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La Maraîchine Normande
2 janvier 2022

VIRE (14) BURCY (14) - CHARLES-JULIEN LIOULT DE CHÊNEDOLLÉ, LE CORBEAU DE VIRE (1769 - 1833)

Lioult de Chênedollé portrait z

CHARLES-JULIEN LIOULT DE CHÊNEDOLLÉ, deuxième enfant d'une famille de "vieux lignage", était né à Vire, rue de la Douve, le 4 novembre 1769. Monsieur de Saint-Martin-Don, son père, conseiller à la Cour des Comptes de Rouen, avait épousé en 1767 Suzanne-Julienne-Marie-Charlotte des Landes d'Avilly, originaire de Chênedollé, fille de Jean-Charles des Landes, sieur d'Avilly, seigneur de Chênedollé, gendarme de la garde ordinaire du Roy, et de Marie-Jeanne Viel.

baptême 1769

Mme de Saint-Martin-Don eut deux autres enfants, deux filles : - Marie-Charlotte, le 8 octobre 1768 et Marie-Anne, le 7 novembre 1770.

ARMES : D'azur, au lion d'argent, armé et lampassé de gueules. - L'Écu timbré d'un casque orné de ses lambrequins.
Devise : "Je fus, je serai."

château de Coisel z

La première éducation de Charles-Julien fut partagée entre la sollicitude maternelle, l'austérité du papa et l'enseignement donné par les frères Cordeliers de sa ville natale. Tout cela laissait une part belle à la flânerie et aux loisirs. Mais lorsque l'enfant atteignit sa douzième année, son père jugea bon de l'envoyer achever ses humanités au célèbre collège de Juilly, en Champagne, chez les Oratoriens.

De retour à Vire, à la fin du mois d'août 1788, Chênedollé allait bientôt être confronté à la tourmente révolutionnaire. Dès l'automne de 1791, il prit la décision d'émigrer. Sa famille, demeurée dans le Bocage, devait connaître l'incarcération, aux heures difficiles de 1793, à Vire, puis à Caen. Lorsqu'il revint d'exil, en 1802, sa mère était morte. Charles-Julien ne quitterait plus la région, à quelques séjours près dans la capitale, ou, pour des motifs professionnels, à Caen et à Rouen.

Revenons à son émigration. La Belgique, les Pays-Bas, l'accueillirent, puis il gagna Hambourg. Là, il subit l'influence de Rivarol, composa des odes qui furent publiées. Sa vocation se précisait. Il épousa en ce temps-là une Liégeoise. Un fils devait naître de cette union.

Un passage en Suisse lui fit rencontrer Madame de Staël, laquelle obtint son retour en France.

A Paris, dans le salon de Pauline de Beaumont, Chênedollé se lia d'amitié avec Chateaubriand et tomba amoureux de Lucile, la soeur de ce dernier. L'idylle n'aboutit pas, mais les deux hommes restèrent longtemps amis. Ils devaient se revoir bientôt chez Delphine de Custine, au château de Fervaques.

A cet endroit, en 1807, Chênedollé, que la belle société avait surnommé "le Corbeau", en référence à son air lugubre et à sa mélancolie, récita des passages de son long poème didactique Le génie de l'homme.

Mais la carrière diplomatique espérée ne s'ouvrait pas, la littérature n'aboutissait guère au succès. Il fallait vivre au quotidien. En 1810, à Vire, Chênedollé épousa Aimée de Banville qui lui donnera six enfants. Elle ignorait naturellement sa bigamie ! Par ailleurs, l'appui de Fontanes, rencontré chez Madame de Beaumont, devenu Grand Maître de l'Université, permit à notre poète d'être nommé professeur à Rouen, puis inspecteur d'Académie à Caen (1812). Remplissant sans grande conviction ses fonctions administratives, Chênedollé n'abandonna pas la poésie.

En 1820, il livra au public les "Études Poétiques", un recueil qui annonçait le romantisme, mais qui eut le tort de paraître deux mois après les "Méditations" de Lamartine ... Décidément, il finirait fonctionnaire ! La Révolution de 1830 fit de lui un inspecteur général avant de prononcer sa mise à la retraite deux ans plus tard.

Sa vraie place était à la campagne qu'il aimait sincèrement. La nature l'avait touché dès l'enfance. Il connaissait les arbres, les rochers, les ruisseaux et prenait part à toutes les activités rurales, en observateur, souvent, en acteur parfois sur son domaine du Coisel. Sa jeunesse avait eu pour cadre les paysages encore sauvages des gorges de la Vire, au-delà d'Étouvy, entre Campeaux et Beaumesnil. Il devait les revoir après l'exil pour revivre la nostalgie des souvenirs. L'ombre d'un ami cher, le comte de Pontbellanger, planait sur sa rêverie, près de Saint-Martin-Don, le fief paternel. Mélancolique, intelligent et cultivé, manifestant plus d'attirance pour la méditation que pour l'action, pour la solitude que pour le monde, Chênedollé avait, comme le note Sainte-Beuve "une physionomie".

Décédé au Coisel le lundi 2 décembre 1833, Chênedollé repose dans le cimetière de Burcy, près de l'église qu'il découvrait de son balcon lorsqu'il contemplait les riantes collines.

Sa veuve, qui le rejoignit trente six ans plus tard, crut bon de faire inscrire sur le tombeau ses titres et récompenses : "Inspecteur Général de l'Université, Maître ès Jeux Floraux, Chevalier de la Légion d'honneur ...".

Fonctionnaire ? Il le fut par nécessité, sans enthousiasme aucun.
Lauréat ? Il n'a jamais su exploiter le moindre succès.
Médaillé ? Un gentilhomme ne pouvait tirer gloire que d'un fait d'armes ...

En fait, il méritait l'appellation de poète, la seule qui résume son existence. Non pas tant par la valeur des vers composés, mais parce qu'il fut poète dès le plus jeune âge et jusqu'au terme de sa vie. Poète par tempérament, que la contrainte sociale corsette parfois, mais qui toujours s'évade.

Quelques-unes de ses oeuvres :
- Essai sur les traductions, 1795
- L'invention (Ode), 1795
- Le génie de Buffon (Ode)
- Michel-Ange ou la Renaissance des arts (Ode) 1801
- Odes, 1802
- Le Génie de l'homme, 1807
- L'esprit de Rivarol, 1810
- Études poétiques, 1820.

Promenades en Normandie avec des poètes disparus - Claude Le Roy

LIOULT DE CHENEDOLLÉ décès 1833

TOMBE z

CHARLES JULIEN LIOULT DE CHENEDOLLÉ a servi avec distinction dans les armées royales de l'intérieur et dans celle de M. le prince de Condé. Son dévouement au Roi ne s'est pas démenti, non seulement M. de Chênedollé jouit de l'estime publique, mais les Normands sont même honorés d'avoir pour compatriote un des poètes les plus distingué du siècle ; l'auteur du Génie de l'homme, outre les services qu'il a rendu à la cause royale, est encore particulièrement digne de la bienveillance du souverain et sous tous les rapports mérite une honorable distinction. (Archives militaires Vincennes - SHD XU 16-8) Il fut fait chevalier de la Légion d'honneur, le 25 avril 1821 (AN - Base Leonore - LH/1645/2)

Chênedollé ne fut rayé définitivement de la liste des émigrés que le 4 messidor an X (23 juin 1802) et c'est le 10 thermidor de cette même année qu'il obtint de rentrer à Vire.

signature

 

A PROPOS DE SES PARENTS :

Les fiançailles furent célébrées le 5 juin 1767 dans la chapelle d'Enfernet, à Truttemer-le-Grand (14) et le mariage eut lieu le 11 juin suivant.

En exécution de la loi du 17 septembre 1793 qui ordonne l'arrestation des personnes suspectes, le citoyen Lioult est incarcéré avec sa famille dans les prisons de Vire, le 8 octobre 1793. La famille fut envoyée en détention à Caen, le 16 novembre 1793, et ses biens mis sous séquestre. M. de Saint-Martindon fut écroué chez les ci-devant Carmélites de Caen, sa femme et ses deux filles dans l'ancien couvent des Bénédictines. La société populaire ayant arrêté d'inviter tous les citoyens de souscrire pour la confection d'un vaisseau qu'elle avait dessein d'offrir à la Convention nationale, M. de Saint-Martindon souscrivit pour 100 livres, il donna ce qu'on appelait alors une preuve de civisme. Après des demandes réitérées, il obtint sa mise en liberté et celle de sa famille du représentant Bollet, le 27 août 1794 et revint à Vire. Marie-Charlotte de Saint-Martindon, ainsi que sa mère et sa soeur attendait chaque jour sa condamnation à mort. Quand ses libérateurs ouvrirent la porte de sa cellule, elle crut qu'on venait la chercher pour l'échafaud. Elle tendit les mains à ceux qu'elle croyait ses bourreaux, et répéta avec résignation : "Je suis prête, je suis prête, citoyens, je vous suis".

Sa mère, Mme de Saint-Martindon, mourut à Vire, rue de la Douve, le 27 floréal an VIII (16 mai 1800), dans un état voisin de la folie et causé par la Révolution.

A PROPOS DE SON PREMIER MARIAGE :

Pressé par la misère de l'exil et songeant à faire quelques travaux de librairie, il fréquenta Mme Bourguignon. Parmi ses enfants, il remarqua la jeune Victoire. Elle était cultivée, petite, autoritaire : elle le domina ; il s'en éprit. Il est probable qu'elle le suivit en Hollande puis à Hambourg.

Marie-Élisabeth-Victoire Bourguignon, fille de Guillaume-Louis Bourguignon et de Anne-Marie Briaimont, est née le 1er novembre 1768, à Liège, paroisse Saint-Servais.

Elle fut sa maîtresse jusqu'au jour où, pressé par un danger de mort, il fit bénir leur union, le 26 juin 1796. Triste cérémonie que cet engagement tardif, pris sans témoins, dans une chambre étrangère, entre un mourant et une pauvre fille !

Chênedollé revint à la santé et demeura près de sa jeune épouse jusqu'en septembre 1797. Abandonnant sa femme alors enceinte, le poète avide de sensations nouvelles, partit pour la Suisse. Tandis qu'il se distrayait à Bussigny et à Coppet, Madame de Chênedollé, restée seule à Hambourg, mit au monde un fils, Charles-Auguste, le 26 novembre suivant.

L'épouse délaissée revint à Liège, dès 1798, et se consacra à l'éducation de son jeune fils. Charles-Auguste de Chênedollé, professeur de Lettres au Lycée et à l'Université de Liège, membre de plusieurs sociétés savantes, fut naturalisé belge après la révolution de 1830 ; il mourut sans postérité à Bruxelles en 1862.

Chênedollé ne revit jamais sa première femme qui mourut, à Liège, le 6 octobre 1832 et ne vit son fils qu'une fois en 36 ans.

Chênedollé (1769 - 1833) : essai biographique et littéraire - par Mme Paul de Samie, née Lucy de Lamare.

LUCILE z

A PROPOS DE LUCILE DE CHATEAUBRIAND :

Lucille-Angélique-Janne de Chateaubriand, fille de haut et puissant René-Auguste de Chateaubriand, chevalier, comte de Combourg, seigneur de Gangres, Godheu, Boulet et Mallétroit à Dol, et de haute et puissante dame Apolline-Janne-Suzanne de Bédée, son épouse, est née le 7 août 1764, à Saint-Malo, et baptisée le jour suivant, par nous messire Pierre-Henri Nouail, grand chantre, chanoine de l'église cathédrale de Saint-Malo ...

Lorsque la Révolution éclata, elle n'était pas encore mariée et portait, depuis 1783, le titre de chanoinesse de l'Argentière, en attendant d'entrer au chapitre de Remiremont.

Vers la fin de 1793, Mlle de Chateaubriand est enfermée, avec sa soeur, Mme de Farcy, et sa belle-soeur, née Buisson de la Vigne, au couvent du Bon-Pasteur de Rennes, devenu la prison de la Motte ... Les trois suspectes recouvrèrent leur liberté après le 9 Thermidor.

Neuf mois après, le 2 août 1796, Mlle de Chateaubriand épousait M. de Caud, Jacques-Louis-René de Caud, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, colonel commandant le bataillon de garnison du régiment de Monsieur, commandant pour S.M. des ville et château de Fougères, capitaine des gardes de monseigneur le comte de Montmorin, né le 19 juin 1727 à Rennes, paroisse Saint-Etienne.

Elle devint veuve le 15 janvier 1797. Lucile perdit l'année suivante sa mère, et un an plus tard, sa soeur Julie, Mme de Farcy ...

Mme de Caud ne se consola pas de cette perte irréparable : la douleur lui inspira une poignante lamentation et brisa tous les ressorts de son âme. Dévorée par une imagination trop ardente, elle éprouva de vives souffrances réelles ou imaginaires : sa constitution, bien que robuste, n'y put résister : sa santé se détruisit et son état moral s'en ressentit visiblement. Il vint un moment où elle douta d'elle-même, et, désespérant de goûter désormais quelques joies durables en ce monde, elle ne voulut associer personne à une existence tourmentée et vouée au malheur.

Ce fut ainsi que, profondément touchée du sentiment passionné que sa grâce, sa sensibilité, les dons de son esprit, avaient fait naître chez M. de Chênedollé, jeune poète, ami de son frère, elle ne put se décider à lui donner sa main. Elle aussi était attirée vers ce coeur qui comprenait le sien, et son affection se traduisit par le seul engagement que lui permît sa conscience, celui de ne pas se remarier : "Je le regarde, lui écrivait-elle, presque comme un lien, comme une espèce de manière de vous appartenir." Sa pensée intime s'exprima un jour bien énergiquement dans cette déclaration : "Je ne ferai jamais mon bonheur aux dépens du vôtre." (Lucile de Chateaubriand et M. de Caud par F. Saulnier - 1885)

Chênedollé apprit au Coisel la mort de Mme de Caud par un billet de Chateaubriand, décès survenu à Paris, le 18 brumaire an XIII  (9 novembre 1804), dans le quartier du Marais, rue d'Orléans, numéro 6. Chênedollé s'enferma dans la solitude du Coisel avec le souvenir de sa malheureuse amie ... Treize ans après son grand deuil de coeur, il pensait encore à Mme de Caud en regardant le soleil descendre derrière les côteaux de Burcy ...

lioult de chênedollé couple zz


A PROPOS DE SON SECOND MARIAGE :

Le poète dut avouer à son père le mariage qu'il avait contracté à Hambourg avec Mlle Bourguignon. "M. de Saint-Martindon refusa de reconnaître une union pour laquelle il n'avait pas été consulté" ... Il se résigna donc assez aisément à la volonté de son père et songea à refaire sa vie.

Ainsi, il épousa à Vire (14), le 4 juin 1810,  Aimée-Françoise-Antoinette de Banville, fille de Georges de Banville et de Jacqueline-Bertrande Drudes, née à Frênes (61), le 1er avril 1785, dont :

- Charles-Anaïs, né à Vire le 4 août 1811 ; 

- Marie-Corinne, née le 16 avril 1814 ;

- Zénaïde-Victoire-Augustine, née à Vire, le 23 décembre 1815 ; célibataire ; décédée à Vire, le 9 avril 1871 ;

- Charlotte-Henriette- Aurélie, née à Vire le 8 avril 1817 ; mariée le 1er avril 1845 avec Raoul le Pelletier d'Angoville ;

- Louis-Étienne-Léon, né à Burcy, le 7 septembre 1819 ; Inspecteur des forêts ;

- Marie-Charlotte-Théonie, née à Burcy, le 6 janvier 1823 ; décédée le 10 septembre de la même année.


Le poète aimait à les grouper en un charmant bouquet de famille : Coisel, 31 mai 1822 : - Charles Anaïs, mes premières amours ; - Corinne, ma grasse mignonne ; - Zénaïde, ma gazelle ; - Aurélie, la petite gentille ; - Léon, le petit petit ; et le pauvre Ange Théonie.

Aimée de Banville fut une compagne parfaite pendant vingt-trois ans. Elle eut jusqu'à la fin de sa vie le culte du poète. C'est elle qui livra à Sainte-Beuve les documents à l'aide desquels il composa sa jolie étude.

Le 24 novembre 1860, la noble et fière compagne des vingt-trois dernières année de la vie du poète est allée reprendre place à ses côtés. Depuis lors, sur deux monuments voisins, élevés par la piété filiale dans le petit cimetière de Burcy, on lit le nom de Chênedollé et celui d'Aimée de Banville, son épouse.


Le Départ du Soldat Vendéen (23 août 1825) où le poète a mis toute sa ferveur royaliste :

Pars, jeune laboureur, au cri de nos misères !
Pars ! et cours te ranger sous le royal drapeau ;
Cours venger et le trône et la foi de tes pères,
Vole au camp de Cathelineau !
...
Tu vaincras ! Sous ce chef ardent, ferme, intrépide,
Dont le hardi courage est sorti de tes rangs,
Tu vaincras ! ... Son audace et son glaive rapide
Sont pour toi d'assez sûrs garans."

AD14 - Registres paroissiaux de Vire et d'état-civil de Burcy

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