COLONEL THOMAS THORNTON
UN CHASSEUR ANGLAIS EN FRANCE, SOUS LE CONSULAT

Thomas Thornton est né vers 1757 à Londres de William Thornton de Thornville Royal (aujourd'hui Stourton), Yorkshire et de son épouse Mary (née Myster) d'Epsom Surrey. 

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Portrait réalisé par John Russel

Le colonel Thornton, il faut commencer par le dire, n'était nullement un étranger pour les Français chez lesquels il devait se rendre, car il avait déjà visité leur pays, et, pendant les tristes années de la Révolution, plusieurs des émigrés avaient reçu une hospitalité que l'on peut, sans exagération, qualifier de princière chez le colonel qui possédait une propriété splendide, Thornville-Royal, dans le Yorkshire. Il menait la vraie existence du grand seigneur anglais, c'est-à-dire qu'il se consacrait au sport sous ses formes les plus diverses ; outre son écurie de courses, son chenil, ses faucons et sa meute pour la chasse au renard, il n'avait pas son égal pour les exercices du corps et pour tout ce qui demande de l'adresse et de l'endurance.

Venu en France dans ce double but de chasser et de devenir propriétaire, le colonel Thornton consigna ses impressions de voyage sous forme de lettres qu'il adressait à son ami et voisin de campagne, le comte de Darlington.

Le colonel Thornton, tout grand chasseur qu'il fut devant l'Éternel et devant ses contemporains entendait autrement la protection des animaux ; il était particulièrement hostile à la coutume qui régnait beaucoup alors, de ferrer les chevaux à chaud, au lieu de leur parer convenablement la corne. Un jour, qu'il s'aperçut que le maréchal-ferrant de son endroit, dans le Yorkshire, avait, au mépris de ses prescriptions, appliqué un fer rouge au sabot de son hunter favori, il lui fit dire que si jamais il recommençait, il lui appliquerait à son tour un fer rouge sur certaine partie de son individu. Et c'est qu'il tint parole, car à quelque temps de là, ayant pris sur le fait le malheureux industriel, avec l'aide de son groom il lui fit mettre culotte bas et le marqua d'un fer rouge qui pendant longtemps, dut l'empêcher de s'asseoir.

C'était un type bien singulier que ce chasseur enthousiaste et primesautier, qui fit les beaux jours du monde sportif, en France aussi bien qu'en Angleterre. Les Anglais venaient beaucoup en France à cette époque, lorsque la conclusion de la Paix d'Amiens leur rouvrit les portes de la capitale et les ports du contingent, si longtemps fermés par la révolution sanglante.

En cette année 1802, Anthony Merry, le ministre d'Angleterre, avait calculé que pendant l'été plus de 5.000 Anglais avaient visité Paris. Mais la curiosité de voir se lever l'astre radieux de Bonaparte sur les ruines encore fumantes de la révolution, n'avait pas été le seul objectif du colonel Thornton.

Après avoir mené dans son pays natal une existence fastueuse, il s'était tant soit peu aliéné le bon vouloir de ses compatriotes par ses idées avancées ; le parti tory, très hostile à la France, était alors au pouvoir, et le colonel Thornton, tout en restant très loyal et très fidèle sujet de Sa Majesté Georges III, passait pour un révolutionnaire. Aussi pensa-t-il à venir se fixer sur le continent et à profiter de la dépréciation des domaines abandonnés depuis si longtemps, pour acheter un vaste territoire où il pourrait utiliser ses connaissances techniques en agriculture et en élevage.

Le déplacement du colonel fit sensation, même en Angleterre, car il voyageait avec un train de prince. Il avait fait construire une voiture spéciale pouvant contenir la meute qu'il emmenait avec lui, et outre sa femme et ses domestiques, il était accompagné d'un artiste de mérite, M. Bryant, attaché à sa personne, et chargé de prendre des vues et des croquis des pays qu'il traversait ...

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Le Journal de Rouen du 27 prairial an X, recevait d'un de ses correspondants de Londres une lettre ainsi conçue :

"L'empressement de nos compatriotes pour passer en France ne fait que s'accroître, ce qui choque beaucoup la secte anti-gallicane. Le 3 de ce mois, vingt-quatre gentilshommes et six dames s'embarquèrent sur le navire l'Élisabeth, à Brighton, pour Dieppe. Un carrosse et quatre chevaux, une meute de chiens courants appartenant au colonel Thornton, furent embarqués sur le navire. L'affluence des curieux qu'avait attiré cet embarquement était remarquable ; mais ce qui amusa extrêmement les spectateurs, ce fut la répugnance obstinée que montrèrent les chiens à passer à bord du vaisseau. Il y en eût un que rien ne put contraindre à entreprendre le voyage, et que l'on fut obligé de laisser derrière."

Ces chiens étaient des fox-hounds d'excellente race ; il y avait encore un pointer nommé "Carlo" remarquablement dressé, et un terrier "Vixen" qui suivait brillamment les laisser-courre. Le colonel ne tarda pas à utiliser son équipage, car dès son arrivée à Rouen, il est accueilli à bras ouverts par les veneurs normands qui lui font chasser loup et sanglier dans les forêts environnantes.

La Révolution n'avait pas aussi complètement entravé les exercices cynégétiques qu'on serait porté à le croire, et plusieurs équipages avaient continué à chasser, même pendant la Terreur ; tel, par exemple, celui de la fameuse chasseresse du Pas-de-Calais, la baronne de Draeck, qui purgeait le pays de Brédenarde de 680 loups, tandis que les patriotes faisaient monter sa famille sur l'échafaud ! A Rouen, le colonel Thornton rencontra un autre fameux louvetier, le marquis du Hallay, qui, arrêté pendant la Terreur, avait été mis en liberté sur les instances des habitants de son département réclamant son secours contre les loups devenus nuisibles pendant sa captivité.

Quoique l'on fût au mois de juin, le marquis d'Hallay, le général Ruffin, qui s'était distingué à Marengo, le colonel Marigny, commandant du 25e dragons, et un Anglais habitant Rouen, M. Morris, organisèrent une chasse au loup ; voici l'appréciation d'un critique aussi compétent que le colonel Thornton sur la façon dont les Rouennais entendent la chasse :

"Je m'apercevais que les messieurs de Rouen comme, du reste, les Normands en général, se piquent de leurs connaissances dans toutes les branches de la chasse, et regardent avec un certain mépris les sportsmen des autres parties de la France. La Normandie a toujours été renommée pour sa race de chevaux, car ses pâturages sont d'une richesse telle que, d'après un dicton local, un manche de balai, laissé dans une prairie la nuit, sera à peine visible le lendemain matin. Pour ce qui concernait mes compagnons, j'étais à même, au bout de quelques heures, de faire la comparaison entre les chasseurs français et anglais. Je voyais que les premiers avaient les mêmes idées, la même ardeur et la même franchise qui caractérisent nos sportsmen du Yorkshire. Mais pour ce qui touche à la science de la chasse, ils nous laissent très loin en arrière, car, tandis que les bois que fréquentent nos renards ne sont que de cinq à quinze hectares, il y a ici des forêts de quatre, voire même de six mille hectares."

Après un séjour de quelques jours à Rouen, le colonel Thornton continue son voyage jusqu'à Evreux. Il note, en passant, que l'ancien évêque de cette ville, devenu plus tard archevêque de Toulouse et de Narbonne, est actuellement à Londres, parmi le clergé qui a dû émigrer, et qu'il touche une somme de 15 livres par mois du gouvernement, sans compter ce qu'il reçoit de son neveu, lord Dillon. Ce prélat était un sportsman fort distingué au temps de sa prospérité, et a encouru, à cause de cela, les reproches des dévots qui étaient d'avis qu'un évêque doit s'abstenir des plaisirs de la chasse.

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Le colonel Thornton ne voulut pas quitter les environs d'Evreux sans avoir visité le château de Navarre, dont le propriétaire, le jeune prince de Bouillon, était alors capitaine dans la marine anglaise, et il fut très frappé par la splendeur de l'entrée ; mais il ajoute que "le château lui-même est plutôt vaste qu'il n'est confortable". Il s'étonne de voir dans le parc tant de maisons de ferme qui obstruent la vue. Il y a beaucoup de cascades et de jets d'eau, dont l'entretien coûte plus de 7.000 francs par an ; mais il les trouve plutôt mesquins, et il lui semble que dans l'art de disposer les jardins pour produire le meilleur effet possible, les Français sont inférieurs aux Anglais. "Il y a trop de formalité et la nature est trop assujettie à l'art."

D'Évreux, le colonel Thornton se rendit à Paris, mais en s'arrêtant d'abord à Saint-Germain et puis à Versailles qu'il décrit très minutieusement ; mais il paraît, en sa qualité de sportsman, avoir été encore plus attiré par la fameuse fabrique d'armes dans la ville de Louis XIV que par le palais lui-même. Il ne voulait pas croire qu'un fusil de chasse pouvait atteindre le prix de 50.000 francs, mais on lui en montra plusieurs commandés par le Premier Consul pour donner aux princes étrangers, et il dut s'incliner devant les affirmations très positives de M. Bouté, le directeur de la fabrique, qui lui en fit les honneurs. Le colonel Thornton montra à M. Bouté une paire de pistolets anglais qu'il avait apportés avec lui comme cadeau au Premier Consul ; ensuite eut lieu un essai de tir entre les fusils du colonel et ceux de la fabrique - essai auquel présida le général Beaumont. Cet essai fut favorable aux fusils anglais, et le colonel Thornton partit, tout joyeux, pour Paris, muni d'une lettre de recommandation du général Beaumont pour le général Duroc, gouverneur des Tuileries. Grâce à cette lettre, il fut présenté en bonne et due forme au Premier Consul et lui fit hommage de ses pistolets.

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Voici comment il raconte sa présentation à Napoléon :

"Après avoir salué les ambassadeurs, le Premier Consul fit le tour du cercle, et lorsqu'il arriva devant les Anglais, dont la plupart portaient des uniformes militaires ou marins, il s'adressa tout particulièrement à ceux qui avaient été en Égypte. Quand mon tour était venu, il remarqua mon médaillon et me demanda ce que cela signifiait. Je lui répondis que la légende était le "Triomphe de la Vérité" et que le médaillon m'avait été présenté par les soldats du régiment de la milice de York dont j'étais le colonel. Il me répondit, avec beaucoup d'animation : "Colonel, j'admire de pareils hommes", et, se retournant vers le consul d'Angleterre, il ajouta : "Monsieur, veuillez faire savoir à vos compatriotes que j'estime très fort leur nation".

Pour ce qui concerne la personne de Bonaparte, il est de cinq pieds, trois pouces en hauteur, bien proportionné, mais un peu voûté. Il est très mat de teint, avec des cheveux châtains et des yeux un peu terreux, ce qui indique la pression constante des affaires publiques sur son esprit. Mais sa figure, que j'ai pu examiner à loisir, est très animée ; il est fort vif dans ses mouvements et tout en lui dénote une grande énergie."

C'est ainsi que chassant et festoyant dans les châteaux où il est admirablement accueilli, le colonel arrive à petites journées à Paris. Il fait une description fort intéressante de la capitale, où il retrouve à chaque pas les traces de la tourmente révolutionnaire. Bonaparte, ayant compris tout le parti qu'il y avait à tirer de la résolution de ce riche Anglais, de transporter son établissement en France, donne ordre aux ministres de favoriser les acquisitions de propriétés qu'il voudra faire. Le colonel obtient donc l'autorisation de parcourir la France en chassant dans les domaines nationaux et il se dirige en Touraine, où perdreaux rouge, chevreuils, loups et sangliers tombent sous le plomb des fusils à vent, des carabines à un et à plusieurs coups dont il a emporté tout un attirail. De la Touraine, il remonte dans l'Est, traverse la Champagne et visite certaines provinces allemandes, alors françaises, puis revient à Paris, et consacre un long examen à Chantilly avant de retourner voir la fameuse résidence du marquis de Choiseul, Chanteloup, qui le tente particulièrement.

Le colonel avait visité Chantilly avant la Révolution et il avait conservé des notes bien curieuses relevées sur le livre de chasse des Condé. De 1748 à 1779, près d'un million de pièces avaient été abattues, se décomposant ainsi : lapins 587.580 ; perdreaux 117.574 ; faisans 85.193 ; lièvres 77.750 ; cailles 20.144 ; perdreaux rouges 12.426 ; cerfs et daims 10.158 ; sangliers 1.942, etc., etc. On pense si le colonel trouva des changements dans ce fameux rendez-vous de chasse, et il constate partout, d'ailleurs, les ravages faits par les braconniers qui, dans certains endroits, ont complètement anéanti la faune sauvage, si bien qu'à certain passage de son journal, le voyageur note la rencontre de deux oisillons comme un phénomène tout à fait extraordinaire.

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La bonne humeur et l'entrain qui règnent dans toute cette correspondance cynégétique, où la chasse n'occupe pas cependant la première place, sont choses tout à fait plaisantes. Ce brave Anglais est un bon vivant dans toute la force du terme, et fait preuve d'un excellent estomac qui ne manque pas une occasion de faire honneur à nos vins de Champagne ; il déguste en fin connaisseur les crus spéciaux des pays qu'il traverse, et constate à propos l'excellence de notre gibier et la finesse de nos poissons. Il donne ses impressions au naturel et sans souci de passer à la postérité, et l'on regrette qu'il n'esquisse qu'au courant de la plume les portraits des grands personnages qu'il a eu l'occasion de fréquenter, le Premier Consul, le général Moreau, le général Mortier, Duroc, Créter le conseiller d'Etat directeur des travaux publics, M. de Luçay le préfet du palais, alors possesseur du beau domaine de Valençay, que devait acquérir plus tard le prince de Talleyrand. Ses petits tableaux de genre sont enlevés avec un esprit et une touche d'humour qui rappelle le voyage sentimental de Sterné. Y a-t-il rien de plus piquant que le portrait suivant qu'il trace d'un de ses postillons :

"Notre postillon, septuagénaire d'une taille gigantesque (6 pieds 2 pouces), portait une veste noire, un gilet rouge, une culotte verte et des guêtres qui avaient la prétention d'être blanches ; son chapeau haut de forme et à larges bords brillait d'un éclat surprenant, dont on cessait de s'étonner lorsqu'en regardant ce meuble de plus près, on s'apercevait qu'il était en fer-blanc, et que les rubans dont il était orné étaient en métal. Son fouet avait bien 3 mètres de long. Je causai quelques instants avec cet étrange type, qui ne me parut manquer ni de bon sens, ni de politesse. Après être resté plusieurs années au service, il était allé en Amérique, mais il préférait à tout le clocher de son village. Il nous affirma que son chapeau était aussi précieux pour garantir de la pluie que des rayons du soleil, mais que vu sa rigidité, il était obligé de se l'attacher sous le menton par une gourmette pour qu'il ne fut pas emporté par le vent. Il déclara en outre qu'il avait été bien résolu à ne jamais se séparer d'un ornement aussi confortable, mais que, du moment que Mme Thornton lui avait fait l'honneur de l'admirer, il ne pouvait faire moins que de le lui offrir, ajoutant avec une galanterie toute française, qu'un si joli chapeau siérait admirablement à une aussi jolie femme, et ce disant, sa physionomie s'éclaira d'un sourire qui le rajeunit de cinquante ans."

Inutile de dire que Mme Thornton se fit un scrupule d'accepter l'offre aimable de son automédon qui un peu plus loin interpellé par le colonel sur les causes d'un arrêt brusque de l'équipage, répond avec un flegme imperturbable : "Ce n'est rien, Monseigneur, je vais seulement lâcher de l'eau." Comme il n'y avait pas à discuter, ajoute le colonel Thornton, je me bornai à le prier, s'il éprouvait encore quelque besoin du même genre, à m'avertir en temps utile, ce à quoi, il répondit avec le même calme : "Oui, Monseigneur !"

La rupture de la Paix d'Amiens vint empêcher la réalisation des projets du colonel, mais il retourna en Angleterre emportant de ce voyage une telle admiration pour notre pays, qu'après la chute de l'Empire, il revint s'y fixer. Il loua alors le domaine de Chambord à la princesse de Wagram, et fit meubler tant bien que mal le pavillon de l'Horloge du château, où il s'établit, dit un historien de la demeure de la demeure royale, avec une jeune dame qui n'était pas de sa famille, mais qui eut la bonté de venir faire les honneurs de sa maison. Merle raconte qu'on recevait alors nombreuse compagnie de joyeux compagnons chez le colonel, et qu'une partie de la nuit se passait à sabler le claret et le bourgogne, le porto et le sherry, aux refrains chantés à pleine gorge du God save the King ou du Rule Britannia.

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Tableau de Philip Reinagle

Le colonel Thornton ne séjourna guère plus de deux ans à Chambord ; après avoir résilié son bail dont il ne remplissait pas les conditions, il se retira au château, ou du moins à ce qui restait du château de Pont-le-Roi, que Madame Mère avait habité jusqu'en 1814, et que les troupes du prince Royal de Wurtemberg venaient de piller et de dévaster. Le colonel acheta ce qui en restait en 1817, et le revendit en 1821 à M. Casimir Perier père, premier de la génération d'hommes d'état qui était encore hier au pouvoir, et dont la famille possède toujours ce domaine.

C'est de là que notre colonel écrivait en 1821 à un de ses amis, pour démentir le bruit de sa mort, qui avait couru en Angleterre : "Mon brave confrère en saint Hubert, c'est aujourd'hui le jour de Noël et, depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours consacré cette fête à la joie et à l'hospitalité, m'efforçant de rendre heureux tous ceux qui m'entourent dans la limite des moyens que Dieu m'a départis. Quand je ne souffre pas, nul ne peut supporter plus allègrement le poids des ans ; malheureusement, les genoux et les pieds ne sont plus bien solides. L'estomac est invincible ; j'ai toujours bon appétit ; je mange trois fois par jour ; thé, grillades et boeuf salé à neuf heures du matin ; à deux heures, volaille ou gibier rôti et une bouteille du meilleure vin blanc de Bourgogne. Je dîne à cinq heures et je termine le repas par une bouteille de vin et deux ou trois verres de grog léger ; puis je me couche et je dors mieux que je n'ai jamais dormi de ma vie. Voilà qui n'est pas mal, direz-vous, pour un homme mort ! Je me lève à huit heures pour recommencer. Mon sommeil n'est troublé que par les rêves les plus agréables. J'attends du sanglier dont notre ami B... aura sa part. Dites aux journaux qui font courir le bruit de ma mort, qu'hier j'ai donné à dîner à une douzaine de veneurs. Boeuf rôti, plum-pudding, pâté d'oie pour menu. Nous sommes restés à table à chanter jusqu'à deux heures et à minuit nous avions fait venir deux volailles rôties, et transformé en punch une bouteille de vieux rhum. Personne n'est resté sous la table et je me lève ce matin mieux dispos que jamais."

Une partie des lettres que le colonel Thornton écrivit à ses amis d'Angleterre, pendant cette seconde résidence en France, a été acquise par M. Amédée Pichot, directeur de la Revue Britannique, mais la publication que notre confrère a entreprise dans ce recueil des lettres au comte de Darlington, n'embrasse que le voyage en 1802, sous le Consulat. M. Pichot a ajouté beaucoup de notes intéressantes sur les différentes résidences que visita le colonel et sur les personnes qu'il fréquenta. Plusieurs faits curieux sont signalés. Ainsi il paraît que le gigantesque bois de cerf sur lequel le colonel s'enthousiasme à Amboise, avait été exécuté en noyer par ordre de Charles VIII, et qu'en 1871, les Allemands le chargèrent dans leurs fourgons, mais il fut brisé en plusieurs morceaux pendant le trajet d'Amboise à Blois.

Le colonel Thornton mourut à Paris, le 10 mars 1823, âgé de soixante-quinze ans, dans l'appartement qu'il occupait alors rue de la Paix. Grand amateur de Beaux-Arts, ce grand original avait réuni dans sa résidence en Angleterre, une très remarquable collection de tableaux qu'il commandait aux peintres en renom de son époque. C'est lui-même, en ses fonctions de maître d'équipage, appuyant ses chiens, qui est représenté sur le cheval blanc, dans le tableau de Reinagle.

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Thornton était marié deux fois. Sa première femme, dont le nom de jeune fille est introuvable, était une experte équestre, et son mari pariait sur son succès face à des concurrents masculins ( Annual Reg . 1805, p. 412). Devenu veuf, il épousa à Lambeth, en 1806, Eliza Cawston, de Mundon, dans l’Essex, dont il eut un fils, William Thomas, né à Londres en 1807. Par un testament signé à Londres en 1818, il légua presque tous ses biens à Thornvillia Diana Thornton, sa fille illégitime, âgée de dix-sept ans, de Priscilla Duins, une Anglaise de faible naissance. La veuve a contesté le testament au nom de son fils et la cour de prérogative ainsi que les tribunaux français se sont prononcés contre sa validité (voir Moniteur, 1823 et 1826) (Wikisource)

 

Fauconnier - Le Chenil : journal des chasseurs et des éleveurs - 14 juin 1894

Le Figaro, supplément littéraire du dimanche 19 août 1893

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