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La Maraîchine Normande
9 mai 2019

NANTES (44) - URBAIN-RENÉ-THOMAS LE BOUVIER DES MORTIERS, MAGISTRAT, POÈTE, BIOGRAPHE (1739 - 1827)

LA FAMILLE LE BOUVIER


Urbain-René Le Bouvier est issu d'une famille bourgeoise d'origine angevine. En présentant sa généalogie, lors de l'enquête de réception à l'office de conseiller auditeur à la Chambre des Comptes de Bretagne, son père, René Le Bouvier pouvait se prévaloir de sa descendance d'un conseiller à l'Hôtel de Ville d'Angers. La fortune familiale semble remonter à l'ancêtre Urbain Le Bouvier, avocat au présidial d'Angers. Par l'une de leurs branches féminines, les Le Bouvier se rattachent en outre à la grande famille angevine et nantaise des Trochon. L'arrière grand-mère de l'historien, Françoise Trochon, était fille d'un conseiller au présidial de Châteaugontier, et petite fille d'un "bourgeois" d'Angers. Or, la famille des Trochon, au cours du XVIe siècle et XVIIe siècle, avait multiplié les alliances avec les milieux financiers, tels les Auvril, dont l'un des membres, Tanguy Auvril, avait été successivement miseur de la ville de Dinan, puis receveur des fouages de l'évêché de Saint-Malo. Ce type de charge coûtait cher, mais rapportait gros. Fleury Auvril avait été, de son côté, commis des amendes du Parlement de Bretagne de 1618 à 1637, et miseurs de la ville de Rennes.

Ainsi se dessine le schéma, à vrai dire assez classique, de l'ascension sociale des Le Bouvier. Appartenant à la petite bourgeoisie d'offices angevine, ils réunissent, à partir de mariage heureux, à se hisser au niveau de la moyenne bourgeoisie d'affaires. Dès la fin du XVIIe siècle, une partie de cette bourgeoisie angevine se tourne résolument vers Nantes, dont l'attirance ne cesse de grandir au cours du XVIIIe siècle. Double attrait : Nantes peut offrir une série d'offices anoblissants sans équivalent en Anjou ; et surtout, l'activité économique nantaise, de plus en plus orientée vers les Antilles, offre un débouché lucratif aux capitaux angevins. Les Trochon, les Bouvier, les Galbaud du Fort participent donc à ce développement. Les Trochon comptent, dès la fin du XVIIe siècle, parmi les familles les plus en vue du négoce nantais.

Les Galbaud du Fort, que nous verrons bientôt s'allier aux Le Bouvier, possèdent également d'importants intérêts dans les plantations de Saint-Domingue. Malheureusement, nous en sommes réduits à quelques renseignements épars, mal reliés entre eux. C'est seulement avec René Le Bouvier, le père de notre historien, que la famille commence à apparaître dans la pleine lumière de l'histoire.

généalogie z

 

Urbain III Le Bouvier faisait partie de la liste des Conseillers Échevins-Perpétuels de la Ville d'Angers, le 11 mai 1714 ; il est dit Seigneur des Mortiers, probablement du nom d'un château sis à Angers. (AD49 - 3 P 4/7/15 - Angers - B4 de l'Est - plan napoléonien - 1809)

Mortiers cadas z

 

RENÉ LE BOUVIER

L'année 1733 est une grande date dans l'évolution de la famille. A quelques semaines d'intervalle, René Le Bouvier s'achète un beau domaine, une charge d'auditeur aux Comptes, et se marie.

L'office d'abord : le 27 mars 1733, il achète à Julien Bessard, seigneur du Parc, la charge d'auditeur pour une somme de 26.000 livres. Puis le 9 juin, il se marie avec demoiselle Marie Galbaud du Fort, elle-même fille de Pierre Galbaud, auditeur à la même chambre des Comptes. La dot de 14.000 livres de l'épouse consiste, pour l'essentiel, en deux maisons situées à Nantes, d'une valeur totale de 10.000 livres. L'une servira de demeure au nouveau couple. Le surplus de la dot est formé pour 1.000 livres "d'habits, toilettes, bourse de jetons en argent et linges", 2.000 livres en argent comptant et 1.000 livres "provenant de ses ménagements". Quand à René Le Bouvier, il avoue allègrement 50.000 livres en billets et argent, "également que les autres immeubles et héritages qu'il a, tant dans la province d'Anjou qu'en l'isle de Saint-Domingue". Le chiffre total de sa fortune atteint donc certainement 100.000 livres. En effet, un mois à peine après son mariage, Le Bouvier achète, le 11 juillet 1733, la terre de la Ragotière en Vallet. Celle-ci appartenait à l'illustre famille des Barrin de la Galissonnière, qui connaît, en ces débuts du XVIIIe siècle, à la fois l'apognée de sa gloire avec l'amiral Barrin, mais aussi le début de son déclin financier. La Ragotière est une belle propriété, vendue au prix de 60.000 livres. Preuve évidente de l'aisance de Le Bouvier, il est capable de payer 35.000 livres comptant. Il est très rare de rencontrer pareil pourcentage, (58 %) dans un paiement comptant. Le surplus, soit 25.000 livres, est payable en 5 ans, en 5 termes égaux de 5.000 livres chacun ...

Du mariage de René Le Bouvier et de Marie Galbaud naissent trois enfants : l'aînée, Renée-Marie-Agnès, née le 21 février 1737 ; Urbain-René-Thomas, né le 1er mars 1739 à Nantes (paroisse Saint-Clément) ; enfin une dernière fille, Marthe-Anne, née, également à Nantes, en 1741.

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Après avoir occupé sa charge d'auditeur pendant les vingt ans réglementaires, René Le Bouvier la vend le 1er septembre 1753. L'affaire est fructueuse ... En 1754, René Le Bouvier obtient les lettres d'honorariat. Ainsi, toutes les conditions étaient remplies pour satisfaire aux exigences légales de la noblesse de la Chambre des Comptes de Bretagne, transmissible seulement au second degré.

 

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LA VIE D'URBAIN-RENÉ-THOMAS LE BOUVIER AVANT 1789.

Le fils se devait donc de remplir les conditions demandées à la deuxième génération. En 1762, il achète à Jacques Mosnier, seigneur de Thouaré, un office de maître des Comptes. Cette charge, plus relevée que celle d'auditeur, lui côte 50.000 livres. Urbain-René est d'ailleurs obligé d'obtenir deux lettres de dispense, l'une d'âge (il fallait théoriquement avoir 25 ans), l'autre de dispense de parenté, puisque l'un de ses oncles maternels, Philippe-François Galbaud Du Fort, était lui aussi maître aux Comptes depuis 1743. Ayant acquis sa charge en 1762, Urbain-René Le Bouvier revend cet office le 4 mars 1784. Comme son père, il a obtenu les lettres d'honorariat. Ainsi la pleine et entière noblesse est-elle acquise à la famille Le Bouvier en 1784. Il est vrai que, suivant les habitudes du temps, l'ancienneté de la noblesse remonte à la date d'acquisition du premier office, présentant ainsi un cas rare d'un droit légalement rétroactif.

Les charges de la Chambre des Comptes de Nantes passaient à l'époque pour d'aimables sinécures. Les cahier de doléances en dénoncent véhémentement l'inutilité et en demandent la suppression pure et simple. Pourtant Le Bouvier paraît avoir été un magistrat consciencieux. Sa signature revient très souvent dans les minutes d'audience de la Chambre, et on peut en déduire qu'il n'est pas tombé dans les excès d'absentéisme si fréquents dans les cours supérieures bretonnes de l'époque. Ses collègues lui délèguent les menues charges qui découlent du règlement intérieur. Il est ainsi l'un des 3 membres de la Chambre délégués pour négocier les conditions de bail de la buvette de la Chambre. On le voit ainsi édicter le détail des plats et des vins qui font l'ordinaire des officiers et des employés de la Chambre. Mais surtout, il joue un rôle politique important. C'est à lui que ses collègues confient le soin de rédiger les quelques rares remontrances auxquelles la Chambre des Comptes s'est laissée entraîner. Le futur historien de Charette sera particulièrement fier des remontrances de 1767, au point de les publier sous forme de brochure tirée à part sous son propre nom. La question était d'ailleurs d'importance. Dans son désir de détruire l'opposition nobiliaire aux États de Bretagne, l'administration royale avait édicté, le 10 mai 1767, une réglementation du droit d'entrée aux États. Seuls les nobles ayant un revenu minimum de 1.000 livres, puis - concession plus apparente que réelle - payant une capitation minimum de 15 livres pourraient désormais entrer aux États. Le duc d'Aiguillon, reprenant une vieille idée du maréchal d'Estrées, pensait ainsi réserver les États à la seule haute noblesse, plus favorable aux intentions royales et plus docile que la noblesse bretonne. En prenant position pour cette noblesse, la Chambre des Comptes agissait habilement, pouvant ainsi compter sur la reconnaissance du corps de la Noblesse qui lui disputerait sans doute moins ses propres prérogatives nobiliaires. Le Bouvier s'en tira non moins habilement en faisant l'éloge de la nouvelle noblesse sous prétexte de défendre l'ancienne. Pour lui, l'ancienne noblesse ne peut que s'éteindre à la fois par manque d'héritiers mâles et par les pertes militaires. Il faut donc "en réparer les pertes en accordant la noblesse aux sujets qui s'en rendent dignes par leurs vertus ou par les services dans la magistratures". Ce plaidoyer pro domo ne dut pas être du goût de bien des nobles, même si Le Bouvier ajoutait que si le Roi pouvait faire un noble, seule la loi pouvait en faire un gentilhomme. La Chambre des Comptes semble avoir été fort satisfaite de l'habileté manoeuvrière de Le Bouvier et le chargea, en 1774, de la représenter aux cérémonies d'avènement de Louis XVI.

Cette activité politique et juridique n'est cependant pas telle qu'elle l'empêche de s'occuper de ses affaires foncières qu'il suit de très près, renouvelant avec un soin jaloux ses contrats de fermage. On y retrouve les conditions classiques des fermages de la région nantaise : "tenir les terres bien closes, les prés bien nets d'épines, buttes, taupins ... entretiendront les logements de couverture". C'est aux prés et aux vignes qu'il réserve les clauses les plus précises : "feront serrer les foins, seront tenus de chercher les futailles que le sr. bailleur aura besoin, de charger ses vins et autres fruits ... sans salaire, étant seulement nourris". Un autre fermier se voit imposer 5 charrois : "4 pour conduire de la maison de la Ragotière 4 pipes de vin à l'eau portante, et l'autre pour amener à ladite maison les barriques vides, aussi de l'eau portante". Ces mêmes fermiers sont en outre obligés de planter chaque année un certain nombre d'arbres fruitiers. Les deux fermes dont nous avons retrouvé les contrats rapportent ensemble 1.100 livres par an, plus un mouton, 10 poulets, 8 chapons, 15 livres de beurre et "3 moissons de lait doux pendant que ledit sr. des Mortiers séjournera à sa terre". En outre, la femme d'un fermier doit une lessive gratuite par an et "de filer 3 livres de filasse qui leur seront fournis chaque année".

Mais, plus que tout, ce sont les sciences qui l'attirent. Comme il était riche, Le Bouvier avait pu s'installer un cabinet de physique établi d'après les meilleures règles de l'abbé Nolet, et où les contemporains ont surtout remarqué les "appareils pour les gaz". Nous en avons pu retrouver l'inventaire complet de l'an IV. Outre la bibliothèque (d'une valeur de 2.704 francs), l'ensemble est formé d'une collection d'histoire naturelle, - formée presque exclusivement d'échantillons minéraux d'une valeur globale de 3.420 francs -, et du cabinet de physique qui est estimé à 7.315 francs, soit au total 13.439 francs. La double analyse de la bibliothèque et du cabinet permet de se faire une idée précise de la personnalité intellectuelle de Le Bouvier.

La bibliothèque révèle une culture variée et moderne, tout en contraste avec les bibliothèques nobiliaires de la région. On remarque tout d'abord l'absence totale d'ouvrages religieux ; mais elle peut être imputée au libraire effectuant l'estimation. Par contre, les ouvrages des philosophes du XVIIIe siècle sont relativement nombreux : oeuvres de Voltaire en 30 volumes dans l'édition de Genève, l'Histoire philosophique des deux Indes, de l'abbé Raynal, De l'homme, d'Helvetius, parmi un total de 9 titres en 53 volumes. La littérature française est uniquement celle des XVIIe et XVIIIe siècles : Malherbe, Voiture, Corneille, La Fontaine, Boileau, Bossuet, Grécourt, Gresset, Regnard, Destouches, etc ... soit 22 titres en 62 volumes. La place réservée à l'antiquité est plus restreinte : à peine 3 grecs en 16 volumes, avec l'inévitable Vie des hommes illustres, de Plutarque, La République, de Platon et un théâtre grec. Les latins sont mieux représentés : 8 titres en 28 volumes : Quintilien, les Métamorphoses d'Ovide, l'Enéide, de Virgile et Les Commentaires, de César, voisinent avec les Comédies de Terence et les lettres de Pline le Jeune. C'est bien le choix normal de l'époque, relativement limité. Plus exceptionnel apparaît la connaissance des langues et des littératures étrangères. Ce sont des Italiens qui l'emportent, et de loin : 15 titres en 45 volumes, presque tous en italien, ce qui explique la présence de 2 dictionnaires franco-italien et de plusieurs volumes de voyages en Italie. Boccace, Machiavel, le Roland Furieux, la Divine Comédie, la Jérusalem délivrée, un choix de pièces de théâtre traduisent un éclectisme de bon boût. Un théâtre espagnol se complète d'une traduction des Lusiades, tandis que Claris et Pamela sont, avec le Conte du Tonneau de Swift, les seuls témoins de la littérature anglaise.

Le penchant érotique, si prisé du XVIIIe siècle, se devine à travers les Contes, de La Fontaine, les "Bijoux indiscrets", de Diderot et les exemplaires de divers Arts d'aimer. Ainsi, un éclectisme linguistique à la fois ancien et moderne, une connaissance certaine de l'italien et peut-être de l'espagnol, se joignent à un amour très exclusif du théâtre sous toutes ses formes.

Naturellement les 88 volumes de jurisprudence forment le deuxième grand fond de cette bibliothèque. Mais le libraire révolutionnaire n'a pas jugé utile d'en préciser le détail. De cette "ancienne jurisprudence" il n'estime digne d'intérêt que les seules Institutions de Justinien et le Droit de la guerre et de la paix de Grotius. Nous n'avons guère plus de détails pour tout ce qui concerne la culture non littéraire. Seule une Vie des peintres, en 3 volumes, est mentionnée sur un total de 57 volumes divers.

Ainsi la culture littéraire et générale occupe un peu plus d'une centaine de titres relevés, soit 471 volumes, contre 88 volumes de jurisprudence. Les sciences, par contre, représentent 30 titres, c'est-à-dire 141 volumes : Les ouvrages de médecine, et plus particulièrement ceux d'anatomie y dominent.

L'inventaire du cabinet de physique est trop long pour pouvoir en donner une description complète. Il est formé, pour l'essentiel, de machines : 2 machines électriques d'une valeur de 3.000 francs, ainsi que d'une petite "pompe à feu" de 50 francs. Suivent les instruments de mesure classiques : thermomètre à mercure, balancier "pour sonner les secondes", balance d'hydrostatique, balance de Roberval, balances ordinaires ; complétés par les instruments d'optique : un octan, un microscope de 250 francs, plusieurs "yeux artificiels", une série de miroirs, convexes et concaves, de diamètre divers, allant jusqu'à 11 pouces, une lanterne magique avec 6 verres plats, ainsi que les instruments traditionnels de laboratoire : plaques de verre, mortiers, bocaux de diverses grandeurs, flacons bouchés ou non, alambics, baquets de verre, etc. Les instruments moins courants peuvent être groupés en plusieurs catégories : machines pour étudier les diverses formes du mouvement "machine à désaguiller propre à démontrer l'effet du frottement", d'une valeur de 100 francs, machine à étudier la chute oblique des corps, des systèmes de poulies, une "machine à étudier la multiplication des leviers", une autre pour l'étude de la chute des fluides, un petit billard pour l'étude des mouvements composés, une machine à étudier la chute des corps par une corde, un arc de corde ou une corde cycloïdale, des plans inclinés, etc.

En deuxième lieu, suit l'étude des fluides : "vice (sic) d'Archimède", syphons, fontaine de Cheron, vases communicants, une machine à étudier la densité et la résistances des liquides. Et l'on retrouve naturellement les préférences de Le Bouvier pour l'anatomie, représentée par des modèles d'oreilles en cire, des cornets "à coustiques" (sic). Plus particuliers sont les instruments de physique concernant les gaz, parmi lesquels les dernières nouveautés en la matière : une machine de Mariotte (60 francs), trois machines pneumatiques, dont l'une de 800 francs, et l'autre pour "la condensation de l'air" de 500 francs, une machine de "Pascal" etc. Et comme nous sommes au XVIIIe siècle, il convient de se soucier des applications pratiques, présentes sous la forme de modèles réduits de pompes, entre autres une pompe à incendie.

Ainsi, lorsqu'éclata la Révolution, cet homme de 50 ans, dont la carrière s'achève, apparaît bien comme le type de l'honnête homme. L'achat d'un office de la Chambre des Comptes de Bretagne lui a permis un anoblissement classique, aux conditions légales soigneusement respectées. L'importance des propriétés foncières, dont une part importante en vignes, lui permet une honnête aisance. Il est remarquable que ce genre de vie "noble" soit basé sur des placements en offices et en terres d'un revenu très moyen, placement de "père de famille".

Cette vie de gentilhomme terrien et d'officier lui laissait de nombreux loisirs. Sa seule originalité est celle d'une vaste culture, à la fois littéraire et scientifique. Encore ne se différencie-t-elle de celle de maints de ses émules que par son étendue, sa variété et sa curiosité. Le Bouvier semblait donc destiné à se fondre dans cette noblesse qui avait été l'ambition suprême de sa famille. Au surplus, nul sous la Révolution ne lui contestera ce titre. Les mariages de ses soeurs avaient encore renforcé sa situation sociale.

La plus jeune, Marthe-Anne, avait épousé un gentilhomme issu d'une très vieille famille, reconnue à la réformation de la noblesse de 1668, messire Julien-Toussaint Symon, sr. de Kervion.

Quant à l'aînée, Renée-Marie-Agnès, elle avait, de son côté, contracté mariage avec un officier de la marine royale : messire Amable-Augustin Bidé, sr. de Chavagnes et à ce titre propriétaire du manoir de Chavagnes en Sucé, qui avait appartenu à la famille Descartes ; Amable, chevalier de Saint-Louis,  était fils d'Écuyer, Louis Bidé, conseiller maistre en la chambre des comptes de Bretagne et de Marie Danguy, et natif de Sucé-sur-Erdre. Le mariage eut lieu à Vallet, en la chapelle de la Ragotière, le 6 mai 1778.


LA VIE INCERTAINE DE LE BOUVIER SOUS LA RÉVOLUTION

D'après le témoignage de l'auteur de la notice biographique du dictionnaire de Levot, Le Bouvier aurait accueilli les débuts de la Révolution avec faveur. Et cela correspond sans aucun doute à sa mentalité, au contenu aussi de sa bibliothèque. Ainsi, la présence du Contrat Social, de Rousseau, est un indice particulièrement révélateur. Mais nous ne disposons d'aucun document pour décrire l'évolution ultérieure de Le Bouvier. La suppression des offices l'atteint cependant dans sa fortune, on a vu que tout le prix de vente de son office était placé en contrats de constitution. L'acquéreur eut l'honnêteté de tenter le premier remboursement fin 1793. Mais à ce moment, son créancier était depuis longtemps passé à la révolte vendéenne.

Le Bouvier a été, dans son ensemble, très discret sur son rôle réel sous la Révolution. Les renseignements fragmentaires que nous avons pu réunir laissent subsister 2 lacunes, l'une de 1789 à 1792, l'autre de 1794 à 1796.

Durant la première de ces périodes, il continue à garder son appartement en ville, dont il paie personnellement le loyer à Nantes jusqu'au 7 juillet 1792. Mais il réside pratiquement en permanence à La Ragotière, où il poursuit des expériences électriques sur les sourds-muets jusqu'à la fin de juillet 1790. Nous ne pouvons que deviner ses opinions. Atteint dans sa fortune, il l'était sans doute encore plus que dans sa noblesse acquise si péniblement depuis 1733. "A la vue des excès dont elle [la Révolution] était accompagnée, il se retira dans la Vendée", dit de lui Lecourt De La Villethassetz. Nous ne sommes guère mieux renseignés sur les raisons de sa participation à la rébellion.

Il semblerait cependant que Le Bouvier aurait été forcé par les paysans de se mettre à leur tête, tout comme Charette. Cette version, qui est celle de tous les mémoires des principaux survivants de la Vendée, a été, on le sait, contestée par divers historiens. Sans vouloir trancher le débat, surtout pour Le Bouvier, qu'il nous soit permis cependant de verser à ce procès une pièce qui nous semble capitale. Le témoignage de Huet de Coetlisan est en effet d'intérêt primordial. Peut-être d'origine noble, il n'a cessé de jouer un rôle considérable dans l'administration républicaine du département de la Loire-Inférieure. Remarquablement intelligent, bien documenté, il est l'auteur de la Statistique du département de la Loire-Inférieure pour l'an IX. Or, il consacre une part importante de son ouvrage à la guerre de Vendée et nous apporte donc un témoignage de première main sur la manière de voir les dirigeants républicains locaux. Daté de 1800, son ouvrage est donc antérieur aux Mémoires vendéens. Or, tout en admettant l'existence d'une propagande contre-révolutionnaire de la part de la noblesse et du clergé, il refuse d'y voir une cause essentielle de l'insurrection : "Si les nobles eussent été les promoteurs de cette rébellion, qu'eût-il été besoin d'aller les chercher, de les enlever par la violence ? Comment se seraient-ils soumis à l'autorité plébéienne ? Comment auraient-ils abandonné le pouvoir à des mains naturellement ennemies ? En effet, on ne comptait que 2 ou 3 nobles, et d'une extraction peu célèbre, à la tête des bandes. Les autres, sans goût et sans talents pour la guerre, ne prirent parti, ainsi que les bourgeois, que lorsqu'ils eurent perdu toute espérance de rester dans les villes où l'échafaud les attendait". Et, plus loin : "Charette, Couëtus, La Robrie étaient les seuls chefs qui appartinssent à l'ordre de la noblesse. Les 2 premiers furent surpris chez eux et contraints par la force de se mettre à la tête des paysans. L'autre ne prit le parti des armes que quand il eût perdu tout espoir de salut". Et enfin, "si, dès le principe, on n'eut pas indistinctement proscrit tous ceux que l'insurrection avait surpris dans nos campagnes, beaucoup de propriétaires, beaucoup de nobles, beaucoup de patriotes, tous les gens éclairés qui avaient applaudi à la Révolution, auraient rentré dans les villes, ils n'eussent pas été forcés pour leur propre salut, de servir les insurgés de leurs armes, de leur fortune et de leurs conseils". Visiblement, Huet semble ici s'appuyer sur des témoignages directs, et le passage pourrait avoir été écrit pour illustrer la biographie de Le Bouvier.

On peut d'ailleurs noter que Le Bouvier n'était pas totalement étranger à la famille Charette. Son beau-frère, Bidé de Chavagnes, était un parent éloigné des Charette de la Colinière. Jean Charette de la Colinière avait en effet épousé, le 22 juillet 1704, Marie-Anne Bidé, fille de la Prévosté. Un fait est certain : Le Bouvier a été très intimement lié au général vendéen. Plus tard, il justifiera sa première tentative de biographie par cette phrase ; "Charette m'a conservé la vie. Je dois rendre à sa mémoire l'hommage d'un coeur reconnaissant". Mais Le Bouvier ne nous en dit pas plus et nous n'avons pu identifier la scène à laquelle il fait ici allusion.

Du moins l'armée vendéenne a-t-elle su utiliser ses compétences. Au courant de l'été 1793. Le Bouvier dirige les dépôts d'armes et les moulins à poudre de Mortagne, sous la direction (?) de Marigny. En automne 1793, Le Bouvier dirige les dépôts d'armes à l'île de Bouin en qualité de "chimiste".

Toutefois, l'épisode révolutionnaire le plus important - et aussi le plus obscur - de la vie de Le Bouvier est sa participation à l'ambassade de Joseph de la Robrie, envoyée par Charette à Londres, en décembre 1793, à bord du Dauphin. E. Gabory, qui ne disposait que de la seule identité de nom, émettait quelques réserves sur cette participation.

Le doute n'est pourtant pas possible. Dans sa correspondance avec le comte de Bouillé, Le Bouvier avoue explicitement son départ pour l'Angleterre : "J'ai passé en Angleterre avec M. de la Robrie". D'ailleurs, le 14 fructidor an VI, le commissaire du Directoire Exécutif près de l'administration municipale de Noirmoutier envoyait à Nantes le témoignage de sa femme, qui avait été prisonnière des Vendéens : "Ce particulier y était alors [à Bouin] et ensuite il fut à Noirmoutier où il s'embarqua sur une goëlette pour l'Angleterre avec La Robrie ; ce particulier avait été maître aux comptes, que c'était un chimiste et qu'il pouvait être âgé en l'an II de 45 ans". L'âge mis à part - Le Bouvier, d'après une miniature conservée à Nantes par une descendante de la famille Galbaud Du Fort, semble avoir eu un physique très jeune - toutes ces précisions recoupent entièrement nos données. Reste à élucider les motifs de la remarquable discrétion de Le Bouvier sur cette ambassade.

Avançons d'abord une hypothèse qui reprend d'ailleurs une accusation lancée à cette époque contre lui. Il n'aurait pas été fâché de quitter une région où il était particulièrement exposé. Il n'était nullement un inconnu pour les républicains qui fouillèrent à plusieurs reprises La Ragotière. Aussi bien, lors du passage de la Loire par l'armée vendéenne, à Saint-Florent, avait-il failli être pris par des prisonniers républicains libérés. Peut-être aussi jugeait-il la lutte sans issue.

De toutes façons, il s'estimait très apte à la mission diplomatique envisagée par Charette. Mais, quel que fût le degré d'intimité des deux hommes, Charette, se défiant sans doute, et non sans raisons, du caractère altier du personnage, préféra confier l'ambassade au jeune la Robrie. Dans le récit de la traversée, Le Bouvier n'arrive pas à masquer sa jalousie. On a pu contester la véracité de ce récit ; il ne semble pourtant pas, à la lecture des documents anglais, que l'on puisse taxer Le Bouvier de mensonge. Quelles que soient ces discussions, les relations entre Le Bouvier et la famille de la Robrie ne vont cesser de se détériorer à cause de cette ambassade. Le conflit rebondira sous l'Empire.

Entre l'arrivée de Le Bouvier à Londres, fin 1793, jusqu'à sa reddition au républicain Paimparay, près de Vallet, en 1796, se situe la deuxième période obscure de l'époque révolutionnaire de notre auteur. Il est resté un certain temps à Londres, fréquentant les salons de l'émigration, non sans qu'il y fût accusé d'opinions "jacobines", comme en témoignage l'un des "poèmes tiré des Babioles d'un vieillard.

Une Vénus quadragénaire
Et par là quelque peu mégère
Tenant un soir sa cour plénière
Pour s'amuser me fit l'auteur
De certains propos bien frondeurs
Qui sentaient la jacobinière.

Ce séjour londonien fut assez long. La Robrie, relégué par Puisaye dans une certaine obscurité, ne revint en Vendée qu'en février 1795, pour périr misérablement dans le Gois de Noirmoutier. Le Bouvier ne faisait pas partie de cette expédition. Il occupa son temps libre à continuer ses expériences de guérison de sourds-muets par l'électricité.

Nous nous retrouvons sur un terrain plus solide à la date du 28 avril 1796 où Le Bouvier, revenu en France, probablement au courant de 1795, fait sa soumission à Paimparay. Si l'on en croit Francis Lefeuvre, Le Bouvier devait se trouver en effet au bal nantais offert par Plumard de Rieux à Charette en 1795, en tant qu'officier de son entourage.

Désormais sa carrière est facile à suivre, grâce à ses démêlés avec l'administration du Séquestre. Rayé provisoirement de la liste des émigrés dès le 26 août 1796, il semble être à ce moment dans un dénuement extrême. Dans ses pétitions, il tente d'apitoyer les autorités nantaises en se montrant obligé d'emprunter des vêtements à sa famille, ne sachant comment subvenir à ses besoins. Il subit en outre un certain nombre d'ennuis politiques. Ainsi, le 24 octobre 1797, il est mis en résidence surveillée à Nantes, bien que le 27 septembre de la même année sa soeur Bidé ait été, elle aussi rayée de la liste des émigrés. Enfin, il obtient le 11 avril 1798 la main-levée du séquestre, récupérant les revenus de la Ragotière. Mais celle-ci avait été brûlée et pillée et le cabinet de physique de Nantes était en majeure partie irrécupérable.

Le Bouvier reprend cependant ses expériences électriques sur un orphelin vendéen sourd-muet, à partir du mois de mai 1798. Une autre expérience, contrôlée par des notaires, se poursuit du 16 mai 1798 au 26 mai 1799. Entre-temps, il effectue plusieurs voyages à Paris.

Telle est l'évolution, difficile à reconstituer, plus difficile encore à interpréter, de Le Bouvier sous la Révolution.

Ses sentiments profonds ne font certes aucun doute. Il est anti-républicain et royaliste ; il a combattu avec Charette. Mais ce n'est pas l'homme des situations tragiques. Il choisit de partir à un moment délicat, se soumet dès que l'occasion favorable se présente. De 1796 à 1799, il ne semble pas avoir voulu jouer un rôle politique et s'est présenté sous le double personnage du persécuté et de l'homme privé qui a abandonné sinon ses objections intellectuelles du moins l'opposition à main armée. Il ne semble préoccupé que du désir de reconstituer des bribes de sa fortune. L'immense majorité de ses frères d'armes ne lui en a tenu aucune rigueur et ses relations avec la famille Charette ont toujours été excellentes. A-t-il, en secret, joué quelque autre rôle ? Nous n'avons, pour l'affirmer, aucune preuve, et il est probable que Le Bouvier s'en serait vanté au moment de la Restauration.


LE BOUVIER SOUS L'EMPIRE

Le Bouvier n'est guère plus favorable à l'Empire qu'à la République. Ayant dépassé la soixantaine, le vieillard se signale à l'attention de la police impériale par la virulence de ses épigrammes. La plus célèbre est dirigée contre le feuilletoniste dramatique du Journal des Débats, Geoffroy :

Si l'empereur faisait un pêt,
Geoffroy dirait qu'il sent la rose,
Et le Sénat aspirerait
A l'honneur de flairer la chose.

Indépendamment de cette attitude politique, Le Bouvier entre dans la phase de production littéraire qu'il considère comme le couronnement de sa vie. En 1800, il fait paraître son "Mémoire sur les sourds-muets" où il relate ses expériences de 1787 à 1790 et de 1797 à 1800. Ce premier voyage est suivi par les "Recherches sur la décoloration spontanée du bleu de Prusse et sur le retour spontané de cette couleur".

 

CHARETTE

Mais il travaille surtout à sa Vie de Charette. C'est une oeuvre de longue haleine, reprise et modifiée à diverses occasions. La première édition paraît en 1809 sous le titre de Réfutation des calomnies publiées contre le général Charette, extrait d'un manuscrit sur la Vendée. Il la complète en 1814 sous la première Restauration par le Supplément à la vie du général Charette. L'ensemble sera ensuite profondément remanié pour aboutir à la publication de la Vie du général Charette qui connaît au moins deux éditions successives ; la première en 1818, la seconde en 1823.

Tous ces ouvrages sont rédigés à Paris, car Le Bouvier a vendu, au début de février 1804, sa terre de la Ragotière à Bernard Laquèze pour la somme de 59.250 francs. Dès février 1803, puis encore en juillet de la même année, il en avait distrait quelques métairies vendues à un paysan : Pierre Poirier.

Ces ventes, - et les démêlés qui s'ensuivent - ne sont pas totalement étrangers aux polémiques qui se développeront à partir de 1814 contre le livre de Le Bouvier. Pour l'instant, la parution de la "Réfutation" provoqua l'intervention de la police impériale. Pourtant Le Bouvier avait pris ses précautions. Son texte, déjà sensiblement en retrait par rapport à ses propres idées, avait été soumis à des censeurs bénévoles, qui élaguèrent encore certains passages. Au total, il semble s'être soumis à une triple révision. Vaines prudences ! A peine l'ouvrage paru, Le Bouvier fut arrêté en décembre 1809 et retenu pendant 3 jours à la Préfecture de Police de Paris. C'était le temps nécessaire pour permettre à la police de confisquer le stock de 2.300 exemplaires. Lorsqu'en 1814 il voulut récupérer son ouvrage, Le Bouvier n'en retrouva que 300 exemplaires dans les sous-sols de la Préfecture de Police. Suivant l'habitude, les policiers avaient revendu les livres en sous-main ... au double du prix fixé par l'éditeur ! Ces menus profits de la police impériale représentaient cependant 20.000 francs de perte pour Le Bouvier.

Ce ne furent pas ses seuls déboires. Mlle de Charette avait été tentée, en 1809, de demander des secours au régime impérial qui en avait accordé à quelques familles vendéennes. Le Bouvier l'en dissuada et lui offrit en remplacement, les revenus que lui procurerait la vente de son livre. En attendant ces bénéfices hypothétiques, il lui fit croire qu'un arrangement avec son libraire lui avait rapporté 10.000 francs. Il lui donna donc cette somme sous la forme d'un placement à fonds perdus. Pour le malheur de Le Bouvier, Mlle de Charette mourut peu de temps après. On crut qu'il l'avait engagée à placer cet argent (dont on ignorait l'origine) à fonds perdus pour frustrer ses neveux. "Lorsqu'en 1809 j'allais à Nantes, rapporte-t-il, les personnes de cette famille avec laquelle j'étais le plus lié affectèrent de ne pas me connaître". C'est ce qui le détermina à révéler les faits dans la préface du Supplément de 1814.

Du moins la prudence, qu'imposait la police impériale, avait-elle, jusqu'en 1814, évité les polémiques publiques sur le livre. Or, en 1814, Le Bouvier pouvait enfin libérer ses rancoeurs, dire hautement ce qu'il pensait : en un mot, donner libre cours à son caractère orgueilleux, comme à son admiration sans nuances pour son ami le général Charette.

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LA RESTAURATION

Les milieux royalistes de l'Ouest accueillirent fort mal la "Réfutation", et plus mal encore le "Supplément". En effet, Le Bouvier allait nettement à contre-courant. A Paris comme en Bretagne, on eût préféré faire le silence sur Charette. Il y avait à cela beaucoup de raisons. Charette n'avait pas caché son mépris pour une certaine émigration. Les Bourbons, et en particulier le futur Charles X, ne pouvaient qu'avoir assez mauvaise conscience vis-à-vis de lui. Qu'il suffise ici d'évoquer l'épisode sans gloire de l'île d'Yeu !

Sur place même, les chefs vendéens, comme il est logique dans des opérations de guérilla, n'avaient pas toujours brillé par excès de discipline et d'unité. Charette, pour bien des raisons, avait été l'un des chefs les plus indépendants. Surtout il devait servir quelque peu de bouc émissaire. C'est pourquoi la plupart des chefs royalistes partageaient vis-à-vis de lui les opinions des républicains. Le jugement de Huet par exemple n'est pas différent de celui du chevalier de Guer. Ce dernier note : "Malheureusement pour sa mémoire, on lui reproche avec trop de raison une foule d'actes arbitraires, d'avoir froidement été cruel et n'avoir exercé cette sorte de représailles qui, de quelque nom qu'un parti les nomme, sont d'indignes attentats ; représailles que refusèrent toujours de commettre Cathelineau, d'Elbée, Lescure, Bonchamps, La Rochejaquelein".

Lors de la préparation de son ouvrage, Le Bouvier avait pu mesurer toute l'ampleur de ce mouvement hostile à la mémoire de Charette. Devenu citadin, et, qui plus est, parisien, lui qui avait vécu "les trois quarts de sa vie dans la campagne", qui avait préféré "l'obscurité de sa retraite" à la ville, Le Bouvier passait chaque année plusieurs mois de l'été chez ses parents, les Galbaud du Fort. Rayonnant du Fort, il avait multiplié ses voyages à travers la Vendée. S'adressant aux recteurs, aux "capitaines de paroisse" et aux invalides, il rencontrait un "enthousiasme populaire unanime". Mais ses investigations se heurtaient à l'hostilité des "classes élevées". "L'hospitalité cordiale" vis-à-vis de l'enquêteur s'accompagnait d'une "indifférence et d'un éloignement pour le sujet", lorsque ce n'était pas "une retenue désespérante". Lorsqu'en 1816 il revint compléter certains renseignements, l'atmosphère n'avait pas changé : "J'ai rencontré la même dissimulation sans pouvoir obtenir un seul chef précis d'accusation, sinon de demi-phrases à mystères, des mots à double entente". Le Bouvier attribue cette hostilité de la noblesse bretonne et vendéenne à la jalousie (lui même évite par précaution de porter son "cordon rouge"), et à la dure discipline que Charette imposait d'abord aux chefs. Cette attitude s'éclaire par les commentaires que Huet faisait dès 1800. Charette a eu une attitude assez ambiguë vis-à-vis de la noblesse. Il souffrait que "des chefs roturiers maltraitassent les nobles ... que de simples paysans batonassent un de leurs compagnons précisément parce qu'il déclarait sa qualité de chevalier". Il cite même de lui un mot assez inattendu : "quand des officiers se plaignaient d'avoir aperçu le cadavre d'un émigré sabré, presque sous ses yeux, il leur répondait froidement : "Il avait le fil, celui-là". D'ailleurs, Charette partageait la vie de ses paysans, "mangeait leur pain, fumait à leurs pipes". Et Huet de terminer sur cette conclusion, qui, sans doute, était secrètement partagée par la noblesse : "il parut bas plutôt que populaire". Ailleurs, il note encore cette "foule d'émigrés de distinction" qui, à partir de 1795 "s'humiliaient devant lui et lui prodiguaient les plus viles adulations". C'est dans ce climat - et en réaction contre lui - que Le Bouvier a utilisé la liberté de parole que lui apportait la Restauration. En même temps, il pouvait aussi apaiser ses rancunes.

Nul mieux que Charles Nodier a su définir la mentalité de Le Bouvier : "Il a fait de Charette un personnage idéal qui ne serait que trop parfait pour un être épique". Le Bouvier "est un écrivain qui a le zèle de l'amitié et qui le porte jusqu'à la passion". Et, assez ironiquement, il propose comme devise du livre : "Magis amiens Charette".

Mais cette amitié exclusive l'a conduit à dénigrer d'autant plus systématiquement les généraux de l'armée d'Anjou, que leurs mémorialistes ne s'étaient pas privés d'attaquer Charette. Le Bouvier a mené sa riposte avec toute la violence de son caractère. Laissons encore la parole à Charles Nodier : "Toute la partie polémique est d'un ton trop dur et inconvenant ... M. Le Bouvier est un panégyriste qui a seulement le tort de dénigrer souvent comme il aime, c'est-à-dire sans mesure, et de forcer un peu les faits pour les rapporter à son système". Sous la forme d'une critique courtoise, c'est là l'opinion des milieux des chefs vendéens avec lesquels Charles Nodier était assez intimement lié.

Les controverses vont donc se multiplier de 1813 à 1823, opposant dans une campagne de brochures et de pamphlets, Le Bouvier à quelques-unes des familles les plus en vue de la Vendée. Parmi ces polémiques, les plus importantes concernent les familles de la Robrie, de Bouillé et de la Rochejaquelein. Dans l'histoire de Le Bouvier, la première est de loin la plus intéressante.

Au conflit diplomatique portant sur l'ambassade de 1793, est venu s'ajouter l'affaire Bernard Laquèze. Elle mérite d'être contée en détail, tant elle est révélatrice des moeurs de l'époque. Comme on l'a vu, Le Bouvier avait vendu sa terre de la Ragotière, en 1804, à Bernard Laquèze. Peu de temps après, ce dernier intentait un procès à Le Bouvier, lui demandant des dommages intérêts pour lui avoir cédé une terre qu'il avait préalablement amputée. Ce n'était là qu'un prétexte, car tout nous pousse à croire justifiée l'affirmation de Le Bouvier, prétendant, preuves à l'appui, que Laquèze était parfaitement au courant de ces ventes. Mais Le Bouvier avait fait ajouter au contrat notarié un acte sous seing privé - d'ailleurs dicté par le notaire - spécifiant que Laquèze paierait un supplément de 5.000 francs en sus du prix notarial dès que Le Bouvier aurait obtenu un dégrèvement d'impôt sur la terre. Mais l'argument utilisé par Le Bouvier, pour obtenir ce dégrèvement, fut plutôt malencontreux : il compara la valeur de son ancienne propriété à celle de Paimparay, ami de Laquèze porta l'affaire sur le plan juridique. Le Bouvier se trouvait, en effet, doublement en défaut : d'abord pour n'avoir pas fait enregistrer les deux ventes antérieures (ce qui permettait à Laquèze d'affirmer, en droit, n'en avoir point connaissance) ; d'autre part, le contrat sous seing privé accompagnant l'acte notarié était non seulement nul de plein droit, mais il contrevenait en outre à toute la législation fiscale. La situation de Le Bouvier était d'autant plus ridicule qu'il se targuait de son ancien titre de magistrat ... et qu'il avait laissé 20.000 francs du prix de vente à titre de contrat de constitution à Bernard Laquèze. Il s'en vengea par un mémoire à la fois embarrassé et virulent. Au lieu de défendre sa cause - moralement défendable, mais juridiquement mauvaise - Le Bouvier se laissa entraîner par son ressentiment.

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Or Laquèze avait été sous la Révolution concierge de la prison du Bouffay à Nantes. L'attaque était à la fois habile et perfide. Laquèze, placé à son tour en mauvaise posture, se défendit en collectant toutes les signatures qui pouvaient lui être utiles. Il réunit ainsi nombre d'attestations d'anciens prisonniers du Bouffay auxquels il avait rendu service. Parmi eux se trouvait Hyacinthe Hervouët de la Robrie, le dernier survivant des trois frères. Or il courait un bruit d'après lequel le général Hoche aurait affirmé à l'un de ses intimes que la capture de Charette n'avait été rendue possible que par la dénonciation du deuxième frère de la Robrie. Le Bouvier s'en fit, dans son livre, le très complaisant rapporteur. C'était marquer l'ensemble de la famille d'infamie. Une querelle inexpiable opposa donc Hervouët de la Robrie à Le Bouvier. Il lança contre Le Bouvier un pamphlet virulent, traçant de l'ancien magistrat un portrait peu complaisant, mais assez ressemblant, lui reprochant son caractère altier, son incapacité totale de dominer ses mouvements de colère, sa vanité et sa susceptibilité. Voulant l'atteindre dans son amour propre, il faisait remarquer combien les expériences scientifiques de Le Bouvier avaient provoqué de scepticisme dans le corps médical. Enfin, il dévoilait le fond de l'affaire Laquèze, pour finalement accuser Le Bouvier de couardise et de désertion sous prétexte d'ambassade en 1793. Nous avons pu retrouver dans les archives de la famille de la Robrie l'épilogue de la querelle. C'est une rétractation totale de Le Bouvier, qui, au surplus, eût pu ajouter qu'il n'avait pas été le seul à accuser injustement de la Robrie.

Dans d'autres controverses, Le Bouvier devait faire bien meilleure figure. Elles sont toutes provoquées par la manière dont il réagit - à juste titre - contre les méthodes de confection des mémoires sur les guerres de Vendée. Deux points surtout lui tiennent à coeur : la défense de la mémoire de Charette et le respect de certaines méthodes historiques. C'est cette admiration de Charette qui provoque sa "Lettre aux auteurs anonymes de l'ouvrage intitulé Victoires ..." cité plus haut. Il a beau jeu de ridiculiser cette énorme et prétentieuse compilation, peu curieuse de l'origine de ses informations.

Cette même défense et illustration de Charette est aussi l'objet de son "Examen des Mémoires de Madame de la Rochejaquelein".

LA ROCHEJAQUELEIN MARQUISE 3 Z

Ses relations avec la veuve de Lescure avaient été longtemps cordiales. Il lui avait offert, en 1814, un exemplaire de son propre ouvrage et avait vainement tenté de la convertir à sa manière de voir. Mais sa dernière lettre, du 30 mars 1823, ne reçut même pas de réponse. Aussi se lamente-t-il : "J'ai 86 ans, je vais mourir, et Charette n'a plus de défenseurs". Et c'est dans cette peur qu'il attaque : "Madame la marquise de la Rochejaquelein fait depuis 10 ans dans toute l'Europe un commerce très lucratif de diffamations contre le général Charette, qu'elle dénonce à toute la postérité comme un scélérat et un assassin. Ce qu'elle appelle ses Mémoires sont un cloaque de tous les libelles servis en général par les écrivains révolutionnaires et auxquels elle a apporté sa fanfare !". Son hostilité est telle qu'il met en doute, non sans quelque vraisemblance, la qualité d'auteur de la marquise. Il faut bien avouer qu'il prend l'écrivain en flagrant délit d'inexactitude en ce qui concerne son propre rôle à lui Le Bouvier.

Entre-temps une autre controverse l'avait opposé au comte de Bouillé, qui voulait défendre la mémoire de son beau-père. Le Bouvier, en effet, contestait le geste célèbre de Bonchamps, magnifié par le tombeau de David d'Angers. Sans entrer dans le détail, on peut penser qu'en l'occurrence, Le Bouvier a été abusé par certains témoignages qui l'ont conduit à une fausse conclusion. Le geste de Bonchamps, en effet, est historiquement établi.

Si telle est l'attitude de Le Bouvier vis-à-vis de ses anciens compagnons d'armes, on imagine aisément comment il pouvait traiter des adversaires politiques. Ainsi la Charte elle-même n'est pas un document selon son coeur. Dès 1815, il fit paraître un "Examen de la Charte constitutionnelle". Un violent préambule anti-révolutionnaire donne le ton : "Ils étaient bien ignorants ou de mauvaise foi nos premiers législateurs révolutionnaires lorsqu'ils ont avancé que la France n'avait pas de constitution. Cette absurdité ... nous a été sentencieusement débitée ... dans le siècle qu'on appelle avec emphase le siècle des lumières". Et de rappeler qu'une constitution "ne se fait point à coups de plumes et à la hâte ; elle est l'ouvrage du temps". D'après lui, la France de l'ancien régime a toujours eu ses lois fondamentales, qu'il trouve dans Boulainvilliers et dans Mézéray ! Mais curieusement, il ne reproche point aux révolutionnaires leurs principes, qu'il prétend être ceux de l'ancien régime : "Nos ancêtres mettaient en action ce que nous mettons en principe, et cela valait beaucoup mieux".

Face à la constitution de 1791, qui "n'était qu'une république déguisée sous un fantôme de royauté" et à l'Empire qui n'était que "le despotisme organisé", Le Bouvier place donc l'éloge de la Charte. Mais cet éloge est réticent. Pour lui, la Charte n'est digne de louanges que comme une étape vers une meilleure constitution, car elle a besoin de réformes : "elle se ressent de la précipitation avec laquelle le Roi s'est vu en quelque sorte forcé de céder à l'impatience nationale". Dans la critique qui suit, c'est le juriste qui l'emporte. Pour le fond, le reproche essentiel est de n'avoir point rendu le catholicisme religion d'Etat. Il n'admet pas que l'on puisse payer les représentants d'autres cultes. Les autres critiques portent plutôt sur la forme : l'absence d'une définition exacte du régime le pousse à proposer la sienne : la France est une monarchie tempérée par les lois, dont les femmes sont exclues, héréditaire et indivisible depuis la 3e génération". Enfin Le Bouvier propose sa propre charte, sorte de mélange bizarre et curieux de bon sens et de naïve pédanterie.

Après les institutions, les hommes. C'est Lanjuinais qui lui sert de cible. Cette violente diatribe ne manque pas d'allure, la méchanceté donnant du nerf à ce style par ailleurs trop proche du jargon de métier. Partant de la comparaison de la situation de Lanjuinais sous l'ancien régime - où il était professeur de droit de l'Université de Rennes - et sa position de pair de France et de comte, il lui pose la question : "du professeur de droit à la dignité de pair de France l'intervalle est énorme. Comment l'avez-vous franchie ?". Et de répondre : en votant la mort de Louis XVI, en soutenant Napoléon après l'avoir vilipendé, en violant son serment à Louis XVIII au moment des cent-jours ...

Enfin, comme il se doit pour un lettré de cette époque. Le Bouvier taquine aussi à ses moments perdus les Muses. La société nobiliaire bretonne et poitevine de l'ancien régime raffolait en effet des bouts-rimés, des charades, de poésies galantes et faciles. Dès 1766, Le Bouvier avait envoyé à l'Académie Française une "Epître adressée à une mère qui allaite", bien au goût du jour, larmoyant et sensible. Cette chose assez plate reçut pourtant une mention honorable et Marmontel en lut des fragments qui furent imprimés avec le poème complet du lauréat de l'année 1766, qui n'était autre que Laharpe, avec son "Epître au poète".

Toute sa vie, Le Bouvier avait continué à commettre des vers. Et, en digne représentant du XVIIIe siècle, il n'est pas permis de quitter la vie sans une dernière pirouette. Le dernier ouvrage est donc un recueil de poésies légères, oh combien ! : "Babioles d'un vieillard". Ce florilège de toute une vie, puisqu'on y rencontre aussi bien l' "Epître à la dame qui allaite" que diverses autres poésies de jeunesse, comporte nombre de batifolages. Témoin la suivante que nous avons choisi, parce que courte :

Quelquefois sur le gazon
La plus sage entre en folie
Que ne suis-je avec Lison
Quelquefois sur le gazon.
Voudrait-elle ? Pourquoi non ?
Puisqu'enfin laide ou jolie
Quelquefois sur le gazon
La plus sage entre en folie.

Passant aux choses plus sérieuses, des "poèmes" scientifiques célèbrent la vaccine et Jenner, bien que l'inoculation soit jugée tout juste bonne pour les ... esclaves noirs d'Amérique et, en France, pour l'armée "où le nombre, prisé plus que l'individu, fait que pour un soldat perdu, on conserve à la renommée 100 dont le sang à l'Etat est vendu". Ce qui, dans tout cela, vaut le plus, c'est la préface où il commente sa "Muse octogénaire" sans illusions aucune : "j'ai publié des ouvrages utiles qui, malgré les éloges des journalistes ne sont point lus. Voici des riens, qu'on lira peut-être, parce que précisément ce sont des riens. Du moins j'espère qu'on excusera ce radotage, car je suis à l'âge où l'on radote". Et comment ne pas évoquer dans la Revue du Bas-Poitou, ce chant en l'honneur des Vendéens, d'inspiration évidemment royaliste :

La Vendée est un beau pays
Qu'on vante dans le monde
Pour avoir conservé des lys
La racine féconde.
Elle orne le riant coteau
Les vallons et les plaines
Mais ce qu'il y a de plus beau
Ce sont les Vendéennes.

Les fatigues de l'âge aidant, Le Bouvier ne peut rester à Paris. Le 12 mars 1821, il adresse à la Société philotechnique un discours d'adieu dans lequel il commente son départ pour Nantes, où sa famille pourrait mieux s'occuper de sa personne, non sans attaquer le docteur Mollet, de Lyon, qu'il accuse d'avoir plagié son invention du briquet à glace.

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Le reste de sa vie se coule rue Tournefort à Nantes. Il n'en sort plus guère que pour assister, le 4 septembre 1826, à l'inauguration de la statue de Charette à Legé. D'abord président de la société fondée pour l'érection de la statue, il cède cette présidence au duc de Fitz-James pour n'en conserver que la vice-présidence. Ce fut en tant que tel qu'il devait prononcer le discours d'inauguration. Vaincu par l'émotion, il dut s'interrompre et confier le reste du discours à M. de la Mouchetière.

Il mourut quelques mois plus tard le 11 mars 1827, à l'âge de 88 ans, laissant comme légataire universel Charles-Gaspard Galbaud du Fort, son cousin germain. Il ne restait plus de sa fortune que 29.900 francs de valeurs mobilières, d'ailleurs grevées de deux rentes, l'une de 150 francs à la religieuse qui l'avait soigné, l'autre de 200 francs à sa domestique Marguerite Lévêque.

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CONCLUSION

Telle a été la vie multiple de Le Bouvier des Mortiers. Elle pourrait, à beaucoup d'égards, être prise comme symbole de l'ascension sociale réussie de la bourgeoisie anoblie. En même temps, elle révèle un côté peu connu de la révolte vendéenne. Certains au moins de ses partisans étaient aussi imprégnés de la culture nouvelle du XVIIIe siècle que les révolutionnaires. L'homme a eu une assez exceptionnelle ouverture d'esprit et appartient bien à ce type de chercheur amateur dans le bon, comme dans le mauvais sens du terme. Que les résultats scientifiques obtenus aient été discutables, ne doit pas trop surprendre. Certains mêmes des plus grands savants de l'époque ont participé à ces tâtonnements inhérents à toute recherche et dont les impasses n'apparaissent telles qu'aux yeux des générations suivantes.

Mais Le Bouvier s'est surtout voulu un historien. Il ne manque pas de finesse d'esprit. Visiblement, il s'est efforcé de transposer les méthodes scientifiques dans la critique des témoignages. Il en a recueilli avec abondance et s'est efforcé d'en faire le tri. Certaines de ses remarques, notamment contre Beauchamp ou Madame de la Rochejaquelein, ne manquent pas de pertinence. Par certains côtés, il annonce même l'esprit hypercritique de la fin du XIXe siècle. Il n'a jamais non plus faussé sciemment la vérité historique, préférant pécher par omission ...

Mais Le Bouvier est en définitive un tempérament incapable de se dominer. Il lui est bien difficile d'avouer certaines erreurs. Cet homme, qui a dû être dans sa jeunesse un charmeur, était à vrai dire passablement insupportable et même redoutable. Son voisinage exposait à recevoir des coups, et il a autant polémiqué contre son propre parti que contre ses adversaires politiques. Mais autant son animosité était intraitable, autant son amitié a été sûre. Si la mémoire du général Charette a survécu en Vendée sous la forme qu'elle a prise au XIXe siècle, Le Bouvier en a certes été l'agent premier, dans la mesure où il a conservé la tradition populaire en réagissant contre les préventions d'une partie de l'aristocratie et de la bourgeoisie.

JEAN MEYER

 

ARCHIVES PRIVÉES DE LA ROBRIE :

"Je sous-signé certifie que je n'ai point eu connaissance par moi-même de ce qui est relatif à la prise de Charette. Je n'ai écrit la vie de ce général que plusieurs années après sa mort et sur des renseignements dans lesquels j'ai puisé, comme historien seulement, des faits qui peuvent n'être pas conformes à la vérité, tel est celui qui comprend M. de la Robrie dans le nombre de ceux qui ont promis de livrer le général aux républicains ; les témoignages honorables des plus illustres chefs vendéens, non seulement par écrit, mais en l'admettant parmi eux avec le même grade qu'il avait dans la première guerre, rendent à M. de la Robrie sur cette imputation une justice trop éclatante pour qu'il doive rester la moindre impression défavorable sur la loyauté de son caractère, de sa conduite militaire et de son honneur.
Donné au Fort, commune de Nantes,
le 20 juillet 1816
signé : LE BOUVIER.
Enregistré le 22 juillet 1816."


AD85 - 4 Num 81/293 - Revue du Bas-Poitou (4e livraison) 1963 

AD44 - Registres paroissiaux et d'état-civil de Nantes

 

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Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
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