ANGERS (49) PARIS (75) - FRANÇOIS-CHARLES COQUEREAU DU BOISBERNIER (1729 - 1793)
COQUEREAU DU BOISBERNIER, GUILLOTINÉ A PARIS (1729 - 1793)
François-Charles Coquereau du Boisbernier, écuyer, seigneur de Seillons et de la Forestrie, naquit à Angers, paroisse Sainte-Croix, le 2 octobre 1729. Il était fils de François-Charles Coquereau, écuyer, sieur du Boisbernier, avocat du roi en la sénéchaussée et siège présidial d'Angers, et de Marie-Renée Poulain de Cintré.
Le 20 août 1759, il épousa, dans la chapelle du château du Boisbernier, paroisse de Noëllet, sa cousine germaine, Marie-Anne-Françoise-Perrine Coquereau du Boisbernier, fille de Jean Coquereau, chevalier, seigneur du Boisbernier, de l'Asnerie et autres lieux, et d'Anne Ménage.
Après avoir été officier du régiment de Vermandois infanterie, il demeurait à Angers, rue Boisnet, quand éclata la Révolution.
Emprisonné comme suspect au château d'Angers, le 17 mars 1793, il fut transféré le 22 mars au Petit Séminaire et mis en liberté le 20 mai. Pendant le séjour que fit à Angers l'armée catholique et royale de la Vendée (17-25 juin 1793), il se trouvait en cette ville. Retiré le 2 juillet à Savennières, dans son château de la Forestrie, nous le voyons recevoir à sa table, le 8 juillet, MM. Royné, curé de Congrier, et Peltier, curé de Sceaux-d'Anjou, que les Vendéens avaient fait sortir de prison le 17 juin.
Le 9 juillet, des militaires du 6e bataillon du Nord requis par le général Fabrefonds, vont perquisitionner rue Boisnet. Ils y trouvent Mme Coquereau du Boisbernier, qui vient de recevoir de son mari une lettre l'invitant à venir à Savennières : "Ne laisse rien à Angers et t'en viens ici. Amène avec toi Mme la prieure de Sainte-Catherine. Nous nous cacherons dans les bois." Ils découvrent également une lettre de 1791 écrite par l'abbé Chauvelier, vicaire à Noëllet, qui remercie de la chambre offerte au château du Boisbernier, une autre envoyée d'Espagne le 10 décembre 1792 par le curé de la Jaille-Yvon, et enfin une dernière lettre datée du 27 juin 1793 et écrite par Bazin, procureur de la commune de Noëllet : "J'ai reçu le papier que vous m'avez envoyé ; je l'ai lu plusieurs fois ; je trouve que cela fera plutôt notre bonheur que toutes les choses qu'on nous demandait. Vous savez que je ne me suis mis de la municipalité que pour vos intérêts."
Le même jour, la cuisinière comparaît devant le Comité révolutionnaire d'Angers : "Quelle cause à fait renfermer (en mars 1793) Coquereau dit Boisbernier ? On l'accusait alors d'avoir reçu des prêtres non assermentés. Quand est-il sorti de prison ? Il y a environ deux mois. Où était-il pendant le séjour des rebelles ? Il était resté chez lui. Quelles personnes recevait-il ordinairement chez lui ? Il voyait des nobles et des prêtres non assermentés. Quel prêtre a-t-il recelé chez lui ? Le nommé Oger, curé de la Jaille-Yvon. Où est ce prêtre ? En Espagne, où il a passé depuis longtemps. Quand Coquereau est-il sorti d'Angers et pour quelle raison ? Il est parti il y a aujourd'hui huit jours pour sa maison de Savennières."
Aussitôt on mande François-Charles Coquereau du Boisbernier, qui, le 10 juillet, est interrogé par le Comité révolutionnaire :
Interrogé de dire pourquoi il a écrit à sa femme de venir se cacher avec lui dans les bois. A répondu que c'était pour éviter d'être arrêté, attendu qu'il l'avait été une première fois.
A lui demandé pourquoi on trouve dans ses poches un imprimé portant pour titre : Hymne en l'honneur des glorieux défenseurs de la patrie, qualifiés de brigands. A répondu que comme ces imprimés se vendaient publiquement, il en a acheté un.
A lui demandé pourquoi il a correspondance avec le nommé Bazin, procureur de la commune de Noëllet, qui paraît être mauvais citoyen, et quel est l'écrit dont Bazin lui accuse réception et qu'il croit devoir faire notre bonheur plutôt que toute autre chose. A répondu que Bazin était chargé de ses affaires à Noëllet et que l'écrit qu'il lui avait envoyé était une proclamation faite par les brigands.
A lui demandé pourquoi il envoie de semblables écrits à un procureur de la commune. A répondu que c'était pour qu'il en prit lecture.
A lui demandé pourquoi il colporte des écrits contre toutes les lois. A répondu que cet écrit était public.
A lui demandé s'il reconnaît comme loi ce qui est fait par les brigands. A répondu que oui et que dans le moment il était obligé de leur obéir.
A lui demandé pourquoi il entretient correspondance avec le nommé Chauvelier, vicaire non assermenté et fanatique d'après la lettre qui est en nos mains, comme aussi pourquoi il lui avait offert sa chambre. A répondu qu'il ne lui avait pas demandé la lettre qu'il avait écrite, et qu'à cette époque il était permis de les loger (les prêtres insermentés).
A lui demandé qui l'avait forcé à prendre la cocarde blanche. A répondu personne, et qu'il l'avait portée pendant deux jours à l'exemble de plusieurs autres et a signé Du Boisbernier.
A lui demandé pourquoi il fait précéder son nom du mot "du" et pourquoi il signe un nom qui est un nom de terre et prohibé par les lois. A répondu parce qu'il a toujours signé de même et que la noblesse n'était pas une chose défendue, et a signé Coquereau Boisbernier.
A l'issue de l'interrogatoire, l'inculpé est emprisonné et sa femme mise en état d'arrestation dans son domicile. Dès le 13 juillet, il subit un second interrogatoire de la part de la Commission Militaire :
Interrogé sur ses prénoms, nom, profession, âge et demeure. A répondu qu'il s'appelle François-Charles Coquereau Boisbernier, âgé de 64 ans, sans profession, gentilhomme, demeurant ville d'Angers, rue Boisnet.
A lui demandé pourquoi il s'est caché dans les bois. A répondu qu'il ne s'est point caché et qu'il était chez lui.
A lui observé qu'il est en contradiction avec ce qu'il a dit dans son précédent interrogatoire, puisqu'il a déclaré s'être caché dans les bois et qu'aujourd'hui il nous dit le contraire. A répondu qu'il ne s'est point caché.
A lui observé qu'il ne nous dit point la vérité, puisque dans une de ses lettres à son épouse il lui marquait de venir se cacher dans les bois. A répondu qu'il n'était pas caché, et que ce n'était que pour éviter la persécution et la tyrannie qu'il engageait son épouse à se cacher avec lui dans les bois.
Interrogé pourquoi on a trouvé dans ses poches un imprimé ayant pour titre : Hymne en l'honneur des vrais défenseurs de la patrie, qualifiés de brigands. A répondu qu'il l'avait acheté et qu'on le vendait publiquement dans les rues.
A lui demandé s'il n'a pas envoyé la proclamation faite par les brigands à quelques personnes de sa connaissance. A répondu l'avoir envoyée à son homme d'affaires, parce qu'alors elle était permise.
A lui demandé pourquoi il dit qu'elle était permise dans ce temps-là. A répondu que c'est parce qu'on la vendait publiquement et qu'il faut obéir au plus fort.
A lui demandé s'il n'a pas eu des correspondances avec les émigrés et les prêtres non assermentés. A répondu que non, mais qu'il a secouru les prêtres non assermentés parce qu'ils étaient dans le besoin et qu'il ne refuse la charité à personne.
A lui demandé dans quelle intention il avait une correspondance avec un nommé Oger, prêtre réfugié en Espagne. A répondu qu'il n'avait point eu de correspondance avec les prêtres exportés, qu'au surplus la lettre d'Oger n'avait rien contre la nation.
A lui demandé s'il a prêté le serment civique demandé par les représentants du peuple français. A répondu que non, et qu'on ne le lui a pas demandé, n'ayant jamais rien dit contre la nation.
A lui demandé s'il a pris la cocarde blanche. A répondu que oui et qu'il l'a portée pendant deux jours, ne se faisant pas plus prier pour la cocarde blanche que pour celle tricolore.
A lui demandé à quelle époque il a pris la cocarde blanche. A répondu que c'est à l'entrée de l'armée catholique dans la ville d'Angers.
A lui demandé s'il a été forcé de la prendre. A répondu qu'il l'a prise comme les autres.
Interpellé de nous déclarer par oui ou non sur le fait dont il est interrogé. A répondu qu'il n'a pas été forcé de prendre la cocarde blanche.
A lui demandé de qui il redoutait les persécutions et des tyrannies. A répondu vaguement, en disant qu'il avait été mis en arrestation sans savoir pourquoi.
A lui demandé s'il reconnaît pour loi ce qui a été fait par les brigands. A répondu que non, mais que dans ce temps il l'a reconnu.
A lui demandé pourquoi il se qualifie d'un surnom et signe Coquereau du Boisbernier, puisque la Convention l'a défendu par une loi. A répondu que c'est par habitude.
A lui demandé si pendant le séjour des brigands en cette ville il n'a pas eu des liaisons avec eux. A répondu que non.
A lui demandé quelles étaient ses relations avec un officier municipal de Noëllet et quel est son nom. A répondu qu'il s'appelle Bazin et qu'il n'a de liaisons avec lui que pour ses affaires, étant son homme d'affaires.
A lui observé qu'il ne nous dit pas la vérité, puisque par une lettre que lui écrit Bazin, ce dernier lui marque qu'il n'a accepté la place d'officier municipal que pour l'instruire de tout ce qui se passerait. A répondu que Bazin ne l'avait jamais instruit de ce qui se passait, excepté de ses affaires à lui répondant.
A lui observé qu'il est en contradiction avec lui-même, puisqu'il vient de nous dire qu'il n'avait d'autre correspondance avec Bazin que pour ses affaires particulières, tandis qu'il lui a envoyé la proclamation des brigands qui n'a aucune relation à des affaires particulières. A répondu que c'était pour l'instruire de ce qui se passait alors sans affectation ni dessein.
Le même jour 13 juillet, le prisonnier est renvoyé par la Commission Militaire devant le Tribunal Révolutionnaire de Paris, et aussitôt les représentants du peuple Louis Turreau, Bourbotte et Tallien arrêtent qu'il sera traduit à Paris.
Transféré à la Conciergerie, il est interrogé très sommairement le 19 juillet par le président du Tribunal Révolutionnaire, et le 22 juillet, Fouquier-Tinville dresse l'acte d'accusation que nous allons reproduire :
"François-Charles Coquereau-Boibernier, se disant ci-devant gentilhomme et demeurer à Angers, a été dans tous les temps ennemi juré de la Révolution. Sa maison était un réceptacle de contre-révolutionnaires, prêtres et femmes fanatiques. Il distribuait et colportait les écrits et proclamations des brigands révoltés contre la République, tendant à pervertir l'esprit public et à grossir le parti des révoltés. Lors de leur entrée à Angers, il a sur-le-champ et de son propre mouvement arboré la cocarde blanche et exécuté tout ce qui était prescrit par eux, qu'il regardait comme loi. Pendant leur séjour à Angers, il y est constamment resté et ne recevait chez lui que des ci-devant nobles et des prêtres réfractaires. Lorsqu'ils ont évacué cette ville, Coquereau s'est retiré et caché à la campagne, et a écrit à sa femme d'enlever ce qu'il avait de précieux chez lui, de venir se cacher avec lui et d'emmener avec elle une ci-devant religieuse. Il entretenait aussi des correspondances avec des prêtres déportés. Lors de son arrestation, il a été trouvé dans ses poches un imprimé ayant pour titre Hymne en l'honneur des glorieux défenseurs de la patrie, qualifiés de brigands par les oppresseurs de la France, chanté lors de leur entrée triomphante à Angers le 17 juin 1793, par un bon Français, prêtre persécuté pour sa foi et sa fidélité à son prince légitime, lequel écrit outrageant à la République, provoquant sa dissolution, le rétablissement de la royauté en France et les citoyens à s'armer les uns contre les autres pour allumer la guerre civile."
Le jugement qui le condamne à mort le 25 juillet ajoute : "Un exemplaire d'un écrit imprimé en huit pages in-8° ayant pour titre Hymne en l'honneur des glorieux défenseurs de la patrie qualifiés de brigands, commençant par ces mots : L'hymne qu'on va lire et finissant par ceux-ci : L'an premier du règne de Louis XVII, signé La Rochejaquelein, trouvé dans la poche de Coquereau, sera par l'exécuteur des jugements criminels lacéré et brûlé au pied de l'échafaud, sur la place de la Révolution."
C'est dans la soirée du même jour 25 juillet 1793 que François-Charles Coquereau du Boisbernier, "ci-devant gentilhomme et ancien officier du régiment de Vermandois infanterie", fut guillotiné sur l'ancienne place Louis XV, appelée alors place de la Révolution et aujourd'hui place de la Concorde. Le roi Louis XVI avait été exécuté sur la même place le 21 janvier précédent.
[Son défenseur se nommait Julienne]
L'Anjou Historique - Trente-septième année - Janvier 1937
Gazette des nouveaux tribunaux - volume 8 - 1793.
État-civil de Paris
AD49 - Registres paroissiaux de Noëllet.