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La Maraîchine Normande
22 mars 2020

CERIZAY (79) - M. PASCAL, DIT LE BON DIEU, ET PIERRE-LÉON GAUVAIN, INSTITUTEURS


Cerizay, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Bressuire.  Avec ses chemins creux bordés de haies impénétrables, et d'arbres séculaires, ses ruisseaux sinueux et ombragés, ses gigantesques rochers de granit, la commune de Cerizay a tout l'aspect vendéen ou breton.

Pays natal de Lescure et d'autres chefs vendéens, Cerizay a été le théâtre de plusieurs événements dramatiques pendant l'insurrection des Chouans contre le gouvernement républicain de 1793.

A cette époque, l'instruction était à peu près nulle. La superstition naissait de l'ignorance. Un vieillard m'a raconté que son grand-père ayant été tué dans une rencontre avec les Bleus, la famille cacha le cadavre dans un coffre pendant trois jours, au bout desquels le mort devait ressusciter comme tous ceux qui étaient tués au service de Dieu.

écoliers 1830 z

Enfin, vers 1825, l'instruction commence à se répandre. Un tisserand des environs de Cholet vint s'établir à Cerizay. C'était un lettré ; il s'appelait Pascal ; sa science le fit surnommer "le bon Dieu".

Dans la cave où il exerçait son métier de tisserand, il ouvrit une école avec l'enseigne suivante :

Instruction publique
École primaire du 3e degré où l'on enseigne
à lire, à écrire et à chiffrer.

Il eut dix ou douze élèves. C'étaient les enfants des familles les plus aisées du bourg. Pendant que retentissaient les cric-crac de sa navette, le père Pascal enseignait l'A.B.C. et la table de multiplication, faisant à la foi de l'enseignement professionnel, littéraire et scientifique.

Bientôt l'institution Pascal devint une école mixte. Pendant que "le régent" instruisait les garçons dans sa cave, sa vieille servante, nommée Caro (Caroline), surveillait les jeunes filles au rez-de-chaussée et leur faisait réciter la prière et le chapelet.

"Lorsque, à tour de rôle, nous avions fini de lire, d'écrire et de compter", me dit un ancien élève de M. Pascal, "nous montions trouver la mère Caro pour dire le chapelet, alors, les filles nous remplaçaient auprès de M. Pascal, qui, tout en continuant sa pièce de toile, recommençait sa leçon avec les jeunes filles."

J'étais un savant, en ce temps-là, Monsieur," me dit, avec un certain orgueil, le vieillard que j'interroge, "je lisais dans la Bible et le Psautier, je savais faire les quatre règles, j'écrivais la ronde, la bâtarde et la gothique."

- Et vos camarades ?

"La plupart étaient réfractaires à l'instruction. Après sa leçon, M. Pascal leur disait souvent : - J'ai perdu mon temps et ma peine !

Tant que je vivrais, je me souviendrai du trait suivant : Notre maître avait mis en pénitence, sous son métier, un mauvais élève qui lui faisait des pieds de nez. Celui-ci pour se venger, ne trouva rien de mieux à faire que de couper avec son couteau les trames de la toile en confection. Jugez si M. Pascal fut en colère. Sans l'intervention de Caro, qui, en entendant les cris de son maître, était descendue dans la cave, je ne sais ce qui serait arrivé."

- Et votre mobilier scolaire ?

"Il laissait bien un peu à désirer ; mais vous savez, dans le temps, on n'était pas exigeant. Ceux qui n'écrivaient pas étaient assis derrière M. Pascal, sur un chevron. Ceux qui écrivaient s'asseyaient devant une large planche qui reposait à ses deux extrémités sur deux grosses pierres."

- La fréquentation scolaire était-elle régulière ?

"Nous allions à l'école quand nous voulions ; les uns arrivaient dès le matin, les autres plus tard, et, le soir, nous rentrions pour souper."

- N'aviez-vous pas de récréations ?

"Nous allions jouer sur la place du marché, pendant que M. Pascal continuait sa toile. Nous revenions quand il nous plaisait."

- Quelle était la rétribution scolaire ?

"Nos parents payaient, si je m'en souviens bien, vingt sous, par mois et par élève. De plus, M. Pascal pouvait, après le battage du blé, se promener avec un sac, comme le fit ensuite le sacristain, et recueillir le grain qu'on voulait bien lui donner."

Le nombre des élèves de M. Pascal augmenta, il fut obligé de quitter sa cave et alla s'installer dans une chambre un peu plus grande et plus confortable. Le curé lui faisait concurrence ; il lui enlevait ses meilleurs élèves pour leur apprendre le plain-chant et les diriger vers le petit séminaire de Châtillon.

Tour du château de Cerizay z

Quelques années après, une vieille demoiselle ouvrit une école de filles, et M. Pascal ne conserva que les garçons qu'il instruisit jusqu'en 1836. A cette date, un instituteur breveté du 2e degré, M. Gauvain fut nommé instituteur communal à Cerizay. La municipalité lui fit aménager une salle de classe dans une tour du vieux château de Cerizay, où nichaient les corneilles. Jusqu'à 1848, dans ce local étroit, humide et mal aéré, se pressaient plus de cent enfants.

Cerizay école z

En 1848, la commune fit construire une école sur le Champ de foire qui devait servir de lieu de récréation, mais les élèves ne s'en contentaient pas ; ils allaient surtout prendre leurs ébats dans un vaste champ de genêts, situé à quelques centaines de mètres de l'école. Lorsque l'heure de la rentrée était arrivée, l'instituteur n'avait de présents que les plus jeunes des enfants. Il s'armait alors d'un fouet ou d'une gaule et allait faire la chasse à l'écolier, dans le champ de genêts. Mais le gibier scolaire n'était pas plus facile à attraper que les lapins et le pauvre maître d'école revenait quelquefois bredouille.

Ai-je besoin de dire que l'instruction ne faisait pas de progrès marqués dans la commune de Cerizay ? Aussi plus des trois quarts des personnes de cette époque sont-elles absolument illettrées.

M. Gauvain fut mis à la retraite en 1875 et remplacé par des Frères Maristes. Le Frère supérieur, M. Hérold, fut le directeur de l'institution privée congréganiste de Cerizay, l'école ayant été laïcisée en 1887.

___________________

Pierre-Léon Gauvain, né le 27 décembre 1814 à Luché (79) - fils de Jacques-Henri Gauvain, greffier et instituteur (décédé à Cerizay, le 17 novembre 1830), et de Marie-Anne Rouleau - avait épousé à Cerizay, le 18 mai 1847, Marie-Rosalie Chabauty, née à Cerizay, le 14 septembre 1826, fille de Honoré Chabauty, teinturier, et de Rosalie Daniaud et petite-fille de Pierre Chabauty, adjudant-major en 1793.

Ce mariage fut célébré en présence de MM. Auguste-Théophile Gauvain, peintre, 26 ans, demeurant ville de Bressuire, frère de l'époux ; Alphonse Rivau, percepteur à Cerizay, âgé de 36 ans, demeurant à Cerizay, ami ; Chabauty Pierre, propriétaire, âgé de 73 ans, grand-père de l'épouse, demeurant à Nueil-sous-les-Aubiers et Victor Chabauty, tisserant, âgé de 51 ans, demeurant à Nueil-sous-les-Aubiers, oncle de l'épouse.

De cette union sont nés :

- Marie-Caroline-Aimée-Berthe, née à Cerizay, le 27 octobre 1850 ;
- Henry-Fridolin-Léon, né à Cerizay, le 14 avril 1849.

Honoré Chabauty est décédé à Cerizay, le 9 avril 1889.
Pierre-Léon Gauvain est décédé à Cerizay, le 5 octobre 1892.
Marie-Rosalie Chabauty est décédée à Cerizay, le 13 février 1905, âgée de 78 ans.

 

Rosalie Chabauty décès 1905 z


Texte de M. Métayer, instituteur à Cerizay - en date du 29 août 1902 / AD79 - Monographie communale de Cerizay - 4 BIB 96-1

Illustration : Une petite école - Joseph Beaume - vers 1830 - Musée national de l'Éducation - Rouen

AD79 - Registres d'état-civil de Cerizay

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Commentaires
G
Quand on lit l’article, on a une bonne perception du bourg de Cerizay, un village vivant, un village sympa, comme de nombreux autres villages. Il est clair, qu’aujourd’hui, les impressions ne sont plus les mêmes
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L
Aux dires de mon arrière grand-père Louis Garreau (1872-1951), l'école de gauche en sortant de Cerizay fut bâtie en 1890 en même temps que furent démolis le vieux château et l'ancienne église et que fut construite la nouvelle. Un très gros chantier !
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