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La Maraîchine Normande
26 avril 2020

HONFLEUR (14) - 1783 - LE PRINCE "SANS CULOTTE"

LE PRINCE "SANS CULOTTE"

Honfleur le vieux quai JBC Corot z

Certes, sous l'Ancien Régime, Honfleur ne fut pas un port négrier. Cependant, l'épisode authentique que nous allons raconter se rapporte à la traite des noirs. L'historien honfleurais Charles Bréard qualifie cette pratique de "commerce odieux". Trafic si lucratif que les grandes nations européennes s'en disputèrent le monopole.

L'institution de l'esclavage est très ancienne, elle remonte au paganisme. Bien que Saint Paul ne fit aucune différence entre "esclaves et hommes libres", l'esclavage continua d'exister après l'avènement du christianisme. L'Espagne et le Portugal libérés des Musulmans les poursuivirent en Afrique. C'est alors que s'organisa la vente des esclaves. Dès 1462, la Papauté tenta de s'y opposer. Mais les nations chrétiennes eurent des "oreilles pour ne pas entendre" la plus haute autorité morale de l'époque. En 1751, les Quakers d'Amérique du Nord libèrent leurs esclaves. En France, la Convention, dans sa séance du 14 février 1794, abolit l'esclavage dans toutes les colonies françaises. Le Consulat le rétablit, ce qui nous vaut la perte de Saint-Domingue. Napoléon, le 28 mai 1815 supprime définitivement l'esclavage. L'une après l'autre, les grandes nations européennes suivent son exemple. Aux États-Unis, la fin de la guerre de Sécession amène l'abolition de l'esclavage. On a évalué à quinze millions, le nombre d'esclaves noirs transportés d'Afrique en Amérique. Ne fallait-il pas une main-d'oeuvre à bon marché pour mettre en valeur ces terres vierges.

Or, il advint, en 1783, qu'un navire appartenant à la Maison Lacoudrais de Honfleur "La Bonne-Amitié" embarqua une cargaison de Noirs au Comptoir de Gambie pour les transporter à la Martinique. Enchaînés à fond de cale, les malheureux menaient une existence lamentable. Beaucoup tombaient malades. Les morts étaient jetés à la mer sans plus de cérémonie.

Un jour cependant, parmi le troupeau des Noirs, certains reconnurent un jeune négrillon qui n'était autre que le neveu du roi de Guyoporte. Il avait été embarqué sans doute "par erreur". Le capitaine décida de le garder à bord et de ne pas le vendre comme esclave à la Martinique ; le roi, son oncle, entretenant d'amicales relations avec le roi de France. Il revint donc à Honfleur où il fut "traité", c'est le cas de le dire, avec tous les égards dus à son rang. La "Bonne-Amitié" rentra donc à son port d'attache avec le royal passager. Ne sommes-nous pas au siècle des "coeurs sensibles". Les "sauvages" sont très à la mode.

Des personnes charitables s'émeuvent en constatant que le jeune prince est ... sans culotte ! Nous vous présentons la facture que nos compatriotes au grand coeur durent régler :

- façon d'un habit, veste et culotte de coutil,
- façon de deux culottes de froc bleu,
- façon d'une culotte longue de toile de coton bleu.
- Prix : 10 livres 19 sols.

Les Armateurs honfleurais l'accueillirent dans leurs maisons jusqu'au jour où, par ordre du Ministre de la Marine, il fut embarqué sur la corvette "Le Frère" pour le pays de ses ancêtres. Le capitaine reçut du roi de Guyoporte un certificat en bonne et due forme avec sa signature en lettres arabes. Nous ne savons pas si le jeune prince continua à porter la culotte. Mais, chose certaine, le roi de France et le roi de Guyoporte vécurent en "bonne amitié".

 

Jean Toublet - Revue Le Pays d'Auge - septembre 1976 - 26e année - n°9 - pages 22 et 23

Tableau "Honfleur, le vieux quai" - 1824 - Jean-Baptiste Camille Corot

 

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