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La Maraîchine Normande
26 août 2020

MESNIL-GONFROY - SURVIE (61) - MARIE-LOUIS-HENRI D'ESCORCHES, MARQUIS DE SAINTE-CROIX, PRÉFET DE LA DRÔME (1749 - 1830)

La famille d'Escorches, d'origine chevaleresque, a sans aucun doute pris son nom du fief et paroisse d'Escorches, situé au pays de Trun, à trois lieues d'Argentan.

préfet z

MARIE-LOUIS-HENRI d'ESCORCHES, comte puis marquis de Sainte-Croix, est né à Sainte-Croix du Mesnil-Gonfroy (61), le 17 septembre 1749.

 

baptême 1749

Ayant embrassé, tout d'abord, la carrière militaire, il fut sous-lieutenant au régiment de Bourbon-Infanterie, à l'âge de 17 ans, et officier des Gardes françaises, à 18.

Seulement il était extrêmement myope, il dut ensuite abandonner le service militaire actif pour travailler dans les bureaux des affaires étrangères, où il se distingua si bien par son travail et son intelligence, qu'ayant obtenu le brevet de colonel d'infanterie, en 1780, il fut nommé, l'année d'après, ministre plénipotentiaire à Liège, poste qui avait en ce moment-là une certaine importance, à cause de la vacance du siège épiscopal et de l'intérêt qu'il y avait pour la France à empêcher l'élection d'un prélat qui lui fut hostile. Or, le marquis de Sainte-Croix s'acquitta fort bien de sa tâche, ce qui lui valut d'être décoré de l'ordre de saint Louis en 1784 ; et, chargé, en 1790, de représenter la France en Pologne, il n'abandonna ce poste, le 10 août 1792, que pour aller à Venise en la même qualité, et c'est également dans ce temps-là que notre jeune diplomate reçut le brevet de maréchal de camp.

L'année suivante, il était nommé envoyé extraordinaire près la Porte Ottomane et commissaire civil dans le Levant, en remplacement du marquis de Sémonville, et, bien que n'étant resté là que peu de temps, à cause du désarroi complet de notre politique à cette époque, il y rendit encore assez de services pour que le Directoire jetât tout naturellement les yeux sur lui, lorsqu'il voulut entamer des négociations avec le Sultan, dans le but de faire de la Turquie une alliée de la France ; notre diplomate avait été dans l'intervalle ministre en Saxe.

Le 24 messidor an VI, "le citoyen Descorches" fut donc nommé, derechef, ambassadeur à Constantinople ; malheureusement les circonstances ne lui permirent pas de faire ce qu'on attendait de lui et, chargé deux ans après, par Bonaparte, d'une mission de confiance en Egypte, les évènements rendirent encore sa mission sans objet, au moment même où il se mettait en route pour ce pays. Ce que voyant, Descorches retourna auprès du premier consul, pour lui manifester son intention d'abandonner la carrière diplomatique ; mais celui-ci, qui se connaissait en hommes, ne voulut pas se priver de ses services, et, peu de temps après, le 2 décembre 1800, Marie-Louis-Henri Descorches de Sainte-Croix fut nommé préfet de la Drôme, avec des pouvoirs extraordinaires.

Drôme z

La tâche était d'autant plus difficile que ce département se ressentait fortement alors de son voisinage avec des départements absolument troublés. Dans sa partie méridionale, des bandes armées interceptaient les communications, volaient et souvent même assassinaient, sous prétexte de politique, et dans les lieux où la sécurité publique n'était pas ouvertement compromise, tous les rouages administratifs ne fonctionnaient que de manière défectueuse. Or, le préfet Descorches ne se contenta pas de rétablir la tranquillité, partout où elle était compromise, et d'assurer le bon fonctionnement des institutions du pays, il s'attacha encore à faire la paix dans les esprits par une administration tout à la fois bienveillante et ferme, et toujours équitable. En un mot, il fut, on peut le dire, le véritable organisateur du département de la Drôme et sut si bien s'attacher les populations qu'il avait charge d'administrer, que la Restauration succédant à l'Empire ne crut pas pouvoir mieux faire que de maintenir cet administrateur éclairé à la tête du département, et ce n'est, en somme, qu'aux Cent-Jours, que Descorches de Sainte-Croix, officier de la Légion d'honneur (31 mai 1809) et baron de l'Empire (1810), fut enlevé à ce département.

Les impérialistes ardents devaient lui garder rancune de son adhésion à la Monarchie, et, n'osant le briser tout-à-fait, ils le firent nommer préfet de l'Aude ; mais Descorches n'accepta pas cette disgrâce déguisée. Abandonnant alors les affaires publiques, il se retira dans le lieu qui l'avait vu naître et y mourut à 81 ans, au lendemain de la révolution de Juillet, le 2 septembre 1830.

décès z

Comme témoignage des sentiments qui animaient le préfet Descorches, rappelons un arrêté du 1er messidor an X, par lequel il invitait tous les conseils municipaux à faire choix, dans chaque commune, "du citoyen, de la femme ou de la fille que ses moeurs, sa conduite publique et privée ou quelque acte privé ou quelque acte marquant de vertu, rendent le plus recommandable à l'estime et à l'affection publiques", attendu, dit-il "que la source des bienfaits de la liberté est dans la pratique des vertus sociales et privées et qu'autant la liberté civile et politique doit paraître chère et précieuse à conserver, à tout homme qui n'est pas totalement aveuglé sur ses intérêts, autant ces vertus doivent se recommander à l'estime et à l'affection générales."

Dictionnaire biographique de la Drôme - Tome Ier - A à G - 1970

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Le 6 février 1775, il avait épousé haute et puissante dame Marie-Victoire Talon, dame du palais de la comtesse d'Artois, née le 3 avril 1756, fille de Jean-Baptiste, conseiller au Parlement, et de Marie-Charlotte Radix.

Ils eurent trois fils et une fille :

- Henri II, né à Versailles, le 16 janvier 1777, enseigne de vaisseau en l'an VI (1798), lieutenant de vaisseau le 18 thermidor an VII (5 août 1799), capitaine de frégate, le 1er vendémiaire an XII (24 septembre 1803), chevalier de la Légion d'honneur, commandant la frégate "la Danaé", à bord de laquelle il fut assassiné en rade de Corfou par un Piémontais de son équipage, le 12 janvier 1810

Le Journal de l'Empire, du 15 mars 1810, rend compte de cet assassinat :

"M. Descorches, capitaine de frégate, commandant la Danaé et la Flore, vient d'être assassiné à bord de la première de ces frégates, par un soldat d'artillerie de la marine. Voici, sur cet affreux évènement, les détails qui ont été transmis par M. Galois, enseigne de vaisseau, embarqué sur la Flore, à M. Bessières, commissaire impérial dans les Isles-Ioniennes :

Monsieur,

Je dois à l'amitié dont vous honoriez M. Descorches, capitaine de frégate, commandant la Danaé et la Flore, de vous instruire d'un assassinat affreux dont il a été victime aujourd'hui 12 janvier, à trois heures du matin.

Pour mettre de la clarté dans mon récit, je suis obligé de le prendre d'un peu loin. Le nommé Pelegri, soldat au 2e régiment d'artillerie de la marine, embarqué à bord de la frégate la Danaé, avoit déserté deux fois de la frégate, emportant ses effets ; et plusieurs fois il avoit mérité la peine de mort pour avoir frappé un sergent de son détachement. Il fut porté diverses plaintes contre lui au commandant, qui les déchira, espérant qu'il se corrigerait. Sa conduite étant toujours mauvaise, et ayant de nouveau porté la main sur un des sous-officiers du détachement, le commandant Descorches voulut encore le soustraire aux suites rigoureuses du jugement d'un conseil de guerre. Cependant, la discipline exigeant qu'il donnât un exemple sévère, il le fit frapper au cabestan avec un martinet destiné à ces exécutions. Cette punition était certainement bien légère pour un homme qui avoit plusieurs fois mérité d'être fusillé. C'est depuis le jour de cette exécution, qui remonte à plus de deux mois, que ce scélérat épiait le moment d'assassiner celui dont l'indulgence l'avait deux fois sauvé du supplice.

Enfin, dans la nuit du 11 au 12, M. Descorches revint à bord de la Danaé, à trois heures du matin. Il se promena un instant sur le pont avec l'officier de quart, et commanda qu'on portât de la lumière dans sa chambre. Le pilotin qui descendit avec la lumière n'aperçut pas ce Pelegri, qui était caché derrière un canon dans la batterie à tribord. Dès que le pilotin se fut retiré, Pelegri prit plusieurs pavillons mis au sec dans la batterie, et les plaça de manière à obstruer le passage de M. Descorches, afin de l'assassiner au moment où il serait occupé à déblayer sa porte. M. Descorches descendit, écarta sans beaucoup de peine les pavillons, entra dans son antichambre, et rouvrit sa porte pour appeler son domestique. Dans ce moment, le scélérat, à qui l'obscurité avait empêché (n'y ayant jamais de fanal à la consigne de la chambre) de consommer son crime, découvrant le commandant au moyen de la porte restée entr'ouverte, repoussa le domestique qui arrivait, ajusta M. Descorches, et lâcha le coup.

Il perça la porte, coupa un doigt au malheureux commandant, lui mutila tout le reste de la main, l'atteignit à l'aine droite, et lui fit une blessure d'autant plus dangereuse, que le fusil du meurtrier était chargé avec deux balles, des morceaux de cloux, etc. L'officier de quart descendit promptement, et trouva le commandant étendu dans son antichambre, et baigné dans son sang. Il parlait cependant très-librement. Pendant le pansement du chirurgien, Monsieur Descorches montra toute la fermeté d'âme qui le caractérisait. "Je serai estropié pour toute ma vie, disait-il ; eh bien patience !" Quelques instants après, voyant ses officiers qui l'entouraient garder un morne silence : "Cela va beaucoup mieux, mes amis, leur dit-il ; j'espère que vous ne perdrez pas votre capitaine cette fois-ci". Enfin, ces derniers moments approchant, et se sentant défaillir : "J'étais destiné à mourir d'un coup de feu, a-t-il dit ; mais je ne croyais pas que le coup partirait de la main d'un Français". Ce furent ses dernières paroles ; il expira après deux heures de souffrances atroces.

Ainsi a fini sa carrière, à l'âge de 30 ans, M. Henri Descorches de Sainte-Croix, capitaine de frégate, membre de la Légion d'honneur, commandant les deux frégates la Danaé et la Flore, fils de M. Descorches de Sainte-Croix, préfet du département de la Drôme, frère de M. de Sainte-Croix, général de brigade, comte de l'Empire, etc ; né d'une famille distinguée, officier de la plus grande espérance, qui, servant dans la marine dès son enfance, avait assisté à presque tous les combats donnés depuis 1792 ; qui s'était distingué dans plusieurs de ces affaires ; qui, commandant la frégate la Libre, de 44 pièces de canon, n'avait pas craint d'engager le combat avec deux frégates anglaises de sa force, auxquelles il ne s'est rendu qu'à la dernière extrémité. C'est par assassinat qu'il a terminé sa carrière !!!

L'assassin est mis aux fers. Il a confessé son crime". (Monitore Ionio)

- Cécile-Augustine-Euphémie, née au château du Pin-au-Haras, le 4 février 1781 ; décédée au château de Résenlieu, le 17 janvier 1870, épousa, le 18 fructidor an IX (5 septembre 1801), John de Montagu-Humphrys, né à Philadelphie, le 12 octobre 1772, décédé à Osmond, le 11 mars 1851, dont deux filles : Mme la comtesse de Nolent, résidant au château de Résenlieu, près Gacé, et Mme la générale de Malherbe ; Cécile-Augustine-Euphémie est décédée au château de Résenlieu, le 17 février 1870 ;

- Charles-Marie-Robert, né à Versailles, paroisse Notre-Dame, le 20 novembre 1782, lieutenant au 4e régiment de dragons, aide de camp de Masséna, se signala au passage du Danube, puis à Essling, général de brigade à 26 ans, commandeur de la Légion d'honneur, avec une dotation de 2.000 fr., le 9 juin 1810, comte de l'Empire, grand'croix des Ordres militaires de Bade et de Hesse, tué à Villafranca, près des retranchements de Sobral (Portugal), par un boulet qui ricocha et le coupa en deux, le 11 octobre 1810 ;

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- Robert-Jean-Antoine-Omer, né au château d'Osmond, à Aubry-le-Panthou, le 7 juin 1785, marquis de Sainte-Croix, sous-lieutenant de dragons, capitaine de cavalerie, aide de camp de Berthier, eut une jambe emportée à la Moskowa et rentra en France avec les débris de la grande armée. Il fut fait membre de la Légion d'honneur, baron de l'Empire et devint successivement auditeur au Conseil d'État, sous-préfet de Bar-sur-Ornain (Meuse) pendant les Cent-Jours. A la chute de l'Empire, il se retira à Sainte-Croix, auprès de son père, fut maire de Survie pendant 25 ans, Conseiller général sous Charles X et enfin député de l'Orne, de 1852 à 1857. Pendant la durée de son mandat politique, il publia diverses circulaires à ses électeurs dont la Bibliographie cantonale de Vimoutiers, de MM. Letacq et de Contades, donne la nomenclature, et mourut à Versailles (5 bis rue d'Anjou), le 11 décembre 1861 ; il avait épousé en 1819, à Ste-Croix du Mesnil-Gonfroy, Pauline-Henriette Mahot de Gémasse, fille de Marin-Nicolas-François, baron de Gémasse, seigneur de Montormel et de Pauline-Henriette Guérin ; elle mourut sans postérité, à Alençon, le 16 avril 1852.

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- Généalogie de la famille d'Escorches, rédigée par MM. l'abbé Godet et le Vte de Romanet - 1896

- Voir ICI l'histoire d'Antoine-Omer Talon, beau-frère de Marie-Louis-Henri d'Escorches : "Magistrat et conspirateur"

- Sabre ayant appartenu au général Charles-Marie-Robert d'Escorches de Sainte-Croix (1782 - 1810) et, suite à son décès à la bataille de Villafranca au Portugal, donné au général Marulaz qui le considérait comme son fils spirituel, par son frère Robert. (Site Thierry de Maigret, Commissaire Priseur)

- Armorial du Premier Empire

- Manoir de Sainte-CroixPropriété depuis 1190 de la famille Descorches, éteinte en 1861. Manoir construit au début du XVIIe siècle. Parties agricoles du XVIIIe siècle. Signalé en mauvais état en 1917. Au XXe siècle, la demeure appartenait aux Boulard de Villeneuve.

- AD61 - Registres paroissiaux et d'état-civil de Survie

- Portrait : Association universitaire d'études drômoises - Études drômoises n° 51 - octobre 2012 - Jean-Claude Banc.

 

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