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La Maraîchine Normande
27 octobre 2020

VENDENHEIM (67) - 1815 - 18 OTAGES CATHOLIQUES, CONDAMNÉS A MORT, SAUVÉS PAR UN PASTEUR PROTESTANT

PASTEUR FRÉDÉRIC DANNENBERGER
VENDENHEIM (67)

En juin 1815, le pasteur Philippe-Frédéric Dannenberger, de la paroisse protestante de Vendenheim, sauve 18 otages catholiques arrêtés par les troupes du Kronprinz de Wurtemberg.

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Sur le fronton de l'église protestante de Vendenheim est fixée une plaque de marbre blanc avec l'inscription suivante :

A LA MÉMOIRE DE
PHILIPPE FRED. DANNENBERGER
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
PASTEUR DE VENDENHEIM DE 1804-1825
QUI, LE 29 JUIN 1815, OBTINT PAR SON
INTERCESSION COURAGEUSE AUPRÈS
DU PRINCE ROYAL DE WURTEMBERG,
COMT LES TROUPES ALLIÉES,
LA GRÂCE DE 18 HABITANTS
DE SOUFFELWEYERSHEIM
CONDAMNÉS A ÊTRE FUSILLÉS

LE SOUVENIR FRANÇAIS
3 MAI 1931.

Cet hommage gravé dans la pierre rappelle un épisode de la Bataille du Souffelbach qui opposa, en juin-juillet 1815, l'armée française du général alsacien Jean Rapp aux troupes d'invasion commandées par le Kronprinz (Prince héritier) de Wurtemberg.

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Né le 2 décembre 1776 à Kauffenheim, Philippe-Frédéric Dannenberger fit ses études de théologie à l'Université de Strasbourg.

En 1795, à l'âge de 19 ans, il fut nommé pasteur de Rountzenheim. De 1797 à 1803, il prêcha à Mundolsheim, mais son ministère le plus long fut celui exercé à Vendenheim, qui dura de 1803 à 1825. Le pasteur Dannenberger eut alors en charge la paroisse de Schiltigheim où il décéda le 6 mars 1841.  Il fut enterré au cimetière Sainte-Hélène avec les honneurs militaires qui, à cette époque, comportaient des coups de feu tirés dans la tombe.

décès 1841

 

Le 6 novembre 1810, il épousa à Vendenheim, Sophie-Frédérique Rubsamen (1782 - 1823), fille de Georges-Henri Rubsamen, originaire de Heidelberg, et gros négociant à Strasbourg ; Élisabeth Muller, la mère de la jeune épouse, se rattachait, par le côté maternel, à Marguerite-Barbe Froereisen, c'est-à-dire au patriciat strasbourgeois.

Philippe-Frédéric Dannenberger était un ardent royaliste. Dans un de ses sermons, que conservait sa petite-fille Anna Jalaguier-Stroh, il qualifia Napoléon de "Bluthund", chien assoiffé de sang, et d'usurpateur ; il pensait que l'exécution de Louis XVI était un assassinat. Il était très cultivé, avait la passion de l'histoire, faisait même, à l'occasion, des vers.

 

Capture zz

CONTEXTE HISTORIQUE

Les dernières années de la période napoléonienne (1813 - 1815) ont amené en Alsace un cortège de malheurs et de privations ; la région de Strasbourg, en raison du rôle primordial que jouaient les fortifications de cette ville, eut particulièrement à en souffrir.

Depuis 1793, date à laquelle Wurmser, originaire de Vendenhaim, à la tête des Autrichiens, s'était avancé jusqu'à Brumath, aucune troupe ennemie ne s'était plus montrée en Alsace.

Mais voici que, dix ans plus tard, l'Alsace et la France allaient être envahies à deux reprises par les Alliés, c'est-à-dire par l'ensemble des nations d'Europe. En 1814 et en 1815, Strasbourg dut subir deux blocus durant plusieurs mois.

En effet, après la bataille de Leipzig, dite "Bataille des Nations" (19 octobre 1813), la France fut envahie une première fois par les Autrichiens, les Prussiens, les Russes, les Saxons, les Bavarois ... Strasbourg subit alors un premier blocus du 6 janvier au 16 avril 1814, jour de cessation des hostilités entre la place forte de Strasbourg et les Alliés. Le traité de Paris fut signé le 30 mai 1814. Louis XVIII devint roi de France ; certaines mesures accompagnant cette première Restauration créèrent un vif mécontentement dans la population qui voulait conserver les acquis de la Révolution et de l'Empire.

Ces nouvelles parvenaient régulièrement à Napoléon exilé à l'île d'Elbe, au large de l'Italie ; il se décida à revenir en France pour chasser les Bourbons et rétablir le régime impérial. Il débarqua avec sa petite troupe de fidèles au Golfe Juan le 1er mars 1815, et, rapidement, selon le mot de Victor Hugo, "l'Aigle vola de clocher en clocher" jusqu'aux Tuileries à Paris. La nouvelle du retour de l'empereur parvint à Strasbourg le 9 mars 1815.

Le 20 mars 1815, Napoléon était à Paris. Louis XVIII était reparti pour un nouvel exil ; ce fut le début de ce que les historiens ont appelé les Cent Jours. Dans un premier temps, Napoléon tenta d'éviter la reprise de la guerre et envoya des émissaires auprès des Alliés. Mais, en même temps, il se prépara également à la reprise des hostilités en levant de nouvelles armées.

Le 29 mars 1815, Napoléon convoqua le général Rapp, enfant de Colmar, et le chargea du commandement de l'armée du Rhin dont la mission devait être de couvrir la frontière de l'Est. Les effectifs de cette armée devaient être portés à 40.000 hommes.

Napoléon dit au général Rapp : "Tu prendras le commandement de l'armée du Rhin pendant que je traiterai avec les Prussiens et les Russes. J'espère que d'ici un mois tu recevras ma femme et mon fils à Strasbourg" ; il pensait à l'impératrice Marie-Louise et au petit roi de Rome âgé de quatre ans.

Les derniers mots de Napoléon à Rapp avant le départ du général alsacien pour l'armée du Rhin furent les suivants : "Témoignez aux Alsaciens toute ma satisfaction ; c'est pour leur être agréable que j'envoie au milieu d'eux un de leurs enfants".

Le 6 avril 1815, le général Rapp arriva à Strasbourg. Tout au long de la route de Paris à Strasbourg, il avait pu constater que l'indignation contre les Alliés, qui s'apprêtaient à refaire la guerre, était générale. Chacun voulait travailler à la défense commune. "Les habitants ... s'étaient portés sur les hauteurs qui dominent les défilés, les routes et les passages et travaillaient à y construire des retranchements ; les femmes, les enfants mettaient la main à l'oeuvre".

Rapp devait surtout remettre en état les lignes de défense de Wissembourg sur la Lauter.

Au début des hostilités, Rapp disposait de trois divisions et de troupes de cavalerie.
- la 15ème Division commandée par Rottembourg
- la 16ème Division commandée par Albert
- la 17ème Division commandée par Grandjean
et 2.000 cavaliers commandés par le comte Merlin.

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LA BATAILLE DU SOUFFELBACH

Le 25 mai 1815, Rapp installa son quartier général à Haguenau et fit avancer ses troupes jusqu'à Landau le 20 juin. Cependant, ayant appris durant la nuit du 22 juin que Napoléon s'était fait battre le 18 juin à Waterloo, il décida de se replier en s'appuyant sur la place forte de Strasbourg. Le 26 juin, un combat eut lieu à Surbourg entre Français et Alliés. Rapp continua son repli et s'installa à deux lieues en avant de Strasbourg sur la Souffel (ou Souffelbach).

Son armée était ainsi échelonnée :

- la 15ème Division : la droite appuyée sur l'Ill, le centre à Hoenheim, la gauche à Souffelweyersheim en allant jusqu'à la route de Brumath.

- la 16ème Division : occupation de Lampertheim, de Mundolsheim et de Nieder-, de Mittel- et de Oberhausbergen jusqu'à la route de Saverne.

- la 17ème Division : en colonne sur la route de Schirmeck-Molsheim.

- 2 régiments de cavalerie derrière la 15ème Division.

- 2 autres régiments de cavalerie derrière la 17ème Division.

En face des Français, l'armée du Kronprinz de Wurtemberg (Prince héritier du royaume et futur souverain du Wurtemberg sous le nom de Wilheim I.) était constituée de contingents wurtembergeois, hessois et autrichiens. Un corps de 30.000 Russes, échelonné plus loin était sur le point d'arriver en Alsace.

Dans la nuit du 27 au 28 juin 1815, les troupes françaises quittèrent le village de Vendenheim.

Sans tarder, l'ennemi occupa la localité. Accompagné de ses officiers, d'un secrétariat et de quelques estafettes, le Kronprinz installa son quartier général au premier étage du presbytère protestant, en disposant dans la cour une garde, des chevaux et des palefreniers.

Ce presbytère était la demeure du pasteur Philippe-Frédéric Dannenberger, alors âgé de 39 ans. En observant la situation, le pasteur sentait bien que les nouveaux occupants étaient inquiets et anxieux dans l'attente de leur progression vers le sud de la région. Il pensait que : "Tant que dure le combat, on peut tout craindre d'une initiative d'un soldat ou d'un civil ami".

Au petit matin du 28, le pasteur fit circuler la consigne aux familles de rester dans leurs maisons après en avoir fermé portes et volets. Il prêcha par son exemple le calme aux hommes auxquels il demandait de dresser des tables dans la rue devant le presbytère et d'y déposer du pain, de l'eau et des victuailles afin d'éviter tout prétexte aux Wurtembergeois de forcer l'entrée des maisons.

De son côté, le Kronprinz de Wurtemberg était affairé et s'absentait à cheval pour inspecter ses troupes et pour donner ses ordres aux combattants ; il a laissé le souvenir d'un homme hautain, peu accessible ; c'est normal pour un chef ; il avait en effet sous ses ordres non seulement le corps wurtembergeois, mais aussi les divisions des Princes Philippe de Hesse-Hombourg et Emile de Hesse-Darmstadt.

La bataille fut engagée par les troupes de la Coalition le 28 juin 1815 vers 14 heures. Six bataillons de Hessois furent jetés sur Lampertheim, défendu par le 10ème régiment d'infanterie français. Le général Beurmann, qui avait pris la tête de ce régiment, dut céder devant la pression ennemie et se retira à Souffelweyersheim en traversant le Souffel.

Quant aux villages de Mundolsheim et de Niederhausbergen, ils furent attaqués par les Wurtembergeois et les Autrichiens.

Le Corps wurtembergeois, commandé par le général d'artillerie Comte de Franquemont (cantonné à l'Hôtel du Cygne) se battit à Souffelweyersheim toute la journée du 28 juin pour ne prendre le village qu'après sept heures du soir.

Après l'occupation de Souffelweyersheim, Mundolsheim fit l'objet d'attaques répétées ; vers le soir, cette localité était également perdue pour les Français. Pour parer au danger extrême, Rapp engagea à 18 heures, les 11ème et 19ème régiments de dragons et le 7ème régiment de chasseurs à cheval. Cette attaque courageuse mit le désordre dans les rangs des Alliés et facilité la retraite des Français vers les villages fortifiés de Hoenheim, Bischheim et Schiltigheim.

Revenons à Souffelweyersheim où les combats ont été violents ; en progressant dans les rues, les Wurtembergeois ont subi des pertes sévères par des tirs en provenance des maisons. Dans la confusion des combats, le bruit se répandit que les habitants du village avaient pris les armes contre les soldats ennemis.

La raison d'être de cette rumeur trouve son fondement dans l'identification d'un certain Christian, originaire de Krautwiller, qui avait tiré sur les soldats à partir du soupirail de la maison du maire Georges Schaeffer. Ce Christian faisait partie d'un groupe de 40 volontaires cachés dans la forêt de Brumath avec l'intention de s'attaquer à des soldats isolés. Ces partisans ne portaient pas d'uniforme, d'où la confusion avec des paysans. L'avancée rapide des Alliés avait provoqué le repli du groupe vers Souffelweyersheim, ce qui explique la présence de Christian dans la cave du maire en ce 28 juin. Sophie Schaeffer, la soeur du maire, se trouvait aussi dans la cave et avait assisté à la scène. On dit qu'au moment où Christian voulu tirer sur un Feldwebel wurtembergeois, le maire réussit à détourner le canon du fusil.

Par ailleurs, il était connu qu'à Mundolsheim un dénommé Jean Rohfritsch, lui aussi accusé, peut-être faussement, d'avoir tiré sur les soldats wurtembourgeois, avait été fusillé après une condamnation sommaire (standrechtlich erschossen).

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En tout cas, la tension était grande dans le village de Souffelweyersheim. Pour en finir, le général-comte de Franquemont du Corps wurtembergeois donna à ses hommes la permission de piller la localité.

Dès le lendemain, 29 juin, Souffelweyersheim fut l'objet de représailles sévères :

- d'abord, le feu a été mis à tout le village. L'incendie ravagea l'église, 123 maisons, 84 granges, un moulin à farine et 2 moulins à huile. L'église brûla durant 3 jours.

- ensuite, 17 habitants de Souffelweyersheim, avec à leur tête le maire Georges Schaeffer, ainsi qu'un habitant de Reichstett, furent pris en otages et conduits à Vendenheim pour y être fusillés.

En ce 29 juin, le Kronprinz, chef des troupes ennemies, n'était pas présent sur le terrain des opérations. L'absence du Prince peut s'expliquer par son désir de reprendre ses hommes en main et de récupérer ses bagages, s'il est vrai, comme l'écrit Chatrian dans les "Veillées alsaciennes", que ceux-ci aient été pillés par des soldats de sa propre armée qui auraient fui jusqu'à Haguenau à 20 km ; pareille mésaventure n'était pas faite pour améliorer son humeur. Il découvrait une affaire d'atrocités, assorties de conciliabules entre ses officiers, dans une ambiance d'attente anxieuse des civils. Parmi les officiers wurtembergeois, certains étaient pour la manière forte, soutenus par ceux qui avaient commis des exactions ; les plus réfléchis conseillaient la clémence au Kronprinz, mais il fallait attendre que les esprits se calment.

Car, entre-temps, le désarroi s'était installé dans les villages. Le pasteur Dannenberger avait multiplié les démarches pour sa propre enquête et pour en faire connaître les résultats aux aumôniers allemands, à la gendarmerie militaire et à l'officier de justice (l'auditeur lit-on sur la Relation), afin que ces informations parviennent au Kronprinz par les voies hiérarchiques. Le pasteur cherchait en même temps tous les moyens, par des manoeuvres dilatoires, pour retarder l'irréparable, c'est-à-dire l'exécution des 18 otages. Seul le Kronprinz pouvait, non pas annuler la condamnation à mort, mais accorder la grâce.

La négociation prit un tour juridique, d'autant plus épineux que des actes répréhensibles avaient été commis par des Allemands de haut grade : la Relation énonce que le général-comte wurtembergeois avait autorisé le pillage de Souffelweyersheim contrairement aux ordres des Monarques et du Kronprinz lui-même.

Le pasteur Dannenberger s'en doutait peut-être, mais il ne pouvait pas faire valoir de pareils éléments. Le Kronprinz refusait toute mesure de clémence pour ne pas déjuger ses subordonnés. Ceux-ci tentaient de faire admettre par le pasteur la grâce du seul maire Schaeffer, ou encore la commutation de la condamnation en peines corporelles.

En définitive, le pasteur Dannenberger de Vendenheim reçut l'ordre de réquisition suivant :

"Monsieur le pasteur Dannenberger est requis pour assister et exhorter à la mort 18 paysans de Souffelweyersheim condamnés par la commission militaire. A cet effet, il se rendra, au reçu de la présente, dans la prairie située derrière la maison commune et se mettra à la disposition de l'officier commandant le peloton d'exécution. Pour accomplir sa mission, Monsieur le pasteur se vêtira de ses habits sacerdotaux, se fera accompagner d'un diacre muni des vases sacrés et fera communier ceux des condamnés qui voudront, en chrétiens protestants, ne comparaître devant Dieu qu'après avoir exprimé solennellement leur repentir".

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Or, par cet ordre, le Kronprinz commettait une sorte de vice de procédure, puisque les condamnés étaient catholiques et que seul un prêtre de l'Église romaine pouvait leur apporter le secours de la religion.

Cet ordre de réquisition devait être le salut des malheureux condamnés.

Enfreignant la consigne, le pasteur monta à l'étage supérieur du presbytère où le Kronprinz était en conférence avec ses officiers. Tout d'abord, le Kronprinz enjoignit au pasteur de se retirer séance tenante. Mais le pasteur de Vendenheim s'écria : "Ce n'est pas une grâce que je demande à Votre Altesse Royale. Dieu seul peut faire grâce aux plus coupables ; mais vous, Prince, vous devez justice aux plus humbles. Je demande justice, rien que justice ..."

Stupéfait, le Kronprinz écoutait. Et le pasteur démontra au Prince Royal qu'il avait été mal informé et trompé par le grand-prévôt : "Induit en erreur par les faux rapports qu'on vous a faits, vous venez de me mettre en réquisition pour préparer à la mort 18 hommes qui sont catholiques, moi qui comme vous suis protestant. Cela vous donne la mesure de la légèreté avec laquelle on a mis sous vos yeux des documents et des renseignements de la plus indigne fausseté".

Le pasteur Dannenberger parla longtemps encore. Le Kronprinz, bouleversé, donna au colonel Bangold, qui avait assisté à l'entretien, l'ordre de porter au commandant du peloton d'exécution la nouvelle que grâce pleine et entière était faite aux condamnés.

Le pasteur Dannenberger se précipita vers les otages qui avaient suivi de loin l'intervention et qui vivaient dans l'extrême angoisse d'être fusillés innocemment. Il leur apprit leur grâce et il serra chacun dans ses bras. Ils se mirent tous à genoux pour remercier le Seigneur d'avoir été sauvés grâce à l'intervention du pasteur.

Le 22 juillet 1815, les 18 ex-otages, qui avaient pu rejoindre leurs familles réfugiées à Reichstett, ont adressé au "très honoré et très cher pasteur Dannenberger" une longue lettre de remerciements rédigée en allemand et en français, et signée par chacun d'eux, à savoir :

- Georges Schaeffer, maire de Souffelweyersheim,
- Xavier Mathis,
- André Bornert, conseiller municipal,
- Laurent Schaeffer,
- Jean-Michel Schultz,
- Jean-Thiébaut Mathis, conseiller municipal,
- Jean-Thiébaut Wolff, conseiller municipal,
- Michel Räppel (père),
- Nicolas Räppel, tisserand,
- Michel Räppel (fils),
- Joseph Jörger (Georger),
- Laurent Sutter,
- Joseph Schutz,
- Michel Ebel,
- Michel Ichtertz, conseiller municipal,
- Pierre Wintz,
- Louis Waag (ou Wack) (qui marque une simple croix),
- Florian Gass (de Reichstett).

La lettre porte la mention de légalisation des signatures et le cachet de la mairie de Souffelweyerscheim.

Voici la reproduction de la version française de cette lettre (avec l'orthographe d'origine) :

"Très honoré et Très cher Pasteur, ... ayant égard que les remerciements individuels ne sont pas suffisants qui vous ont été acquittés de l'un ou de l'autre de nous pour les grands bienfaits que vous nous avez rendus, nous nous sommes résolus de vous donner un acte de reconnaissance tous ensemble, signé par nous, pour le conserver dans vos archives, à servir d'exemple à la postérité de ce que vous avez fait pour nous par humanité et auquel tous les magistrats et tous les sujets peuvent prendre exemple.

C'était le 28 juin 1815 que les puissances alliées envahissoient nos contrées. Cette invasion était pour nous une grande frayeur, parce que les troupes wurtembergeoises qui perçaient notre endroit furent en erreur, que les habitants ou au moins quelques uns des habitants de la commune avaient pris les armes contre les soldats, dans cette prévention ils commençaient aussitôt à la nuit entrante à piller et à maltraiter tous les citoyens paisibles du village jusqu'au lendemain à sept heures, ou à peu près à la même heure tout le village fut incendié et tout le monde forcé à prendre la fuite.

En quittant le village par la fuite quelques uns de nous furent déjà arrêtés comme coupables et auteurs de défenses, d'autres furent liés hors du village sur les prairies et menés comme des criminels au quartier général à Vendenheim pour être jugé et condamné.

Chemin faisant, nous souffrîmes déjà une frayeur mortelle, chaque moment nous paraissoit être le dernier, ne sachant point quand l'un ou l'autre devoit être massacré par les soldats, personne ne vouloit et personne ne pouvoit s'intéresser pour nous, nous pleurâmes et nous nous lamentâmes vers le Ciel ; nos femmes et nos enfants sont séparés de nous, tout ce que nous possédions étoit déjà la proie des soldats et le reste consumé par le feu, nous étions chargé de fers de prison, abandonnés de tout le monde ...

Au milieu de nos soupirs, de nos larmes et de nos prières que nous fîmes à Dieu dans nos angoisses, nous vîmes s'élever un grand héros pour nous combattre.

Le très digne pasteur de Vendenheim, Monsieur Dannenberger, mis la casque, s'arma de bouclier et de cuirasses, se ceignit de la glaive, commença pour combattre pour nous et nous sauver ; il nous est connu que ce monsieur très honorable a fait pour nous ; il n'a épargné aucune peine jour et nuit pour nous sauver ; il nous est connu qu'il ne s'est pas jeté seulement une fois à genoux et devant le Prince héréditaire de Wurtemberg, mais qu'il en a fait plusieurs, il nous est notoire qu'il s'est donné autant de peine près le Conseil de Guerre et l'honorable Sauveur fut si heureux de délivrer par la grâce de Dieu et sa grande humanité quelques uns de nous déjà condamnés à mort et les autres condamnés à cinquante coups de bâton ; il nous consola dans notre prison, nous fournit notre subsistance, et nous fit la dernière exhortation lors de notre décharge et de la lecture de la grâce obtenue.

Grandeur d'âme qui n'est pas assez à louer, et que nous ne pouvons pas trop louer, nous souhaitons tous que ce bienfait soit rendu public dans tous les endroits de l'Alsace ; journellement, nous nous envoyons des prières et actions de grâce à Dieu pour notre Sauveur Dannenberger. Que le Seigneur du Ciel et de la Terre voudroit bien bénir lui et son épouse chérie et sa famille, ainsi que toute sa postérité des Biens temporels, spirituels et éternels.

Nous restons tous vos amis et serviteurs fidèles, soumis, obéissants et très humbles, qui ne Vous oublierons jamais".

A Reichstett, le 22 juillet 1815.

Les habitants de Souffelweyersheim n'ont jamais oublié le remarquable acte de bravoure du pasteur Dannenberger. En mars 1841, lors de son enterrement à Schiltigheim où il avait été muté, une importante délégation de paroissiens catholiques de Souffelweyersheim ont fait le déplacement pour assister aux obsèques. Depuis lors et jusqu'après la deuxième Guerre mondiale, chaque année, le 29 juin, une messe était célébrée dans l'église de Souffelweyersheim pour le repos de l'âme du vénéré pasteur de Vendenheim ...

A Vendenheim, le presbytère protestant qui, en 1815, a servi de quartier général au Kronprinz de Wurtemberg, n'existe plus ; il a été démoli en 1894 ...

 

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LE PASTEUR DANNENBERGER ET LE GÉNÉRAL RAPP

Quelques jours après le 29 juin 1815, le pasteur Dannenberger fut convoqué au quartier général du Kronprinz de Wurtemberg. Le Prince le fit entrer dans son bureau et lui demanda :

- Connaissez-vous le général Rapp ?

- Oui, Monseigneur, répondit Dannenberger.

- Vous chargeriez-vous d'une mission auprès de lui ?

- Assurément, si elle n'est pas contraire aux intérêts de mon pays.

- Et bien, allez lui dire que s'il veut me livrer Strasbourg au nom du roi de France, il verra pleuvoir sur lui des biens et des honneurs.

- Monseigneur, le général Rapp est alsacien et par conséquent bon français ; jamais il ne consentira à déshonorer sa carrière militaire. En conséquence, je prie votre Altesse de charger un autre que moi de ce message.

A ces mots, le pasteur s'inclina et disparut, laissant le Kronprinz étonné et confondu d'avoir proposé inutilement une bassesse.

M. Stroh, descendant du pasteur Dannenberger, précise à cet égard :

Le général Rapp était président du Consistoire luthérien de Paris, nommé à cette fonction par le Premier Consul dès 1801 ; le pasteur Dannenberger avait ainsi des relations confiantes avec lui. Peut-être le général avait-il même logé au presbytère de Vendenheim en juin 1815 ... quelques jours avant le Kronprinz ? En tout cas, le pasteur avait pu obtenir de Rapp des informations de première main sur la situation générale, civile et militaire.

Après les Cent-Jours, Rapp, alors âgé de 45 ans, s'est rallié aux Bourbons. Philippe-Frédéric Dannenberger, qui en avait alors 39, était un royaliste convaincu et un fieffé adversaire de Napoléon qu'il avait qualifié de Bluthund dans un de ses sermons. Il existait ainsi des affinités politiques et morales entre les deux hommes, ce qui explique que le premier a pu proposer le second pour être décoré de la Légion d'Honneur.

Le pasteur Dannenberger a effectivement été nommé chevalier de la Légion d'Honneur par le roi Louis XVIII le 2 juin 1819 sur l'intervention du duc d'Angoulême, neveu du roi.

Le 27 juin 1819, le Courrier du Bas-Rhin publiait une ordonnance royale de Louis XVIII prise à Paris et ainsi libellée :

"Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous ceux qui liront les présents, salut !
Sur la connaissance, qui nous a été donnée par notre bien aimé neveu le duc d'Angoulême, des nobles efforts tentés le 28 juin 1815 par le sieur Dannenberger, pasteur de Vendenheim, pour sauver la vie de dix-huit pères de familles catholiques, jugés et condamnés par une commission militaire wurtembergeoise, lesquels efforts furent couronnés d'un plein succès.
Voulant donner à ce digne pasteur une marque authentique de notre satisfaction.
Vu l'article 20 de l'ordonnance du 26 mars 1816,
Ouï le rapport de notre ministre-secrétaire d'État de l'intérieur,
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. I - Le sieur Dannenberger, pasteur à Vendenheim (Bas-Rhin) est nommé chevalier de l'ordre royal de la Légion d'Honneur.
Art. 2 - Notre ministre-secrétaire d'État de l'intérieur et notre cousin le maréchal duc de Tarente, grand chancelier, sont chargés de l'exécution de la présente ordonnance.
Donné en notre château des Tuileries, le 2 juin de l'an de grâce 1819 et de notre règne le vingt-quatrième".
Signé : Louis.

Notons que Louis XVIII fait remonter son règne à 1795, année supposée de la disparition du dauphin, fils de Louis XVI.

A cette occasion, l'ancien Kronprinz, devenu entre temps roi de Wurtemberg, se souvenant que le pasteur de Vendenheim avait contribué à sa réputation de grandeur d'âme, offrit au Chevalier un vase en cristal taillé de Bohême, incluant une croix de la Légion d'Honneur.

 

signature z

 


Philippe-Frédéric Dannenberger eut deux fils, Charles-Frédéric-Auguste, Frédéric-Édouard et cinq filles :

- Sophie qui épousa plus tard Frédéric Rausch, marchand de draps ;
- Henriette, qui devint la femme de J. Urner, industriel à Sainte-Marie-aux-Mines ;
- Mina, plus tard Mme Louis Grunewald ;
- Louise, qui épousa Fritz Stroh, d'Ottwiller.

La cinquième, Émilie-Wilhelmine, naquit à Vendenheim le 20 mai 1814. Elle épousa en 1835 Jean-Jacques Ansen, brasseur "à la Hache" à Strasbourg. Son mari mourut prématurément le 3 juin 1841, lui laissant la charge de son affaire. Dure existence que celle de cette jeune femme dont un portrait nous a conservé les traits fins ; élevée dans l'atmosphère ouatée d'un presbytère, elle dut, à l'âge de 27 ans, exercer le métier de brasseur et commander des hommes souvent grossiers. Le rayonnement de sa bonté créait autour d'elle une atmosphère d'entente et de paix.

Dans cette "maison du Bon Dieu" comme on appelait "la Hache", vivaient la grand'maman Ansen, sa fille Émilie et son gendre Auguste Froschhammer, très "ancien régime", sa fille Élise d'une bonté et d'un dévouement rares, sa nièce Élise Urner qu'elle avait recueillie après le départ pour les États-Unis de son père, l'oncle John qui espérait y faire fortune, son fils Jacques, sa belle-fille et leurs trois filles, sa tante Marguerite Rubsamen, qui mourut à 96 ans, après avoir vécu sous quatre rois de France, un roi des Français, deux empereurs des Français, deux républiques françaises, et après avoir subi deux révolutions et, pour finir, le bombardement de Strasbourg par les troupes allemandes. Nature passionnée, elle passait son temps à lire des romans d'amour et à égrener ses souvenirs : la Terreur, une perquisition domiciliaire à la maison de ses parents pendant une soirée dansante, ses deux frères, Philippe et Frédéric, incarcérés comme partisans du maire de Dietrich, sa présentation, en 1809, à l'Impératrice Joséphine, le fabuleux héritage de 1.500.000 livres anglaises qu'un ancien domestique des Rubsamen aurait dû recueillir de son oncle Metzger, général anglais d'origine alsacienne, et que ledit domestique, n'ayant pas d'héritiers naturels, avait légué aux enfants Rubsamen.

Émilie Ansen-Dannenberger est décédée en 1865, à l'âge de 51 ans, laissant à ses enfants le souvenir d'une belle âme, toute de générosité et de bonté.

Après le décès de son épouse en 1823, Philippe-Frédéric Dannenberger se remarie à Schiltigheim, le 9 mai 1826, avec Marie-Marguerite Körnmann.

 

FM z

 

Kocherschbari - Hiver 2001 - n° 44 - Joseph Steinmetz, Gérard Schmitt et Paul Stroh

AN - Base Leonore - LH/656/23

AD67 - Registres paroissiaux de Kauffenheim et d'état-civil de Schiltigheim

Site de la paroisse protestante de Vendenheim

Fichier Bossu

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