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La Maraîchine Normande
3 juin 2023

SAINT-ANDÉOL-DE-FOURCHADES (07) - JEAN-PIERRE-FRANÇOIS CHANÉAC, DIT LE GRAND CHANÉAC (1759 - 1841)

UN CHOUAN DES HAUTES BOUTIÈRES
JEAN-PIERRE-FRANÇOIS CHANÉAC

le clapas carte

Fils de Jean-Pierre, propriétaire, et de Marie-Anne Ville, Jean-Pierre-François Chanéac est né à Saint-Andéol-de-Fourchades, le 11 décembre 1759.

Jean-pierre-François fit d'abord des études en vue d'être prêtre, puis renonça à s'engager dans cette voie et s'intéressa d'une façon particulière à la médecine. Son frère, Jean-Antoine, qui mourut en 1784, était fiancé à Marie-Anne-Claire Vialle, du lieu du Chaumélias, paroisse de Sainte-Eulalie. François Chanéac épousa cette jeune fille le 26 février 1786 et le contrat fut passé le 29 février par Me Moulin, notaire de Burzet. Claire Vialle avait alors 23 ans, étant née au Chamélias le 10 décembre 1763, fille de Jean-Baptiste Vialle et de Marianne Surel, du Chaumélias.

Celui qui allait devenir le chouan célèbre habita d'abord le Clapas où, à la suite de son père, il fut fermier de l'ancien seigneur de St-Martial. Avec la Sucheyre, François Chanéac posséda aussi la ferme voisine de Gombert. Il hérita en 1789 de son oncle maternel et parrain, l'abbé François Ville, chapelain de Ste-Eulalie. Il posséda également le domaine de Vallier, paroisse des Sagnes et celui de Valleyras, paroisse de Lachamp-Raphaël, mais dans la suite il revendit ces deux propriétés. Il aurait pu, dit-on, pendant la Révolution acheter le domaine du Clapas "pour la valeur d'une paire de boeufs", mais il préféra le conserver à l'ancien seigneur de St-Martial, Pierre-Julien de Ronchol, seigneur de Baumes.

Après la mort de Louis XVI, François Chanéac ne voulut pas se rallier à la République et, quand les prêtres et les nobles furent traqués, il ne craignit pas de leur donner asile aux Sucheyres et à Gombert. Il est de tradition dans la famille Besson, du lieu de Lagarde (Sainte-Eulalie), qu'à diverses reprises il vint prendre au Bleynet l'abbé Besson pour le soustraire aux recherches des "Bleus". Au dire de certains parents il se serait trouvé à Lyon, où il faisait ses études, lors du soulèvement royaliste ; il aurait été témoin des scènes sanglantes qui s'y sont déroulées en 1793 et il aurait pris alors la résolution de retourner dans son pays afin de s'y mettre à la tête d'une bande de "Blancs".

CHOUANS 4

Il sut bientôt rallier autour de lui des amis toujours fidèles et dévoués. Intelligent, adroit, rusé, vigoureux, connaissant admirablement son pays d'accès difficile, aidé et jamais trahi par les habitants du voisinage, il avait tout ce qu'il fallait pour réussir dans cette petite guerre. La sympathie de ses concitoyens lui fut vite acquise ; ils voyaient en lui le protecteur de la religion, des bons prêtres et de toutes les victimes de la Révolution. Les mécontents étaient alors nombreux, surtout après les lois sur le recrutement forcé, et tout naturellement ils se groupèrent autour de celui qui avait les qualités d'un chef. Il cherchait d'ailleurs à faire respecter les biens et les personnes de tous ceux qui n'avaient pas d'attache avec la République. Il ne craignait pas, à l'occasion, d'en imposer à ceux qui étaient de vulgaires brigands. On raconte qu'un aïeul des Descours du lieu du Tombarel, un riche marchand de boeufs, fut, le matin d'une foire de Mézilhac, arrêté près du Clapas par des brigands. Le Grand Chanéac, qui passait à ce moment, leur ordonna de relâcher ce marchand en disant qu'il était de ses amis et qu'il devait veiller à sa sauvegarde ; les brigands intimidés lui obéirent.

chouans 5 z

Il était de haute taille, d'aspect imposant ; on le voyait apparaître tout-à-coup, tantôt à pied portant sur son épaule le grand fusil de l'époque, tantôt sur sa belle et intrépide jument noire appelée "La Vendée". Il sut échapper aux multiples embûches qui lui furent tendues et joua plus d'un tour aux troupes républicaines envoyées contre lui. Sa réputation devint bientôt légendaire ; il passait pour être invulnérable et ses compagnons d'armes disaient qu' "il levait le feu". On sait que les grenadiers de l'illustre La Tour d'Auvergne, le commandant de la colonne infernale, appliquaient à leur chef en 1794, une expression semblable en disant qu'il "charmait les balles".

François Chanéac était réputé aussi connaître le secret pour guérir les blessures ; on venait très souvent le consulter comme s'il était un véritable médecin.

Ses ruses et ses moyens de défense étaient multiples et son sang froid à toute épreuve. Il voyageait sous les déguisements les plus divers, parfois sous les apparences d'une femme.

le clapas z

 Le Clapas

Il avait, dit-on, fait creuser dans les bois, près du Clapas, une galerie souterraine qui lui permettait aisément de se cacher et de s'enfuir. On montre aussi dans le bois près de son habitation une petite grotte qui lui servait de cachette. Enfin il avait la ressource de se rendre dans les gorges de l'Enfer où nul ne pouvait le relancer. Au Clapas, comme aux Sucheyres et à Gombert, il était convenu qu'en cas de danger un linge blanc bien visible devait être pendu à une fenêtre ou aux abords ; il était ainsi prévenu à temps quand il y avait péril.

Connaissant bien ses concitoyens, il avait établi un véritable plan de mobilisation, fixant à l'avance ce que chaque famille devait fournir en cas de besoin, nombre de personnes mobilisables, nombre de chevaux, denrées à réquisitionner, point de rassemblement, etc. Il semble bien que François Chanéac ne prit pas part aux combats des royalistes en Bas Vivarais, mais qu'il resta dans la région du Clapas à faire la petite guerre avec une troupe peu nombreuse. Toutefois, ainsi qu'il sera expliqué dans la suite, un rassemblement de troupes royalistes du Vivarais et du Velay en vue d'une action de grande envergure avait été projeté en 1797 au Clapas et dans les alentours ; Chanéac devait y jouer un rôle de premier plan, mais ce projet ne put être mis à exécution.

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Avant d'examiner ce que relatent les manuscrits et les pièces officielles qui se rapportent à l'action de François Chanéac, nous allons laisser parler la tradition et la légende après avoir soigneusement recueilli les anecdotes transmises par les anciens.

Un jour que Chanéac revenait d'une expédition à la tête de sa petite troupe, il rencontra vers le Béage un convoi de mulets appartenant à un aubergiste de Burzet surnommé Marat à cause de ses idées révolutionnaires ; le chargement du convoi était considérable, riz, sel, vin, ainsi que des harnais. Le chouan s'empara de ces divers produits qui lui assuraient le ravitaillement et l'équipement de sa troupe aux frais d'un pur Jacobin.

Cependant, il ne fit aucun mal aux muletiers et renvoya à Marat ses mulets nus. Marat jura de se venger et promit à sa mère, l'hôtesse de Burzet, de lui apporter la tête de Chanéac qui avait été mise à prix. Une expédition fut organisée ; la garde nationale de Burzet et celle de La Bastide de Juvinas devaient, chacune de leur côté, se diriger sur le Clapas. La garde de La Bastide, arrêtée par les amis de Chanéac dans les bois dee Cuze, ne put aller plus loin. Marat, à la tête de quatre-vingts hommes de Burzet bien armés, rencontra Chanéac qui n'avait avec lui que quatorze partisans, mais qui, toujours bien renseigné et prévenu à temps, avait pris ses dispositions pour le recevoir. Huit Burzetains furent tués ; le chouan ordonna alors à ses hommes d'épargner les autres et de les laisser fuir. Cet exploit fut le thème d'une chanson qui devient bientôt populaire et dont le dernier couplet est bien connu dans la région de St-Martial et de Ste-Eulalie :

Chanéac, plein de confiance,
D'amour et de charité,
a supplié sa troupe blanche
de les laisser se retirer.

Une variante de la chanson a été recueillie près de Ste-Eulalie :

"Ils se sont mis en tête, un dimanche après souper, de monter en montagne pour manger les émigrés.
La jeune hôtesse Malosse dit à son fils Marat :
Va-t-en chercher du fromage là où tu en trouveras. Tu m'apporteras, sans doute, la tête de Chanéac.
Oui, ma mère, je vous l'assure ou je ne m'appellerai plus Marat. Je lui trancherai la tête avec mon galo meurtrier, la mettrai dans ma mallette afin de vous la montrer.
Quand il fut sur le champ de bataille, il s'écria : Secours, mon Dieu !
Quand tu montais en montagne tu disais qu'il n'y avait point de Dieu, mais à présent tu dois reconnaître que Dieu seul peut te sauver.
Chanéac, plein de confiance, d'amour et de charité, a prié sa troupe blanche de les laisser se retirer.
Peut-être qu'ils feront pénitence. Ayez pitié de leurs âmes ; de ces maudits crapauds bleus !"

Les Burzetains firent une autre incursion au Clapas en vue d'arrêter Chanéac. Cette fois, ils prirent de grandes précautions pour le surprendre. Ils l'aperçurent en train de faucher tranquillement dans son pré ; le voyant sans le redoutable tromblon, ils se crurent certains du succès. Ce fut à qui arriverait le premier pour lui mettre la main au collet et d'avoir droit à la prime. Chanéac, se retournant, d'un coup de faux trancha la tête du premier qui arrivait sur lui "comme il aurait tranché la fleur d'un varaire". Profitant du saisissement des autres "royols", Chanéac gagna les bois sans se presser et put ainsi échapper.

Une autre fois des Burzetains armés, en passant aux Sagnes, détachèrent l'un d'eux nommé Borne qui monta au clocher sonner le glas de Chanéac. Arrivés au Clapas, ils n'y trouvèrent que des femmes. Ils les menacèrent de les brûler vives si elles n'indiquaient pas le refuge du chouan, mais les femmes ne dirent rien et, tremblantes de peur, allèrent se cacher. Les Bleus égorgèrent alors le bétail de la ferme et se mirent à manger et à boire. Sur ces entrefaites Chanéac, arrivant du Lech'ous à la tête de sa troupe et entendant le bruit des buveurs, fit tirer dans le tas. Il faisait nuit ; les Burzetains, effrayés par les coups de fusil, tirèrent au hasard et dans leur confusion s'entretuèrent. Deux de leurs cadavres furent jetés dans un puits au pré de Bourlatier et trois furent enterrés à la Chaumasse ; on montre encore cet emplacement près d'une source dans les terres du domaine des Ebranchades. La légende ajoute que Marat fut parmi les morts et que la nuit un fantôme apparaît et fait fuir les imprudents qui s'aventurent dans le bois voisin.

bourlatier

Un jour d'hiver, trois gendarmes armés jusqu'aux dents passèrent par la Valette (commune de St-Martial), ayant mission de s'emparer de Chanéac qui était signalé dans la région. Le chouan fut prévenu et les attendit au Clapas, son grand fusil sur l'épaule. Un des gendarmes, qui ne le connaissait pas, lui dit "Vous avez fait bonne chasse mon ami ?" et Chanéac de répondre : "Le gibier que je poursuis, peut-être que je l'aurai trouvé". Tout en causant il se rendit avec les gendarmes jusqu'à Bourlatier où il voulut leur offrir du vin chaud, mais en cours de route il avait eu bien soin de les laisser marcher devant lui. A Bourlatier l'occupant de la maison s'écria : "Bonjour, Monsieur Chanéac". En entendant ce nom les gendarmes se mirent à trembler, mais Chanéac fit comme s'il ne l'avait pas remarqué et, après les avoir fait bien boire et bien manger, régla la dépense. Il voulut les accompagner jusqu'aux Sagnes où en les quittant, il leur dit : "Vous avez entendu parler de Monsieur Chanéac, c'est moi ; vous voyez que je ne vous ai fait aucun tort". Comme un bienfait n'est jamais perdu, plusieurs années plus tard, quand on voulut prendre jugement contre Chanéac, ces mêmes gendarmes furent interrogés et témoignèrent en sa faveur.

Un matin de novembre, à la suite de renseignements précis, un capitaine nommé Rolland, à la tête d'une troupe de cavaliers, se présenta au Clapas pour arrêter le Grand Chanéac. Surpris chez lui, le chouan se rendit de bonne grâce. "Mon capitaine, dit-il, je suis votre prisonnier, mais comme il fait mauvais temps et que nous devons descendre au Puy, je vous invite, ainsi que vos hommes, à vous restaurer chez moi ; j'ai du bon vin et du saucisson". Le capitaine accepta, puis autorisa Chanéac à prendre son cheval en lui disant : "Puisque vous connaissez bien la contrée, vous allez nous servir de guide et nous mener au Puy par le plus court chemin".

"Mon capitaine, vous pouvez compter sur moi", répondit Chanéac en enfourchant sa jument La Vendée. Il prit la tête de la colonne, la dirigea sur Ste-Eulalie et de là vers le champ de Clavel. La troupe, trompée par la couche de neige qui couvrait le sol, ne s'aperçut pas que le chouan l'avait conduite dans une fondrière. Pendant que les montures des cavaliers s'enlisaient de plus en plus dans le marais, La Vendée fila comme un lièvre et, avant de s'éclipser, Chanéac, ôtant son chapeau, cria au capitaine Rolland embourbé au milieu de la narce : "Mon capitaine, après réflexion, je viens de décider de ne pas vous accompagner plus loin. J'ai des amis qui m'attendent à Montpezat et je vais les rejoindre". Après avoir tiré un long coup de chapeau, il se sauva vers Usclades où il rejoignit ses partisans qui l'avaient suivi de loin en vue de chercher à le délivrer au moment favorable.

Quelques temps après, des gendarmes avec des soldats arrivèrent au Clapas et surprirent les femmes de la maison qu'ils enfermèrent. Elle ne purent mettre le signal convenu, le linge blanc à la fenêtre. La troupe sa cacha dans le bâtiment, résolue à attendre que Chanéac vint se faire prendre au nid. Le chouan, depuis que sa tête avait été mise à prix, couchait rarement chez lui, préférant s'abriter vers Gombert, dans des cachettes plus sûres dans le bois. Il revint cependant au Clapas et, en cours de route, fut prévenu qu'une troupe devait occuper sa maison. C'est pourquoi il fut très surpris de n'y voir aucun signal. Cependant, par prudence, il ne chercha pas à rentrer par la porte principale et se rendit à la porte de la grange. Il introduisit un bras par le guichet pour enlever la barre de fermeture. Mais aussitôt son bras fut saisi par un gendarme caché dans le foin qui lui cria : "Cette fois nous te tenons et tu ne nous échapperas pas". De sa main libre le chouan saisit son pistolet et le déchargea sur son agresseur, puis d'un effort vigoureux, arracha son bras des mains qui le retenaient. Son effort fut si violent qu'il se cassa le bras. Cependant, étant libre, il courut à toute vitesse vers le bois. Gendarmes et soldats, revenus de leur surprise, firent un feu de salve sur le fuyard avec tant de précipitation qu'il ne fut pas atteint. On ne manqua pas de dire à la ronde que le chouan avait encore cette fois "levé le feu" !

CLAUDE DUNY

Le Grand Chanéac fut en relation suivie avec un autre chouan du plateau vivarois, Claude Duny, surnommé "Le Roi de Bauzon". Celui-ci, né à Vernazon, paroisse de Mazan, avait pour capitale le bois du Fautre, entre Banne et Lanarce ; il y avait établi dans une grande clairière un camp des plus pittoresques. Duny eut pour lieutenant Laurent Ceysson, du mas de Grange, paroisse de St-Cirgues, qui dans une de ses sorties faillit s'emparer de Montpezat.

Le Grand Chanéac aurait opéré également en liaison avec un autre chouan qui a laissé des souvenirs légendaires dans la région de Lachamp-Raphaël, connu sous le nom du "Grand Merle". Ce serait ce géant de cinq pieds dix pouces qui aurait conduit au camp de Jalès les royalistes venus de Borée, du Béage et Lachamp-Raphaël, soit 160 partisans formant le bataillon du Mézenc.

Les pièces officielles des archives de l'Ardèche et de la Haute-Loire qui se rapportent au Grand Chanéac ne sont pas nombreuses. La région de Bourlatier et du Clapas avait été signalés à diverses reprises comme étant le repère des séditieux.

Le 24 nivôse an V (14 janvier 1797) l'administration du département écrivait à ses agents de Montpezat :

"L'administration vous invite encore à ne pas perdre un moment pour espioner dans le plus bref délai qu'aux environs de St-Martial, Mézilhac, St-Andéol de Fourchades, et autres lieux circonvoisins où l'on dit que ces gens là vont prendre asile et à cet égard de prendre des mesures pour diciper ces atroupements." Quelques mois après, le 29 brumaire an VI (20 novembre 1797), le général Boisset partit de Privas à la tête d'une force armée composée de troupes de ligne (environ une cinquantaine d'hommes) et des Gardes Nationales de la région devaient le rejoindre pour une grande battue dont les résultats furent consignés dans des rapports ou lettres des 14 et 18 frimaire an VI. Il passa par Mézilhac, Lachamp-Raphaël et Ste-Eulalie ; à Bourlatier il détacha 25 hommes de la Garde Nationale de Burzet avec mission d'explorer le Clapas et ses abords. Ce détachement s'empara au Clapas d'Étienne Ranchon qui était sans armes et qui était le sous-fermier de François Chanéac. Alors dit le rapport, "une troupe de Brigands, retranchés derrière des arbres, à quelques pas de la maison, fondirent sur le détachement de la Garde Nationale de Burzet, en criant : "Nous vous tenons, coquins de Républicains" ; ils tirèrent plusieurs coups de fusil et tuèrent trois soldats dud. détachement". Huit autres soldats furent grièvement blessés et sans la brume (au dire du rapport) tout le détachement aurait subi le même sort." Ce fut peut-être en cette circonstance que, selon la tradition, Chanéac fit preuve de clémence en laissant fuir les Burzetains.

Quelques jours après, on arrêta Louis-Luc Testud, âgé de 42 ans, du mas de Reniès, commune de Burzet, et Benoît Volle, âgé de 21 ans, du mas de la Vestide, commune des Sagnes, accusés de faire partie des "brigands" qui avaient tiré sur la garde nationale de Burzet. On peut lire à Privas, aux cahiers des jugements du tribunal criminel, l'interrogatoire du 19 pluviôse an VI (8 février 1798) de ces prisonniers. Testud et Volle furent condamnés à mort et Ranchon fut acquitté. François Chanéac, dont le nom avait été cité, ne put être arrêté.

Dans le compte rendu du 20 germinal an VI (10 avril 1798) de l'administration centrale du département de l'Ardèche, il est dit qu'après les irruptions de "brigands" chez le percepteur des communes de Borée et St-Martial (7 octobre 1797), le département reçut un supplément de troupes. Le rapport ajoute : "Il se fit une battue dans les forêts de Sagnes et du Clapas, une affaire s'engagea entre les troupes de la République et des gardes nationales d'Antraigues contre une troupe de brigands ; dans ce combat il y eut, de part ou d'autre, six hommes tués". Il est à remarquer que, d'après ce texte, un combat fut livré au Clapas en automne 1797 (21 novembre) par la garde nationale d'Antraigues, tandis que dans le rapport du général Boisset, il s'agit d'un combat livré par la garde nationale de Burzet. Il paraît probable que le Grand Chanéac et sa petite troupe eurent à combattre au Clapas en 1797 la garde nationale de Burzet et aussi celle d'Antraigues, ce qui serait conforme à la tradition et à ce qu'à rapporté l'abbé Bouschet.

signature

Aux Archives Nationales se trouve un manuscrit plus intéressant ; il montre qu'en l'an VI (en 1797), le Grand Chanéac devait être un des agents les plus actifs du mouvement contre-révolutionnaire et que le Clapas avait été choisi comme point de concentration en vue d'une action importante. Une femme royaliste, nommée Hammont avait été empoisonnée au Puy en 1797. Elle fut fouillée et on trouva sur elle diverses lettres que le général de brigade Colomb déposa alors à l'administration du Puy et qui sont conservées aux archives nationales. Voici un extrait de ces lettres du 16 septembre :

"Fondez, blanchissez et mandez moi, je vous prie, cette somme (cinquante louis) qui vous sera remise par ...eur (sic) au 1er moment. J'espère que vous donnerez cette nouvelle preuve de votre amitié ; mille chose de ma part à tout chez vous et à tous vos amis qui devraient s'empresser de se rendre chez "Chaneyac" où ils sont invités aux noces du chef de notre 1ère maison de commerce, il y aura grand bal et grand festin. Route de chez vous Chaneyac, à Rive de Giers, à St-Chamond, à St-Etienne, à Yssingeaux, aux Estables, au Gerbier et au Clapas. Le donneur de la présente vous guidera et vous fera éviter les villes ci-dessus mentionnées, qu'Emmonet serve de guide par la route qu'il connaît à nos amis de M..., P..., et la R..., qu'ils arrivent au "plutôt" parce que leur présence est nécessaire à la fête où ils trouveront bonne et nombreuse compagnie. Adressé au citoyen L'héret, chez le citoyen Godin, garde-magasin de la caserne de la nouvelle douane sur le quai du Rhône à Lyon.
Signé "Pierre".

Dans une seconde lettre, Pierre indique quel serait, à son avis, le moyen de délivrer les prisonniers du Puy :

Faire engager par une troupe d'amis une fausse attaque sur Pradelles, ce qui obligerait la garnison du Puy forte seulement de 200 hommes de se porter sur cette ville. Il ajoute : "Dès que l'expédition de Pradelles sera faite, c'est de faire retraite aussi lentement que possible sur le point central et d'amuser en tirailleurs nos ennemis pour les attirer dans les bois de Bauzon et de Mazan et, dès les avoir conduits là, c'est de rejoindre par une bonne marche nocturne et forcée le corps qui aura dû faire un mouvement sur le Puy pour nous délivrer ....
Veuillez bien, ma chère cousine, faire rendre par exprès sur la présente à M. Chaneyac, au hameau du Clapas, paroisse d'Essaignes, par les Estables, le Gerbier des Joncs au Clapas, afin qu'il la communique à tous nos amis pour qu'ils puissent agir de concert. Signé "Pierre".

D'après ces lettres, une concentration de royalistes devait se faire au Clapas et l'itinéraire de Lyon au Clapas y était fixé par Yssingeaux. On se doute qu'en annonçant des noces chez Chanéac au Clapas suivies de grand bal et grand festin, on a voulu dire qu'il y aurait là une réunion de troupes royalistes en vue d'une action de grande envergure. Le chef de la première maison de commerce veut sans doute désigner le chef du parti royaliste en Vivarais qui était le comte de Lamothe. Celui-ci, au printemps de 1797, était le chef incontesté de la montagne vivaroise et avait l'idée de frapper un grand coup ; mais il fut ensuite arrêté et assassiné dans la prison du Puy le 5 novembre 1797.

Pendant toute la Révolution, le Grand Chanéac réussit à se jouer des troupes républicaines et des gendarmes, qui tentèrent de le capturer. Peu de temps avant l'arrivée de Bonaparte au pouvoir, il fut poursuivi devant les tribunaux comme séditieux. De nombreux témoins vinrent déposer en sa faveur, puis toute action fut déclarée éteinte par l'amnistie déclarée au début de l'Empire.

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 Ruines des Sucheyres

François Chanéac habitait alors au mas des Sucheyres où, s'occupant de son domaine, il passa le reste de ses jours. Il continua à assister ses voisins qui venaient le consulter quand ils étaient malades et fut toujours charitable envers les miséreux.

Pour entretenir sa petite troupe il avait dû engager de fortes dépenses. Malgré l'héritage de son oncle, l'abbé Ville, il dut emprunter des sommes importantes à Jean-Louis Haond Duclaux, habitant au Claux puis notaire à Tautilhac (St-Martial), à Louis Chare de Lavalette, habitant à Tautilhac puis au château de Rozières (St-Félicien), à son beau-père Jean-Louis Vialle, du Chaumélias, à Pierre-Robert Seguin, curé de Montpezat qui se retira à Brassac (Puy-de-Dôme) et à d'autres. Quand la tourmente fut passée, tous ces créanciers réclamèrent le remboursement de leurs prêts, François Chanéac se trouva alors dans une situation assez critique, mais par son économie et son travail, il réussit à surmonter ces difficultés. Encore en 1833, il était poursuivi par les héritiers de l'ancien curé de Montpezat dont l'un était juge au tribunal d'Issoire ; il leur délégua le fermage de la propriété de Gombert. Il vendit ensuite ce domaine à Laurent Dallard son fermier.

Jusqu'à sa mort, le Grand Chanéac jouit de l'estime de ses concitoyens. Le dimanche il dirigeait de sa puissante voix le choeur des chantres de l'Église de St-Andéol de Fourchades.

Il mourut au mas des Sucheyres le 15 mai 1841, âgé de 81 ans, et le jour de ses funérailles le curé de St-Andéol fit un grand éloge du défunt.

CHANEAC décès 1841

François Chanéac laissa quatre enfants, deux garçons et deux filles. Les deux garçons furent : Jean-Pierre Chanéac, né le 26 février 1787 ; décédé aux Sucheyres, à l'âge de 58 ans le 17 août 1843 et Régis-Jean-Pierre-François Chanéac, du lieu du Pras, commune de St-Martial ; né à St-Andéol vers 1792 ; décédé à St-Martial à l'âge de 82 ans le 22 novembre 1870. Tous deux ont laissé des descendants dans les communes de St-Martial et de St-Andéol de Fourchades. Les deux filles sont : - Marianne, née en 1789, mariée à St-Martial, le 19 février 1811 avec Jacques Aulagnier ; et Victoire.

Son épouse, Marie-Anne-Claire Vialle, est décédée à Saint-Andéol le 26 novembre 1838.


__________________


Le grand-père du Chouan fut Pierre Chanéac qui en 1737 possédait le domaine de la Sucheyre acheté à Louis de Tautilhac. Il laissa cette propriété à son fils Jean-Pierre ; celui-ci, en 1764, pendant que son père était à la Sucheyre, était fermier au Clapas, domaine voisin qui appartenait alors à Anne-Charlotte de Crussol, veuve d'Armand-Louis de Vignerot du Plessis de Richelieu, duchesse d'Aiguillon et dame de St-Martial et Bourlatier. En 1789, Jean-Pierre Chanéac n'avait pas quitté le Clapas, encore fermier du seigneur de St-Martial et Bourlatier qui était à cette époque Pierre-Julien de Beaumes.

Jean-Pierre avait épousé le 28 juin 1755 Marie-Anne Ville, fille de Pierre Ville et de Clauda Chazalon, de la grange de Pouzol, paroisse de Ste-Eulalie.

De ce mariage naquirent :

- Jean-Pierre-François, né en 1759 ;
- Jean-Antoine, né en 1760, décédé à 24 ans le 26 février 1784 et inhumé le 27 aux Sagnes ;
- Marie-Claire, qui, le 28 novembre 1875, épousa Jean-François Charreyre ;
- une autre fille qui épousa Jean-Antoine Bonnefoy, cultivateur au mas des Granges, commune des Sagnes et Goudoulet.

 

 P. CAMUS - Revue du Vivarais du 1er janvier 1937.

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Commentaires
N
Très bien Nadine et merci pour ces braves ; cette région fut marquée par de grandes figures : Maurin, Abrial, les frères Morangiès, le "roi" de Bauzon et d'autres, tous très méconnus et qui n'ont malheureusement pas bénéficié d'une grande publicité. Il n'y a pas eu que la Vendée à se révolter ! Ce serait trop simple pour les révolutionnaires et leurs affidés !
Répondre
T
bonjour<br /> <br /> belle region ardeche ou on vecut des hommes de conviction<br /> <br /> cordialement
Répondre
La Maraîchine Normande
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