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La Maraîchine Normande
15 septembre 2020

AUGUSTA (SICILE) - MASSACRE DES MARINS ET DES PASSAGERS D'UN NAVIRE FRANÇAIS A AUGUSTA EN JANVIER 1799

 

Augusta Alexandrie z

Fin décembre 1798, une polacre, issue du convoi pour l'expédition d'Égypte, empruntait la route du retour d'Alexandrie jusqu'en France. Ce bâtiment français, commandé par Jean-Baptiste Marengo, avait à son bord, environ 78 blessés dont 48 aveugles. Le mauvais temps contraignit le commandant à faire escale à Augusta en Sicile. Là, tous les marins et passagers furent mis en quarantaine. Mais les autorités ayant appris que le navire transportait également des antiquités de valeur et des sommes considérables, excitèrent le peuple qui n'hésita pas à massacrer "les prisonniers". Parmi eux, se trouvaient deux personnages connus : - Simon-Antoine-François-Marie de Sucy de Clisson, ordonnateur en chef des Armées d'Italie et d'Égypte, et Jérôme-René Demoulin, artiste peintre.

Comme vous pourrez le constater à la lecture de ce qui suit, ces deux victimes n'étaient pas embarquées sur le même bâtiment : Simon de Sucy était sur la polacre commandée par Jean-Baptiste Marengo et René Demoulin était sur la corvette La Liberté commandée par "le citoyen Maillet". La presse de l'époque et les quelques textes trouvés sur ce sujet ne citent que l'histoire de la polacre et ne parle que d'un seul massacre, celui du 6 pluviôse an VII (25 janvier 1799). Or, René Demoulin, embarqué sur la Liberté, "est mort à Augusta en Sicile où il fut massacré en quarantaine le 7 pluviôse an sept" (26 janvier 1799).

Combien y avaient-il de navires et combien de victimes furent à déplorer ? ... un massacre ... ou deux ? La lumière reste à faire sur ce tragique événement !

Mais découvrons ci-dessous les biographies de Simon de Sucy et de René Demoulin et les circonstances horribles de leur mort.

sucy portrait z

 

Simon-Antoine-François-Marie de Sucy de Clisson, ordonnateur en chef des armées d'Italie et d'Égypte, naquit à Valence (Drôme), paroisse Saint-Jean, le 19 juin 1764.

 

baptême

Il appartenait à une famille noble originaire de Picardie dont les généalogistes font remonter la filiation à Jean de Sucy, écuyer, seigneur de La Maurie, vivant à la fin du XIVe siècle.

Son père, Antoine-François de Sucy, appelé le chevalier de Sucy, né le 24 octobre 1730, servit dans le corps royal de l'artillerie de 1746 à 1762, et succéda, le 22 février de cette dernière année à Philippe-Jean-Ignace de Sucy, dans la charge de commissaire des guerres à Valence ; il avait épousé, le 29 août 1763, Marie-Gasparde-Simonne Levet de Malaval, fille de Gaspard Levet, qui fut pendant longtemps président de la commission établie à Valence pour juger les contrebandiers et faux-sauniers.

Entré au service le 20 juin 1779, avec le grade de sous-lieutenant dans le régiment provincial de Grenoble, il abandonna quelques années après cette carrière pour embrasser celle de son père, et fut reçu élève commissaire des guerres, le 21 avril 1788.

Nommé commissaire le 17 juillet 1788, il fut chargé en 1792, par les administrateurs de la commune de Valence, d'aller faire des démarches à Paris pour obtenir la conservation de l'école d'artillerie, dont la ville de Grenoble demandait le rétablissement dans ses murs. Il ne réussit pas dans sa mission, on enleva l'école à Valence (1792) ; mais il s'était fait connaître et apprécier dans les bureaux du ministère de la guerre, et il revint avec le grade de commissaire de 1ère classe.

En 1795, dans un second voyage qu'il fit à Paris pour le même motif et sans plus de succès, il fut nommé commissaire ordonnateur (25 prairial an III) ; puis, ordonnateur en chef de l'armée d'Italie (16 vendémiaire an IV), sur la recommandation du général Bonaparte, qui pendant son séjour à Valence, s'était lié avec lui d'une étroite amitié.

Il trouva cette armée sans armes, sans argent, sans habillements, il pourvut à tous les besoins autant que les circonstances le lui permirent, et rendit d'assez grands services pour mériter qu'on lui confiât, trois ans après, les fonctions d'ordonnateur en chef de l'expédition d'Égypte (floréal an VI).

C'était un ami particulier de Napoléon : il fit avec lui les campagnes d'Italie, comme ordonnateur ; il le suivit dans l'expédition d'Égypte, et Bonaparte rendant compte au directoire de la république française, par un message daté du Caire le 6 thermidor an VI (24 juillet 1798), des opérations de l'armée, s'exprime ainsi sur l'ordonnateur en chef Sucy : "Il s'était embarqué sur notre flottille du Nil, pour être à portée de nous faire passer des vivres du Delta. Voyant que je redoublais de marche, et désirant être à mes côtés le jour de la bataille, il se jeta dans une chaloupe canonnière, et malgré les périls qu'il avait à courir, il se sépara de la flottille. Sa chaloupe échoua. Il fut assailli par une grande quantité d'ennemis. Il montra le plus grand courage. Blessé très-dangereusement au bras, il parvint, par son exemple, à ranimer l'équipage, et à tirer la chaloupe du mauvais pas où elle s'était engagée."

Simon de Sucy Nil z

Ayant eu la main droite fracassée dans un engagement, il demanda un congé et s'embarqua à Alexandrie, le 2 nivôse an VII, sur un bâtiment qui transportait en Europe soixante-dix-sept blessés ou aveugles.

Le capitaine du bâtiment aborda à Augusta, en Sicile, le 17 du même mois ; il croyait toucher à une terre amie et ignorait que le roi de Naples était alors en guerre avec la France. On lui imposa une quarantaine de vingt-deux jours, et on enferma les quatre-vingts Français dans la citadelle ; le 6 pluviôse suivant, ces malheureux y furent massacrés par le peuple (25 janvier 1799). "On nous a raconté dans le temps, en Égypte," dit Bourienne dans ses Mémoires, "que le nom sacré de la religion avait été invoqué pour exciter à cette action barbare, et que ses insignes étaient déployés pendant le massacre et pour l'encourager".

Voici en quels termes notre consul à Gênes, annonça cette boucherie au gouvernement :

"Le consul général de la République française à Gênes, au ministre des relations extérieures.

Le 28 pluviôse an VII. C'est avec une main tremblante d'indignation et d'horreur, citoyen ministre, que je vous transmets le rapport qui vient de m'être fait au bureau de la santé de Gênes, par le citoyen Jean-Baptiste Marengo, Ligurien, dont le bâtiment faisait partie du convoi parti d'ici pour l'Égypte.

Le 2 nivôse, il embarqua à Alexandrie le commissaire ordonnateur Sucy, qui avait perdu la main droite, quarante-huit officiers ou soldats, malades et trente autres militaires, tous dangereusement blessés. Le 17 nivôse, après une traversée très orageuse, le bâtiment du capitaine Marengo aborda à Augusta en Sicile, croyant toucher une terre amie. On imposa aux Français et à l'équipage une quarantaine de vingt-deux jours, et on donna avis à la cour, qui est à Palerme, de l'arrivée de ce bâtiment. Les agents napolitains d'Augusta reçurent ordre de s'emparer du trésor que l'on assura être à bord du bâtiment ligurien, et qui était transporté en France par le commissaire Sucy. Le 6 pluviôse, le peuple en fureur se porta au lazaret : le commissaire Sucy, son secrétaire, huit officiers, tous les militaires furent massacrés et mis en pièces. Vingt et un Français seulement sont échappés avec les Liguriens, qui ont été sauvés par une frégate napolitaine qui les a conduits à Messine où ils sont en prison. Le capitaine Marengo a vu séquestrer son bâtiment, et on l'a embarqué avec cent quarante autres marins liguriens, qui viennent d'arriver.

Cet affreux récit, connu dans Gênes, y excita un sentiment général de vengeance ; c'est la cause des peuples libres, autant que celle de l'humanité, que l'on sent le besoin de défendre. Dans aucun pays de la terre habitée, on n'avait encore massacré des malades et des blessés ; en combattant les rois, les républicains feraient-ils la guerre à des tigres ?

Salut et fraternité, BELLEVILLE."

AUGUSTA château Souabe z

Le Moniteur du 15 ventôse an VII complète ce récit par de nouveaux détails :

"Gênes, 30 pluviôse. - Le capitaine Marengo, Génois, commandant une polacre qui avoit été du convoi lors de l'expédition d'Égypte, est arrivé dernièrement à Gênes, sur un petit bateau, avec son équipage et quatre marins français. Voici ce qu'il dépose :

"Il est parti d'Alexandrie, le 2 nivôse avec sa polacre, ayant à bord le citoyen Sucy, commissaire ordonnateur en chef de l'armée d'Orient, son secrétaire Mazilier et soixante-dix-huit blessés, dont plusieurs aveugles, et parmi lesquels se trouvoit un petit mousse qui avoit eu les deux cuisses emportées par un boulet à la bataille d'Aboukir. Ils n'ont rencontré aucun bâtiment ennemi depuis Alexandrie jusqu'en Sicile, où une tempête les obligea d'aborder en nivôse. C'est à Augusta, pays à jamais exécrable et que les François doivent faire disparoître de la surface de la terre, qu'ils vont mouiller. Arrivés dans ce port, ils demandent qu'on leur assigne un lieu écarté de la ville pour y faire quarantaine et s'y délasser d'un long et pénible voyage. Après bien des difficultés, ils l'obtiennent : tous les blessés sont débarqués dans cette espèce de lazareth qui devoit leur servir de tombeau.

L'on savoit à Augusta que l'armée napolitaine avoit été battue, et que le roi en fuite étoit arrivé à Palerme. Pour venger leur défaite et satisfaire leur tyran, l'on y méditoit depuis quelques jours, avec un horrible sang-froid, quel genre de mort on devoit infliger aux estropiés, que la tempête avoit jetés dans leur port.

Le poison, le fer et le feu ne pouvoient assouvir la rage de tous les monstres qui habitent ce barbare pays. Les pierres furent choisies comme plus propres à satisfaire la fureur de tous les hommes, femmes et enfants de cette infâme ville.

A l'instant, tous les habitants marchant, ayant à la tête les ministres de leur tyran, semblables à des furies, ils tombent à coups de pierre sur ces infortunés François. En vain, Sucy offroit-il à ses bourreaux son argent et ses effets, qui étoient sur la polacre, pour qu'on lui conservât la vie ; en vain tous ces malheureux croyoient-ils les attendrir par leurs larmes, leurs cris et leurs blessures ; en vain, le petit mousse âgé de douze ans montroit-il son tronc à ces barbares ; tout fut inutile. Ils sont tous lapidés et expirent sous un horrible monceau de pierres.

Le capitaine Marengo et les matelots de sa polacre devoient être de même tous massacrés ; déjà les bourreaux s'embarquoient, à cet effet, sur des bateaux ; mais le capitaine, qui avoit de son bord observé tous leurs mouvements, fait voile et se soustroit avec ses matelots à une mort inévitable. Après quelques jours, il rencontra en mer une frégate napolitaine, qui s'empara de la polacre et mit le capitaine, l'équipage et les quatre matelots français sur le petit bateau qui les a transportés dans ce port, où ils sont actuellement en quarantaine. Le capitaine assure qu'aussitôt qu'il vit qu'il alloit être prisonnier, il jeta en mer tous les paquets adressés au gouvernement françois, et toutes les lettres qu'il avoit à son bord.

Le citoyen Sucy avoit eu deux doigts de la main gauche emportés par une balle, sur le Nil. Sa mort tragique a fait la plus grande sensation à Gênes, où il étoit très connu. La République a perdu en luy un homme de talent, patriote et incorruptible : j'en appelle à tous ceux qui l'ont connu. Il étoit très lié avec Bonaparte, et il est à croire qu'il devoit informer le Directoire de bien des choses très importantes."

Sucy apportait d'Égypte des sommes assez considérables en traites sur le trésor et une précieuse collection d'antiquités : tout devint la proie de cette populace fanatique. Napoléon devenu empereur fit proposer à ses deux soeurs une indemnité pour les pertes que cette catastrophe leur avaient fait éprouver ; mais elles refusèrent, ne croyant pas devoir mettre un prix à la mort d'un frère tendrement aimé. Cependant, en 1811, M. Gabriel-Prosper de Chièze, qui avait épousé l'aînée (décédée à Valence le 1er février 1847), ne crut pas devoir être aussi réservé : il fit valoir très haut les grandes sommes d'argent et les collections qu'avait perdues son beau-frère, et, sur la présentation de M. de Montalivet, il obtint la place d'entreposeur principal des tabacs à Valence (12 mars 1811), aux appointements de 14.000 fr. par an. Ces places ayant été supprimées, le 1er juillet 1816, M. de Chièze ne s'en consola jamais : il ne cessa de faire des démarches pour en obtenir une autre équivalente. Nous avons sous les yeux des pétitions qu'il adressait encore au ministre de l'intérieur, à la date du 28 décembre 1839 (il avait alors 79 ans), pour demander une indemnité des pertes que la mort de son beau-frère Sucy avait fait éprouver à sa famille. Il est mort, sans postérité, en novembre 1840.

Biographie du Dauphiné de Adolphe Rochas - Volume 2 - 1860

Portrait : "Simon de Sucy, ordonnateur en chef de l'armée d'Égypte (1764 - 1799) ... par Jacques de Coursac - 1932

Statistique du Département de la Drôme - par M. Delacroix - Valence - 1835

Jérôme-René Demoulin z

JÉRÔME-RENÉ DEMOULIN était né à Montpellier, dans le mois de mars 1758. Il étudia avec Vanderburch et Moulinier, dans l'atelier de Vanderburch le père ; il était membre de l'Académie de peinture ou Société des arts, fondée à Montpellier en 1776, et prit part, avec Antoine Demoulin, son frère, architecte, à l'Exposition organisée par la Société des arts, en 1783.

Un peu plus tard, il alla étudier à Rome, où il peignit cette idylle charmante de deux jeunes bergers qui semblent se défier à la flûte, au milieu d'un gracieux paysage dont le site est pris aux environs de Subiacco, dans les anciens Etats du Pape. Ce tableau a été donné au musée de Montpellier par Antoine Demoulin, architecte, frère de l'auteur.

René Demoulin, paysagiste, aurait conquis un rang distingué dans les arts, s'il n'eût péri misérablement à son retour d'Égypte, en 1799.

L'extrait mortuaire est enregistré dans les registres de Montpellier et dont la teneur suit :

Liberté Égalité
Marine de la République
Extrait Mortuaire

Le Commissaire de Marine chargé du détail général des Armemens et de celui des prises en ce port, certifie que le citoyen René Dumoulin, passager sur la corvette de la République la Liberté, commandé par le citoyen Maillet, est mort à Augusta en Sicile où il fut massacré en quarantaine le sept pluviôse an sept, suivant l'apostille mise en marge de son nom par l'aide-commissaire embarqué et chargé à bord de constater les mouvemens de l'équipage et de tenir toutes les parties de la Comptabilité du Bâtiment en fonds et matières, ledit Rôle, déposé au Bureau des Armemens de ce port.
A Toulon, le vingt-huit floréal an sept de la République française, une et indivisible, M. Pigeon, vu l'ordonnateur de Marine, Bertin ...

Augusta Sicile massacre

 

Peintres, sculpteurs et architectes de Louis de La Roque - 1877

AD34 - Registres d'état-civil de Montpellier

 

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