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La Maraîchine Normande
25 juin 2020

L'AGITATION POLITIQUE EN VENDÉE SOUS LE CONSULAT - RAPPORT DE LOUIS-JEAN-BAPTISTE GOUVION - AN XII

L'AGITATION POLITIQUE EN VENDÉE
SOUS LE CONSULAT

Au lendemain de la pacification de 1799, la Vendée donnait le spectacle d'un pays dévasté par la guerre civile et cherchant à reprendre son équilibre politique et économique. Telle était du moins l'opinion du général Gouvion, Louis-Jean-Baptiste, inspecteur général de la Gendarmerie, chargé par le Premier Consul du désarmement de l'ancienne Vendée militaire.

Gouvion Louis-Jean-Baptiste z

Celui-ci, qu'il ne faut pas confondre avec le général-marquis Gouvion de Saint-Cyr - bien que tous les deux soient nés à Toul - plus âgé que son homonyme d'une douzaine d'années, était, au commencement de la Révolution, chef de bataillon dans la Drôme. Général de brigade en 1793, il combattit en Hollande sous les ordres du général Brune contre les troupes anglo-russes. Nommé général de division sur le champ de bataille de Berghen, il reçut ensuite un commandement dans le midi, à Montpellier. C'est là qu'il fût chargé d'une mission dans l'Ouest, en l'an XI.

Il entra ensuite au Sénat Conservateur le 12 pluviôse an XIII et le 26 avril 1808, fut créé comte de l'Empire. Rappelons que c'est à cette époque que Napoléon Ier fit son voyage en Espagne, au retour duquel il s'arrêta à La Roche-sur-Yon devenu Napoléon. Peut-être l'Empereur voulut-il par là, récompenser à nouveau celui qui avait été son conseiller lors de l'établissement du nouveau chef-lieu de la Vendée ? Gouvion fit ensuite les campagnes de Prusse et de Pologne. En 1814, il se rallia aux Bourbons et fut nommé Pair de France, le 4 juin 1814. Il vota en faveur de la déportation du maréchal Ney. Gouvion siégea alors à la Chambre-Haute jusqu'à sa mort (22 novembre 1823).

A son arrivée à Fontenay-le-Comte, s'il ne méconnaît pas la gravité de la situation politique de la Vendée, ni les difficultés de la pacification des esprits après six ans de guerre civile, il témoigne pourtant d'un certain optimisme. Sans doute, le commerce, l'industrie et l'agriculture ont été ruinés et tout est à reconstituer dans ces domaines, pour rendre le pays prospère. Mais, "Il suffirait - dit-il - d'encourager les négociants, les armateurs, les saulniers et pêcheurs de la côte, de remettre en ordre les ateliers de fabrications textiles qui travaillaient jadis pour le centre de Cholet, de s'appuyer sur les propriétaires ruraux et les agriculteurs qui constituent le véritable peuple de la Vendée et qui vivent paisiblement, payant bien leurs contributions et bénissant le Premier Consul qui leur a rendu leurs champs et a rétabli la religion de leurs pères.

L'attitude du clergé est bonne, sous la conduite de l'abbé Paillou, ainsi que celle des émigrés. Les chefs d'insurgés, les prêtres tarés, sont sans influence sur le peuple. La haine de l'Angleterre est générale dans toutes les classes sociales. L'activité des anarchistes est paralysée depuis l'enlèvement de Goupilleau de Montaigu. La conscription s'effectue normalement ; le brigandage est réprimé. Quant aux autorités civiles et militaires, seuls les juges sont médiocres et d'opinion douteuse ; mais ils peuvent être remplacés. Les troupes paraissent suffisantes ; mais leur manque un général pour être parfaitement commandées."

Le rapport se termine en montrant l'intérêt de fortifier l'île d'Yeu et de faciliter l'exportation des grains, principale production du département de la Vendée.

Toutefois cette paix en Vendée était plus apparente que réelle ; comme on s'en aperçut bientôt, à propos de la conscription, la pacification n'était qu'un mythe. Les causes profondes de l'insurrection de 1793 n'avaient donc pas tellement changé ; les ferments de discorde entre citoyens ne s'étaient pas tellement éteints que la guerre civile ne puisse reprendre avec la même intensité, à moins de mesures immédiates pour parer à son extension. Frimaire an XII vit éclater simultanément des troubles dans l'ancienne Vendée insurgée. Aizenay et Saint-Fulgent, notamment, furent le théâtre de rassemblements et de conflits armés entre les paysans et la troupe.

"A Aizenay, le rassemblement qui, dans la nuit du 9 au 10 frimaire (1er au 2 décembre 1803), se porta sur le bourg, était composé d'environ cent hommes, presque tous armés, qui s'étaient réunis dans la forêt du même nom. Au moment où les habitants d'Aizenay se livraient au sommeil, ces rebelles se divisèrent en bandes et se répandirent un peu partout, pénétrant de force dans les maisons et enlevant les armes qu'ils purent trouver, ainsi que l'argent. Le maréchal-des-logis de gendarmerie, Gendrot [Gabriel Gendreau], après une résistance opiniâtre pour les dissiper, fut assassiné par les brigands. Le nommé You, qui était à leur tête, fut arrêté par le chef d'escadron, Galliot, et mis à mort.

gendreau acte décès

A Saint-Fulgent, le 8 frimaire, les rebelles se portèrent en armes sur le lieu de la conscription et mirent en fuite la commission chargée de cette opération. Le maréchal-des-logis de gendarmerie de cette résidence ainsi que deux chasseurs furent grièvement blessés. Le premier mourut des suites de ses blessures. Piveteau [Jean], qui commandait le rassemblement, fut arrêté par le lieutenant de gendarmerie Bourgeois, jugé et condamné à mort.
Les mêmes rassemblements, opérant en liaison avec ceux des départements voisins, provoquèrent les émeutes de Combrand, dans les Deux-Sèvres et de Montfaucon et Boussay, en Maine-et-Loire".

De Châtillon-sur-Sèvre où il a établi son quartier-général, Gouvion, tout en cherchant à rassurer le Premier Consul sur le caractère de gravité de ces évènements, n'a plus le bel optimisme qu'il affichait huit mois plus tôt.

Trois facteurs - d'après lui - sont responsables de l'agitation : le rôle de l'Angleterre, le voisinage de la ville de Nantes et la crédulité des Vendéens.

LE RÔLE DE L'ANGLETERRE

"C'est dans le département de la Vendée que les agents de l'Angleterre ont cru trouver le plus d'opposants à la levée des conscrits. Ce qui avait lieu dans le département lors de la levée des canonniers gardes-côtes (en 1793) leur avait donné l'espoir qu'ils parviendraient facilement à empêcher cette opération et il est certain que, sans la présence des troupes et le mouvement continuel des éclaireurs, les émissaires de l'Angleterre auraient pu égarer beaucoup de conscrits de ce département qui se seraient réunis aux bandits qui y existent et qui, continuellement poursuivis, ne peuvent manquer de tomber en notre pouvoir."

LE VOISINAGE DE LA VILLE DE NANTES

"Le département de la Loire-Inférieure est celui qui doit le plus exciter la surveillance. Toutes les communes qui avoisinent le Maine-et-Loire et la Vendée sont animées du plus mauvais esprit. C'est de leur sein que sont partis les rassemblements qui ont tenté de s'opposer à la conscription. Tous les renseignements s'accordent à dire que c'est à Nantes que se sont réfugiés tous les hommes vendus à l'Angleterre et le préfet Merlet (de la Vendée) assure que ceux de son département qu'il faisait surveiller sont partis pour se rendre dans cette ville. La police y est détestable et, vu la grande population (77.000 habitants), il conviendrait d'y établir un commissaire général de la police. Le général demande la formation d'une cinquième colonne d'éclaireurs pour la placer à Legé, point important de ce département et dont les mouvements seraient concertés avec ceux des autres colonnes."

LA CRÉDULITÉ DES VENDÉENS

C'est surtout à Palluau, où il s'est transporté, que le général insiste sur ce troisième point.

"Les agents de l'Angleterre - écrit-il - profitant de la crédulité des Vendéens, étaient parvenus à leur persuader que la France n'avait aucune force pour faire partir les conscrits ; qu'avant le 20 janvier, douze mille anglais seraient débarqués dans le département de la Vendée ; que leurs flottes, en station dans le Pertuis d'Antioche, intercepteraient toutes les flotilles que le gouvernement français enverrait à Nantes ; que déjà la majeure partie de celles sorties des différents ports de la République pour se rendre à Boulogne avait été prise et conduite dans ceux d'Angleterre ; que dans le même moment où l'armée anglaise pénétrerait dans le département de la Vendée, un corps de troupe de la même nation débarquerait, par un mouvement concerté, sur les côtes de Bretagne ; que les côtes du royaume britannique étaient en état de défense si respectable que toute tentative de la part des Français était inutile et qu'il était impossible d'y débarquer un seul homme.

C'est avec de pareilles absurdités - concluait Gouvion - et en répandant de l'or, que le ministère anglais est parvenu, avec beaucoup de peine, à soulever trois ou quatre cents hommes et la nouvelle de ces rassemblements, qu'on se plaisait à centupler, se propageant par le moyen d'émissaires dans les départements voisins, intimida les habitants paisibles, donna l'éveil aux partisans du cabinet de Saint-James et accrut l'audace de tous ceux qui ne voient dans le désordre que le chemin de la fortune."

Comment cette agitation s'est-elle manifestée et comment fût-elle réprimée ? Le général Gouvion, qui s'est transporté aux Sables, l'indique dans un rapport de germinal an XII.

"Jusqu'ici, déclare-t-il, les ennemis de la tranquillité publique, les ennemis du gouvernement, n'avaient cessé - depuis la reprise des hostilités contre l'Angleterre - de répandre les bruits les plus alarmants et les plus sinistres. Cependant ils n'étaient parvenus qu'à exciter quelques légères rumeurs lorsque la conscription vint alimenter leur espoir et servir de prétexte. C'est non seulement les conscrits des années XI et XII que l'on veut faire partir - s'écriait-on méchamment -, mais encore tous les hommes de 18 à 40 ans.

Toujours crédule, quoique si souvent trompé, l'habitant fut encore la dupe d'un piège. Les parents furent les premiers à éloigner leurs enfants de la soumission due aux lois et ces derniers, poursuivis par la crainte, se réunissent et projettent de se défendre. Ils délibèrent de s'armer et s'emparent des armes des citoyens. Mais il fallait exécuter ce complot criminel ; il fallait se choisir des chefs. C'est alors que des scélérats, habitués au crime, se mêlent parmi eux pour leur en servir. Telle fut l'origine des malheureuses affaires d'Aizenay, Boussay, Combrand, La Flocellière. Des vols, des attentats, signalèrent les premiers pas de ces attroupements ; nombre de citoyens furent désarmés et les brigands qui avaient entraîné ces jeunes gens en devinrent les maîtres aussitôt que l'assassinat les leur eut associés. Ces diverses affaires qui, toutes, paraissaient combinées, eurent lieu à la même époque ... Le meurtre d'un fonctionnaire public estimable et d'un brave maréchal de gendarmerie à Aizenay achevèrent de répandre la terreur ; plusieurs maires quittèrent leur domicile et une voix sourde semblait leur dire à tous : Fuyez et rendez vous aux Sables."

On se croirait revenu aux premiers troubles de la Vendée où les rebelles cherchaient un port pour donner la main aux Anglais et aux émigrés et en recevoir des secours en armes et en argent. Gouvion n'hésite pas une minute pour mâter le soulèvement et punir les coupables.

"C'est dans ces conditions, mon Général, écrit-il au Premier Consul, que j'arrivai, d'après vos ordres, dans cette partie de l'Ouest et, ne me fiant nullement aux rapports toujours exagérés de l'un ou l'autre parti, je voulus voir par moi-même en me portant sur les lieux où existaient des mouvements de rébellion. J'organisai les colonnes d'éclaireurs. Les généraux que vous aviez désignés en eurent le commandement. Je dirigeai la marche des troupes de manière à multiplier mes forces aux yeux de l'habitant étonné ; je me portai moi-même, par des courses rapides et réitérées, sur tous les points et le retour du bon ordre ne tarda pas à couronner mes opérations. Chaque jour vit arrêter quelque chef ou moteur de troubles ; nombre de jeunes gens vinrent déposer leurs armes et la commission militaire extraordinaire, en frappant les vrais coupables, sût distinguer l'erreur du crime. Elle dirigea sur Luxembourg ceux qui avaient été entraînés dans ces attroupements et mit en liberté ceux que la calomnie avait mal à propos classés parmi les coupables. Neuf des chefs ou principaux instigateurs ont payé de leur tête leur criminelle tentative. Environ quatre vingts expieront dans les travaux publics, leur faiblesse ou leur crédulité."

agitation politique sous le Consulat z

Pierre Front se trouvait parmi ces condamnés ; un petit article lui est consacré ICI

Mais Gouvion n'était pas seulement un chef de grande valeur. Il appartenait à ce corps d'élite que constituait la gendarmerie impériale. Son rapport de germinal an XII s'accompagne de réflexions qui dépassent de loin le point de vue militaire, s'étendent au placement de l'administration, aux réformes à entreprendre pour tâcher de l'améliorer. Il n'hésite pas, le cas échéant, à apprécier les hommes eux-mêmes, parfois un peu brutalement. Cette pièce importante et qui témoigne d'une connaissance approfondie de la situation, tant politique que sociale, mérite d'être publiée in-extenso en ce qui concerne la Vendée.

CORPS ADMINISTRATIFS ET INSTRUCTION PUBLIQUE

"Mon séjour dans le département de la Vendée que j'ai parcouru en tous sens, les circonstances malheureuses qui faisaient l'objet de ma mission, les renseignements que je me suis procurés et ma propre expérience m'ont convaincu qu'une des principales causes des troubles est l'ignorance où se trouvent la plupart des cantons de ce département ; ignorance qui tient à la distribution vicieuse des autorités civiles. En effet, Fontenay, Montaigu et les Sables, placés triangulairement sur les frontières de la Vendée, sont les résidences des préfets et sous-préfets de ce département. L'intérieur ignore, pour ainsi dire, s'il existe des autorités. Les maires regardent comme un voyage dispendieux leurs courses près l'autorité supérieure et calculent la dépense parce que quelques-uns sont obligés de faire plus de trente lieues. Les habitants, privés de commerce par le défaut de grande route dans le bocage et sans communication dans le marais, ne sont point encore parvenus au degré de civilisation qu'on a lieu d'en attendre ; ils voient si rarement des étrangers qu'ils saisissent avec avidité les contes les plus absurdes et cette facilité était si bien connue des scélérats qui en ont égaré dernièrement la jeunesse. Il est également constant que le progrès des lumières a dû beaucoup souffrir par les guerres civiles qui ont dévasté ce pays et que ceux qui n'étaient pas instruits à cette époque n'ont gagné depuis que des années. Le gouvernement a bien senti ce malheur et, pour le prévenir, une école secondaire va être établie à Challans, point intermédiaire du bocage et du marais ; mais il faudrait encore dans cette ville une sous-préfecture. Entre Montaigu et les Sables la distance est trop grande. Trois districts autrefois divisaient la Vendée. L'établissement d'une nouvelle sous-préfecture à Challans ferait le plus grand bien tant sous le rapport administratif que pour l'instruction des habitants qui aimeront le gouvernement aussitôt qu'on le leur aura fait connaître. Il faut, dans cette commune, un bon administrateur et cette innovation, en diminuant le trop grand nombre des administrés des Sables et de Montaigu, contribuerait beaucoup à l'exécution des lois et au bonheur du pays.

Il est également indispensable de remplacer le citoyen Gaudin dans la sous-préfecture des Sables. (Il s'agit en l'espèce du frère de Gaudin, ancien conventionnel et membre du Corps Législatif, plus connu que le sous-préfet.) C'est à la nullité de son administration qu'on doit attribuer les désordres de son arrondissement. Le Préfet Merlet en est intimement convaincu ainsi que moi.

La Préfecture, elle-même, est bien mal placée à Fontenay. C'est à la Roche-sur-Yon qu'est le véritable point central. Je sais que tout est à créer dans ce bourg pour y placer le préfet, les tribunaux, les autorités militaires et autres ; mais si cette mesure, déjà proposée, avait été adoptée, les habitants du bocage, plus à portée des lumières, loin de former des insurrections et des révoltes, eussent arrêté les scélérats qui cherchaient à les plonger dans la guerre civile."

POINT DE VUE MILITAIRE

"Le département de la Vendée, faisant partie de la 12e division militaire, est commandé par un général de brigade, sous les ordres du général de division Dumuy, commandant une division. Le général Paulet, qui s'en trouve chargé en ce moment, a aussi la surveillance de la côte. Un de ces deux services est plus que suffisant pour employer les moments et les moyens d'un officier général très actif. Il est donc de toute nécessité de laisser au général Paulet le seul service de la côte et d'envoyer dans la Vendée un général uniquement chargé de ce département ...

L'habitant de ce département qui, dans le principe, ne voyait le soldat qu'avec peine, ne frayait point avec lui, regrette aujourd'hui les troupes qui rentrent à leur corps. C'est à la bonne conduite et à la discipline du militaire qu'est due cette estime et ces regrets. C'est à la haine que les Vendéens avaient pour le soldat de 93 qu'on doit attribuer sa répugnance à l'exécution des lois sur la conscription. Il faut encore longtemps avoir de la troupe dans ce pays 800 hommes suffisent, non compris la côte ; mais il faut, autant que possible, d'anciens soldats bien tenus ; car l'état de nudité éloignerait encore les Vendéens du service. Il faut surtout arrêter le mal dans sa racine, ne pas lui laisser faire de progrès qui sont toujours incalculables. Peu de moyens suffisent dans l'origine des troubles ; mais il faut ensuite - l'expérience le prouve - déployer des forces imposantes et l'on peut facilement, éviter, avec de la surveillance, des mesures aussi dispendieuses pour le Gouvernement."

CLERGÉ

"Je n'ai qu'à me louer des prêtres employés dans le département de la Vendée ; quelques-uns méritent des éloges par les services essentiels qu'ils ont rendus ... En général cette classe est très instruite et paraît attachée au gouvernement ; sa conduite en est une preuve. Il serait à désirer qu'il n'existe entre eux aucune division, ce qui diminue beaucoup leur crédit. Dans toutes les communes où j'ai passé, dans toutes celles où j'avais des troupes, le militaire a assisté aux offices divins et je n'ai pas été longtemps à m'apercevoir du bon effet de cette mesure. J'ai engagé les maires à m'y accompagner ; malheureusement, dans le nombre des communes, ils ne vivent pas d'accord avec les ministres de la religion, particulièrement ceux de l'arrondissement de la sous-préfecture des Sables ; et ces mauvais exemples ne laissent pas d'avoir de l'influence sur les habitants. C'est bien mal à propos que l'on dirait aujourd'hui que les Vendéens se battent pour leur religion. L'habitude d'avoir été trompés par ces prêtres, d'avoir vécu avec eux dans les camps, a entièrement changé leur opinion à cet égard et, pour les ramener à la morale de l'Évangile, il faut aujourd'hui beaucoup de lenteur et de patience. Monsieur l'Évêque de La Rochelle va faire, dans ce pays, une tournée bien nécessaire ; mais en frimaire dernier sa présence, ou celle de ses vicaires généraux, eussent peut-être arrêté les progrès des troubles que j'ai eu le bonheur de faire disparaître.

ESPRIT PUBLIC

"Dix années de guerre civile ont divisé toutes les familles et laissé dans les coeurs des haines invétérées. L'esprit de vengeance n'a pas peu contribué à exciter les divers partis et, sous le rapport de l'esprit public du reste de l'Empire, le département de la Vendée est bien en arrière. Cependant de bons administrateurs, des magistrats conciliants se font entendre. Le Gouvernement y compte beaucoup d'amis. La classe des propriétaires, que le seul bruit d'insurrection met au désespoir, l'aime par intérêt autant que par reconnaissance. Les nobles amnistiés ont tenu dans ces derniers troubles une conduite exemplaire. Quelques-uns, sollicités de se mettre à la tête des insurgés, non seulement ont refusé avec indignation ; mais encore ont fait tous leurs efforts pour ramener les révoltés à leur devoir. Aucun individu de cette classe n'a été compromis dans les procédures instruites par devant la Commission militaire et tous paraissent chérir un Gouvernement auquel ils doivent leur séjour dans leur patrie et leur tranquillité.

L'esprit public est meilleur dans les arrondissements de Fontenay-le-Comte et de Montaigu que dans celui des Sables. La faction jacobite conserve encore dans cette partie, même parmi quelques fonctionnaires publics, de chauds partisans ; mais cette exaltation est plutôt fondée sur l'intérêt que sur l'esprit de parti ; attendu que presque tous sont acquéreurs de biens nationaux. Ils savent d'ailleurs que c'est au gouvernement actuel auquel ils sont redevables de la jouissance paisible de leurs acquisitions.

L'établissement d'une sous-préfecture à Challans produirait encore, sous ce rapport, un bien bon effet, attendu qu'elle diviserait les hommes de ce parti en les soumettant à deux administrations différentes et le changement du sous-préfet des Sables mettrait un terme à tous ces petits mouvements ..."

Il faut, pour bien comprendre les termes de ce rapport, faire abstraction de l'époque actuelle et se replacer au temps où la Vendée était en grande partie sans communications autres que de mauvais chemins de terre, où l'on ne voyageait, pour ainsi dire, qu'à cheval et en voiture, ce qui réduisait les parcours, paralysait l'autorité, augmentait l'insécurité et la misère, retardait l'évolution de la mentalité populaire. Gouvion le comprend parfaitement bien : il n'y a pas de progrès possible en Vendée tant qu'elle demeurera au stade arriéré où l'ont laissé la monarchie et la guerre civile par rapport au reste de la France.

D'où les propositions proposées. En premier lieu donner à l'autorité civile la possibilité de gouverner d'une manière plus efficace. Le plan d'établissement d'une nouvelle sous-préfecture à Challans peut être discutable à l'heure actuelle. Il l'était moins à une époque où le chef-lieu de la Vendée se trouvait encore à Fontenay et pourtant il fut écarté. Mais c'est surtout le transfert de ce dernier à La Roche-sur-Yon qui constitue, pour le général, la solution indispensable. Si la paternité d'un tel projet ne lui incombe pas entièrement, c'est à lui, certainement, c'est à son insistance, au crédit dont il jouissait vis-à-vis du Premier Consul, qu'on peut attribuer son adoption. On ne saurait trop l'en remercier. La création à La Roche-sur-Yon d'un centre administratif et de communications a été, sans nul doute, une véritable révolution dans l'histoire de la Vendée.

Au point de vue militaire, n'oublions pas que la France est en guerre contre l'Angleterre. A cette date une surveillance particulière et journalière doit régner sur la côte où l'ennemi bloque nos ports, capture ou détruit nos navires, cherche du ravitaillement et des informations sur la situation en Vendée. Le général voit, dans Challans, le siège tout désigné d'un commandement militaire surveillant l'estuaire de la Loire et même la côte de l'Atlantique (à partir des Sables-d'Olonne), distinct de celui établi à La Roche-sur-Yon pour l'ensemble du département. Gouvion paraît bien inspiré quand il prône ce dédoublement. Mais il recommande également de favoriser la conscription en réhabilitant l'armée aux yeux de la population. Observation très justifiée quand on songe au déguenillé des volontaires de l'an II.

Mais de même que la Vendée a besoin d'être reprise en mains au point de vue administratif et militaire, le général comprend l'importance de reconstituer son unité sur le plan moral et social. Malheureusement - de son propre aveu - les circonstances ne sont guère favorables. Le clergé, divisé entre l'église traditionnelle et l'église concordataire, a perdu de son prestige à l'égard de la population et l'attitude de l'évêque est encore trop timide pour rallier le peuple vendéen et toutes ses catégories sociales derrière un gouvernement qui cependant fait son possible pour soutenir la religion.

Car, malgré l'attitude conciliante des pouvoirs publics et de certains administrateurs envers les ennemis de la veille, l'esprit de vengeance règne toujours entre les partis politiques dans les trois arrondissements, bien qu'à des degrés différents. Sans doute les nobles, récemment amnistiés, paraissent-ils témoigner d'un ralliement sincère ; mais l'intérêt matériel domine toujours les hommes, dresse toujours sa barrière entre partisans de l'ancien et du nouveau régime, entre les nouveaux riches et les dépossédés. D'où la nécessité de réformes profondes au point de vue social et économique pour maintenir le calme au sein de la Vendée et relever l'esprit public au niveau de la France entière. Gouvion, malgré sa perspicacité, ne pouvait prévoir combien d'années seraient nécessaires pour obtenir ce résultat.

 

Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée (1966 - 1967) - p. 85 - 100 - AD85 - BIB PC 16/41 - Marcel Faucheux

AD85 - Registres d'état-civil d'Aizenay

 

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