et n'en fut pas moins dévalisée par un de ses domestiques. Elle ne put reprocher qu'à elle-même une brèche plus considérable faite à son avoir par suite de pertes à la Bourse : sur la fin de sa vie, elle se jeta dans ces hasardeuses spéculations avec une sorte de fureur ; elle avait, de plus, fait des prêts d'amitié fort considérables et n'avait point été remboursée ; elle supporta ces revers avec courage et sut restreindre ses dépenses sans diminuer ses aumônes qui avaient toujours été abondantes et sagement distribuées.

 

En dépit de ses pertes, que l'on a sans doute exagérées, elle laissait à sa mort une fortune évaluée à huit cent mille francs. Son testament, daté de 1838, année de son voyage en Italie, causa une vive surprise à plusieurs personnes qui prétendaient n'avoir pas mérité d'y être oubliées. Son intention était de le retoucher ; mais, par une faiblesse assez commune, elle avait peur que cette précaution ne hâtât l'instant fatal qu'elle redoutait vivement et dont chacun évitait avec soin de l'entretenir. Dans cet écrit, la testatrice assignait quelques legs peu importants à différentes personnes, donnait à d'autres quitus de sommes qui lui étaient dues, et enfin constituait légataire universel de ses biens un fils qu'elle avait eu cinquante ans auparavant et que, par une de ces bizarreries de famille qu'il est fort inutile de chercher à pénétrer, elle avait toujours tenu éloigné et qu'elle ne voulut même jamais voir. Au moment où sa mère cessa de vivre, il occupait un emploi subalterne dans une maison de banque. Ne s'étant point souciée de ce fils pendant sa vie, elle avait apparemment voulu le dédommager à sa mort.

 

Mars habitait le plus souvent Paris, mais elle avait toujours conservé une prédilection pour l'ancienne résidence royale où son enfance avait goûté la première fois le bonheur des applaudissements. Elle possédait à Versailles deux maisons et ne manquait jamais d'y passer quelque temps chaque année. Désespérée de vieillir, et, selon sa propre expression, rencontrant à chaque pas des "calendriers vivants" en plusieurs personnes connues d'elle depuis bien des années, elle ne faisait presque aucune visite. D'ailleurs, plus de dix ans avant sa retraite du théâtre, le soin de sa beauté l'avait soumise à un régime des plus sévères. "La Faculté, disait-elle, à ce sujet, ne badine point ; il lui importe peu qu'on vive mal, pourvu qu'on ne meure pas."

 

Elle finit par ne plus sortir de sa maison, n° 13 rue Lavoisier, et c'est là qu'elle expira le 20 mars 1847.

 

 

J.-A. DE LAFAGE
Historia - 3e année - 20 mars 1912

Portrait réalisé par François-Joseph Kinsoen (1771 - 1839) - Mademoiselle Mars, the celebrated French Actress - Bowes Museum

État-civil de Paris

Second portrait : Anthelme François Lagrenée (français, 1774 - 1832)

 

 

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