Petit-Goâve z

 

Le père de l'abbé, Joseph-Honoré Élias, natif de la paroisse Saint-Ferréol de Marseille, était écrivain principal de la marine faisant fonction de commissaire au Petit-Goâve, côte de Saint-Domingue ; voici, rédigés de sa main, ses états de service :

- Mars 1726 : Il a été fait écrivain du Roy sur les galères le 14 mars 1726 ou pendant l'espace de près de trois années, il a travaillé au magasin général et il a eu le détail de l'atelier des bois ; il a fait deux campagnes sur les galères desquelles il a fait l'armement et le désarmement.

- 1er janvier 1729 : Il passa du service des galères à celui des vaisseaux avec son ancienneté, par brevet depuis janvier 1729 ; il a servi à Toulon, dix-huit mois et a travaillé au magasin général. Le 30 août 1730, il passa à Marseille pour travailler au bureau des classes, où il a resté jusqu'en 1733.

- 1er juillet 1733 : Il a passé à St-Domingue avec un brevet d'écrivain principal de la marine du 1er juillet 1733 pour faire les fonctions de commissaire au Petit-Goâve, avec les provisions de conseiller au Conseil supérieur et qu'il occupe encore au 30 janvier 1739.

Elias père signature

Joseph-Honoré Élias est décédé le 7 mars 1760 à Port-au-Prince, à l'âge de 57 ans : "Il était sans fortune et chargé d'une famille composée de son épouse, femme respectable, et de cinq fils qu'il entretenait en France et dont l'aîné avait 22 ans et le plus jeune, 17 ans."

Sa mère, Marie-Anne Saintard était née à Paris le 15 janvier 1715, baptisée le même jour dans la paroisse de St-Nicolas des Champs.

SAINTARD signature

 

Louis-Simon Elias naquit à Saint-Domingue (paroisse de l’Assomption du Petit-Goâve), le 17 janvier 1739. Nous le trouvons élève au grand séminaire d’Angers en 1757 ; sa mère habitait cette ville depuis longtemps, et il fut dès lors incorporé au diocèse d’Angers. Devenu membre de la Compagnie de Saint-Sulpice. M. Elias fut envoyé au grand séminaire de Limoges, où il passa onze ans. C’est en 1775 que le supérieur général de Saint-Sulpice l’envoya comme directeur au grand séminaire d’Angers, et il y était encore au moment de la Révolution.

René-Gédéon Elias, frère du Sulpicien, (né aussi à Saint-Domingue, le 26 juillet 1740) avait été nommé curé de Saint-Barthélémy, le 10 décembre 1784, par le chapitre de Saint Laud. Quel ne fut pas l’étonnement du Sulpicien quand il apprit que son frère allait faire le serment à la constitution civile du clergé ! M. Gruget écrivait à ce sujet, dans ses Mémoires, en 1794 : "Il fit tout son possible pour l’en détourner, il le menaça même de ne plus le voir et de n’avoir aucune relation avec lui : tout fut inutile. Le curé de Saint Barthélémy se décida à prêter le serment, au grand étonnement de tous les gens de bien." (Anjou historique, III, 160). Il mourut célibataire au bourg de Saint-Barthélémy, le 4 germinal an IX (25 mars 1801), à l'âge de 40 ans.

Gédéon signature

Lorsque, le 5 mai 1791, ces Messieurs de Saint-Sulpice furent chassés du Séminaire (rue du Musée) par le district d’Angers, à cause de leur refus de serment, M. Elias accepta l’hospitalité de Mlles Poulain de la Forestrie qui demeuraient tout à côté du séminaire, rue Courte (aujourd’hui rue du Musée), n°1649.

Au début de septembre, l’une des demoiselles de la Forestrie écrivait au procureur général syndic du département de Maine-et-Loire (Pierre-Marie Delaunay) : "M. Elias, ci-devant directeur du Séminaire, demeure chez moi. J’ai une maison de campagne en Frémur, où je vais souvent. M. Elias peut-il m’accompagner sans inquiétude ? Je vous promets qu’il ne s’y passera rien contre les lois. Je vous serais très obligée de vouloir bien m’ôter d’inquiétude et de vouloir bien me faire réponse." Delaunay répondit, le 6 septembre, que M. Élias pouvait aller à la maison de campagne, tant qu’il n’y aurait pas de rassemblement dans cette maison (l 365). On sait que le 1er février 1792, un arrêté du directoire du département enjoignit aux prêtres insermentés d’aller chaque jour à l’appel nominal et de faire connaître leur domicile à la municipalité d’Angers. En conséquence, le 22 février, M. Elias se présenta à la maison commune, place des Halles, pour déclarer qu’il habitait toujours chez Mlles de la Forestrie, rue Courte.

Échappé à l’internement général du 17 juin 1792, M. Élias fut obligé de se cacher, et il put ainsi éviter la déportation prononcée contre les prêtres non conformistes par la loi du 26 août 1792. Mais la garde nationale d’Angers le découvrit au mois de février 1793. Interrogé par le juge de paix de l’arrondissement de Saint-Maurice, lequel était officier de police et de sûreté de la ville, M. Elias fut emprisonné aussitôt à la citadelle. Il n’y resta pas longtemps, car dès le 1er mars, le district d’Angers décida qu’on le transférerait à la Rossignolerie (aujourd’hui le Lycée), où depuis le 30 novembre 1792 étaient incarcérés les prêtres sexagénaires et infirmes ayant refusé le serment : "vu ce qui résulte de l’interrogatoire et des réponses du nommé Elias, prêtre, âgé de 55 ans, le directoire du district, considérant que ledit est infirme de manière à être exempté de la déportation, estime, sur ce ouï le procureur-syndic, qu’il y a lieu, suivant l’article 8 de la loi du 26 août dernier relative aux prêtres réfractaires de le faire transporter de la citadelle, où il est actuellement en état d’arrestation, en la maison de la Rossignolerie, où les prêtres réfractaires sont enfermés." (L.371)

M. Élias sortit de prison, le 18 juin 1793, quand les vendéens revinrent donner la liberté aux prêtres détenus. Après quelques jours passés à Angers, il suivit ses libérateurs dans la Vendée angevine, en compagnie de Mlles de la Forestrie.

Lors de la désastreuse bataille de Cholet, l’armée vendéenne, jointe à une grande foule de peuple, passa la Loire à Saint-Florent-le- Vieil, le 18 octobre 1793. M. Élias n’ayant point traversé le fleuve avec les autres, fut massacré au mois de novembre suivant, sur la paroisse de Saint-Quentin-en-Mauges.

Frémellière St-Quentin

 

La mort du confesseur de la foi nous est connue par la déclaration de deux témoins oculaires, faite le 7 décembre 1796 à Jacques Galard, juge de paix du canton de Sainte-Christine. Jean Thomas, cultivateur, âgé de 40 ans. et Joseph Thomas, également cultivateur, âgé de 35 ans, tous deux frères et voisins, demeurant à Saint-Quentin-en-Mauges, déclarèrent "sur leur âme et conscience, avoir pleine et parfaite connaissance de la mort de Louis-Simon Élias, prêtre, directeur du ci-devant séminaire d’Angers. Dans le courant du mois de novembre 1793, il a été tué dans une pièce d’ajoncs dépendant de la métairie de la Fremellière, située commune de Saint-Quentin, par une troupe de soldats qui passaient au nombre d’environ 50, et qui, pas loin du même endroit ont tué deux autres hommes, dont l’un était le frère desdits Thomas, qui ne put se sauver parce qu’il relevait de maladie et l’autre nommé Cocu, de la commune de La Pommeraye. Le lendemain, ils ont enterré les trois corps dans une même fosse dans ladite pièce d’ajoncs. La tête du susdit Élias était presque entièrement séparée du reste de son corps ; néanmoins, ils ont reconnu sa figure parce que depuis trois semaines il se retirait dans ladite métairie de la Fremellière ou dans le voisinage pour se cacher et se sauver." (Archives de la Mairie de Neuvy-en-Mauges)

Mlles de la Forestrie furent arrêtées à leur tour, et emprisonnées au Grand Séminaire d’Angers, où M. Elias avait passé la plus belle partie de sa vie. Elles y furent interrogées, le 11 avril 1794, par les délégués de la Commission militaire, assistés de deux membres du Comité révolutionnaire.

Voici le résumé de leurs interrogatoires tel qu’il est consigné sur le registre de ce tribunal révolutionnaire :

"Marthe Poulain de la Forestrie, ci-devant noble, âgée de 51 ans, domiciliée à Angers à la Benêtrie. Arrêtée à Saint-Laurent-du-Mottay. A passé la Loire à la Saint-Jean 1793, avec sa soeur et sa fille de confiance nommée Gotton. A toujours été fort liée avec Elias, ci-devant sulpicien. Fanatique très dangereuse, qui a passé avec les brigands (Vendéens) au temps de la Saint-Jean. — Geneviève Poulain de la Forestrie, ci-devant noble, âgée de 55 ans, soeur de la précédente, demeurant avec elle à la Benêtrie et ledit scélérat Elias. Aussi coupable que sa soeur. A déclaré qu’Elias disait la messe à la Benêtrie, au canton de Frémur, seulement pour elles et pour les fanatiques du canton." (Archives de Maine et Loire, série l).

Mlles Marthe et Geneviève Poulain de la Forestrie furent toutes les deux fusillées, le 16 avril 1794, au Champ-des-Martyrs d’Angers.

 

Andegaviana, Volumes 23 à 24, François Constant Uzureau, 1929, pages 70 et s. [- Familles Chardin et Saintard]

IREL ANOM - Dossier Élias Joseph-Honoré - COL E 170

AD49 - Registres paroissiaux de Saint-Barthélémy-d'Anjou.