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La Maraîchine Normande
20 septembre 2021

LA ROCHELLE (17) - JOSEPH-AUGUSTIN ET JOSEPH-CLAUDE-AUGUSTIN CRASSOUS DE MÉDEUIL

la rochelle z

Fils de Jean-Henry Crassous, procureur au Conseil supérieur de l'Isle de La Martinique, et de Jeanne Duchesne, JOSEPH CRASSOUS DE MÉDEUIL, notaire et procureur à la Rochelle, est né à la Martinique, paroisse Saint-Paul du Marigot, le 12 avril 1706 , baptisé le 24 avril.

Il épousa, en premières noces, à Longèves, le 11 septembre 1737, Marie-Anne Gauvrit, fille de Pierre Gauvrit, marchand, et de Suzanne Sanceau, (décédée à La Rochelle, le 28 octobre 1741). Il eut de ce mariage : - Marie-Olive, née à La Rochelle, le 22 décembre 1738, mariée à La Rochelle, le 13 février 1770, avec Pierre-Jacques Toussaint-Jacques, habitant au quartier du Môle, île et côte Saint-Domingue, qui n'ont point eu d'enfants ; et - Joseph-Claude-Augustin, né à La Rochelle, le 23 octobre 1741.

Il épousa en secondes noces, à Saint-Martin-de-Ré, le 3 février 1745, Thérèse Griffon des Accords, fille de Simon Griffon des Accords, marchand, et de Marie Moullin (?) ; elle est décédée à La Rochelle, paroisse Saint-Barthélémy, le 22 janvier 1747  et inhumée dans l'église dudit lieu ;

Et en troisièmes noces, le 19 juin 1752, à La Rochelle, paroisse Saint-Barthélémy, Marie-Louise-Catherine Denis, dont il eut neuf enfants, parmi lesquels :

- Michel-Charles, né à La Rochelle, paroisse Saint-Barthélémy, le 9 juin 1753 ; conseiller du roi, notaire ; marié à Marennes, le 9 décembre 1779 avec Jeanne-Valérie Chevillard, dont - Marie-Henriette (1780) - Emilie (1781) ; remarié à Rochefort, le 14 décembre 1786, avec Marie Glace ; décédé à Saint-Domingue, Port-au-Prince le 9 décembre 1787 ;

- Joseph-Augustin, né à La Rochelle, paroisse Saint-Barthélémy, le 20 juin 1755, député à la Convention nationale et "constamment zélé partisan de la Société des Jacobins", il sollicita cependant, l'un des premiers, "le rapport des lois révolutionnaires"Joseph-Augustin Crassous de Médeuil avait épousé, à La Rochelle, le 27 septembre 1780, Anne-Brigitte Catignon, fille de Jean-Jacques, négociant, et de Madeleine-Suzanne Gariteau, née à La Rochelle, le 27 novembre 1756, dont - Brigitte, née à La Rochelle, le 18 octobre 1781, mariée avec Joseph-Joachim-Marie-Jean-Baptiste de Brignan, décédée vers 1845 et - Augustin, né à La Rochelle, le 23 mars 1783, décédé le 5 décembre 1783.

Sa soeur, Marie-Catherine-Olive, née le 16 août 1757, fut mariée avec Pierre-Julien Plessis, procureur du roi au siège présidial de La Rochelle.

Marie-Louise-Catherine Denis est décédée à La Rochelle, le 19 avril 1762, à l'âge de 35 ans.

Joseph Crassous de Médeuil est décédé en son domicile, rue du Palais, à La Rochelle, paroisse Saint-Bathélémy, le 16 décembre 1791, à l'âge de 85 ans, huit mois.

 

St-Barthélémy z

 

JOSEPH-AUGUSTIN CRASSOUS DE MÉDEUIL, CONVENTIONNEL

Né à La Rochelle, paroisse Saint-Barthélémy, le 20 juin 1755, Joseph-Augustin était le frère consanguin de  l'officier de marine dont on parlera plus loin, exécuté en 1793.

Joseph-Augustin conventionnel La Rochelle 1755

Il est reçu avocat à Paris où il a fait ses études de droit. Il est de retour à La Rochelle en 1779 lorsqu'il y acquiert des charges de procureur au bureau des finances et au siège présidial.

En 1784, il est avocat au conseil souverain de la Martinique. Favorable aux idées révolutionnaires, il prend la tête de l'insurrection dans l'île, est arrêté et envoyé en France pour être jugé. Amnistié, il revient à La Rochelle en 1792 et y est élu commissaire près le tribunal du district. Le 28 octobre 1792, c'est néanmoins la Martinique qui l'élit à la Convention. Il entre à l'Assemblée le 8 octobre 1793, après l'exécution de Louis XVI, mais il siège avec les Montagnards, y développant les idées du club des Jacobins, qu'il préside en octobre et novembre 1794, au retour de sa mission en Seine-et-Oise en 1794 où il a mis en place les administrations départementales avec autoritarisme.


En Seine-et-Oise, il sévit contre les nobles et les prêtres, fit démolir les clochers et les châteaux, et, l'année suivante (4 février), remit aux communes la jouissance des presbytères pour leurs écoles ou leurs comités. Lors de l'enquête ouverte, après le 9 thermidor, sur les tribunaux révolutionnaires, il constata que "la proximité de Paris avait dispensé le département de Seine-et-Oise de ces établissements". Le 5 vendémiaire an III, il présenta au nom du comité de correspondance, l'exposé de la conduite de la Société des Jacobins depuis le 9 thermidor, et l'exposé de celle de ses ennemis. Il combattit la proposition d'interdire aux membres de la Convention la fréquentation des sociétés populaires, demanda la liberté absolue des opinions, proposa d'élever à Ermenonville un monument en l'honneur de Jean-Jacques Rousseau, et aux Jacobins d'assister en corps à la translation de ses cendres au Panthéon.

 

Joseph-Augustin signature



En brumaire an III, il devint secrétaire de la Convention. Crassous se montra constamment attaché au parti montagnard. Il déclara que les Vendéens avaient, à Paris, de puissants protecteurs, et que les meilleurs citoyens étaient chaque jour dénoncés sous la dénomination vague de "terroristes". Il appuya, d'ailleurs, la révocation de la loi des suspects ; mais il parla pour les membres des anciens comités, et demanda instamment la mise en liberté des patriotes incarcérés depuis la chute de Robespierre. Il signa la demande d'appel nominal contre le décret de déportation de Barère et de ses co-accusés. Impliqué bientôt lui-même dans les dénonciations et les poursuites qui suivirent les événements du 12 germinal, et accusé d'être un des auteurs de la mort du député Dechezeaux, il fut incarcéré jusqu'à l'amnistie du 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), qui le rendit à la liberté.

Nommé juge au tribunal civil du département de la Dyle (Belgique) en 1798, puis révoqué, il s'établit avocat à Bruxelles où, en 1806, il préside la loge maçonnique des Amis philanthropes. Il quitte Bruxelles en 1824 et vient s'établir chez son gendre à Épinal. Il devient rapidement vénérable de la loge de la Parfaite Union. Il entre à la Société d'Émulation des Vosges dès sa création comme beaucoup de francs-maçons et, en 1829, il en est le président qui, dans une assemblée générale, fait un discours en faveur de la Révolution qui provoque la colère du préfet et un rapport au ministère de l'Intérieur.

Joseph-Augustin Crassous de Médeuil est décédé au domicile de son gendre, M. de Brignan,  à Épinal (Vosges), le 12 janvier 1830.

décès 1830

 


JOSEPH-CLAUDE-AUGUSTIN CRASSOUS DE MÉDEUIL est né le 23 octobre 1741, sur la paroisse Saint-Barthélémy de la Rochelle. Il était fils de Joseph Crassous, notaire royal et procureur au siège présidial de cette ville et de Marie-Anne Gauvrit. Rochelais, il rêva d'être marin.

Joseph-Claude-Augustin La Rochelle 1741

Tout, au début, paru lui sourire ; la mer, c'était le mirage de pays lointains et de peuplades étranges, l'inconnu, les aventures, la gloire ou, du moins, la fortune !

Illusions qu'une douloureuse expérience devait trop tôt faire évanouir !

Nous le trouvons, en 1772, sur le navire "le Roi Dahomet", capitaine Corby, vaisseau armé pour la côte de Guinée.

Il achète, avec Daniel Ricaud, le 26 avril 1783, une part dans la goëlette "la Créole", qu'il revend pour 5.500 roupies, payées comptant à Mungo Dick, esquire. Il embarque sur ledit navire. Le second avait 150 livres par mois, 20 livres par chaque noir vendu, au retour du navire dans l'île de France, et la liberté de mettre à bord un négrillon, dont il pourrait disposer à son gré. Le lieutenant n'avait que 100 livres par mois, 10 livres par noir vendu et un négrillon, dont il n'aurait pas à payer le fret.

City_of_Kilwa,_1572 z

 

Le journal de bord de Crassous contient, à la date du 2 décembre 1783, la relation du mariage du sultan de Quiloa (Kilwa Kisiwani) :

"Le beau-père se leva et vint au Roi, à qui il fit un long discours qui me parut être une exhortation paternelle pour sa fille, à laquelle le Roi paraissait promettre de se conformer. Il se leva ensuite un de ces "cheiks" (ou prêtres), qui parut répéter une partie de ce que venait de dire le beau-père, et on finit par une prière, que chacun redisait. On se leva pour passer dans l'appartement de la future épouse, qui était sur un banc placé au bout de la chambre, et devant lequel était un tapis de Perse, qui fermait entièrement le passage et la rue. Sur le bambou qui portait ledit tapis étaient étalées un certain nombre de marchandises à demi déployées qui me parurent être des présents faits par le Roi à la nouvelle épouse. Auprès du rideau était un canapé sur lequel le Roi s'étant assis, la mariée passa sa main sous le rideau et reçut trente piastres, que le Roi lui donna pour sa dot."

Joseph Crassous de Médeuil paraît ensuite, comme lieutenant de frégate et capitaine en second chargé du détail sur la flûte du Roi "la Juliette", commandée par le prince Victor de Rohan-Guéménée, à la place du lieutenant de vaisseau Roche, mort le 22 janvier 1785. Partie de l'Île de France, "la Juliette" désarma à Lorient, le 10 août 1786.

De nouveau, il embarque au commerce et fait la traite des noirs avec "le Pactole", armé à Bordeaux le 12 mars 1788, par Paul Nairac, pour la côte orientale d'Afrique.

"Par suite de coups de vent, le navire a eu plus de trois pieds d'eau dans sa cale et nous nous sommes vus forcés de jeter à la mer plus de la moitié de nos vivres de traite qui étaient entièrement pourris. Ce qui nous a forcés à diverses relâches, l'une à la baie du Saint-Esprit, l'autre à celle de Saint-Augustin. N'ayant pu trouver à nous ravitailler, nous nous sommes décidés à aller à l'île d'Anjouan où nous nous sommes munis de riz, pois et autres légumes convenables pour les noirs, et où nous avons acheté une corvette pour faciliter nos opérations de traite. Le 28 août, dans la baie de Quiloa, au mouillage ordinaire, nous eûmes le malheur de toucher sur l'extrémité d'un banc. Le navire se renversa et se brisa totalement, et nous avons été contraints de l'abandonner. Nous avions sauvé 30.000 piastres, avec lesquelles nous nous transportâmes sur le navire "le Don Royal", du Havre, capitaine Le Vanier, qui, au bout d'une navigation de 50 jours, eut le malheur de se perdre sur l'île de l'Assomption, dans l'archipel nord-est de Madagascar. Il fut entièrement brisé. Après ce second naufrage, nous fûmes contraints de partager avec l'équipage 5.483 piastres, faisant le tiers de tout ce que nous avions sauvé. Des quinze hommes débarqués avec nous sur l'île d'Anjouan, nous ne sommes partis que 4 sur le brigantin français "les Trois Amis", venant de l'Île de France, le reste de l'équipage s'étant embarqué sur un navire anglais-américain, allant à Madras, dans l'Inde, malgré toutes les représentations que j'ai pu leur faire. Deux autres étaient morts sur l'île d'Anjouan et notre maître d'équipage, pendant la traversée des "Deux-Amis".

A cette déclaration faite à l'Amirauté de l'Île de France par le capitaine du "Pactole", nous pouvons ajouter quelques renseignements empruntés à la correspondance personnelle de Crassous :

"Je me suis rendu à l'île d'Anjouan, après une traversée ordinaire de quatre mois, je m'y étais ravitaillé, en bonne partie, avec les pois du pays, du riz et les autres articles que j'avais pu y trouver pour remplacer plus de la moitié de mes fèves qui étaient entièrement pourries, de même que bonne partie de mon biscuit, et par la grande quantité d'eau que le navire avait fait en diverses occasions, où elle nous avait gagné à plus de trois pieds et demi et quatre pieds dans la cale, à divers coups de vent ... A mon départ d'Anjouan, je me suis rendu à Quiloa, dans lequel port, après y être entré et été au mouillage ordinaire des grands navires et prêt à mouiller, le navire, ayant fait une très petite arrivée, avait toucher sur un banc, où vingt navires ont touché avant lui, sans souffrir aucun dommage, mais la grande finesse du malheureux "Pactole" a causé sa perte, car, au même instant, le navire s'est abattu sur babord, renversé et rompu de toutes parts, quoique la mer fût dans cet endroit aussi belle que dans un étang. J'ai donné tous mes soins pour sauver précipitamment l'argent, qu'il a fallu sortir du fond du navire entre les soutes, avec beaucoup de risques et de peines et sans une perte que de très peu de chose, inséparable de ces sortes de circonstances fâcheuses, l'argent avait été transporté de suite à bord du navire "le Don Royal", capitaine le sieur Le Vannier, qui fut le seul, qui se trouvait audit port et sur son départ, ayant toute sa traite à bord, ce qui lui ôtait le moyen de rien prendre de mes effets et de ma cargaison. On avait cependant sauvé quelques lambeaux de différentes étoffes trempées dans l'eau depuis plusieurs jours et hors de service, n'étant propres qu'à habiller quelques noirs, la guerre qui se faisait alors à terre sur l'île de Quiloa, laquelle était entièrement ravagée par les Arabes et totalement détruite et m'ôtait tout moyen d'y demeurer et de sauver à terre les débris de ce malheureux navire qu'il m'a fallu abandonner, tant à cause des gens du pays que pour profiter du départ de M. Le Vanier, sur lequel je m'étais embarqué avec tout l'équipage. Tandis que ce navire se hâtait pour sortir la baie et aller à la Pagode, est arrivé M. Dussaud, commandant le navire "le Motais", de Narbonne, sur lequel a été embarqué M. Godichon, avec une partie de l'équipage. Depuis, M. Derussat a été placé sur le navire "les Cinq Cousines", du Havre, capitaine le sieur L'Evesque, arrivé deux jours avant notre sortie, et M. Grenouilleau a été envoyé à Mongalle pour y embarquer sur le navire français, qui y était en traite. J'ai su depuis qu'il était passé à bord du navire "le Brillant", capitaine le sieur Le Maître, de votre port. Il ne m'est resté sur "le Don Royal" que quinze hommes, moi compris, avec lesquels nous avons mis en mer du port de Quiloa, le 25 septembre 1788, nous sommes restés jusqu'au 10 novembre que nous nous sommes échoués à pleines voiles sur une petite île de l'archipel nord-est de Madagascar, estimée être celle de l'Assomption, suivant le plan de M. d'Après, où nous sommes restés fort misérables jusqu'au 20 décembre, n'ayant que de l'eau de pluie à boire, lorsqu'il plaisait à Dieu nous en envoyer ... Enfin, avec une frêle barque construite des débris du navire, je viens d'arriver à Anjouan, avec quatorze hommes du navire "le Pactole" et seize du navire "le Don Royal", M. Pérès, notre chirurgien étant resté avec M. Le Vanier et vingt-quatre hommes dudit navire pour y construire une autre barque ou chaloupe, laquelle vient d'a rriver à la Ville du Roi, du côté opposé où nous nous trouvons, où se trouve dans ce moment un navire portugais qui leur donne passage pour Mozambique avec tout son équipage. J'en profite pour vous donner ce présent avis confirmant la perte de plus de la moitié de l'argent qui était à bord du "Pactole". Comme nous ne pouvons prendre la même route que le sieur Le Vanier, nous attendrons ici quelque autre occasion pour nous transporter, soit au Cap, soit à l'Île de France, pour vous envoyer le plus tôt possible à votre meilleur avantage. Je ne négligerai rien pour vous faire passer les détails les plus circonstanciés de notre second naufrage avec "le Don Royal" sur l'île de l'Assomption."

Aux détails donnés dans cette lettre du 17 janvier 1789 à ses armateurs, Paul Nairac et fils aîné à Bordeaux, Crassous ajoute le même jour en écrivant à son ami Plessis, à La Rochelle :

"Nous sommes actuellement à l'île d'Anjouan à la discrétion un peu des Maures et des Arabes, mais moins Arabes encore que ceux que nous avions quittés sur l'île de l'Assomption (Seychelles) au nombre de vingt-cinq, où il nous a fallu être témoins du massacre impitoyable de quatre cents malheureux noirs, femmes et enfants ... Bref, nous avons tout perdu, nous voilà réduits au néant. Il me reste encore six chemises et quelques lambeaux de hardes, le reste est perdu entièrement, soit livres, papiers, argent, tout a été pillé ... On pourrait faire un excellent mémoire de tout cela, au demeurant, mon cher bon ami, nous attendrons quelques occasions favorables pour nous tirer d'ici, mais nous avons de grandes grâces à rendre à Dieu de nous y avoir conduits ... Je remets la présente par la voie de Mozambique à toutes chances pour te parvenir. Tu dois regarder cette lettre comme commune à toute la famille et particulièrement à mon Père, s'il existe, ainsi qu'à ma chère soeur, madame J... Puisse le sort ne pas vous être si contraire et qu'il fasse mieux prospérer votre travail et vos facultés. Je t'embrasse de tout mon coeur, ainsi qu'Olive et les autres soeurs. Dieu vous ait en sa sainte garde. Salam, Salam, Salam !"

Port-Louis. Île de France. 15 juillet 1789. - "Après la perte du "Pactole" à Quiloa, je m'embarquais sur le navire "le Don Royal", du Hâvre, capitaine le sieur Le Vannier, seul et unique navire qui se trouvait alors audit lieu de Quiloa et j'y plaçais l'argent que nous avions sauvé, se montant à près de trente mille piastres. Le sort a voulu que ce même navire ait eu le malheur de se perdre aussi sur une petite île déserte, au nord-est de Madagascar, dite l'Assomption, sur laquelle je me suis vu forcé et contraint de donner aux équipages, tant du "Don Royal" que du "Pactole", la quantité de cinq mille quatre cent quatre-vingt-trois piastres, tiers de ce qui avait été sauvé et remis en nos mains et dont j'ai déposé le reçu à l'amirauté de ce lieu, avec les autres pièces annexées à ma déclaration ... Je me propose de vous faire passer, par la première occasion, les deux autres tiers de cette somme, faisant celle de dix mille neuf cent soixante-six piastres, que je vous enverrai en lettres de change, comme étant la plus courte voie et la moins défavorable que j'entrevoie à vos intérêts, sauf à vous donner par la suite un compte plus détaillé du surplus ... Je suis arrivé ici avec un mousse et un novice seulement, le surplus des 14 personnes qui m'accompagnaient du "Pactole" étant morts ou passés dans l'Inde sur un navire anglais parti d'Anjouan, le même jour que le navire "les Amis", capitaine Mordaille, y est arrivé et sur lequel je suis passé dans cette colonie. - 3 décembre 1789. J'espère partir moi-même pour France, mardi prochain, sur le navire "la Vicomtesse de la Bintineys", capitaine le sieur Dirée, allant à Lorient. Dieu nous veuille donner une meilleure traversée que ci-devant !"

Le 11 février 1791, Joseph Crassous de Médeuil (49 ans), sous-lieutenant de vaisseau, avec permission du Roi, du 18 décembre 1790, prit le commandement du navire "l'Île de France", armé par MM. Pierre Changeur et Le Guen, de Bordeaux, pour faire un voyage à l'Île de France et à la côte d'Afrique, avec six canons de six livres de balle et trente homme d'équipage, passés en revue à Bordeaux le 16 février, d'où il est démarré, le 18, pour descendre la rivière et d'où il a mis dehors, le 4 mars, à 5 heures de l'après-midi. Le registre d'armement s'ouvre par la visite du navire par un capitaine de marine, un constructeur et un charpentier, nommés le 26 janvier 1791 par le lieutenant général de l'Amirauté de Guienne, conformément à la déclaration royale du 17 août 1779. Suit l'acquit-à-caution des marchandises et denrées chargées directement pour les colonies française de l'Amérique. Le journal de navigation en tête duquel se lit : "Laus Deo !" contient les noms, âge, grades et solde de chaque personne embarquée à bord de l'Île de France, l'inventaire des vivres et des munitions, celui du chargement.

LAUS DEO Z

Le commandant de l'île de Gorée, le 21 mars 1791, M. d'Erneville, qui a rang de major et, sous ses ordres, 50 hommes de garnison, a envoyé un canot avec un officier et un garde magasin pour inviter Crassous à dîner, et lui demander des nouvelles de la patrie, ce qui inspire au capitaine de "l'Île de France" les réflexions suivantes : "Chère France, que les sujets sont intéressants, que tu devrais les aimer, leur être attaché et les protéger, qu'il y a de ressources à gouverner une semblable nation ! Si les rois, qui y sont préposés, la connaissaient mieux et avaient eu une éducation relative à ce sujet ! Puisse la lumière se répandre dans toutes les parties de l'administration et animer cette masse d'hommes intéressants et aimables au travers leur apparente folie !". - Arrivé au cap de Bonne-Espérance, le 13 mai. Logement chez M. Guy et rencontre de M. de Montigny, chevalier de Saint-Louis, et de son frère, avides des nouvelles de France et de la Constitution. Arrivée à l'Île de France, le 9 juin 1791. "Dieu soit loué et béni !" - Nouvelles difficultés.

L'armateur Le Guen vendi le navire "l'Île de France" et le navire "la Ville de Bordeaux", bien que ces deux bâtiments aient été expédiés de Bordeaux, pour une opération de traite. L'avocat, auquel s'adressèrent Crassous et son état-major, estime que les polices passées entre les armateurs et les officiers sont "astucieuses, contraires à l'honnêteté et au droit public". Lorsque les armateurs promettaient, pour obtenir une prime très forte d'encouragement de l'état, de destiner leurs navires à la traite, ils n'en avaient pas l'intention, ce que l'événement a achevé de justifier. En cet état, aucun des navires ne devant faire le voyage de traite, il est dû aux officiers abusés une indemnité raisonnable et même ample, parce que celui qui ne remplit pas ses obligations, après avoir capté un profit injuste, doit être jugé avec rigueur, vis-à-vis de celui qui se présente en état de remplir les siennes et qui ne demande qu'une juste indemnité. Enfin l'on pense que toutes les clauses insérées dans les diverses polices, qui sembleraient devoir porter obstacle à ce juste dédommagement, ne doivent au contraire que l'aggraver, et qu'au surplus, malgré l'art et la réflexion employés dans la rédaction des polices, quand on les prendrait à la lettre, rien encore ne s'opposerait à ce que l'équité et la justice réclament en faveur des officiers et qu'on eût dû leur accorder par la voie de la conciliation, qui a précédé les démarches judiciaires.

Le Guen fit constater, par le bureau des armements, qu'il avait offert à l'état-major de son vaisseau "l'Île de France" de passer, en service et de suite, à bord de son autre vaisseau "la Ville de Bordeaux", en vertu d'une condition particulière faite avec eux à Bordeaux, ce que ledit état-major a refusé de faire (26 juillet 1791). Sur la couverture on lit : "Ces papiers sont, comme plusieurs autres, ayant besoin d'être sévèrement examinés par une instruction particulière, mais pour ma satisfaction, il les faudroit tous brûler, sans les parcourir, pouvant induire à de grandes erreurs, n'ayant été faits que pour m'amuser dans mon loisir, cependant comme ces suppositions sont mêlées avec des réalités, je les ai gardés, me promettant, à mon loisir, d'extraire le bon et de brûler le reste."

Lieutenant de vaisseau à bord du "Généreux", puis second de "l'Apollon", Crassous faisait partie de l'escadre du contre-amiral Trogoff, au moment où l'arsenal de Toulon et cette escadre furent livrés aux Anglais. Les équipages du "Généreux" et de "l'Apollon", ayant obtenu d'être renvoyés dans leurs arrondissements maritimes, "l'Apollon" vint mouiller en rade de l'île d'Aix à la fin d'octobre 1793, ramenant au port les hommes des deux vaisseaux.

Officiers et marins furent aussitôt arrêtés et emprisonnés, sous la prévention d'avoir trempé dans le complot de Toulon et d'être venus pour préparer la défection du corps de la marine de Rochefort.

- Trente-trois prévenus comparurent dans l'église de l'hôpital Saint-Charles, transformée en tribunal criminel par les représentants Lequinio et Laignelot. Sur la seule déposition d'un matelot et les conclusions de l'accusateur public, Victor Hughes, sans que rien indiquât la part que chaque accusé avait prise aux événements de Toulon, le tribunal condamna à mort les lieutenants de vaisseau Joseph Crassous, du "Généreux", Jean Brelay et Louis Guérit, de "l'Apollon", les enseignes Etienne Varenne et Jacques Canudet, de "l'Apollon", et Michel Mage, du "Généreux", les capitaines d'infanterie Henri Marizi et Antoine Diot, le chirurgien-major Claude Bordeaux et l'enseigne Jean Chamboudy, de "l'Apollon". Deux officiers, François Gobéry, de Colmar, lieutenant au 77e d'infanterie, et Louis Bonnard, de Royan, aide canonnier furent condamnés à la déportation comme fortement suspects, huit aspirants de marine : François Baudin, de La Flèche ; Jean-Baptiste Breton, de l'île de Ré ; Emmanuel Marcellat, de l'île de Ré ; Jacques Lombard, de Rochefort ; Jacques Petit, de Blaye ; Germain Rouget, de Niort ; et Jacques Chesneau, de l'île de Ré, à la déportation comme suspects au simple degré. Quatorze furent absous, parmi lesquels l'aumônier du "Généreux", l'abbé de Capraya.

Les dix condamnés à mort ne sortirent du tribunal que pour monter à l'échafaud. [8 frimaire an II - 28 novembre 1793]

En annonçant cette sentence à la Convention, les représentants ajoutèrent : "Nous nous croyons assez certains du civisme de Crassous pour ne pas douter qu'il eût lui-même, s'il avait été juge, voté la mort de son frère, commandant en second le vaisseau "l'Apollon" et qui vient de tomber sous la hache de la loi (1)."

 

Joseph-Claude-Augustin signature


(1) Tribunal révolutionnaire, 8 frimaire an II. Moniteur. - D. Massiou, Viaud et Fleury. Les archives de la Charente-Inférieure possèdent quatorze lettres du 26 mars au 22 juillet 1793, de Rouget, père, au citoyen Rouget, aspirant de la marine à bord du vaisseau "le Généreux", en rade de Toulon. Cachet armorié en cire rouge portant : de gueules au chevron d'argent accompagné de trois rougets en pal, deux en chef et un en pointe. Couronne de comte.

La dernière est datée de Bouchain, le 22 juillet 1793, l'an II de la République :

"J'ai reçu, mon bon ami, ta lettre avec bien du plaisir, il n'en a pas été de même lorsque j'ai lu les fâcheuses nouvelles dont je te remercie de m'avoir instruit, cependant quelles qu'elles soient, lorsqu'il y aura du nouveau de votre côté, ne néglige pas à m'en instruire, tu me feras toujours grand plaisir. De mon côté, je ne serois pas long à te contenter, car jamais les faits ne sont rapportés au vrai. Les deux armées sont toujours dans la même position et à la même distance, personne ne fait mine d'avancer, si ce n'est, comme tu as pu le voir dans les papiers publicqs, le 14 de ce mois, que nos avant postes furent repoussés jusques sous le canon de cette ville, et nous ne tardâmes pas à saluer l'ennemi qui fut par là obligé de débusquer et battre en retraite. Hier encore nous fîmes sortir un piquet de soixante hommes et ils nous ont ramené deux hussards, mais tout cela ne vaut pas la peine presque d'en parler. Condé est décidément rendu du 13, la garnison est sortie de la ville avec les honneurs de la guerre et a mis bas les armes à 100 toises des remparts, et de là a été conduite prisonnière de guerre à Aix-la-Chapelle, Cologne et Ruremonde. C'est le général Chancel qui commandoit la place, il ne s'est rendu que faute de vivres, il n'est resté dans la ville que deux tiers de ration de vivres. La place a tenu depuis le 9 avril et n'avoit que pour un mois de vivres. Depuis cinquante jours, ils vivoient avec 7 onces de pain et du cheval. La garnison consistoit en : le dépôt du 1er régiment d'infanterie, le 1er bataillon du 6e régiment, le second bataillon du 38e et celui du 49e, le 6e et le 7e bataillon de Paris, 3 batailons de la Charente et de la Charente-Inférieure, dont un étoit à Verdun, l'année dernière, et enfin le 5e bataillon du Pas-de-Calais, deux compagnies d'artillerie, les canonniers bourgeois et 50 chasseurs à cheval. Total : 4.009 hommes qui sont prisonniers. Ils n'ont point voulu des quartiers maîtres, des fouriers, chirurgiens-majors, musiciens, charretiers d'artillerie et femme de soldats, tout est rentré en France et est passé ici, le 16, au matin.

Valenciennes est toujours bloqué et assiégé depuis le 26 mai, la défense paroit vigoureuse, la canonade est toujours terrible, les fenêtres de ma chambre en tremblent, il n'y a que trois lieues, un coup n'attend pas l'autre, ils ont été cependant trois jours sans tirer. Tout ce qu'on débite sur le compte de la garnison est entièrement faux, nous disent les déserteurs, il n'y a eu ni assauts ni sorties. Maintenant que Condé est pris, il y a à parier que l'ennemi va s'occuper de nous et que nous pourrions bien être attaqués un de ces matins, car nous sommes en avant de l'avant garde. Je ne puis blâmer la conduite de votre général, au contraire je l'approuve beaucoup. Hélas ! mon ami, c'est aujourd'hui malheureusement le sort de notre triste Patrie que d'être dominée par un tas d'anarchistes et de désorganisateurs qui ne désirent et ne cherchent que la ruine de la France. Quand enfin arrivera donc le jour où nous serons délivrés de l'oppression actuelle et que nous pourrons enfin jouir en paix des douceurs de la Liberté. Oui tel est mon avis, nous n'avons jamais été moins libres qu'à présent, et ce n'est pas là ce que nous avions lieu d'attendre des peines que nous souffrons depuis deux ans et de celles que nous avons encore aujourd'hui. Peut-on voir rien de plus abominable que la conduite que l'on tient à l'égard de Custines, jamais nous n'eûmes un général plus digne de la confiance de l'armée, eh ! bien ! on cherche à la lui faire perdre, en un mot on cherche à nous replonger dans l'esclavage. Marat mort, Dieu soit loué ! C'est un monstre de moins sur la terre. Que Danton, Robespierre et les chefs de leur faction scélérate périssent et la France est encore sauvée, la Liberté renaîtra de leurs cendres. Croirois-tu, mon ami, pour avoir dit, en causant avec un officier, que je ne croiois pas la Convention libre et que la Constitution étoit vicieuse, j'ai été dénoncé par lui, arrêté par la gendarmerie, livré à la prévôté et jugé à cinq jours de prison, parce que c'étoit clair que je n'étois pas coupable. Auroit-on jamais pu penser que je fusse regardé comme un aristocrate ? C'est ce qui m'est cependant arrivé. Mais je méprise tout cela, je ferois mon devoir et me battrais jusqu'à la mort pour ma Patrie et la Liberté. Jamais je ne capitulerois avec les tyrans et leurs satellites ! Adieu ! Je n'ai pas de nouvelles du pays, il paroît que cela ne va pas mieux."

ROUGET. Lt comdt l'artillerie du 2e Bataillon des Deux-Sèvres, en garnison à Bouchain.

(Cachet en cire rouge, un faisceau de piques surmonté du bonnet phrygien entre deux pièces de canon, au centre d'une couronne de lauriers : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.)

 

Revue poitevine et saintongeaise - Histoire, archéologie, beaux-arts et littérature - Huitième année - 1891 - pp. 335 à 344 - LOUIS DE RICHEMOND

Dictionnaire des Vosgiens célèbres - Albert Ronsin

Site de l'Assemblée Nationale

AD17 - Registres paroissiaux et d'état-civil de La Rochelle

Archives municipales de La Rochelle / La traite négrière / cote EEARCHANC 47 et 49

 

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