FONTENAY-LE-COMTE - CEZAIS (85) - ÉTIENNE-VICTOR DUCROCQ LA BRETONNIÈRE (1749 - 1804)
Étienne-Victor Ducrocq La Bretonnière, apothicaire, commissaire du Directoire exécutif de la Vendée, maire de Cezais.
Fils de René Ducrocq, maître apothicaire, de Fontenay et de Jeanne-Marie Jousseaume, Étienne-Victor est né à Fontenay-le-Comte, paroisse Notre-Dame, le 18 février 1749.
Son père, René Ducrocq, maître apothicaire, fils de Marc, marchand, et de Louise Arnault, avait épousé à Mauzé-le-Mignon, le 28 janvier 1733, Jeanne-Marie Jousseaume, fille de François, notaire royal, et d'Anne Morice.
C'est en 1771 qu'Étienne-Victor Ducrocq acheta la Bretonnière.
Étienne-Victor épousa à Pissotte (85), le 26 février 1772, Jeanne-Marie Corbier, de Cezais (voir blason ci-dessous), fille de Jacques Corbier, notaire et procureur de Luçon, et Madeleine Berton.
De cette union sont nés :
- Françoise-Joséphine, née à Niort, le 4 mars 1784 ; mariée à Cezais, le 26 brumaire an X (17 novembre 1801), Alexandre Allaire, propriétaire, né à Niort à Chaillé-sous-les-Ormeaux, le 29 mars 1777, demeurant à Fontenay-le-Comte, fils de Victor-Léon Allaire Mégnière, et de Magdeleine Chessé. ;
- Jean-Baptiste-Alexandre [Ducrocq-La Place], né à Niort, paroisse Saint-André, le 29 janvier 1780 ; maire de Cezais de 1825 jusqu'en juin 1856 ; marié à Fontenay-le-Comte, le 27 juillet 1808, avec Anne-Victoire-Esther Bernard ; dont Victoire-Suzanne-Virginie ; décédé à Cezais, le 2 avril 1858 ;
- Jeanne-Eugénie-Bonne, née à Fontenay-le-Comte, paroisse Notre-Dame, le 25 octobre 1778 ; mariée à Fontenay-le-Comte, le 20 brumaire an VIII (11 novembre 1799), avec Charles-Louis Geslot, musicien, natif de Châtillon-sur-Colmont, en Mayenne, fils de Guillaume, propriétaire et Jacquine Berthier.
- Renée-Catherine-Marie, née à Fontenay-le-Comte, paroisse Notre-Dame, le 12 février 1774 ;
- Pierre-César-Augustin, né à Fontenay-le-Comte, paroisse Notre-Dame, le 6 décembre 1772 ; officier de cavalerie ; maire de Sainte-Radegonde de 1829 à 1854 ; marié avec Marie-Mélanie Lafiton ; dont Victorine-Marie-Françoise-Éléonore, née à Cezais le 26 brumaire an X (18 novembre 1801) ; décédé à Sainte-Radegonde-des-Pommiers (79), le 19 décembre 1854.
Le 24 mai 1783, Étienne-Victor Ducrocq de la Bretonnière, de Niort, fait inscrire son brevet d'apothicaire du comte d'Artois.
DUCROCQ LA BRETONNIÈRE A NIORT
A Niort, le 10 mai 1790, Ducrocq fut parmi les fondateurs, peu nombreux, de la Société des Amis de la Constitution : Jard Panvillier d. m., Delaroy avocat, Averty, Guillemeau l'aine d. m., Pervinquière d. m., Guérin, de l'Oratoire, Guillemeau jeune, d. m., François Bernard fils, Duras et Ducrocq de la Bretonnière, d. m. Ils formèrent le noyau de la Société, versèrent chacun une cotisation de vingt-quatre livres, pour faire face aux besoins les plus urgents, et prononcèrent le serment suivant : "Je jure de professer hautement les principes consignés dans les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés ou acceptés par le roi, d'être fidèle à la nation et de combattre ses ennemis; à la loi, de regarder comme traître quiconque s'en écarterait ; au roi, de poursuivre et de dénoncer le flatteur cruel qui oserait lui donner des conseils perfides et dangereux pour la nation."
Le 16 brumaire an II (6 novembre 1793), le Comité de surveillance demande que l'église de Notre-Dame devienne un marché pour les blés et farines, et que tous les bancs soient enlevés pour l'hôpital, tous les fers livrés à la manufacture d 'armes. "Nous espérons, dit-il, en post-scriptum, que le marché tiendra demain dans ladite église." Ducrocq-Labretonnière et Savignac furent commis à l'exécution de cette œuvre importante qui ne reçut pas encore d'exécution.
Le Conseil général de la commune avait arrêté, le 20 septembre 1793, que, dans le jour, on ferait descendre les cloches des clochers de toutes les églises, excepté la plus grosse de chaque clocher et, en outre, celle qui sert à sonner la retraite à Notre-Dame. Les citoyens Ducrocq-Labretonnière et Grosgrain avaient été nommés commissaires pour surveiller cette opération impérieusement commandée par la loi. La ville paya pour cette expédition trois cent vingt-quatre livres cinq sous, et aux ouvrières qui avaient décousu et dégalonné les effets d'église, cent treize livres trois sous, pour quatre-vingt-dix journées et demie de travail.
Ce premier envoi ne fut pas le seul : le 11 frimaire an II (le 1er décembre 1793), le citoyen Ducrocq fut envoyé à la Convention pour y déposer d'autres objets d'or et d'argent, provenant des ci-devant églises de la commune, dix-neuf croix de Saint-Louis et une croix de Saint-Lazare que les titulaires avaient remises, en vertu de la loi du 20 août. Il est triste de voir ainsi de vieux braves s'incliner devant la volonté de forcenés et n'oser résister à leur oppression, eux qui avaient affronté cent fois la mort devant un ennemi plus redoutable. Ils durent verser des larmes amères en reniant, pour ainsi dire, leurs titres de vaillance et de gloire. Mais dans cette époque d'humiliation pour la nature humaine, la douleur n'avait plus de colère, le malheur plus de ressentiment.
Le 9 nivôse an II (29 décembre 1793), la municipalité célébra la prise de Toulon et la défaite des Anglais par le général Bonaparte ; elle arrêta ainsi le plan de la fête civique ordonnée par décret de la Convention nationale pour le premier décadi : Le programme assaisonné de chants, de discours, de danses et de brouet, et qui métamorphosait l'église de Notre-Dame en amphithéâtre, était signé de Bernard-Chambinière fils, off. m.; Ducrocq-Labretonnière, off. m.; P. Rouget, off. m., pour l'agent national absent ; Cruvelier, notable; Grosgrain, not.; François Proust; Jean Febvre , not. ; Pinoteau ; Lefranc, not. ; Pierre Massé, off. m.; Coumault fils, off. m.; Dubois; Apert, not., et Goizard.
DUCROCQ LA BRETONNIÈRE A LA CAILLÈRE
Étienne-Victor Ducrocq la Bretonnière fut nommé Commissaire du Directoire exécutif de la Vendée par arrêté du 13 vendémiaire an VI (4 octobre 1797).
Personnage ambitieux, tyranneau au petit pied, il fut un digne représentant de la Terreur. Son langage sot et emphatique, comme ses actes, le peignent à merveille.
En voici un exemple. D'après le résumé des actes de son administration en l'an VII, il écrit : "Les vues du gouvernement relatives aux arbres de la liberté ont été multipliées dans tout le canton et en temps convenable. Le commissaire espère que l'esprit public les arrosera, de manière à ce que la sécheresse de l'aristocratie ne puisse les empêcher d'étendre leurs racines dans toute la république. La fête de la punition du dernier tyran a été célébrée avec enthousiasme. Il n'est pas un seul fonctionnaire qui n'ait prêté serment de haine aux tyrans et à l'anarchie."
Dans un autre rapport, il ajoute ces mots, qui sont loin de prouver dans le pays un grand enthousiasme pour le gouvernement de son choix : "L'esprit du canton ne peut pas être plus mauvais. Si ces malheureux habitants étaient abandonnés à eux-mêmes ils deviendraient antropophages." L'impiété de ce révolutionnaire égale son dévouement aux intérêts de ses administrés. Il donne la chasse aux émigrés, aux prêtres et à tous ceux qui n'admirent pas les beautés du gouvernement, que Ducrocq eut l'habileté de faire durer en ce pays plus longtemps que son règne n'existât à Paris. On conserve dans la contrée la mémoire des exécutions et des fusillades opérées par lui sur des citoyens inoffensifs.
Ducrocq donne des ordres pour que "aucun prêtre réfractaire ne puisse s'insinuer dans le canton à la faveur d'un déguisement." La Révolution serait en danger, si un prêtre se trouvait sur le territoire soumis à son autorité. Toutefois il a beau faire, sa vigilance est mise en défaut, car nous savons que plusieurs prêtres, au péril de leur vie, se trouvèrent cachés dans le canton pour administrer les sacrements ... Ducrocq "veille à ce qu'aucune croix, ni hochets n'existent sur les temples du christianisme, ni armoiries, ni insignes de la féodalité dans le canton." Aussi bien, le petit tyran ne peut-il dormir tranquille, quand il apprend que malgré sa défense, des prêtres ont osé fouler le sol dont la garde lui est confiée. "Des paysans patriotes ne cessent de me dire qu'il y a beaucoup de prêtres réfractaires, qui, par leurs discours perfides, corrompent l'esprit public. Il est difficile de les prendre. Ils ne disent leur messe qu'à minuit. Les fidèles sont prévenus. Le traître porte son Dieu dans sa poche. Quand ils sont tous réunis, la république est déchirée. Ils prêchent la révolte légitime des assassins. La gendarmerie exerce envers eux la légitime surveillance, mais, à la faveur de la nuit et de la loi qui "deffent" (sic) de fouiller les maisons, ils échappent."
Aussi, quelle joie pour Ducrocq quand il croit tenir quelques-uns de ces hommes inoffensifs, qui se contentent de porter les secours spirituels de la religion aux fidèles du canton. Bien vite, il fait part de ses expérances au gouvernement : "Chut ! chut ! nous surveillons avec activité : nous sommes à la piste de ces coquins. J'ai recommandé surtout aux chefs militaires d'employer beaucoup de prudence et de sagesse, afin de ne pas manquer le coup." Le zélé commissaire savoure par avance le plaisir cruel qu'il aura de passer par les armes les ministres de Jésus-Christ, comme il a fait de tant de citoyens inoffensifs. C'est la joie féroce du tigre qui guette sa proie et se croit certain de la dévorer.
Ducrocq obligea des catholiques, qui avaient contracté mariage devant le curé de Chavagnes-près-Redoux, à venir renouveler leur consentement devant l'agent cantonal de La Caillère.
Deux citoyens : les Rousseau, de S. Maurice-le-Girard, sont la terreur de Ducrocq, qui réussit enfin à les faire prendre et les mettre en prison. "Le nom des Rousseau-du-Coteau, écrit le commissaire, jette l'effroi dans le pays." Le crime de ces braves gens était de se montrer ardents royalistes. Ducrocq fut longtemps avant de pouvoir s'en emparer. Nous ignorons le sort qu'il leur réserva.
Si vif est le ressentiment des royalistes contre les transfuges de leur cause, si ardentes sont les passions politiques, que des crimes sont commis dans le bourg même de La Caillère, sous les yeux de l'autorité, des gendarmes et des soldats. Le percepteur Blaizot et sa femme sont assassinés au mois de prairial an VII. Et la raison en est donnée par Ducrocq. "Ancien notaire de la Châtellenie, Blaizot a fourni des preuves de son attachement à la cause de la liberté de la Révolution, et n'a cessé de lui être fidèle. L'autorité est inquiète, vengeance politique."
Ducrocq, lui-même, commence à craindre pour sa peau, qui ne vaut pas cher. "Voici des nuits, ajoute-t-il, que les chiens nous annoncent que quelqu'un de suspect traverse notre commune. Les habitants du pays prétendent que ce signe est infaillible. Le commissaire demande que la garde, près des Halles, soit montée la nuit comme le jour de peur que le poste de soldats vienne a être enlevé par les royalistes."
Enfin le 17 brumaire (An VII), Ducrocq écrit de nouveau, exagérant le danger pour faire apprécier ses services, et donner de l'importance à la défense. "La guerre civile se rallume : nous n'abandonnerons pas notre territoire aux brigands, sans les avoir vus et savoir où ils sont. Le ci-devant clocher de l'église placé sur une voûte nous offre une citadelle où vingt hommes sont imprenables, même par 6.000 hommes. Ils ne redoutent ni le feu, ni le canon. La bombe seule pourrait les atteindre. Une ouverture à passer un homme seul placée au sommet de quatre-vingt et quelques marches est son entrée. La proximité d'Hermine, de la Châtaigneraie, même de Fontenay lui offre un secours assuré."
Alors, pourquoi craindre à ce point ? Les mesures de sûreté ne manquent pas, cependant. "Les cabaretiers, ordonne Ducrocq, sont tenus d'avoir un registre de tous ceux qui logent chez eux. Ils doivent avertir la force armée pour qu'elle-même visite les passeports, afin de déjouer les coupables projets des enfants dénaturés qui veulent déchirer le sein de leur mère patrie."
Après Ducrocq, le 28 floréal an VII (17 mai 1799), le citoyen Boutet fils est nommé président de l'administration de canton. On loue l'attachement de ce dernier à la République. Nous ignorons s'il marchât sur les traces cruelles de son prédécesseur.
Le 2 messidor, même année, cinquante dragons de Saint-Hermine sont envoyés à la poursuite des brigands (pour Ducrocq les royalistes sont toujours des brigands), retirés dans la forêt de Vouvant. "Mais impossible de les atteindre. Les dragons reviennent bredouille. Nul doute, ajoute le commissaire, que les émigrés ne les dirigent. Des bruits sourds indiquent que les brigands doivent exterminer la brigade de gendarmerie de La Caillère." Ducrocq, si peu rassuré, se voit cependant obligé de payer de sa personne et de se transporter là où sa présence est nécessaire. Mais comme il fait bien valoir son dévouement à la chose publique ! "Je suis installé dans le détestable pays de Saint-Laurent, (le mot saint lui échappe), chez le bonhomme Cousin. J'y ferai pénitence." Ce n'est pas sans besoin.
Mais voici que son règne va finir, le Directoire touche à son terme, en butte aux attaques de la démagogie ...
Le 19 pluviôse, Ducrocq écrivait : "Le calme renaît et la paix nous est donnée."
Le conseil cantonal songe à régler les comptes de son administration et à se séparer pour faire place à un ordre nouveau. Son dernier acte est d'inviter le fermier du cimetière de La Caillère à venir payer son prix de ferme.
DUCROCQ LA BRETONNIÈRE A CEZAIS
Le 11 thermidor de l'an X (30 juillet 1802) - Cezais. - Ducrocq-La Bretonnière, maire, dénonce deux habitants de Vouvant, Jean Claveau, métayer du citoyen Dubois, maire de Vouvant, et Panetier aîné, marchand de balais, aussi de la commune de Vouvant qui " assassinaient " la veille au soir son métayer et le domestique de ce dernier, avec une bande de retour de l'assemblée de Saint-Sulpice [pour la conscription], et qu'il a fallu repousser les armes à la main, car étant accoutumés au brigandage, [ils] espèrent toujours que la guerre civile recommencera ". (AD85 - Papiers Merlet - 2 Num 110/31-14 - vues 3 et 4)
Ducrocq-La Bretonnière était maire de Cezais depuis juin 1800 jusqu'à sa mort survenue à Cezais, en son domicile de La Place, le 7 vendémiaire an XIII (29 septembre 1804), à l'âge de 55 ans.
La Caillère : monographie d'une paroisse du bocage vendéen par A. Baraud, curé de La Caillère - 1896 - pp. 37 et 38
Trois aigles d'azur au coeur profond de la Vendée - de Maurice Maupilier - Éditions le Cercle d'or, 1980
Affiches patriotiques du département des Deux-Sèvres - 21 juin 1791
L'Église et la Révolution à Niort et dans les Deux-Sèvres - Vicomte de Lastic-Saint-Jal - 1870
Tableau politique an VI - AD85 - AN F1b II Vendée 1/40 - vue 27/38
Tableau - nom des commissaires - AD85 - AN F1b II Vendée 1/46 - vue 4/9