Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
19 août 2022

TULLE (19) - SAUVETAGE DE LA VIERGE MIRACULEUSE EN 1793

Notre-Dame-du-Chapitre à TULLE

salle capitulaire Tulle z

Sur l'archivolte de la porte de la chapelle capitulaire, dans le cloître de Tulle, on lisait cette inscription à demi effacée : Non est in tota sanctior urbe locus. Une Vierge miraculeuse, appelée Notre-Dame-du-Chapitre ou Notre-Dame-la-Grande, valait à ce petit sanctuaire son extraordinaire réputation de sainteté.

Les profanateurs de 1793 n'ont pas épargné la statue. Mais il en reste deux fragments insignes, la tête de la Vierge et celle de l'Enfant Jésus. Ajustées dans un bloc de plâtre, qui imite tant bien que mal l'ancien buste de la statue, ces têtes, peintes et parées, sont exposées à la vénération des fidèles sur le maître-autel de la cathédrale.

Le P. Saturnin-de-tous-les-Saints, carme déchaussé, qui mourut à Tulle en 1689, a écrit que la Vierge miraculeuse de la chapelle capitulaire était "de toute antiquité dans l'ancien cloître de l'église cathédrale, au même temps même temps qu'elle n'était encore qu'abbatiale et qu'elle était servie par les moines bénédictins". Or, nous savons que l'évêché fut créé en 1317 ; mais l'abbaye ne fut pas sécularisée dès l'érection de l'évêché ; les moines bénédictins constituèrent le chapitre des évêques et desservirent la cathédrale jusqu'en 1514. La statue de la Vierge existait-elle avant 1317 ou seulement avant 1514 ? Le renseignement donné par le P. Saturnin semble viser la première de ces dates, mais manque de précision et peut laisser subsister quelque doute.

Vierge miraculeuse z

Quoi qu'il en soit, la Vierge était ancienne et trônait depuis plusieurs siècles sur l'autel principal de la chapelle capitulaire lorsque la Révolution éclata. Le peuple qui l'invoquait pour la guérison de ses maux, l'entourait de sa vénération, ne lui ménageait pas sa reconnaissance. Il espérait la voir traverser sans danger la tourmente qui renversait les autres autels. Le peuple se trompait ; il ne fut pas fait grâce à sa Vierge.

Récit circonstancié de l'événement :

JEAN FOUR appartenait à une famille très religieuse qui, même en pleine terreur, ne savait pas cacher son sentiment et dont la franchise, la droiture, la bonté, la modestie, avaient gagné le respect des révolutionnaires et peut-être aussi la sympathie de son voisin, le farouche Champarnel, meneur de la bande dévastatrice.

Le tombeau d'Adémar des Échelles venait d'être violé et la cathédrale mise à sac. Le tour de la chapelle capitulaire allait venir. JEAN FOUR, prévenu, résolut de sauver la Vierge miraculeuse. Mais la bande, armée de marteaux, avait envahi le cloître et frappait, à coups redoublés, l'autel et la grande statue de pierre qui le dominait. Cassée en plusieurs morceaux, la statue tomba et blessa grièvement un des assaillants. En même temps le retable s'écroula, laissant apparaître sur la paroi du mur de la chapelle une grande image du crucifix, peinte là depuis quatre siècles dont tout le monde ignorait l'existence. L'âme des révolutionnaires se troubla ; leurs marteaux cessèrent de frapper ; ils sortirent en silence du sanctuaire. L'oeuvre sacrilège était accomplie.

La tête de la Vierge et celle de l'Enfant Jésus gisaient à terre au milieu des autres débris de l'autel. Jean Four s'approcha alors de Champarnel et lui dit : "Cache les deux têtes dans ce coin ; recouvre-les de ces planches."

Et, la nuit suivante, JEAN FOUR, sa femme Léonarde Laval et son beau-frère Jean Leyrat pénétrèrent dans la chapelle capitulaire et enlevèrent les morceaux de la statue miraculeuse. Il faut, maintenant, les mettre en sûreté. Les époux Four les enveloppent dans des linges et les placent sous leur lit. Ils y restent pendant plusieurs mois. Mais les visites domiciliaires se renouvelant peuvent amener la découverte des compromettantes reliques.

JEAN FOUR a pour voisin le conventionnel BRIVAL, un des plus fougueux terroristes de Tulle, dont la femme conserve intacts, au fond de son coeur, ses sentiments religieux et prie, en secret, pour les persécuteurs et leurs victimes. Si une maison est à l'abri des soupçons et de la surveillance, c'est bien celle du tout-puissant Brival : Notre-Dame-du-Chapitre n'aurait rien à craindre dans cette maison.

Madame Brival (née Eulalie-Dieudonnée Burel) accepte la garde du dépôt sacré que lui confient les époux Four et le dissimule dans un coin obscur de son grenier. Chaque fois qu'elle est seule, elle va se prosterner devant la Vierge et s'oublie en prières.

Un jour, Brival la surprend. Il aime sa femme, ne l'a jamais violentée. Mais la peur l'aveugle. Un oratoire chez lui ! Sa demeure servant d'asile à la statue que ses amis ont renversée ! Il se croit perdu, ne peut maîtriser sa colère, crie, menace, saisit sa femme par les cheveux. "Tu veux me faire couper la tête !" clame-t-il.

Une fillette a entendu des éclats de voix. Sa curiosité la pousse jusqu'au grenier. Elle voit la scène et s'enfuit, épouvantée. Cette enfant, c'est la fille aînée de JEAN FOUR.

Lors du rétablissement du culte catholique, l'abbé Brival, frère du conventionnel, excellent prêtre qui n'avait fait aucune concession au régime révolutionnaire, fut nommé curé de Saint-Martin de Tulle. Il fit restaurer le buste de la statue et l'installa sur le maître-autel de la cathédrale.

Le récit qu'on vient de lire paraît légendaire ; M. Antoine Reyneau en tient les détails de son grand-père maternel, Antoine Four, qui était un jeune enfant lors de l'événement, mais en avait gardé un souvenir précis. Dans cette famille Four, où l'on atteint l'extrême limite de la vieillesse, la mémoire des faits s'est transmise de père en fils. M. Antoine Reyneau, en ami fervent de l'histoire du vieux Tulle, en a recueilli directement la tradition et l'a notée avec une fidélité scrupuleuse.

 

René Fage - La Vie Limousine - 25 juillet 1926.

 

Jean Four, 28 ans, armurier, a épousé à Tulle, paroisse Saint-Julien, le 16 février 1779,  Léonarde Laval, âgée de 21 ans, fille de Jean Laval, journalier & de Marie Eyrolles 
dont : Antoine, né le 20 août 1788, armurier ; marié à Tulle, le 28 juillet 1819, avec Jeanne Vergne, née le 6 août 1795, en présence, entre autres, de François Four, armurier, 26 ans, frère de l'époux.

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité