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La Maraîchine Normande
26 avril 2020

NOTRE-DAME-DE-FRESNAY (14) ROMANS-SUR-ISÈRE (26) - BARON ROBERT MOTTE, GÉNÉRAL DE BRIGADE (1754 - 1829)

Le général Motte appartient à la catégorie des sous-officiers de l'armée royale qui, dès le début de la Révolution, furent enthousiasmés par les idées nouvelles. Déjà anciens dans le métier, ils eurent sur la troupe une influence. Augereau, Masséna, Bernadotte, Junot, Lefebvre sont les plus célèbres d'entre eux. La carrière de Motte fut plus courte et plus modeste.

Notre Dame de Fresnaye z


ROBERT MOTTE est né le 3 décembre 1754, à Notre-Dame de Fresnay. L'acte de baptême nous apprend que son père était "marchand", que son parrain, le frère de son père, était également marchand au village voisin de Mont-pinçon. C'étaient l'un et l'autre de modestes commerçants.

Motte s'engagea le 17 mai 1781 au Régiment de la Sarre ; il avait donc 27 ans. Nous ignorons les raisons de cet engagement tardif, et celles du choix assez surprenant d'un régiment qui était à Verdun. Il est vrai qu'à cette époque, les régiments changeaient souvent de garnison. C'est ainsi que le Régiment de la Sarre quittera Verdun pour Sarrelouis, Sarrelouis pour l'Île de Ré et qu'en 1789, il sera à La Rochelle. A cette date, Motte est sergent-major. Il a mis 7 ans pour le devenir ... et en deux ans, il passera de sous-lieutenant à général !

Le départ des officiers en émigration avait créé des vides qu'il fallait combler au plus vite car la guerre menaçait. En mai 1792, Robert Motte était promu sous-lieutenant à son régiment de la Sarre, devenu le 51e Régiment d'Infanterie, dont le colonel est un Normand, Dagobert, Marquis de Fontenille.

DAGOBERT Z

La carrière militaire de Robert Motte nous fait sortir des théâtres d'opérations étudiés précédemment : Nord, Allemagne, Autriche, Pologne. Motte est resté aux pays du soleil.

Celà débuta par l'envoi du 51e à l'armée d'Italie. On appelait ainsi une armée peu nombreuse qui se battait, sans grand succès, contre les Sardes et les Autrichiens, dans le comté de Nice. Nos troupes, assez dépenaillées, essayaient de reprendre aux Piémontais le poste de Saogio qui commande le col de Tende.

Dagobert ne fut pas plus heureux que ses prédécesseurs. Le 12 juin 1793, sa dernière attaque fut suivie d'une débandade complète. Le lieutenant Motte avait reçu deux coups de feu, dont l'un lui traversa l'épaule. Un mois après, il était promu capitaine. Au début de septembre, le 51e était envoyé devant Toulon. La reprise de cette ville, qui s'était donnée aux Anglais, importait plus que celle du col de Tende.

La ville fut investie à l'ouest par Dugommier, du côté d'Ollioules ; à l'est, du côté de Solliés par Lapoype. A l'intérieur de la place, il y avait de tout : Espagnols, Napolitains, Piémontais, Marseillais, tous royalistes, et surtout 2 Régiments anglais et, dans la rade, la flotte de l'amiral Hood. Celui-ci "a pris le port de Toulon en dépôt pour Louis XVIII" : Le Commandant de l'artillerie de siège, le général Dammartin était malade : il fut remplacé par un jeune chef de bataillon nommé Bonaparte.

La Convention, qui s'inquiétait beaucoup de Toulon, avait multiplié ses représentants. Barras et Fréron en avaient pu s'échapper ; ils furent renforcés par Salicetti, Albitte et Gasparin ; c'est dire que l'atmosphère assiégeante était nettement républicaine. Pour faire plus sans-culotte, Motte abandonna son prénom de Robert pour celui de Cèdre !

Napoléon_au_siège_de_Toulon_[

Le siège et la prise de Toulon où Bonaparte se fit remarquer par les Représentants de la Convention ont été fort souvent décrits. Motte s'y distingua également. La clé de la position était le fort de Murgrave à 120 toises duquel Bonaparte avait établi la fameuse "batterie des hommes sans peur". L'assaut fut donné le 17 décembre 1793, par quatre colonnes. Le fort fut pris et le capitaine Motte fut nommé le surlendemain chef de bataillon par les Représentants.

Toulon libéré, la guillotine fonctionna. Dugommier, avec la plupart des troupes de siège, dont le 51e, fut envoyé aux Pyrénées Orientales. La situation n'était pas brillante. Les Espagnols sous La Union, avaient envahi le Roussillon, et fin novembre, les Français avaient été rejetés sur la Têt. La Union avait organisé, pour défendre la route du col du Perthus, un camp retranché : le camp du Boulou.

Très habilement, Dugommier au lieu de marcher par la plaine, opéra par les hauteurs des Albères, et s'en empara au milieu d'avril 1794.

camp du Boulou z

Prise du camp du Boulou

Là aussi, il y a des Représentants en mission, qui surveillent les opérations. Ils ont remarqué l'habileté et la bravoure du commandant Motte et le nomment général à titre provisoire (22 avril 1794). La campagne se poursuit, le Boulou est pris, puis le col du Perthus. On s'arrête pour souffler car il fait chaud. Le général Motte est à la Division Saurel quand les opérations reprennent en novembre 1794. Motte participe à une bataille très dure, dite de la Montagne Noire, où Dugommier, au sens propre du terme, perdit la tête, emportée par un boulet. L'armée française se consacra alors au siège de petites places : Figueras, Rosas, tandis que le général Motte venait prendre le commandement de la Place de Perpignan (mars 1795). Il y fit sans doute, la rencontre assez inattendue d'un compatriote, le général François Bonnet (de Demouville). C'était un ancien officier du génie de l'armée royale ; quand il était au service à Caen, il venait souvent à Saint-Martin et à Notre-Dame de Fresnay, voir ses cousins Bonnet de Meaultry.

Le 13 juin 1795, Motte était confirmé dans son grade de général de brigade.

Motte avait profité de son repos à Perpignan, pour venir se marier à Tournon, dans l'Ardèche. Le dépôt du 51e Régiment était à Tournon. Motte y était venu et avait fait connaissance d'une jeune fille de la ville. Le 20 germinal an III (9 avril 1795), le général Motte épousait Catherine-Marie Perron. La famille était honorable, modeste et la jeune épouse avait vingt ans de moins que son mari. Très attachée à sa famille, elle voudra rester auprès des siens et obtiendra du général Motte qu'il quitte l'armée des Pyrénées pour prendre le commandement du département de l'Ardèche. Quelques difficultés l'y attendaient.

Le Midi trouvait que la guerre avait assez duré et rendait le Directoire responsable de la misère. Les gardes nationaux d'Avignon s'étaient soulevés, avaient chassé Bourseaux le représentant du Directoire, lequel s'était réfugié à Cavaillon. De là, Bourseaux fit appel à toutes les troupes de la région pour mater l'insurrection avignonnaise. Il confia au général Motte, dont il connaissait l'ardeur républicaine, le commandement de tout ce qui serait envoyé par Nîmes, Pont-Saint-Esprit, Montpellier : une petite armée avec 3 ou 4 canons. Ainsi fut fait ; mais lorsque les troupes républicaines de la rive droite du Rhône arrivèrent devant Avignon, le pont était coupé, le bac replié.

Le général Motte accompagné de son aide de camp franchit le Rhône en barque et se présenta seul aux insurgés. Il leur dit qu'il disposait d'une armée considérable, avec des canons ; il fut reconnu par des anciens de l'armée des Pyrénées, on lui fit une ovation, les insurgés se retirèrent et Bourseaux rentra en Avignon en triomphateur !

Motte avait sauvé la République, ou tout au moins, son Représentant. Aussi quand il fut question de son départ, les représentants écrivirent au Directoire : "Il faut que le commandement de cette partie du Midi soit confiée à un homme dont les principes ne sont pas équivoques. Le général Motte a eu le commandement dans des moments difficiles et a rempli sa tâche à la satisfaction de tous les bons citoyens". Les Représentants concluaient en disant que si le Directoire veut donner de l'avancement au général Motte, il faut le laisser sur place et lui donner, en plus de l'Ardèche, les départements de la Haute-Loire et du Gard. Le ministre de la guerre Schérer, homme d'assez mauvais caractère, ne l'entendit pas de cette oreille, et Motte fut prié d'aller faire la guerre : il l'affecta à l'armée d'Italie.

Quand on parle de l'Armée d'Italie, on pense : Montenotte, Lodi, le pont d'Arcole, Bonaparte.

Pour Motte, l'armée d'Italie, ce fut d'abord la Maurienne où il rejoignit en décembre 96 pour des opérations sans gloire. Heureusement il fut, peu après, affecté à la glorieuse Armée d'Italie, et le 1er janvier 1797, il reprenait le commandement d'une des brigades de la division Masséna.

Après la défaite d'Alvinzy à Rivoli, l'Archiduc Charles s'agitait beaucoup dans le Tyrol. Selon son habitude, Bonaparte le devança, franchit la Piave et le Tagliamento et l'Archiduc se replia derrière l'Izonzo. Bonaparte donna l'ordre à la division Masséna de franchir la Piave vers Feltre et d'opérer par les hauteurs en direction du col de Tarvis. Si ce col était pris, l'Archiduc, engagé dans la vallée de l'Izonzo, ne pourrait plus regagner l'Autriche, à moins de s'engager, en plein hiver, dans des passages fort difficiles. Masséna, flanqué par Joubert, refoula vers le col de Tarvis les débris autrichiens de la vallée de la Piave et s'empara du col. Mais l'Archiduc Charles avait prévu ce danger ; une belle division de grenadiers hongrois arriva en temps utile et rejeta sur les pentes les fantassins de l'avant-garde. Il fallut monter une nouvelle attaque. Masséna dans ses Mémoires raconte que "la demi-brigade conduite par le général Motte, lequel prit la tête de la colonne, rallia la 75e et se lança à l'attaque". Les combats de Tarvis furent acharnés puisque les Autrichiens laissèrent 2.000 hommes sur le terrain. Le général Motte avait reçu un éclat de bombe à la cuisse. L'archiduc replia son armée à Klagenfurth. Le 26 mars 1797, à Villach, le général Bonaparte, accompagné de Berthier, félicita le général Motte pour sa belle conduite à Tarvis.

On peut dire que la carrière militaire de combattant du général Motte finit au seuil de Tarvis. Désormais, pendant une quinzaine d'années, Motte n'aura plus que les tâches administratives d'un commandant de département. Au Piémont, en 1798, puis en 1799, à Alexandrie et il passera successivement en six ans aux Bouches-du-Rhône, au Var, au Vaucluse, à la Drôme.

Pendant tout ce temps, Motte est fort préoccupé de sa santé, des soins dont il a besoin, des cures thermales. Il en oublie sa famille. Son frère, ou plutôt son demi-frère (puisqu'il s'appelle Jacques Molet, de Saint-Pierre-la-Rivière), écrit au ministre que la famille de Motte n'en a aucune nouvelle depuis qu'il était à Alexandrie. Il lui fut répondu que le général Motte commandait la 8e division militaire à Avignon.

Cette lettre a dû rappeler le Pays d'Auge à Motte, lequel demanda un congé pour la Normandie. "Je suis à 300 lieues de chez moi, le Calvados. J'ai besoin d'aller régler mes affaires. Voilà 14 ans que je n'ai pas pu aller chez moi. Je suis sans fortune et je ne l'ai pas faite à la guerre". On le croit sans peine.

En 1806, le ministre parvient à arracher Motte du Midi et le nomma en Bretagne, au Finistère. Le climat breton a dû lui convenir : il y restera cinq ans ! Mais sa femme a la nostalgie du Midi. Son mari a des rhumatismes. On le nomme au département du Mont-Blanc, en 1811 et en 1812, on l'affecte au département du Taro. Le général Motte proteste : le pays est malsain, il résidera à Savone mais demande à revenir au Mont-Blanc. On lui propose Milan ; il rejoint en maugréant et finalement demande sa mise à la retraite. Il avait 58 ans et de nombreuses infirmités : elle lui fut accordée le 31 décembre 1812.

P1540288 Z

Motte n'avait pas de fortune, mais il était commandeur de la Légion d'honneur depuis 1805, Baron de l'Empire depuis 1812, et il avait acquis près de Romans, sur les bords de l'Isère, une propriété appelé les Ors. C'est là qu'il se retira avec sa femme et sa fille.

Le 5 avril 1815, le général Motte apprenait que Napoléon avait débarqué à Fréjus et était arrivé à Lyon. Motte partit immédiatement et arriva à Lyon au moment où l'Empereur partait pour Paris. Avec d'autres généraux, Motte l'accompagna et put lui parler quelques instants. L'Empereur lui dit d'aller prendre à Grenoble le commandement du département de l'Isère, de mettre la place en état de défense et qu'il allait le nommer général de division.

Fin avril, le général Motte était de retour à Grenoble, s'occupait d'organiser les levées, d'inspecter les défenses et les approvisionnements. Il attendait sa nomination au grade de général de division.

Fin mai, le maréchal Suchet, commandant l'Armée des Alpes, vint en inspection à Grenoble. Le 1er juin, il écrivait de Grenoble au ministre de la guerre la lettre suivante :

"Le général Motte est maréchal de camp depuis 23 ans. Il a toujours bien servi. A mon arrivée, à Grenoble, je l'ai trouvé fort affligé de n'avoir pas été nommé Lieutenant-général ainsi que les généraux Lavalette, Chabert, Parmentier, malgré que comme eux, il soit allé à Lyon au retour de l'Empereur lui offrir ses services et l'ait accompagné à Paris. L'Empereur lui avait annoncé qu'il était général de division.
Ce vieux militaire, affligé de voir Lavalette et Chabert nommés généraux de division quoique moins anciens que lui, était résolu à se mettre à nouveau à la retraite. Je l'en ai détourné en lui assurant que je vous ferais remettre la pétition à Sa Majesté. Veuillez, Monsieur le Prince, remplir ma promesse et exaucer les voeux d'un vieux militaire recommandable par sa loyauté, sa délicatesse et sa fermeté."

"Monsieur le Prince", c'est-à-dire Davout, Prince d'Eckmulh, Ministre de la guerre, fit le nécessaire. On trouve aux Archives de la Guerre un beau parchemin :

Article I - Le Maréchal de camp Motte est nommé Lieutenant-général.
Article II - Le Ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.
Le                     1815.

Il manque la date et la signature de l'Empereur. Le 18 juin, c'était Waterloo !

Et Robert Motte resta général de brigade ou comme on disait depuis 1814 : Maréchal de camp.

Pendant ce temps, les Autrichiens avaient envahi le sud-est de la France. Le général Gifflinger avait commencé l'investissement de Grenoble défendue par quelques bataillons de gardes nationaux.

N'ayant plus l'espoir d'être secouru, le général Motte rendit la place le 9 juillet avec les honneurs de la guerre : les troupes sortirent avec leurs armes, un canon, quelques caissons.

LES HORTS z

Le général Motte quitta Grenoble en barque. Il suffisait de descendre le cours de l'Isère pour venir à sa propriété des Ors, en aval de Romans. Il pensait y vivre paisiblement. Ce ne fut pas le cas. Louis XVIII, ayant retrouvé son trône, s'empressa de punir ceux qui avaient rallié l'Empereur pendant les Cent Jours. Motte aurait pu être traduit en conseil de guerre, on se contenta de le mettre en demi-solde : 150 francs par mois.

L'année 1816 est celle de la Terreur Blanche, laquelle sévit surtout dans le Midi où les passions s'exaltent facilement. Aux émigrés qui n'avaient "rien appris, rien oublié" vinrent se joindre ceux qui avaient beaucoup pris et voulaient le faire oublier ; l'ensemble se grossit d'une plèbe toujours prête à profiter du désordre, les réfractaires au service militaire prirent les armes, la paix revenue, contre leurs concitoyens et formèrent des compagnies de vert habillées "les Verdets" lesquels en voulaient tout particulièrement aux anciens soldats de l'Empire : Ramel, Labédoyère, Brune, tombèrent sous leurs coups. Le général Motte, ancien Jacobin, suppôt du Directoire à Avignon en 1796, suppôt de l'usurpateur à Grenoble en 1815, faillit subir le même sort. Il s'échappa de justesse, sa maison fut pillée et pendant plus d'un an, il dut vivre caché.

Quand les esprits se furent apaisés, le général Motte revint aux Ors avec sa femme et son unique fille qui devait mourir à 23 ans. Motte se consacra à l'exploitation agricole et mourut le 29 mai 1829.

décès z

Un archiviste de Romans assure qu'il aurait écrit ses mémoires, mais nul ne sait ce qu'ils sont devenus.

Sa femme qui signait Catherine Marie Perron, Veuve du Baron Motte, obtint une pension annuelle de mille francs. Elle est décédée à Romans-sur-Isère, le 24 décembre 1848.

Leur fille, Marie-Alexandrine est décédée à Romans-sur-Isère, le 15 décembre 1819.

 

Général Bonnet de la Tour - Revue Le Pays d'Auge - Novembre 1966 - 16e année - n° 11

Archives Nationales - Base Leonore - LH/1946/59

AD26 - Registres d'état-civil de Romans-sur-Isère

 

 

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