MICHEL LE COINTE-PUYRAVEAU
ADMINISTRATEUR FRANÇAIS

 

Fils unique de Germain Le Cointe, marchand d'origine normande, passé par Saint-Domingue avant de s'installer à Saint-Maixent , et de Catherine-Renée Levesque, Michel est né le 13 décembre 1764, à Saint-Maixent, paroisse Saint-Saturnin.

Son père, Germain Le Cointe, seigneur de Puyraveau, est décédé à St-Denis (79), le 16 octobre 1787, à l'âge de 59 ans. Sa mère, Catherine-Renée Levesque est décédée à Saint-Maixent , le 21 germinal an XIII (11 avril 1805).

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Reçu avocat au parlement de Paris, il exerçait sa profession dans sa ville natale lorsqu'éclata la révolution, dont il se montra un des zélés partisans.

Élu administrateur du département des Deux-Sèvres en 1790, l'année suivante il fut par ses concitoyens député à l'Assemblée législative. Il y signala la conduite imprudente des prêtres insermentés, qui déjà avaient soulevé les campagnes de Bressuire et de Châtillon et fait couler le sang dans plusieurs communes.

Le 10 décembre 1791, il appuya vivement une pétition des habitants de Paris contre les ministres du Portail, de Narbonne, de Grave et Lajard, qui plus tard furent décrétés d'accusation, en août 1792. Le 15 mai, il renouvela ses attaques contre les prêtres insermentés, et contribua beaucoup, le 25, à faire prononcer contre eux la déportation.

Élu à la Convention nationale en septembre 1792, il y fit rendre le décret qui défendait de prendre les ministres parmi les représentants, et le 24 septembre, demanda la présence d'une force départementale à Paris pour garantir la sûreté de la Convention. Le 4 octobre il accusa Marat d'avoir organisé les massacres de septembre ; celui-ci riposta dans son Ami du peuple en traitant Lecointe Puyraveau de girondin et de fédéraliste. En novembre, Lecointe fut envoyé avec Biroteau pour pacifier le département d'Eure-et-Loir ; leur mission fut accomplie avec courage, mais non sans danger.

Rentré à l'assemblée au commencement de janvier 1793, il prit part au procès de Louis XVI, et vota pour l'appel au peuple puis choisi de se prononcer pour la mort. Le 10 mai 1793, il fut envoyé à l'armée de La Rochelle avec son collègue Jard-Panvilliers, et se trouva, le 24, à Fontenay, lorsque l'armée républicaine y fut défaite par les royalistes, commandés par de Lescure.

Rappelé après l'anéantissement du parti girondin, il ne craignit pas de protester contre les vainqueurs, osa justifier la destitution de Rossignol, protégé par les jacobins, parla en faveur du général Biron et le défendit, mais inutilement, par son témoignage devant le tribunal révolutionnaire. Il combattit comme arbitraire la proposition de ranger parmi les ennemis de la république les marchands qui vendraient à un prix élevé les objets de première nécessité.

Le 16 novembre 1793, Amar demanda la mise en accusation de Lecointe Puyraveau, en vertu d'une lettre anonyme datée de Rouen, et qu'il prétendait avoir vue tomber de la poche de Lecointe. Cette lettre signalait Lecointe comme un des instigateurs des troubles de la Normandie et de la Vendée. Déjà on allait voter le décret d'accusation, lorsque Lecointe, s'étant fait communiquer la pièce accusatrice, fit observer qu'elle serait arrivée à Paris avant l'heure de la distribution des dépêches de Rouen. Cette circonstance le sauva.

Le 1er avril 1795, il accusa les jacobins de répandre des écrits contre-révolutionnaires, et soutint que les chefs de cette faction n'étaient que des royalistes masqués qui poussaient au désordre et à l'anarchie pour dégoûter le peuple de la liberté. A la fin de cette même année, il s'opposa vigoureusement aux exceptions sollicitées en faveur des émigrés postérieurement au 31 mai, et demanda, à la suite du 13 vendémiaire, "que les biens des rebelles servissent à indemniser les citoyens morts en défendant la Convention".

Devenu membre du Conseil des Cinq Cents, il défendit la Constitution de l'an III, parla le 1er mars 1796 contre les magistrats qui avaient refusé de prêter le serment de haine à la royauté, appuya le 7 avril la proposition de mettre le séquestre sur les biens des pères et mères des émigrés, et proposa des mesures rigoureuses pour empêcher l'importation des marchandises anglaises. Il se montra aussi l'un des soutiens de la loi du 3 brumaire an IV qui excluait des fonctions publiques les parents d'émigrés. Il attaqua spécialement Polissard, Ferrand-Vaillant et autres députés sujets à l'application de cette loi, et voulut faire attribuer au Directoire exécutif la radiation facultative des émigrés.

Il soutint la déportation des prêtres insoumis, demanda des lois contre la licence de la presse, et cita à l'appui de cette mesure le journal de Barruel-Beauvert, qui médisait sans relâche du général Bonaparte.

En mars 1797, Lecointe présida le Conseil des Cinq Cents, d'où il sortit le 20 mai suivant, et fut nommé commissaire central de l'administration du département des Deux-Sèvres. Réélu en mars 1798 au Conseil des Cinq Cents, il s'y opposa, le 3 juillet, à ce qu'on sursît à l'exécution de d'Ambert, condamné comme émigré, alléguant "que la France se remplissait de ces sortes de gens, et qu'il avait vu lui-même à Paris un chef de chouans". Il se plaignit du mépris des institutions républicaines et de l'ouverture des boutiques le dimanche. Élu de nouveau à la présidence le 20 juillet, il célébra les fêtes des 9 thermidor et du 10 août dans des discours qui furent traduits dans les diverses langues européennes.

Le 23 septembre, après une sortie sur la perfidie des rois, il proposa la levée de deux cent mille conscrits et vota la confiscation des biens des déportés de fructidor.

En 1799, il fit plusieurs rapports sur les impôts, le payement des biens nationaux, les colonies, les banques, le système électoral, la liberté de la presse, dont il réclama derechef la compression, attribuant aux journalistes les excès de la révolution. En août 1799, il s'opposa à la mise en accusation des directeurs Merlin, La Revellière-Lépeaux, Treilhard et Rewbell. A la fin de brumaire an VIII (novembre 1799), il fut délégué par le premier consul Bonaparte dans les départements de l'ouest pour, de concert avec le général Hédouville, faire exécuter la pacification convenue à Angers.

Il entra ensuite au Tribunat, d'où il sortit en mars 1800 pour aller remplir les fonctions de commissaire général de police à Marseille. Il resta dans cette ville jusqu'en 1803, et y rétablit le bon ordre et la sûreté.

Quelque temps après, il fut désigné pour une mission en Louisiane, mais il refusa cet emploi, et rentra dans la vie privée jusqu'en 1815. Napoléon, à son retour de l'île d'Elbe, lui confia la police supérieure de Lyon, Grenoble, Marseille et des contrées qui avoisinent ces importantes cités.

A la rentrée des Bourbons, il faillit partager le sort du maréchal Brune, et fut enfermé au château d'If, d'où il s'échappa le 11 septembre 1815. (Nouvelle biographie générale ... MM. Firmin Didot Frères - Tome trentième)

Michel Le Cointe Puyraveau est décédé le 14 janvier 1827 à Ixelles (Belgique).

Deux modestes tombes, qui se trouvent dans le cimetière d'Ixelles, portent les inscriptions suivantes (Histoire des environs de Bruxelles ... de Alphonse Wauters - Volume 3 - 1855) :

1° ICI REPOSE, - APRÈS UNE VIE AGITÉE, - UTILE A LA LIBERTÉ ET A LA PATRIE, - F.B. CAVAIGNAC, - DÉPUTÉ DU DÉPARTEMENT DU LOT - A LA CONVENTION NATIONALE, - REPRÉSENTANT DU PEUPLE - AUPRÈS DES ARMÉES DE LA RÉPUBLIQUE, - L'UN DE SES RÉSIDENTS - ET CONSULS GÉNÉRAUX - EN ORIENT, - MORT A BRUXELLES, - DANS SA LXXVIIIe année ;

2° CI-GIST - MICHEL LECOINTE PUYRAVEAU - NÉ LE 13 DÉCEMBRE 1764, - A SAINT-MAIXENT, - DÉPARTEMENT DES DEUX-SÈVRES, - EN FRANCE, - AVOCAT, - MEMBRE DE PLUSIEURS ASSEMBLÉES - NATIONALES, - DÉCÉDÉ A IXELLES, - LE XIV JANVIER 1827.

 

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document relatif à son arrestation :

Lettre du Préfet Siméon au Ministre de la Police générale du 5 août 1815.

M. Garnier, maire de Brignoles, qui remplissait provisoirement dans cette ville, sur la nomination de M. le marquis de Rivière, les fonctions de préfet, vient de m'informer de l'arrestation de M. Lecointe-Puyraveau qui a eu lieu le 29 juillet par la garde nationale de la commune de Rians, comme suspect et émissaire du général Brune. M. Garnier m'instruit en même temps de quelques particularités auxquelles cette arrestation a donné lieu et dont je vais avoir l'honneur de rendre compte à Votre Excellence.

Conduit devant M. Garnier, M. Lecointe convint avoir rempli du nom de Ganzia, inspecteur des bois de la marine, son passe-port sous la date du 10 juillet et sorti en blanc des bureaux de Votre Excellence. Il aurait pu, dit-il, en vertu de votre lettre du 16 juillet qu'il communiqua, continuer ses fonctions de lieutenant général de police dans la 8e division. Il exigea la parole d'honneur de M. Garnier qu'il ne révélerait ni son nom, ni ce qu'il venait de lui déclarer.

Cette parole fut donnée sous la condition qu'il serait gardé à vue et que M. le marquis de Rivière serait informé de son arrestation.

M. Garnier ne négligea point de demander au détenu si l'ex-roi Murat était encore à Toulon ; la réponse fut qu'il s'était embarqué, mais qu'on ignorait s'il avait pu échapper à la croisière anglaise, que lui, Lecointe, s'était embarqué sur un bateau frêté pour son propre compte et qu'à son retour n'ayant passé que quelques heures à Toulon, il ne s'était pas informé du sort de Murat.

M. le baron d'Aspres, colonel autrichien, commandant un gros détachement stationné à Brignoles, prétendit sur le bruit répandu de l'arrestation d'un prisonnier de marque, que c'était le roi Murat et voulut réclamer le détenu. Il en eut une explication avec M. Garnier qui lui dit n'avoir jamais vu l'ex-roi Murat, mais que lié par sa parole il ne pouvait point lui déclarer le nom du prisonnier. Il le conduisit néanmoins dans la chambre du détenu. Le colonel s'écria au premier aspect : "Ce n'est point Murat". M. Garnier informa M. Lecointe du motif de cette visite et le prévint qu'il n'avait point manqué à sa parole.

Le détenu s'étant fait connaître, le colonel s'empara de ses papiers, déclara que cette affaire regardait le général en chef Nugent, déchargea verbalement le magistrat de sa responsabilité et mit le prisonnier sous une garde autrichienne. Il reconnut cependant que la mesure prise contre lui l'avait soustrait à la fureur du peuple.

M. le lieutenant général Perreimond, investi d'un commandement par M. le marquis de Rivière, réclama à son tour le prisonnier et il fut convenu qu'en attendant la décision du général Nugent, il serait sous une garde française et autrichienne.

M. Lecointe a été traduit à Marseille dans une voiture et sous la garde du lieutenant de gendarmerie Louis-Joseph Herman et de quelques gendarmes déguisés. La translation a fait cesser toute surveillance de l'autorité dans le département du Var.

Tel est, monseigneur, le compte que je m'empresse de rendre à Votre Excellence et sur la première communication que j'en reçois, de l'arrestation de M. Lecointe-Puyraveau ; il me paraît que la conduite de M. Garnier, maire de Brignoles, est digne de votre approbation.

Je suis avec respect, etc. (Bulletin de la Société d'Etudes scientifiques et archéologiques de Draguignan - Tome XXXVIII - 1931 - pp. 62 à 64)

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PUYRAVEAU

Puyraveau appartenait en 1526, à Jean Mourault, écuyer, licencié ès lois, époux de Florence Douyneau. En 1577, il était passé à la famille Adam, qui doit avoir bâti le château sous Louis XIII (la date 1625 est inscrite au-dessus de la porte d'entrée de la maison). Dès le milieu du XVIIe siècle, Claude Légier, époux de Geneviève de Blacwod, petite-fille de l'apologétiste de Marie Stuart, en était seigneur. On trouve après lui son fils et son petit-fils porteurs du même prénom, et, comme lui, conseillers au présidial de Poitiers. L'académicien Philippe Goibault du Bois la Grugère (fils d'un sénéchal de Champdeniers), mort en 1694, veuf de Françoise de Blacwod, légua aux Légier de Puyraveau, neveux de sa femme, le tiers de ses biens personnels.

Germain Lecointe, marchand, demeurant à Saint-Maixent, paroisse de Saint-Saturnin, acquit Puyraveau d'Augustin de Clervaux, mousquetaire du roi, suivant adjudication par jugement du lieutenant-général de Saint-Maixent, le 28 juillet 1766. Il transmit ce domaine à Michel Lecointe-Puyraveau, son fils, homme de loi à Saint-Maixent, né dans cette ville en 1764, administrateur du département en 1790, député à l'Assemblée législative et à la Convention, dont la fille unique épousa M. Pierre-Louis Tribert qui siégea à la Chambre des députés de 1829 à 1848, et fut père de M. Louis-Pierre Tribert, député en 1871, puis sénateur inamovible. (Paysages et monuments du Poitou - Jules Robuchon - Tome VI - 1892)

Au début de l'année 1960, vivait encore, en la demeure de Puyraveau, à Saint-Denis, près de Champdeniers, une vieille demoiselle, très pieuse, qui menait la vie la plus retirée. Elle ne recevait à peu près personne, en dehors de sa plus proche famille, de quelques rares fidèles amis et de membres du clergé. Elle se nommait Hélène Tribert, c'était la seconde fille de Louis Tribert.

Elle s'éteignit cette année-là, à Puyraveau même, où elle avait vécu les dernières années de sa vie dans la prière, espérant ainsi racheter le "crime" de son aïeul maternel, le conventionnel Michel Lecointe-Puyraveau qui avait voté pour la mort de Louis XVI et racheter également, l'intrusion, en la maison familiale, d'une femme qu'elle pensait, sans doute, ne pouvoir qualifier que de "créature", non seulement pour son passé, un moment fracassant, mais aussi pour ce qu'elle pouvait croire été la nature de ses relations avec son père, Louis Tribert. La femme dont il s'agissait était évidemment Mme d'Agoult.

Prévoyant sa mort prochaine, elle avait offert à l'évêché de Poitiers sa demeure de Puyraveau, dans l'espoir que, devenue maison de repos des "aides aux prêtres" de la région, elle serait enfin purifiée des fautes de jadis. (aujourd'hui E.H.P.A.D. Notre-Dame de Puyraveau). (Recueil de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime - Tome XXV - 1ère livraison - 1973/1974)

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Michel Le Cointe Puyraveau avait épousé à Saint-Maixent, paroisse Saint-Saturnin, le 20 août 1787, Marie-Aimée Texier, fille de Samuel-Guillaume Texier, médecin à St-Maixent et de Marie-Suzanne Valette, dont il eut une fille unique, Catherine, née à St-Denis (79), le 20 septembre 1788.

Catherine épousa Pierre-Louis Tribert, né à Poitiers le 25 juin 1781. De ce mariage est né à Paris, Louis-Pierre, le 29 juin 1819, qui suit ; Louis-Marie-Germain-Lucien-Michel, né le 19 août 1820 à Paris ; Conseiller général de la Vienne à partir de 1865 ; marié à Paris, le 23 juin 1846, avec Marie-Eugénie Sourdille de Lavalette (décédé en 1890), dont une fille, Madeleine. [Le couple aurait peut-être eu également une fille, Adélaïde, née à Paris, le 26 décembre 1821, mais l'état-civil reconstitué de la capitale n'indique pas le nom des parents, aussi, il ne s'agit que d'une supposition.]

Pierre-Louis, riche propriétaire ; cousin d'Antoine Claire Thibaudeau ; Employé à la préfecture des Bouches-du-Rhône. Secrétaire particulier de Thibaudeau ; Sous-préfet de Bressuire, 10 mars/1er mai 1809, destitué en avril 1814... ; Préfet des Hautes-Alpes, 30 mars 1815, décret non notifié ; de la Loire, 6/16 avril, remplacé le 14 juillet 1815  ; Député (Deux-Sèvres) du 20 juin 1829 à 1848 ; dirigea avec son collègue Philippe Clerc-Lassalle le groupe libéral de ce département durant toute la Monarchie de Juillet. (Les Immortels du Sénat + AN - F/1bI/174/12 )

Pierre-Louis fut attaché en 1801 au cabinet de Thibaudeau, alors préfet des Bouches-du-Rhône, comme secrétaire particulier : Thibaudeau avait épousé la cousine germaine de M. Tribert.

Nommé sous-préfet de Bressuire le 10 mars 1809, il fut décoré de l'ordre de la Réunion le 4 février 1814, et destitué par la Restauration (avril 1814).

Aux Cent-Jours, l'empereur le fit préfet des Hautes-Alpes (30 mars 1825), poste qu'il n'accepta pas et qu'il échangea pour la préfecture de la Loire (6 avril) ; le retour des Bourbons, en juillet suivant, le laissa encore sans fonctions. Le 7 juillet 1820, il sollicita "d'être attaché utilement et d'une manière honorable à quelqu'une des grandes administrations secondaires dont les emplois sont à la nomination du ministre de l'Intérieur" ; mais sa parenté avec Thibaudeau, alors en exil, et un certain renom de libéralisme ne disposèrent pas le gouvernement royal en sa faveur.

Un siège dans la députation des Deux-Sèvres étant devenu vacant par suite de la démission de M. Tonnet-Hersant, M. Tribert se présenta, le 20 juin 1829, dans le 2e arrondissement électoral des Deux-Sèvres (Niort), et fut élu par 213 voix sur 359 votants et 485 inscrits, contre 136 à M. Maillard, conseiller d'État. Il prit place à gauche et vota l'Adresse des 221. Réélu, le 23 juin 1830, par 299 voix sur 455 votants et 492 inscrits, contre 146 à M. Maillard, il contribua à l'établissement de la monarchie de juillet, fut nommé conseiller général des Deux-Sèvres, refusa la préfecture de la Loire, et fut réélu, le 5 juillet 1831, député du 4e collège des Deux-Sèvres (Bressuire) par 88 voix sur 140 votants et 210 inscrits, contre 27 à M. Aubin. Il avait déjà repris sa place dans l'opposition constitutionnelle, à côté d'Odilon Barrot ; les efforts de l'administration ne l'empêchèrent pas de voir renouveler sans interruption son mandat jusqu'à la fin du règne : le 21 juin 1834, par 108 voix sur 148 votants et 219 inscrits, contre 30 à M. Aubin et 8 à Armand Carrel ; le 4 mars 1837, par 97 voix sur 152 votants et 238 inscrits contre 54 à M. Chauvin de Lenardière ; le 2 mars 1839, par 136 voix sur 188 votants et 246 inscrits, contre 49 à M. Chauvin de Lenardière ; le 9 juillet 1842, par 129 voix sur 188 votants et 261 inscrits, contre 29 à M. Devieilblanc et 23 à M. Chauvin-Hersant ; le 1er août 1846, par 147 voix sur 268 votants et 312 inscrits, contre 120 à M. Chauvin de Lenardière.

Il siégea toujours dans l'opposition modérée et vota "pour les incompatibilités", pour l'adjonction des capacités, contre la dotation du duc de Nemours, contre les fortifications de Paris, contre l'indemnité Pritchard, pour la proposition contre les députés fonctionnaires.

Il avait été élu, en 1841, conseiller général de Thouars et de Saint-Varent ; il opta pour Thouars ; en 1848, il devint conseiller général du canton de Champdeniers. Candidat dans les Deux-Sèvres aux élections du 23 avril 1848 à l'Assemblée constituante, sans être inscrit sur aucune liste, il ne recueillit que 12.763 voix ; il ne fut pas plus heureux aux élections du 13 mai 1849 pour l'Assemblée législative, et ne se représenta plus. (Dictionnaire des parlementaires français - Tome cinquième - 1891)

Pierre-Louis Tribert est décédé à Fontioux-Marçay (86), le 13 juillet 1853, à l'âge de 72 ans.

 

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M. Louis-Pierre Tribert, sénateur inamovible, est mort le jeudi 15 juin 1899, en son château de Puyraveau, à St-Denis près Champdeniers (Deux-Sèvres), à l'âge de quatre-vingts ans.

Il était le petit-fils de Lecointe-Puyraveau, représentant des Deux-Sèvres à l'Assemblée législative et à l'Assemblée Constituante, et le fils de Pierre-Louis Tribert, qui fut député de Bressuire en 1829 et 1830.

Né à Paris, le 29 juin 1819, il fit ses études au collège Bourbon, fut lauréat au concours général, puis étudiant à l'université de Berlin. Ses études classiques furent complétées par de nombreux voyages en Europe, en Égypte, en Asie-Mineure, au Canada, aux États-Unis. Un certain nombre de ces voyages furent accomplis en compagnie de la comtesse d'Agoult, dont l'amitié lui demeura constamment fidèle.

Rentré en Poitou, il prit une part très active aux luttes politiques de la fin de l'Empire. Il fut deux fois battu aux élections législatives par le candidat officiel, mais il avait, en 1869, obtenu plus de 12.000 suffrages.

Quand éclata la guerre de 1870, M. Tribert, oubliant qu'il avait dépassé la cinquantaine, s'engagea comme volontaire. Fait prisonnier à Ville-Evrard le 21 décembre, il fut envoyé en Silésie, au camp de Niesse. C'est là qu'il apprit que ses concitoyens des Deux-Sèvres l'avaient élu député, le quatrième de la liste, avec 47.807 suffrages. M. Tribert, à Bordeaux et à Versailles, vota constamment avec le centre gauche. Il fut élu sénateur inamovible au mois de décembre 1875. Ses votes se sont toujours confondus avec ceux des républicains modérés. Il prit une part assez active dans les élections législatives de son département, surtout après le boulangisme, combattant de toutes ses forces les candidats suspects à ses yeux de faiblesse ou de complaisance vis-à-vis des menées césariennes.

Cet homme de lettres qui parlait la plupart des langues européennes n'avait pas de réel programme politique et de spécialité définie. Il intervint très rarement à la tribune des assemblées : ses adversaires le surnommaient la "marmotte parlementaire". (Les Immortels du Sénat)

Il laisse une veuve et deux filles.

M. L. de Ronchaud, dans son Étude sur Daniel Stern (Marie d'Agoult), parle ainsi de Louis Tribert :

Un soir, dans le salon de Mme d'Agoult, nous rencontrâmes pour la première fois un jeune homme à l'air sérieux et réservé, qui se tenait à l'écart dans le cercle de célébrités assises autour du foyer. La maîtresse de la maison l'interrogea avec cet art, qui était le sien de tirer de chacun ce qu'il avait en lui et de le faire valoir au profit de tous. Ainsi interpellé, le jeune homme raconta le voyage qu'il venait de faire en Grèce. Sa finesse d'observation, sa haute-culture, sa verve rapide, le choix élégant de ses expressions durent frapper tout le monde, comme ils me frappèrent moi-même. Mme d'Agoult, qui a parlé de lui sous le nom de Lorenzo, dans les Esquisses morales, a tracé la vive image de sa conversation pleine et variée, instructive et amusante dans sa gravité :

"La conversation de Lorenzo est étrange. Je la compare aux promenades que je faisais à Venise. Rien de grave, de triste même comme la gondole ; rien n'est plus semblable à un cercueil, et pourtant on s'y trouve bien, on s'y sent à l'aise. Ce mouvement rapide, insensible, cadencé ; toutes ces grandes choses qu'on entrevoit, furtives et mystérieuses, palais, églises, Rialto, campaniles, ces majestueux échos du passé qu'on éveille à demi ; parfois même, à quelque balcon, une fleur solitaire, mélancolique et comme étonnée de se trouver là ; le cri poétique et rauque du gondolier ; un peu de ciel, beaucoup d'eau, et surtout le silence qui enveloppe et ennoblit encore toute noble tristesse, voilà ce qui me charmait, ce qui m'attachait à ces promenades sans issue. Quelque chose d'analogue retient mon esprit à ces entretiens sans but."

Lorenzo, c'est Louis Tribert, l'un des constants et intimes amis de Mme d'Agoult, l'un des deux qui lui ont fermé les yeux et qu'elle a chargés par son testament du soin de sa renommée littéraire. Voyageur par vocation, il a préféré longtemps à la cendre du foyer la poussière des grandes routes ; il a été le compagnon de Mme d'Agoult dans presque tous ses voyages. Son activité infatigable, sa curiosité ardente, son esprit pratique joint à une rare culture, à l'usage des langues et à la connaissance des littératures étrangères, faisaient de lui un guide précieux en tous pays, à travers les villas et les campagnes, les châteaux, les églises, les musées. Mme d'Agoult a visité avec lui l'Italie, la Hollande, une partie de la France ; son esprit, toujours présent, évoquait partout des souvenirs historiques et lui fournissait à point tous les renseignements dont elle avait besoin. De retour à Paris, il lui rappelait tous les détails de leurs excursions prochaines ou lointaines et l'aidait à en fixer la trace. Evitant les réunions, il prenait sa revanche dans l'intimité d'où sa verve bannissait tout ennui. Que mon ami de trente ans, avec qui j'ai partagé bien des joies et bien des peines, veuille me pardonner le peu de bien que je dis en passant de lui dans cette notice où il eût été étrange de ne point le mentionner. (L. de Ronchaud, Etude sur Daniel Stern).
Journal Le Temps - 17 juin 1899

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 Journal de Lyon - Mardi 29 avril 1873

 

 En 1878, soit deux ans après la mort de Marie d'Agoult, Louis Tribert avait épousé la suivante-gouvernante de celle-ci. Cette personne, Mlle Anna-Catharina-Josépha Berger, était née à Mannheim, le 30 septembre 1847. Avant les noces, l'érudit et homme du monde Tribert lui fit donner des leçons de français, et de culture générale dont elle tira, à en croire les contemporains, le plus grand profit.

Ce ce mariage tardif naquirent deux filles. L'aînée, Louise, vint au monde en 1879. Elle devait épouser M. Félix Dubois, journaliste. La cadette, Hélène, suivit en 1880. Elle resta célibataire. (Recueil de la Société d'archéologie et d'histoire de la Charente-Maritime - Tome XXV - 1ère livraison - 1973/1974)

Louis-Pierre décès 1899

 

 

Pour information, voir également : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65585942/f325.image.r=TRIBERT