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La Maraîchine Normande
30 juillet 2021

DAMPIERRE-SUR-BOUTONNE (17) - LES CAVEAUX DE L'ÉGLISE DE DAMPIERRE

 

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Jusqu'au Concordat de 1801, Dampierre faisait partie du diocèse de Poitiers et relevait de l'archiprêtré de Melle. L'église est sous le vocable de saint Pierre, ce qui indique une assez haute antiquité, car, selon la judicieuse observation de l'abbé Th. Grasilier, les plus anciennes églises de ces contrées sont à proximité des voies romaines et dédiées à l'apôtre saint Pierre. Or, Dampierre est peu distant d'Aunedonacum, Aulnay, station militaire dont parle Antonin dans son "Itinéraire", placée sur la voie romaine qui traversait le pays des Santones, ou Santons.

Cette église, ruinée probablement par les Normands, fut réédifiée à la fin du XIe siècle ou au commencement du XIIe siècle. A partir de cette époque et jusqu'au XVIIe siècle, elle fut sous le patronage de l'abbé de Saint-Cyprien de Poitiers. Cette antique construction mesure quinze mètres de long et forme l'abside de l'église actuelle. Le sanctuaire dont le chevet est construit en demi-cercle, a seul sa voûte ; elle est en cul-de-four. A la naissance de cette voûte, règne, en mode de frise, une bande sur laquelle se dessinent deux cordons de festons ou demi-disques mis en regard les uns des autres, ayant entre eux, comme tangente, un filet non interrompu. La pierre est si profondément fouillée entre les disques et le filet si bien conduit, qu'en regardant le tout d'une certaine manière, on pourrait croire que ce sont les trous, d'apparence triangulaire, qui forment l'élément décoratif. La même ornementation court d'une fenêtre à l'autre et en contourne le cintre. On la voit encore sous le tailloir des chapiteaux, sur la base des colonnes et sur les moulures du pourtour des murs.

Les trois grandes fenêtres romanes du sanctuaire sont pourvues d'une colonne murale à droite et à gauche et munies de trois gradins dans leur partie inférieure.

Le point de démarcation entre le sanctuaire et le choeur est marqué par deux colonnes juxtaposées.

Le choeur, plus large que le sanctuaire, possédait primitivement quatre fenêtres identiques aux précédentes, deux d'un côté, deux de l'autre. Mais, au commencement du XVIe siècle, on pratiqua dans le mur du midi deux vastes ouvertures en cintre, reposant sur un pilier massif. Les deux fenêtres disparurent nécessairement et le choeur de la vieille église fut mis ainsi en communication avec une annexe bâtie dans le style et le goût de l'époque ; ce fut la chapelle seigneuriale, dont la voûte en pierres, légèrement arrondie, était, à l'instar de la galerie du château, divisée en caissons ornés de simples moulures. Près de la porte d'entrée, existe une cheminée certainement aussi ancienne que la chapelle, car il aurait été à peu près impossible de l'établir postérieurement, vu que le seul rang de caissons qui subsiste encore, repose précisément sur le mur où le conduit pour la fumée a été pratiqué.

Parmi les sculptures extérieures de la vieille église, il y en a d'assez curieuses. Les fenêtres entourées d'une archivolte à tête de diamants, sont encadrées par de superbes arcades que supportent des faisceaux de colonnes. Les chapiteaux reproduisent en général des feuillages indigènes, excepté à l'extrémité du chevet, où ils offrent de curieuses représentations : d'un côté, en dessous de l'arcade, on reconnaît la Sainte-Famille.

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Entre la sainte Vierge et l'Enfant Jésus, est saint Joseph avec toute sa barbe ; de l'autre côté, une tête humaine avec des cornes de bouc, à laquelle semble s'ajuster à droite et à gauche le long cou de deux chimères symétriquement posées. L'un des chapiteaux des colonnes de la fenêtre montre un buste de femme dont les deux bras sont repliés de telle sorte, que les mains, de dimension démesurée, soutiennent, à hauteur de tête, deux disques, ou plutôt, deux pains de forme ronde, marqués d'une croix nimbée ; l'autre, une horrible tête surmontée d'une couronne fantastique ; les yeux sortent de leur orbite ; un épouvantable rictus entrouvert donne une sinistre expression à cette figure diabolique que complètent deux oreilles d'âne. Enfin, un fort bel entablement, mais dont il ne reste plus qu'une très petite partie, couronnait l'édifice. Il était soutenu par des corbeaux ou modillons à figures grotesques.

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Le choeur était autrefois séparé du reste de l'église par un mur percé d'une ouverture cintrée, lequel dissimulait presque complètement la vue de l'autel aux fidèles placés dans la nef. De chaque côté de cette ouverture, il y avait encore, en 1693, deux autels, l'un d'eux dédié à sainte Catherine. Ce mur supportait un campanile. L'abbé Merlin, curé de Dampierre, supprima malheureusement le tout en 1854. Le cintre, qui fut alors construit, à la place du campanile, à affleurement de la charpente, ne put avoir pour des raisons d'économie sans doute, l'élévation voulue ; il fut surbaissé.

En examinant attentivement la reprise du mur de la nef, près du clocher actuel, et d'après certains autres indices, on a pensé qu'il y avait primitivement, en cet endroit, une absidiole ou une petite chapelle latérale ; il en aurait été de même du côté opposé. Ces constructions, en tous cas, avaient déjà disparu depuis longtemps, lorsque la chapelle seigneuriale fut élevée.

La nef, telle que nous la voyons aujourd'hui, a 25 mètres de longueur. Sa dernière et plus complète restauration paraîtrait remonter au XIVe siècle.

Ainsi, au total, l'église, du chevet au portail, a 120 pieds de long, soit 40 mètres.

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Nous avons découvert, à la naissance du choeur et du côté de l'Évangile, une cavité rectangulaire, sorte d'armoire, pratiquée dans le mur et mesurant 2 mètres 30 centimètres de long, 0,80 centimètres de haut, 0,80 centimètres de profondeur. Un parpaing de 0,16 à 0,18 centimètres la divise, ainsi que l'entrée, en deux parties. C'est évidemment un "sacrarium", dont l'origine est sans aucun doute aussi ancienne que celle de l'église.

Au XIe et XIIe siècles, l'autel n'avait pas les ornements accessoires que la piété aime à y voir de nos jours et gardait encore la simplicité des premiers âges chrétiens. "On croyait, dit M. de Caumont, que rien ne devait être mis en présence de l'Eucharistie, excepté le livre des Évangiles renfermant la parole de Dieu même." Il n'y avait pas de tabernacle pour recevoir les hosties. Le tabernacle accompagné de ses gradins, comme nous le voyons aujourd'hui dans toutes nos églises et sur tous nos autels, est une innovation qui n'est pas antérieure au XVIe siècle. L'Eucharistie se conservait dans des vases faits, les uns en forme de colombe, les autres en forme de tours, tantôt suspendus, tantôt renfermés dans des armoires placées à côté de l'autel. Ces sortes d'armoires généralement connues sous le nom de "sacrarium", étaient aussi destinées à recevoir le livre des Évangiles, auquel on témoignait un respect presque égal à celui que nous devons au sacrement de l'autel, d'après cette belle parole si connue dans la langue ecclésiastique : Verbum Dei, sicut corpus Christi.

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A peu près au milieu de la nef et du côté du midi, on voit un placard en pierre revêtu d'une inscription qui paraît indéchiffrable par suite des mutilations dont elle est criblée ; on y compte huit lignes parfaitement distinctes. Ce placard a 0,53 centimètres de hauteur, 0,83 centimètres de largeur ; il est de forme rectangulaire, encadré dans une moulure de 0,11 à 0,12 centimètres, ornementée sur les côtés à la partie supérieure. Quelques archéologues ont cru que cette inscription était en langue hébraïque, mais cette supposition est sans fondement. D'abord, les caractères qui la composent sont gothiques et se rapprochent, d'une manière très frappante, de ceux généralement usités au XVe siècle ; ensuite, les mots que l'on est parvenu à déchiffrer sont français.

Que pouvait contenir cette inscription ?

D'après une opinion appuyée sur des documents fort douteux, c'est à l'époque de l'invasion anglaise qu'elle remonterait. Maîtres du pays et pour rendre grâces à Dieu de leur victoire, les vainqueurs auraient effectué d'importantes réparations à l'église tombant en ruines ; ils auraient même réédifié le mur du midi (septembre 1346).

Dans un rapport sur cette inscription, Eugène Gleize, pasteur de l'Église réformée à Saint-Jean-d'Angély, reproduit deux autres interprétations : "L'église de Dampierre, dit-il, fut en partie ruinée et relevée pendant les guerres du XVIe siècle. N'est-il pas naturel de supposer qu'on voulut perpétuer le souvenir d'une réparation si désirée, en rappelant dans l'inscription la munificence d'un bienfaiteur ?"

"D'après ses caractères généraux, dit-il ailleurs, l'inscription de Dampierre offre une grande analogie avec celles que l'on a pu voir dans d'autres églises, sur les murs au pied desquels reposait quelque illustre mort."

Ce dernier sentiment qui nous a toujours paru le plus proche de la vérité, vient de gagner un titre de plus à notre créance. Notre honorable collègue, M. Duret, est parvenu à déchiffrer dans cette inscription, qu'un "prêtre", nommé "Françoys Picard", aurait fait une donation à l'église et serait inhumé au pied même du mur revêtu du placard. A côté, nous avons mis à jour (20 mars 1882), une sorte de niche pratiquée dans le mur. L'intérieur est rectangulaire et mesure 1 mètre 15 centimètres de haut, sur une largeur de 0,48 centimètres. La profondeur est à peine de 0,30 centimètres. La façade est cintrée et son intrados est orné d'un trilobe. Cette niche que l'on prendrait pour une crédence dépourvue toutefois de piscine, fut fermée par une porte. Quelle en a été la destination ? L'inscription devait sans doute le mentionner. On y renfermait peut-être des reliques ou quelque objet précieux.

 

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Un point intéressant de l'église de Dampierre, c'est le nombre considérable de sépultures qu'elle possède ou qu'elle a possédées.

Dans le choeur, l'existence d'un caveau nous a été révélée par d'anciens actes. Il ouvre auprès du pilier de la chapelle seigneuriale, actuellement chapelle de la Sainte Vierge. Il était destiné à la sépulture des prêtres. On y descend par un escalier en pierre parfaitement conservé ; l'ouverture est fermée de trois grosses pierres.

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Le 4 janvier 1882, il fut ouvert, en présence de MM. Mathé, président de la fabrique, Domain, Chapacou, Bobrie et Noguès, curé de la paroisse, et visité ; mais l'on eut la douleur de constater qu'il avait été pillé, très probablement en 1793. Quantité de débris de cercueils en chêne gisaient sur le sol. Les ossements étaient entassés pèle-mêle dans un coin et jusqu'au milieu des dénombres ; car, lorsque les sacrilèges spoliateurs voulurent pénétrer dans cet asile funèbre, ils en percèrent la voûte, ignorant où se trouvait l'entrée. Il mesure environ 10 pieds de long sur 8 de large ; sa hauteur a bien de 7 à 8 pieds. Une chose tout à fait digne de remarque, c'est la manière dont il est orienté. La voûte, construite en gros moellons, a la forme d'un cintre surmonté, sorte d'ogive obtuse, qui se trouve établie en travers du choeur, c'est-à-dire dans le sens contraire des voûtes de l'église. L'issue qui répond aux escaliers n'est point au milieu, mais sur le côté sud-ouest du caveau. Il s'étend jusqu'au pied du "sacrarium" auquel il fait face, comme pour montrer que la place du prêtre, même après sa mort, est auprès du Dieu de l'Eucharistie.

Messire Pierre-Augustin Fromy, curé de Dampierre, fut le dernier prêtre inhumé dans ce caveau. Son corps y fut déposé le 18 mai 1781.

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Les dépouilles seigneuriales eurent le même sort. Au milieu de la chapelle de la Sainte-Vierge et vis-à-vis le pilier, s'ouvre un autre caveau, affecté autrefois à la sépulture des seigneurs. Il s'étend de l'ouest à l'est, jusque sous l'autel. Sa voûte est cintrée ; l'arc qu'elle décrit va du nord au sud. Cette voûte est magnifiquement construite en moellons appareillés de 5 à 6 centimètres d'épaisseur et de 10 à 12 de longueur. Il n'y a plus d'escalier de descente. Là encore, des débris de cercueils et d'ossements entassés pèle-mêle au milieu des décombres. Point de sarcophages en pierre. Comme ceux des prêtres, ils ont été brisés ou enlevés. Le seul objet qui en ait été exhumé, le 5 janvier 1882, est un piédestal en pierre, grossièrement taillé, dont nous ferons connaître ultérieurement la destination. Ce caveau, plus spacieux que le précédent, a 15 pieds de long environ sur 12 de large. Quant à sa hauteur, elle est pareillement de 7 à 8 pieds.

La nef est la partie de l'église la plus peuplée de dépouilles mortelles ; c'est une véritable nécropole. Y a-t-il plusieurs caveaux communs ou simplement des sépultures superposées en étage ? Aucun document n'en fait mention. Ce qu'il y a de certain, c'est que, de 1626 à 1776, c'est-à-dire, dans l'espace de 150 ans, nous avons trouvé consignées, dans les actes, plus de cent inhumations.

Les sacristains aussi ont joui de ce privilège. - 26 août 1673, inhumé dans l'église de Céans le corps de Michell Vésien, femme de Jean Cazeau, sacristain. - 24 juillet 1757, Charles Denys, 80 ans, sacristain pendant 44 ans.

Généralement, il n'y a que les bourgeois ou les notables ainsi enterrés dans la nef.

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Le 21 janvier 1630, Marie de Lalande, épouse de Charles Fourré, sieur et baron de Dampierre et gouverneur de Saint-Jean-d'Angély, mit au monde une petite fille prénommée Marie. A sa naissance, il y eut des signes alarmants qui firent craindre pour sa vie. C'est pourquoi, elle fut ondoyée aussitôt sa naissance. Plusieurs jours après, les cérémonies du baptême furent supplées. Ce fut cette Marie Fourré qui épousa Louis Foucault de Saint-Germain, comte du Daugnon, page du cardinal de Richelieu, vice-amiral de France, lieutenant-général aux gouvernements de Brouage, Oléron, île de Ré, La Rochelle et pays d'Aunis, enfin maréchal de France, par l'entremise de l'évêque de Saintes, Louis de Bassompierre (2 juin 1644), et mort en 1659.

Marie Fourré mourut à Paris le 24 avril 1696 et fut enterrée près de son mari à l'Ave Maria (St-Sulpice). Elle avait légué son coeur au pays qui l'avait vu naître et qui avait été sur le point de recevoir ses dépouilles à son entrée dans la vie. Ce coeur, enfermé dans une urne en bronze, laquelle reposait sur un socle ou piédestal en pierre, fut déposée dans le caveau de famille. Mais il ne reste que le souvenir de ce don funéraire, car le caveau seigneurial fut pillé en 1793 et l'urne disparut à cette époque.

Une plaque commémorative fut fixée au mur de la chapelle, alors que le coeur de Marie Fourré fut placé près des restes de ses ancêtres. Cette plaque fut retrouvée dans une maison privée où elle avait été probablement cachée pendant la révolution. Cette plaque d'un beau marbre noir, mesure 0,42 centimètres de haut ; 0,33 centimètres de large ; son épaisseur est de 0,03 centimètres et demi. Un filet de trois lignes de profondeur forme un encadrement dans lequel on lit :

DANS LE CAUEAU CY
DESSOUBS REPOSE LE
COEUR DE TRES HAULTE
ET TRES PUISSANTE DAME
MADAME MARIE DE FOURRÉ
DE DAMPIERRE, VEUVE
DE TRES HAULT ET TRES
PUISSANT SEIGNEUR Mre
LOUIS FOUCAULT DE SAINT
GERMAIN, VICE AMIRAL
ET MARECHAL DE FRANCE
DECEDÉE A PARIS LE 24
D'AURIL 1696.
Priez Dieu pour son ame.

Le piédestal de l'urne existe encore ; il porte l'empreinte du bronze qu'il supportait ; mais, au point de vue de l'art, il n'offre aucun intérêt. Il a 0,23 centimètres de haut.

La plaque commémorative fut, par la suite, fixée sur le pilier massif de l'église de Dampierre.

Il y avait deux cimetières aux abords de l'église. Le grand cimetière était pour le peuple pauvre ; le petit était réservé aux familles plus aisées. Aujourd'hui, ces deux cimetières n'existent plus ... Le seul souvenir qui nous en reste est le socle de l'ancienne croix de pierre transporté dans le nouveau cimetière et supposé du XIVe siècle.

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Dampierre-sur-Boutonne - Monographie historique & archéologique - par M. l'abbé J.-L.-M. Noguès - 1883

Détail d'une peinture d'Hubert Robert : La violation des caveaux des rois dans la basilique de Saint-Denis en octobre 1793.

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