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La Maraîchine Normande
21 avril 2022

FONTENAY-LE-COMTE (85) - UNE MESSE A FONTENAY EN MARS 1793

Fontenay-le-Comte z

UNE MESSE A FONTENAY 

C'était en mars de l'année 1793, à trois heures du matin, dans la semaine de la Passion. Sur Fontenay endormi planait un lourd silence. De temps à autre, on entendait l'aboiement d'un chien ou le hululement d'une chouette errant autour de la flèche de Notre-Dame. La nuit était fraîche et noire. Depuis une heure environ, des ombres se profilaient mystérieusement au ras des maisons, le long de la rue de la Raison (Grande-Rue) et dans celles avoisinant la rue du Puits-de-la-Vau : les gens qui circulaient ainsi, à cette heure matinale, hommes et femmes frileusement vêtus, se rendaient dans une maison habitée il y a quelques années par les Soeurs de la Miséricorde dite du Bon-Secours. En arrivant à la petite porte percée d'un judas et qui s'ouvrait près de la grande porte cochère, les fidèles étaient examinés un à un. Ceux-ci, avant d'entrer, jetaient à leur tour un regard furtif derrière eux pour voir si on les suivait pas.

cadas

MESSE CLANDESTINE

Dans l'immense cave de cette maison, au fond, du côté de la place du Puits-de-la-Vau, une table recouverte d'une nappe et chargée de deux chandelles et de fleurs artificielles s'appuyait au mur. Un grand Christ d'ivoire étendait ses bras au-dessus de cet autel improvisé et sans tabernacle, devant lequel un homme à longs cheveux blancs bouclés, revêtait les ornements sacerdotaux. Une cinquantaine de fidèles étaient là, à genoux ou debout, priant dévotement, les doigts sur le chapelet ; l'obscurité à laquelle on était tenus de peur de signaler la réunion à quelque sans-culotte attardé, ne permettant pas l'usage de missels. Tout se trouvait bientôt prêt pour le Saint Sacrifice et pourtant la messe ne commençait pas. On attendait Jean Quéraud, l'ancien chantre de l'église Notre-Dame qui devait remplir les fonctions de servant de messe, et déjà l'on épiloguait sur son absence, lorsque le retardataire arriva.

Aux plus anxieux, Quéraud expliqua qu'il avait dû, en sortant de chez lui, faire de longs détours dans les rues de la ville, car il avait crû remarquer que des gens l'épiaient dans la rue Poussé-Peuil (rue des Lombards) par où il venait de passer.

On se promit de redoubler encore de prudence pour le prochain office et la messe commença.

Messe 4 z

AU NOM DE LA LOI

Le prêtre terminait le "Pater Noster" lorsque l'homme que l'on avait placé à la porte d'entrée tout en haut, afin d'en surveiller les abords, descendit en toute hâte, le visage bouleversé, déclarant qu'on venait de heurter l'huis en sommant d'ouvrir au nom de la loi. A ces mots, les assistants se regardèrent en tremblant : "Plus de doute, se disait-on, nous sommes découverts !" Et chacun envisageait les suites de l'arrestation : la prison d'abord et l'échafaud dans quelques jours peut-être.

... DIEU POURVOIRA AU RESTE

Alors le vénérable vieillard qui officiait ayant interrompu sa messe, s'adressa au maître de la maison : "Remontez, lui dit-il, parlementez avec les soldats ; je vais achever ma messe et si celle-ci doit être la dernière que vous devez entendre, suivez-là tous avec recueillement et piété, Dieu pourvoira au reste". La messe continua et, à la communion, le prêtre donna la sainte Hostie à tous les assistants. L'officiant récita les oraisons, donna sa bénédiction et tous se trouvèrent debout à l'Évangile, attendant avec calme et dignité l'arrivée des sans-culottes. Mais ceux-ci n'arrivèrent point ; ce fut le maître de la maison qui revint seul à la cave et rayonnant d'une joie qu'il communiqua à tout le monde. Voici ce qui s'était passé :

GARDE NATIONALE Z

LA PROVIDENCE

En arrivant à la porte qui donnait sur la rue, le maître du logis avait ouvert le judas et reconnu une troupe de soldats : "Excusez-moi, alors, dit-il, je viens seulement d'être prévenu de votre arrivée et des citoyens comme vous ne peuvent entrer chez moi que par la grande porte. Je vais aller vous l'ouvrir".

Aussitôt il commanda de porter des chandelles, du vin et des vivres dans une salle basse où les sans-culottes ne tardèrent pas à être introduits. Ils avaient mandat de perquisitionner dans la maison, où des suspects pouvaient se cacher ; mais auparavant, aucun ne dédaigna les tranches de jambon ni le petit fromagé blanc qu'un verre de vin clairet rendait si appétissant. Quand il vit tous les soldats occupés à manger et à boire, le maître sortit et ferma la porte à clef. A ce récit, les fidèles assemblés dans la cave se jetèrent à genoux pour remercier la Providence qui avait daigné les secourir d'une façon si simple et si imprévue.

Puis, un à un, comme à l'entrée, ils sortirent de leur refuge et se dispersèrent dans la rue.

Quand, lassés de boire et de manger, les sans-culottes firent l'inspection de la maison, tout avait été remis en place, les catholiques fontenaisiens étaient en sûreté.

Pierre Genty

AD85 - L'Avenir de l'Ouest - Mardi 21 janvier 1947 - AD85 - 4 num 511 5 - vue 66

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