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La Maraîchine Normande
9 septembre 2020

MIRABEL-LES-BARONNIES (26) - DUCLAUX DE BÉSIGNAN, DIT LE SANGLIER DE LA DRÔME, CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE (1759 - 1806)

PIERRE-CHARLES-MARIE-JOSEPH DUCLAUX DE BÉSIGNAN, dit le sanglier de la Drôme, contre-révolutionnaire.

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Né à Mirabel-les-Baronnies, le 9 AVRIL 1759, Duclaux appartenait à une vieille famille de Nyons, transplantée à Mirabel avec Justin Duclaux, maire perpétuel de ce lieu, qui acquit en 1703 une partie de la seigneurie de Bésignan, près le Buis, en épousant Marie de Taxis, fille et héritière d'Adam, coseigneur dudit Bésignan.

baptême z

Petit-fils de ce Justin Duclaux, celui qui nous occupe était fils de Joseph-Justin-Constantin Duclaux (1721 - 1811) et de Marguerite de Blosset, et la terre et le château de Bésignan lui furent cédés par son père, à l'occasion de son mariage avec Marie-Jeanne-Martine Duclaux de la Mésangère, sa parente, le 2 février 1780.

Or, fait assez singulier, après avoir eu tout d'abord de grosses difficultés avec ses vassaux, qui lui reprochaient d'exagérer ses droits de seigneur, il fut des premiers en France à renoncer à ces droits ; car, seize jours avant la fameuse nuit du 4 août 1789, il déclarait aux habitants de Bésignan, assemblés dans l'église paroissiale, qu'il les déliait "de tout ce qui a l'ombrage de servitude, de tous ces services personnels qui sont faits pour avilir l'âme", ne voulant, disait-il, "prétendre qu'au seul hommage de leurs coeurs." Il croyait probablement désarmer ainsi les rancunes dont il était l'objet ; mais il n'y arriva pas, et c'est vraisemblablement, joint à l'irritation que lui causait la marche des événements politiques, ce qui lui fit prendre, quelque temps après, une attitude tout-à-fait menaçante, non seulement vis-à-vis de ses anciens vassaux, mais encore de tous les habitants de la contrée environnante.

Affectant alors de se poser en ennemi déclaré de la Révolution, il entretint ouvertement des relations tant avec les royalistes soulevés du Midi, qu'avec ceux qui conspiraient à l'étranger.

Qui plus est, il fit alors des armements inquiétants pour les paysans, ses voisins, et d'une manière si peu dissimulée, que la Société des Amis de la Constitution du Buis, s'étant plainte de cela au commandant d'un bataillon qui tenait garnison dans cette ville, en le priant d'intervenir, Mme de Bésignan, dont le caractère ne le cédait en rien, paraît-il, à celui de son mari, écrivait, le 5 mai 1792, à ce commandant : "Je viens d'apprendre que, d'après la motion qui en a été faite au Club de votre ville, une partie de votre bataillon doit venir désarmer le château que nous habitons ; ... j'ai voulu vous prévenir que mon mari est déterminé à résister à toute entreprise illégale, et quoiqu'il y eût peu de générosité à nous attaquer avant que je sois remise de la chute malheureuse que je fis mardi passé, je vous réponds que je m'aiderai de toutes mes forces à défendre mon mari et mes trois enfants."

Deux jours après, le château de Bésignan était investi par 400 volontaires qui, l'entrée leur ayant été refusée, se retirèrent assez promptement après avoir tiré quelques coups de fusil ; et, cinquante jours plus tard (27 juin), les maires de Bésignan, le Poët-Sigillat, Rochebrune et Sainte-Jalle, s'étant présentés au "sieur Duclaux" pour se rendre compte de ses armements, constataient, avec l'agrément de ce dernier, qu'il n'avait pas moins de 22 fusils ou carabines et 10 pistolets, qui étaient, leur dit-il, "pour la défense et la sûreté de sa personne, d'après les menaces qui leur avaient été faites, ainsi qu'aux personnes de sa maison et qu'on lui faisait même journellement, de le brûler dans sa dite maison et de détruire entièrement sa récolte de grains" ; ce qui éclaire d'un nouveau jour les événements qui suivirent et qui sont les seuls connus de Rochas.

Cette visite domiciliaire arrêta si peu Duclaux de Bésignan dans ses préparatifs de défense, que quelques jours après, les Bésignanais adressaient au directoire du département une supplique dans laquelle il est dit que leur ancien seigneur ne cesse "d'entretenir dans sa maison de campagne des gens suspects et malintentionnés, outre qu'il ne respecte aucune propriété, ... et qu'il semble que son ci-devant château doit devenir une forteresse, par les fortifications qu'il y fait continuellement, même les jours de dimanche et fêtes, et par les personnes qu'il renferme, et en voyant arriver de toutes parts des espions qui portent et remportent les nouvelles aux aristocrates."

Et le juge de paix du canton s'étant alors rendu à son tour sur les lieux, Bésignan ne craignit pas de lui dire "qu'il aurait en moins de vingt-quatre heures de temps plus de 4.000 hommes à son service, ... et quand on apporterait des pièces de 4, elles ne feraient pas plus que son c... et qu'il se f... de tous ses ennemis, qu'il avait assez de pain, et quand il aurait fini, il mangerait de la bouroulette." Après quoi il lui montra un drapeau rouge portant en lettres noires : "Déclaration de guerre", puis lui lut une lettre venue de l'étranger, dans laquelle "on lui disait de tenir ferme, qu'on lui donnerait bientôt du secours, et que si le roi était inquiété ou qu'on lui fît du tort, on passerait tous les Parisiens au fil de l'épée" ; ces rodomontades émurent naturellement beaucoup l'opinion dans la contrée et furent cause que, le 22 août, deux administrateurs du district de Nyons arrivèrent à Bésignan avec un certain nombre de gendarmes et de gardes nationaux. Seulement, à leur approche, l'audacieux marquis ferma ses portes et après avoir arboré son drapeau, leur cria d'une fenêtre "qu'il était résolu à s'ensevelir sous les ruines de son château, qu'il avait été menacé par ses ci-devant vassaux, et que s'il périssait, il périrait beaucoup de monde".

Voyant cela, les deux administrateurs se retirèrent à Sainte-Jalle, chef-lieu du canton, d'où ils réquisitionnèrent toutes les gardes nationales des environs et demandèrent, en outre, des forces au général d'Albignac, commandant de la réserve de l'armée du Midi ; enfin, celui-ci étant arrivé avec plusieurs bataillons de volontaires et quatre ou cinq pièces d'artillerie, on retourna aussitôt à Bésignan, dont le château fut canonné pendant 36 heures, au bout desquelles une large brèche étant faite et le feu s'étant déclaré en certains endroits, notre marquis l'abandonna avec tous les siens, à la faveur des ténèbres, dans la nuit du 27 au 28 août 1792. Sa garnison se composait de huit hommes résolus !

Résina z

Ayant gagné la frontière pendant que les vainqueurs pillaient et démolissaient son château, Duclaux de Bésignan se rendit à l'armée de Condé, d'où il revint à Lyon pour prendre part à d'obscures intrigues ; puis ayant offert aux princes de soulever le Forez et ne recevant pas de réponse, il se rendit à Manheim où le prince de Condé, qui ne le prenait pas au sérieux, se borna à le placer sous les ordres de M. de Chevanne, un des chefs du parti royaliste à Lyon ; mais, comme notre marquis n'était pas homme à se contenter d'un rôle subalterne, il projeta de s'emparer de la citadelle de Besançon, à la faveur d'un mouvement insurrectionnel préparé à Bourges. Seulement, sa correspondance ayant été saisie sur un postillon, Bésignan dut aussitôt renoncer à son projet. Recherché par la police, il se cacha pendant quelque temps à Lyon, puis gagna l'étranger où il mourut absolument oublié. Il est décédé à Résina, province de Naples, le 10 novembre 1806 et a été enterré, selon ses dernières volontés, en l'église Sainte-Marie de Pugliano, commune de Résina (aujourd'hui Ercolano).

Marié avec Marie-Jeanne-Martine Duclaux de la Mésangère, il en eut des fils, qui, lorsqu'ils réclamèrent leur part de l'indemnité des émigrés, se virent répondre que, toutes dettes payées, il ne restait rien de l'héritage de leur père.

ruines du château 3 z

Ruines du château (Baronnies-tourisme.com)

L'un de ces fils, Louis-Denis-Ulysse Duclaux de Bésignan, qui était receveur municipal des contributions indirectes à Sisteron, en 1825, est l'auteur de : Considérations sur l'agriculture et projets d'amélioration soumis au jugement de tous les hommes éclairés, afin de les mettre à même de contribuer à leur exécution (Paris, Pihan de la Forest, 1828, in-8° de 31 pp. et deux tableaux) ; et de : Considérations politiques, morales et industrielles, applicables à l'extinction du Paupérisme, par une oeuvre de Charité, à l'Election industrielle et politique du Libre-Echange, à un nouveau système de Finances, enfin à l'Organisation des Banques territoriales et communales. (Marseille, E. Mengelle, 1846, in-12° de 58 pp.) (Dictionnaire biographique de la Drôme - Tome I - A à G - 1970)

Voici en quels termes ce siège est raconté dans un Mémoire de son fils, Louis-Désiré-Ulysse, et adressé, en 1825, à la commission chargée de liquider l'indemnité des émigrés :

"M. de Bésignan père croyant être plus utile à son roi en demeurant dans ses foyers, entretenait une correspondance avec un principal agent des princes. Cette correspondance ne put être assez secrète pour les partisans de la révolution qui, ayant supposé que le château de Bésignan pouvait devenir un point de ralliement pour les royalistes du Midi, obtinrent un ordre du gouvernement de faire marcher un général à la tête de plusieurs bataillons de volontaires, de troupes de ligne, et 4 ou 5 pièces d'artillerie contre cette prétendue forteresse, ayant pris la précaution d'en former le blocus régulier huit jours avant.

Il est nécessaire d'ajouter que 2 commissaires du district, Alex Romieux et Caton, assistèrent à toutes les opérations du siège. En cet état, réduit à huit personnes d'un dévouement éprouvé, M. de Bésignan, après avoir épuisé toutes les ressources que le désespoir pouvait offrir, dépourvu de munitions de guerre, battu en brèche par une batterie qui avait fait une large ouverture aux murailles, menacé par les flammes qui avaient dévoré les portes du château, et qui avaient gagné le corps du bâtiment, il fut obligé de céder au nombre et à l'imminence du danger, après 36 heures de combat.

Dans cette position désespérante, M. de Bésignan se jette dans la forêt avec ses fidèles compagnons d'infortune, qui portaient sur leur dos sa femme et ses enfants en bas âge, et, par un bonheur inouï, à la faveur du crépuscule, il échappa à la fureur de ses ennemis." (Biographie du Dauphiné par M. Adolphe Rochas - Tome Ier - 1858)

Bésignan avait contracté mariage, le 3 février 1780,  à Valence, paroisse St-Apollinaire, avec Marie-Jeanne-Martine Duclaux de la Mésangère, fille de noble Jean-François, sieur de La Mésangère, et d'Anne-Jeanne de Marville, et avait reçu de son père, à cette occasion, les revenus de la seigneurie de Bésignan et les droits qu'il avait sur la succession de Marie-Anne de Taxis, outre la jouissance de ses biens, à la charge d'en acquitter les dettes.

De ce mariage sont nés :

- Pierre-Constantin-Hercule dit Clausus, né à Mirabel, ondoyé le 10 novembre 1780 et baptisé à Bésignan le 13 août 1781  ; Capitaine Adjudant de place de 3e classe, 20 mars 1816 / 1ère division militaire, Paris ; décédé à Paris, 2e arr., le 7 octobre 1824 ;

- Jean-Achille-Arnaud-Martial, né et ondoyé dans la chapelle du château, à Bésignan, le 13 août 1783 ; 

- Louis-Désiré-Ulysse, né le 21 août 1786 à Bésignan, ondoyé le 25 ; marié à Orpierre (05), le 25 novembre 1811 avec Marie-Françoise-Adèle "Arycie" Taxis du Pouët (décédée à Sisteron, le 14 juillet 1824), dont quatre enfants ; un décret impérial du 22 juillet 1852 proclame le brevet d'invention d'un "système hydraulique dit mécanisme hydraulico-polychreste". Il est octroyé à Louis-Désiré-Ulysse ainsi qu'à plusieurs associés pour 15 ans ; 

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- Un fils, "ondoyé au Buis" en décembre 1788 (pas d'acte, juste le mot "ondoyement") ; décédé à Bésignan, le 23 août 1789, à l'âge de 9 mois environ ;

- Hippolyte ; né à Bésignan ; capitaine des gardes de Murat sur la place de Paris ; il serait décédé à Grand-Bourg (Guadeloupe).

Mme Duclaux, qui n'avait pu suivre l'équipée de son mari, fut arrêtée le 1er septembre 1792, conduite au Buis où elle fut emprisonnée tandis que les trois enfants qui avaient été abandonnés dans une "maison grangière" étaient confiés à une famille du Buis, les Bonfils, leur pension étant à la charge de la municipalité puis du département ...

Mme Duclaux demeurait au Buis ; selon un certificat médical délivré le 19 janvier 1793, elle souffrait "d'une fluxion de poitrine avec fièvre putride". Le 21 janvier, elle "est transférée dans la maison d'arrêt du Buis, actuellement vide, où elle pourra prendre les remèdes que sa convalescence pourrait encore exiger." Elle fut plus tard envoyée à Valence, puis Vienne d'où elle écrit aux administrateurs du district pour demander des fonds : " ... le mauvais état de ma santé rend mes besoins plus pressants et plus multipliés et qui me fait espérer que votre humanité vous portera à ne pas laisser souffrir plus longtemps une malheureuse mère de famille privée de tout ce qui est nécessaire à sa subsistance et celle de ses enfants depuis près de quinze mois tandis qu'elle auroit joui de ses droits dans toute leur plénitude si vous les aviez connus puisqu'elle n'est point en état d'accusation et qu'il faut un jugement pour l'en priver ..."

Elle resta emprisonnée 27 mois, à Valence, puis à "Vienne-la-Patriote" (Isère), avant d'être libérée le 26 février 1795, sans avoir comparu devant un tribunal.

Marie-Jeanne-Martine Duclaux est décédée à Sisteron (04), le 21 juin 1825, à l'âge de 67 ans.

 

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Sainte-Marie de Pugliano

 

Dictionnaire biographique de la Drôme - Tome I - A à G - 1970

Terre d'Eygues - Bulletin n° 52 de la Société d'Études Nyonsaises - 2013

Photo ruines du château : "Baronnies-tourisme.com"

AD26 - Registres paroissiaux de Mirabel-les-Baronnies et de Bésignan

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Commentaires
G
Travail remarquable..Je cherche des renseignements sur la fille Marie Esprit de Louis Dsiré Uysse et Marie Françoise Adèle AricieDe TAXIS DU POET. Cette Marie Esprit a épousé Paul André BERNARD.
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