VAULX-VRAUCOURT (62) - NEW-YORK (U.S.A.) - LES FRÈRES PEUGNET
LES FRÈRES PEUGNET, NEVEUX DU COLONEL PEUGNET
C'était en 1822, on publiait dans les rues de Paris la condamnation à mort d'un grand coupable : Louis Peugnet fut condamné à mort par la cour d'assises de Colmar (août 1822), et exécuté en effigie sur la place de Belfort, le 30 septembre.
Quelques mois plus tard, les journaux annonçaient l'arrestation de son frère, Hyacinthe-Messidor, accusé aussi de crime capital. Ces deux hommes sont nés dans le département du Pas-de-Calais. Leur famille habitait la commune de Vraucourt ...
Louis et Hyacinthe Peugnet, sortis de l'école militaire en 1813, avaient servi pendant deux ans comme sous-lieutenants dans les armées impériales. Après Waterloo, ils s'étaient retirés dans la maison paternelle au village de Vraucourt, alors occupée par une garnison anglaise. L'acte d'héroïsme, dont ce hameau fut le théâtre y a effacé, avec éclat, la souillure de l'invasion étrangère.
Soit qu'un lâche ennemi politique, soit qu'un instinct brutal de haine nationale eût excité contre les frères Peugnet un certain nombre de ces soldats, il arriva qu'un jour au moment où Hyacinthe se promenait autour du village, il fut tout-à-coup assailli et terrassé par plus de vingt hommes placés en embuscade derrière une haie. Il était sans armes, donnant le bras à une de ses parentes. Louis, encore souffrant d'une blessure reçue à Waterloo, suivait, à plus de cent pas, appuyé sur une faible canne à épée. A la voix de son frère, il se précipite sur les agresseurs armés de sabres, de bâtons, de baïonnettes, et venge dans le sang du premier qui s'offre à lui, l'injure faite à l'uniforme français. C'est un trait presque fabuleux, que cette lutte d'un seul homme contre une bande furieuse qui s'accroissait à chaque instant par l'arrivée de nouveaux auxiliaires. L'intrépidité trompha du nombre. Huit anglais tombèrent sous ses coups. Le reste épouvanté prit la fuite.
Bientôt à l'aspect de tant de cadavres, le régiment tout entier était accouru autour de leur demeure, en poussant des cris de mort. Eux, certains de périr, se préparaient du moins à vendre chèrement leur vie. La nuit survint au milieu de ces apprêts sinistres. Déjà, après des assauts répétés, plusieurs des assiégeants, avaient escaladé la clôture de la ferme et une de leurs balles avait couvert Louis des débris de la fenêtre où il se tenait en observation contre l'ennemi, lorsque des officiers supérieurs du régiment réussirent à pénétrer dans la maison comme parlementaires. Ils pressèrent généreusement les frères Peugnet de se couvrir de l'uniforme anglais pour échapper à la rage de la soldatesque. Tous deux à cette proposition n'eurent qu'une réponse : "Jamais nous ne dépouillerons l'uniforme français pour revêtir l'uniforme étranger. A ce prix, nous préférons nous ensevelir en ces lieux où nous avons reçu la vie."
Tant de noblesse dans un si grand péril avait ému si profondément tous les chefs qu'ils descendirent jusqu'aux supplications pour que les dignes frères se prêtassent à un autre moyen de salut. C'était de se laisser conduire sous escorte anglaise jusqu'à la ville voisine. Toutes les instances n'obtinrent encore qu'un refus. "Nous consentons à nous livrer à la justice, dit Hyacinthe, mais à condition que nous serons conduits devant elle par la force publique de notre pays : car pour l'étranger nous ne pouvons, comme officiers français, que protester contre sa présence, sur le sol de la France."
Les officiers anglais réussirent, et et quelques-uns même au péril de leur propre vie, à faire accepter cette condition à leurs soldats en leur représentant la nécessité d'un grand exemple et d'un supplice solennel. Alors les frères Peugnet se remirent aux mains de la gendarmerie qui les conduisit devant M. de Caraman à Arras.
Il faut dire à l'honneur de ce général, ancien émigré, qu'il se conduisit loyalement envers eux. Il ne fit point sa cour à l'opinion réactionnaire de l'époque ni à l'étranger, aux dépens de deux braves. Il se contenta de les envoyer prisonniers d'état, sur parole, à la citadelle. Cette honorable captivité fut de courte durée. Sur un rapport favorable des chefs du régiment anglais, le duc de Wellington, décida qu'il n'y avait point lieu à accusation.
Les Peugnet furent rappelés au service en 1819 : d'autres dangers y attendaient leur patriotisme.
Une immense conspiration s'était organisée contre les Bourbons. Elle comptait dans son sein ce que la France avait de plus honorable. Louis et Hyacinthe en firent partie. Le premier était à Belfort, le second à Strasbourg. - On sait comment l'affaire de Belfort fut découverte au moment d'éclater. Il était dix heures du soir. Louis était sorti pour rallier ses amis, lorsqu'il fut rencontré par le lieutenant de Roi qui parcourait la ville, à la tête d'une compagnie, pour se saisir des conjurés. Au cri de "qui vive", il avait dit : "Officier du 29e régiment". Le lieutenant de roi reconnut sa voix, et donna aux soldats l'ordre de le cerner. Peugnet lui répondit par un coup de pistolet qui l'atteignit à la poitrine. La balle fut amortie sur une croix de St-Louis. Dans le trouble qui suivit cette explosion et la chute de l'officier, Louis avait pu écarter deux baïonnettes déjà croisées sur sa poitrine et s'échapper par une des portes de la ville. Des soldats le poursuivirent : c'étaient des hommes de sa compagnie ; comme ils obéissaient à regret, il les laissa bientôt loin de lui.
Un officier à demi-solde le conduisit dans une ferme où il resta caché pendant quinze jours. L'autorité découvrit cette retraite et des gendarmes y furent envoyés aussitôt. Ils ne s'éloignèrent qu'après de longues recherches dans toutes les parties de la maison. Ils avaient oublié de lever un plancher de grenier sous lequel Louis respirait à peine mourant de faim.
La police s'imagina qu'il s'était dirigé vers la frontière. C'était en effet la résolution la plus naturelle. Mais par cela même il en avait adopté une autre. Il eût l'idée de se réfugier dans sa famille en traversant toute la France. Arrivé près de Vraucourt, il avait attendu le soir pour y pénétrer sans être aperçu. Cette précaution faillit lui être fatale. Il s'était introduit silencieusement dans la cour de la maison paternelle : il vint ensuite frapper contre la fenêtre de sa soeur, en murmurant quelques mots qui pouvaient le faire reconnaître. Éveillée en sursaut, celle-ci poussa un cri d'effroi ... L'alarme avait été jetée dans la ferme : les parents et les domestiques accouraient. Mlle Peugnet reprit ses sens. Il lui fut aisé de mettre sur le compte d'un rêve une peur qui aurait pu coûter la vie à son frère.
Tandis que s'instruisait le procès de Louis et que toutes les polices du royaume s'agitaient pour livrer sa tête à ce que l'on est convenu d'appeler la justice, un ancien brave, le commandant Biolet, conservait pour la France, un dépôt si cher. Pendant six mois, Peugnet eut pour retraite un grenier inaperçu où la digne compagne de son hôte ne cessa, un seul jour, de lui prodiguer des soins de mère. C'est là qu'un autre habitant du Pas-de-Calais qui s'est rencontré partout où il y avait de nobles périls à courir, c'est là que Frédéric Degeorge, alors étudiant en droit, vint chercher son ami pour le conduire en Belgique près du général Lawestine, dont le nom mérite d'être associé à ceux de Degeorge et du commandant Biolet.
Moins heureux que son frère, Hyacinthe Peugnet était sous les verroux. Il dut à une force d'âme invincible d'échapper à l'échaufaud et d'y soustraire en même temps ses camarades. Quelques-uns d'entr'eux, persuadés par l'officier instructeur que Peugnet avait fait les aveux les plus explicites, avaient renoncé à des dénégations qu'ils jugeaient désormais inutiles. Quand vint le tour d'Hyacinthe, on essaya envers lui le même système de perfidie : mais il ne donna point dans le piège. Vainement on plaça sous ses yeux les déclarations signées de ses amis, il nia tout. Il resta inébranlable aux séductions, aux menaces et même au tourment de la faim. Car pour abattre son courage on lui faisait attendre, privé de tout, pendant des journées entières, l'instant de l'interrogatoire. Le bourreau qui torturait si indignement un accusé, portait les épaulettes de général.
Notre courageux compatriotes avait été jeté à Ste-Pélagie dans un cabanon solitaire, où on le tenait au secret le plus rigoureux. Depuis son arrestation à Strasbourg, il n'avait revu aucun de ses amis. Il ignorait même dans quelle prison on les avait envoyés. Désespérant de pouvoir se concerter avec eux, il eût recours à un moyen extrême. Il imagina de faire le fou, et joua si bien son rôle que tout le monde y fut pris.
Le pouvoir n'est jamais assez bien servi pour que, de temps à autre, il ne se rencontre, parmi ses geôliers, quelqu'âme humaine. Un des gardiens d'Hyacinthe était un jeune homme de vingt ans. Ce brave garçon avait aperçu, à force de sympathie et d'intérêt pour son prisonnier, ce que la surveillance soupçonneuse des vieux suppôts de la police n'avait pu leur révéler. Il avait deviné que cette folie si bien jouée n'était qu'une ruse, et en faisant part à Hyacinthe de sa découverte, il lui avait en même temps offert ses services. Le premier soin du captif qui trouvait un coeur à qui se confier, fut de s'informer de ses compagnons. Il apprit qu'ils étaient dans la même prison que lui. Grâce au zèle et à l'intelligence du généreux gardien, bientôt les amis purent s'embrasser et concerter leur défense. Les premiers aveux furent rétractés, de sorte que l'autorité n'eut plus d'autre témoignage contre eux que celui du dénonciateur. C'était un officier du 29e, nommé Charvais.
Acquitté ainsi que ses camarades de l'accusation de complot, Hyacinthe s'empressa d'aller rejoindre son frère et tous deux s'embarquèrent à Anvers dans l'espoir de se trouver au passage de la Bidassoa avec les Français qui s'y étaient réunis sous le drapeau tricolore. Un vent contraire les ayant retenus pendant trois semaines à l'embouchure de l'Escaut, ils vinrent débarquer à Cadix.
La France était fermée à Louis Peugnet. Hyacinthe voulut partager l'exil de son frère. Ils partirent ensemble pour les États-Unis.
Ils adressèrent une lettre d'adieux à une de leurs parentes à Arras :
"Nous allons, disaient-ils, au Canada Inférieur, établir une ferme. Alors nous écrirons à notre famille de venir nous joindre ; et vous, si vos malheurs n'ont point de terme, venez aussi au "Vraucourt" que nous allons créer."
En effet, ils arrivèrent au Canada où ils s'établirent. Le lieu qu'ils choisirent pour leur ferme était situé au sein des vastes forêts du continent, à 120 lieues environ dans les terres. Ils parvinrent néanmoins à se procurer des bestiaux auprès de diverses tribus indiennes.
Un jour, Louis amena deux boeufs qu'il avait échangés contre un sabre qui lui rappelaient un grand souvenir. C'était l'arme dont il avait abattu à ses pieds un officier anglais qui, le voyant étendu et tout épuisé de sang dans la plaine de Waterloo, s'était élancé à sa rencontre en lui ordonnant de se rendre. Hyacinthe troqua une paire de pistolets contre une vache. Quand ils enrichissaient ainsi leur établissement c'était toujours à la suite d'excursions qui n'étaient pas sans dangers. Car n'ayant que la boussole pour guide, il leur arrivait souvent de se perdre pendant des journées entières. Les boeufs les aidaient à cultiver les terres qu'ils avaient défrichées : le lait de vache servait à les nourrir. Ils construisirent une habitation avec des troncs d'arbres : elle se composait d'une seule pièce. On s'occupait alternativement des travaux de la ferme. Celui qui restait à la hutte, préparait la farine et le porc salé : leur nourriture habituelle.
Ils passèrent une année dans cette solitude. Déjà leur établissement était en voie de prospérité : ils attendaient une récolte d'avoine, de pommes de terre, de maïs, de pamelle, lorsque Louis tomba malade : il fut obligé de quitter son frère pour se diriger vers New-York. Hyacinthe resté seul, vit bientôt ses forces s'épuiser : il abandonna à son tour un asile qui lui était devenu insupportable loin de son frère.
Aux États-Unis, les plus honorables amitiés recherchèrent les frères Peugnet. Parmi les personnages avec qui ils eurent les plus intimes rapports, on doit citer Joseph Napoléon, le comte Réal, le général Bernard et M. Gener, l'ancien et courageux président des Cortès.
Le général Lafayette se plaisait à les appeler ses "glorieux complices". C'est l'expression qu'il employa dans une lettre qu'il écrivit spontanément en présence d'Armand Carrel et de Charles Ledru, quelques jours après la révolution de juillet, pour exprimer à M. le comte Molé, alors ministre des affaires étrangères, combien il eût été personnellement heureux de voir la France représentée à New-York et à Washington par ses dignes amis.
Déjà, depuis plusieurs années, les frères Peugnet avaient fondé, sous les auspices de l'illustre général une maison d'éducation aux États-Unis sur le modèle de notre École Polytechnique.
L'on sait à quel noble usage fut consacré la petite fortune qu'ils y ont acquise. Mais il leur répugnerait d'être loués pour un dévoûment sans égal à leur famille. Aux yeux de tels hommes se sacrifier aux siens n'est pas un mérite ; c'est le plus doux et le plus sacré des devoirs.
CHARLES LEDRU, Avocat à la Cour royale de Paris - Les Frères Peugnet - 1835
LA FAMILLE PEUGNET
La famille Peugnet était composée du père, Jean-Guislain Peugnet (1769 - 1858), mulquinier, marchand, agriculteur propriétaire et maire de Vraucourt, et de la mère, Nathalie-Joseph Fonder (1764 - 1847). Le couple eut 5 garçons et 3 filles :
- Louis-Désiré, né à Vraucourt, le 21 mars 1793 ;
- Hyacinthe-Messidor, né à Vraucourt, le 1er messidor an II (19 juin 1794) ;
- Sophie-Albine-Guislaine, née à Vraucourt, le 29 août 1795 ; mariée avec Charles-Félix-Guislain-Joseph Dubois ; décédée à Vaulx-Vraucourt, le 13 mai 1860 ;
- Élise-Narcisse-Ursule, née à Vraucourt, le 10 juillet 1797 ; mariée avec Georges-William Crowe ;
- Théophile-Aimé-Adolphe, né à Vraucourt, le 11 septembre 1798 ;
- Henriette-Uranie-Marie, née à Vraucourt, le 8 mars 1801 ; décédée à Vraucourt, le 30 septembre 1802 ;
- Alcide-Émile-Félix, né à Vraucourt, le 31 décembre 1802 ; marié avec Catherine-Marguerite Pouillaude ; dont sept enfants ; décédé à Vaulx-Vraucourt, le 2 mai 1875 ;
- Léopold-Louis-Joseph, né à Vraucourt, le 17 juillet 1804 ; décédé à Vraucourt, le 28 mars 1814.
LOUIS-DÉSIRÉ
On retrouve son signalement sur une fiche du Fichier Bossu (FM) et qui fut envoyé en 1822 par le procureur général de Colmar : "1 m 76, front large, yeux gris, bouche petite, menton rond, cheveux chatain, coloré, portant moustaches".
Louis-Désiré avait épousé le 1er février 1830 à Philadelphie (Pennsylvanie U.S.A.) Marie-Thérèse Pratte, âgée de 21 ans, fille du général Bernard-Abadie Pratte (1771 - 1836), née à Saint-Louis, famille originaire de France ; dont entre autres : Marie-Louise-Nidelet, née à New-York en 1832 ; - Armand-Bernard, né à Cape-Vincent, New-york, le 2 avril 1833, décédé à Saint-Louis le 26 mai 1894, vice-consul de France à Édimbourg, marié à Rome le 2 avril 1870 avec Virginia Sarpy ; - Maurice, né à Windsor-Essex County, Ontario, Canada, le 8 janvier 1835 ; - Ernest-Hyacinthe, capitaine, né à New-York le 13 octobre 1838 ; - Nina, née en 1846 et - Octavia, née en 1850 (Geni.com). Le couple aurait eu 11 enfants.
Louis-Désiré a été amnistié et réhabilité et sa condamnation à mort annulée puis, par décret du 25 juin 1849, il fut nommé Chevalier de la Légion d'honneur ; il fut aussi médaillé de Sainte-Hélène.
Des documents américains font mention du Baron Louis Peugnet. Ce dernier n'a jamais été fait baron de l'Empire, grand privilège d'ailleurs qui avait honoré son oncle, le colonel Jean-Baptiste Peugnet qui avait été élevé au rang de baron de l'Empire par Napoléon le 16 décembre 1810.
Louis-Désiré est décédé à Trois-Torrents, Valais (Suisse), le 31 août 1877 et inhumé le 3 septembre 1877 au Cimetière de Clarens - Montreux - Vaud (Suisse) :
"En l'an mille huit cent septante-sept, le 31 août à 4 heures vingt-deux du matin, est décédé, réconforté par les sacrements de l'Église, Monsieur Louis Désiré Peugnet, fils légitime de Jean Guillen Peugnet et de Nathalie Fonder, né à Vremcourt (Pas-de-Calais) en France le 21 mars 1793, mais résidant à Trois-Torrents depuis deux mois environ ; le deux septembre, une fois les cérémonies religieuses accomplies en l'église paroissiale de Trois-Torrents, il a été transporté à Montreux (canton de Vaud) dans la paroisse de Vevey et y fut enseveli. - En atteste Ad. Ecoeur, responsable de la paroisse."
Les archives du cimetière indiquent que la concession a été régulièrement payée jusqu'en 1991 (semble-t-il par un parent domicilié à Saint Louis dans le Missouri).
Son épouse, Marie-Thérèse, est décédée à Hyères (Var), hôtel d'Orient, le 22 février 1894, à l'âge de 85 ans.
Pour quelle raison, le capitaine Louis-Désiré Peugnet est-il mort en Suisse ?
Port de New-York, le vendredi 1er juin 1877 : Louis-Désiré Peugnet, 84 ans, et son épouse, Marie-Thérèse, 68 ans, embarquent à 15 h 00 sur le Washington, un paquebot à roues à aubes de la Compagnie Générale Transatlantique (CGT) lancé en 1864. Destination Le Havre en France. Le voyage dure 15 jours sur une mer bien agitée tout au long de la route transatlantique.
Louis-Désiré est malade et il faiblit de jour en jour. Or, se sentant proche de la fin, il veut revoir son pays, la France. Des douleurs récurrentes à l'estomac et aux intestins l'obligent à boire plus que de raison et seule une bonne dose de son Bourbon préféré, un Jim Beam du Kentucky, vient à bout de ses douleurs, bien mieux d'ailleurs que les médicaments que lui prodigue son ami le chirurgien-major Alexis Boyer, exilé comme lui à Cape-Vincent. Ses articulations le font souffrir en permanence et ses rhumatismes empirent.
Le samedi 16 juin au petit matin, le débarquement au Havre se fait sans problème et la famille Peugnet se rend à Paris en prenant le train jusqu'à la gare St-Lazare.
A leur descente du train, ils sont accueillis par leur fils, Armand-Bernard, vice-consul de France à Édimbourg qui a aussi fait le voyage pour les retrouver.
A Paris, le couple Peugnet descend au 17, rue de l'Arcade à l'hôtel Bedford qui vient d'être construit par un riche anglais, sir Thomas Barclay, et qui lui a été recommandé par des amis vivant à New-York.
Après 4 jours passés à se reposer au Bedford, le capitaine Peugnet sent ses douleurs reprendre de façon intense. Il se fait recommander, par sir Thomas Barclay, un médecin compétent à Paris. Sir Barclay lui recommande vivement un chirurgien très connu du nom de Léopold Berrut ... Celui-ci possède une clinique à Paris au 151, rue de Grenelle.
Le capitaine Peugnet s'y rend et y est ausculté par le médecin. C'est un homme de 60 ans environ, plutôt petit et rond, arborant un visage radieux qui force immédiatement la sympathie. Au terme de sa consultation, il conseille au capitaine de suivre une cure de bains ... Il est en contact avec un médecin suisse, Alphonse Beck, qui pratique dans la ville de Monthey, en Valais, et qui lui a parlé de bains excellents à Morgins, un petit village situé au-dessus de Monthey et très proche de la frontière avec la Savoie ... Louis-Désiré Peugnet décide de se rendre en Suisse, à Morgins, pour suivre ce fameux traitement d'hydrothérapie, et il a quelque peine à convaincre Marie-Thérèse, peu enthousiaste à l'idée de ce nouveau voyage.
Le lundi 25 juin à 10 h 30 c'est le départ. Le couple passe la nuit du 25 au 26 juin à Pontarlier, puis la nuit du 26 au 27 juin à Monthey, à l'hôtel du Cerf. Le mercredi vers 13 h 00, la diligence postale tirée par 2 chevaux noirs, s'ébranle sur la place centrale et le trajet de plus de 3 heures qui suit n'est pas moins cahoteux et pénible que la veille ... La diligence arrive à Morgins le 27 juin à 16 h 30. Les Peugnet sont attendus par le propriétaire de l'hôtel des Bains, Cyprien Barlathay, un avocat de Monthey, Président du tribunal de cette ville et qui a construit ce magnifique hôtel en 1862 ... Le mercredi 29 août, le capitaine réussit à convaincre Marie-Thérèse, son épouse, qu'ils doivent repartir en France. Il font leurs bagages et prennent la diligence qui doit les mener jusqu'à Monthey. Ce jour-là Peugnet se plaint de vives douleurs au ventre, tousse de plus en plus, mais assure à sa femme que tout ira bien.
Trois-Torrents, le mercredi 29 août 1877 : Après une heure de voyage, vers 11 h 00, à peine sont-ils arrivés vers l'auberge du Repos à la Thiésaz que son état se détériore encore. Il a de la fièvre et les quintes de toux ne le quittent plus. Mme Peugnet décide de s'arrêter au village de Trois-Torrents. La diligence fait halte sur la place et le cocher appelle l'hôtelier Joseph Baraldini, un jeune aubergiste d'à peine trente ans, qui vient de reprendre l'exploitation de l'hôtel-pension du village avec sa jeune épouse, Christine Martin. Il se fait aider par deux clients, de costauds villageois qui transportent le capitaine, incapable de marcher, dans une chambre du 2ème étage de l'hôtel pension.
Mme Peugnet se rend immédiatement à quelques mètres de là, au bureau télégraphique communal et fait envoyer au Dr Beck à Monthey un message lui demandant de venir au plus vite au chevet du capitaine. Le Dr. Beck arrive à l'hôtel-pension tard dans la soirée pour constater que l'état du capitaine s'est encore dégradé. Il a une forte fièvre et tousse à en perdre le souffle. Le Dr. Beck diagnostique une pneumonie. Il lui administre quelques médicaments, mais ne cache pas à Mme Peugnet sa vive inquiétude.
Jeudi 30 août : jour de veille et de prière, le capitaine est entré dans un coma profond et faiblit d'heure en heure, sa respiration se faisant de plus en plus irrégulière et faible. Le curé Mgr Adrien Ecoeur se rend à son chevet et prie longuement en consolant Mme Peugnet, courageuse mais désespérée de cette situation. Maria Baraldini, la mère de l'hôtelier, accompagne Mme Peugnet dans ses prières et tente de la soutenir du mieux qu'elle peut.
Dans l'après-midi, le président Carreaux, mis au courant par le prêtre, fait aussi une visite au capitaine et assure Mme Peugnet de tout son soutien et qu'elle peut compter sur son aide si elle a besoin de quelque chose ...
Mme Peugnet fait envoyer un télégramme à son fils, Armand-Bernard, le consul, qui décide de quitter Paris pour venir en Valais.
Vendredi 31 août : Vers 2 h 30 du matin, Madame Peugnet fait demander à Baraldini, qui avait renoncé à se coucher, d'aller chercher le curé car la fin semble proche. Vers 03 h 00, le curé Adrien Ecoeur est au chevet du capitaine et lui administre l'extrême onction.
04 h 22, le matin du vendredi 31 août 1877, le capitaine Louis-Désiré Peugnet rend son dernier souffle.
Dimanche 2 septembre 1877 : le dimanche suivant, le 2 septembre à 10 h 30, eut lieu dans l'église Ste Marie-Madeleine de Trois-Torrents une messe de requiem dite par Mgr Adrien Ecoeur. De nombreux villageois assistent à la messe, de même que le président Jean-Joseph Carreaux et le conseil communal in corpore. Tous s'inclinent avec respect devant le cercueil du capitaine, mais à la sortie de la cérémonie, sur la place du village, les commentaires et les questions vont bon train sur ce mystérieux officier de Napoléon, dont personne, à part le président et le curé, ne sait rien, mort à l'hôtel-pension du village.
Le lendemain, le lundi 3 septembre 1877, la dépouille du capitaine Peugnet est transportée jusqu'à Montreux, au bord du Lac Léman et ensevelie au cimetière de Clarens.
HYACINTHE-MESSIDOR
Hyacinthe-Messidor a épousé à Arras (62), le 5 avril 1826, Émeline-Albertine-Constance Joseph, née à Arras le 24 mars 1804, décédée à Cape-Vincent le 24 décembre 1878, fille d'Alexandre Joseph et de Louise-Alexandrine-Josèphe Laguillier. De leur mariage sont nés : - Emeline (1827 - 1904), Charley (1832 - 1868), Eugène-Émile-Ramsay (1828 - 1908), Alfred-Alexandre-Georges (1839 - 1886), - Léopold ( 1829 - 1878), - Mathilde (1835 - 1835), - Fort Nathalie (1828 - 1908), Julie (1842 - 1846), Marie-Mathilde (1844 - 1897).
Mme Edward Fort (Nathalie) fille de Hyacinthe Peugnet, possèdait deux précieux souvenirs de Napoléon, une croix de la Légion d'honneur, offerte par l'Empereur à son père ; l'autre un ruban auquel Napoléon portait la croix de la Légion d'honneur suspendue, offerte à son père par Joachim Murat.
Hyacinthe-Messidor est décédé à Cape-Vincent, le 13 juin 1865.
THÉOPHILE-AIMÉ-ADOLPHE
Théophile Peugnet était agriculteur et homme d'affaires. Il faisait partie des premiers administrateurs du village de Cape-Vincent lorsqu'il a été constitué en société en 1853 et a servi en tant que collecteur du district des douanes américain de 1857 à 1861.
C'est vers 1824 que Théophile rejoignit ses frères ; il avait accompagné le marquis de Lafayette lors de sa dernière visite dans ce pays.
Pierre-François Réal, qui a occupé des postes clés dans la police tout au long du règne de Napoléon, s'est installé, lui aussi, à Cape Vincent, . Il a construit, avant 1818, une habitation de forme octogonale, connue sous le nom de "Cup and saucer" (maison de la tasse et de la soucoupe), et a consacré une des pièces aux souvenirs napoléoniens.
Le comte Real et ses compatriotes complotèrent pour tenter de sauver Napoléon de Sainte-Hélène et la "maison de la tasse et de la soucoupe" devait être son refuge dans ce pays. Elle portait ce nom parce qu'elle ressemblait à une tasse inversée placée sur une soucoupe.
Théophile, ami personnel du comte Real, entra ensuite en possession de cette maison qu'un incendie de cheminée détruisit 1867.
En 1838, Théophile fit construire Maple Grove, une majestueuse maison de style néo-grec située sur 7 acres de propriété magnifiquement aménagée avec 700 pieds de front de mer sur le fleuve Saint-Laurent et sise dans le quartier historique de Broadway qui est répertorié dans le registre national des lieux historiques. C'est dans le village de Cape Vincent, porte d'entrée de la région des Mille-Îles du nord de l'État de New York.
Théophile avait épousé, en 1855, Bridget E. Fraser, née en 1832, décédée en 1925 et inhumée dans le cimetière Calvany, à Algona, Kossuth County, Iowa (U.S.A.).
Théophile-Aimé-Adolphe est décédé à Cap-Vincent, le 15 janvier 1868.
Portrait de Louis-Désiré : Journal The Republic - Sunday july 26 1903.
L'incroyable destin du Capitaine Louis-Désiré Peugnet 1793-1877 par Philippe Berrut-Maréchaud
Site New-York Heritage
https://www.livingplaces.com/NY/Jefferson_County/Cape_Vincent_Village/Broadway_Historic_District.html
Généanet - Cimetières