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La Maraîchine Normande
17 août 2018

SALERS (15) - EMPRISONNEMENT DES FAMILLES NOBLES 1793 - 1794

EMPRISONNEMENT DES FAMILLES NOBLES DE SALERS
LEUR MISE EN LIBERTÉ
MME DE ROQUEMAUREL

La guerre à la noblesse était implacable. La Révolution chasse les nobles de toutes les charges et fonctions ; elle les force à quitter leurs demeures et leur patrie ; elle pille ou brûle leurs châteaux ; elle détruit leurs titres, elle s'empare de leurs biens et les vend ; elle impose à leurs familles l'équipement de deux militaires par chaque émigré. Est-ce assez ? Non. Elle déclare leurs familles suspectes et les fait emprisonner.

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A Salers, tous les membres de la noblesse, qui n'avaient pas émigré furent déclarés suspects et incarcérés, et c'est le registre des délibérations municipales lui-même qui le constate avec quelques autres documents. Ils furent d'abord consignés dans leurs propres maisons, puis enfermés dans les prisons du District.

Voici les noms des incarcérés que nous avons relevés : Mme de Bargues, mère, veuve, née de Pons-Lachau ; Antoine de Bargues, fils aîné, dont le frère cadet avait émigré ; Mme Antoine de Bargues, née de Lespinasse ; Marguerite de Bargues, soeur d'Antoine, veuve Laserre ; Thérèse de Bargues, dite Laborie, autre soeur d'Antoine ; Pierre Bertrandy-Barmonteil, allié à la famille de Bargues ; Mme Bertrandy-Barmonteil, née de Bargues ; François Bertrandy, avec son frère et ses deux soeurs, fils et filles de Bertrandy-Barmonteil ; Mme de Longevialle, née de Burc, mère de Sébastien de Longevialle ; Mme de Raffin, cadet, née Lescurier ; Louise-Hélène de Ferrière de Sauveboeuf, dite de Saint-Bonnet ; Gabrielle-Marguerite de Ferrière de Sauveboeuf, religieuse ; Léonarde de Ferrière de Sauveboeuf ; Mme la comtesse de Roquemaurel ; M. d'Olivier [ou Dolivier].

 

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Voici les arrêtés qui condamnent à la prison plusieurs des personnes que je viens de nommer :

"Aujourd'hui 18 avril 1793, l'an II de la république, maison commune de la ville de Salers, séant le conseil général, a été porté sur le bureau un paquet venant du District de Mauriac ; l'ayant ouvert, il s'y est trouvé copie de l'arrêté pris par le département du Cantal le 12 courant ; en ayant pris lecture, ouï le citoyen Basset, officier municipal, et considérant que l'arrêté du Directoire du département doit recevoir sa plus prompte exécution, que les prêtres ci-devant communalistes de cette ville n'ont point prêté le serment exigé par la loi du 15 août dernier et que conséquemment ils sont dans le cas de la déportation ... considérant que les pères, mères, femmes, enfants, frères et soeurs des émigrés et les hommes notoirement reconnus suspects doivent être provisoirement en état d'arrestation et consignés dans leurs maisons, et que suivant l'article 6 du même arrêté il doit être de suite fait une liste dans laquelle sont mis les noms de tous les parents des émigrés, de leurs agents d'affaire, domestiques des ci-devant nobles et privilégiés, des gens ayant possédé des charges lucratives de judicature et de finances et de tous les gens suspects, arrête :

1° Que Jean-Marie Tissandier, Paul Espinasse, prêtres ...

2+ Que le citoyen Antoine Chazette-Bargues ; Pons-Lachau, sa mère ; Chazette, veuve Laserre, Chazette fille, mère, frère et soeurs d'Antoine Chazette, émigré ; Pierre Bertrandy-Barmonteil, Barbe Chazette, son épouse ; François Bertrandy ; autre Bertrandy, son frère et leurs deux soeurs, père, mère, frères et soeurs de Bertrandy fils, émigré ; Marguerite Bardet, veuve Chevalier, mère de Jacques-Sébastien Chevalier Longevialle, émigré ; Marie-Elisabeth Lescurier, épouse Laraffinie, cadet, émigré, seront mis en arrestation et consignés dans leurs propres maisons ..."

Être consigné dans sa propre maison équivalait à la prison, car les portes étaient fermées ; les reclus ne pouvaient sortir ; ils étaient surveillés, gardés à vue, nuit et jour, pouvant à peine vaquer à leurs occupations intérieures. Ceux qui n'étaient pas consignés pouvaient seuls sortir de la maison et vaquer aux travaux extérieurs.
Les personnes que je viens de nommer restèrent dans cet état environ un an, depuis le mois d'avril 1793 jusqu'au 31 mars 1794, époque où elles furent transférées dans les prisons de Mauriac, comme le prouve l'arrêté suivant :

"Onze germinal, an II de la république (31 mars 1794), séant le conseil général de la commune et le comité de surveillance réunis. Un membre a dit qu'en conformité des décrets du 12 août et 17 septembre 1793 (v.S.) les pères, mères, femmes, enfants, frères et soeurs des émigrés et autres personnes suspectes seraient mis en arrestation et transférés dans les bâtiments nationaux désignés par les administrateurs, qu'il y a dans cette commune Pierre Bertrandy ; la Chazette, son épouse ; leurs enfants, père, mère, frères et soeurs d'Antoine Bertrandy, émigré ; Marguerite Bardet, veuve Chevalier, mère de Jacques-Sébastien Longevialle, émigré ; la Espinasse, femme Chazette ; la Chazette, veuve Laserre et la Chazette-Laborie, soeurs et belles-soeurs d'Antoine Chazette émigré, et que, d'après l'article 2 dudit décret, les ci-dessus nommés sont réputés gens suspects, il a requis l'assemblée à délibérer.

Sur quoi, le citoyen Basset, officier municipal, pour l'agent national malade, entendus le conseil général et comité de surveillance réunis, arrêtent qu'en exécution desdits décrets Pierre-Bertrandy ; la Chazette sa femme, leurs enfants ; ladite Bardet, veuve Chevalier ; la Espinasse, femme Chazette ; la Chazette veuve Laserre et la Chazette-Laborie, seront conduits dans la maison de réclusion du District de Mauriac par un détachement de la garde nationale et ont signé : Rongier, maire ; Peuch. Veschembres ..."

Dans ses arrêtés, il n'est pas fait mention des dames de Sauveboeuf, de La Ronade et de Roquemaurel ; il est pourtant évident qu'elles furent impitoyablement jetées en prison. Mme de La Ronade et Mme de Roquemaurel surtout furent longtemps visées, surveillées par Salsac. Enfin, arrêtées, elles furent conduites à Aurillac.

Le départ de Salers de la comtesse de Roquemaurel fut on ne peut plus émouvant. Quand elle monta sur la fatale voiture, escortée de gendarmes, la foule accourut triste et émue. M. Vergne, de Salers, présenta à la prisonnière une somme de six cents francs de la part de Mme Chazette de Bargues. - "Merci, mon ami, répondit Mme de Roquemaurel, je ne les prends pas ; ceux qui veulent ma tête paieront bien le bourreau." Tout le monde pleurait.

Un arrêté du Comité de sûreté générale du 14 messidor an II (2 juillet 1794) ordonna que Mme de Roquemaurel et Mme de La Ronade seraient envoyées au tribunal révolutionnaire de Paris, avec onze personnes parmi lesquelles étaient d'Olivier, de Salers ; le comte de Sartiges ; la marquise de Fontanges, de Velzic ; M. de Faussange, ancien procureur du roi à Aurillac ; M. Decours ; M. Falvelly, prêtre ; M. Largueze, médecin.

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On revint sur cette décision à l'égard de Mme de La Ronade, mais les autres furent emmenés à Paris de brigade en brigade ; heureusement quand ils arrivèrent à Paris, Robespierre venait de porter sa tête sur l'échafaud, c'est ce qui les sauva.

Mme de Roquemaurel mourut plus tard à Paris auprès de M. d'Auzers.

Les prisonniers de Salers n'obtinrent leur liberté qu'à la fin de l'année 1794, après avoir produit un certificat de civisme que la commune de Salers leur donna et que voici :

"Séance du 18 brumaire, an III (8 novembre 1794) un membre a fait la lecture d'une lettre adressée à la municipalité de Salers par l'Espinasse, femme Chazette détenue dans la maison de réclusion à Mauriac en date du décady dernier, par laquelle ladite Espinasse demande un certificat pour elle, pour Antoine Chazette son mari ; Anne Pons, veuve Chazette ; Marguerite Chazette, veuve Laserre, et Thérèse Chazette fille, qu'ils ont été depuis 1789 soumis aux lois, qu'ils n'ont point troublé l'ordre public, qu'ils ont secouru les pauvres, qu'ils ont contribué pour les gratifications des volontaires, qu'Antoine Chazette invita même son neveu Bertrandy à s'inscrire pour aller dans la Lozère lors des troubles de mai 1793 et qu'Antoine Chazette, cadet émigré, qui servait dans les armées depuis plus de vingt ans, passait quelquefois quatre à cinq ans sans venir les voir. Sur lesquelles propositions le conseil après avoir délibéré sur chacun des réclamants, ouï l'agent national, attendu qu'il est de la connaissance du conseil que ladite Anne Pons, veuve Chazette ; Marguerite Chazette, veuve Laserre ; Thérèse Chazette, fille ; Antoine Chazette aîné et l'ESpinasse femme dudit Antoine Chazette, n'ont jamais troublé l'ordre public, qu'ils ont secouru les pauvres, contribué à la gratification des défenseurs de la patrie, certifie et atteste lesdits faits à tous ceux à qui il appartiendra et attendu que le conseil ne faisait pas attention aux époques d'arrivée et de départ dudit Chazette cadet, déclare qu'il n'y a lieu à délibérer à son sujet ..."

Même certificat est accordé à Isabeau Lescurier, femme divorcée de Jean-Marie Raffin cadet, et à Louise Ferrière, dite du Puy-d'Arnac, fille habitante de cette commune, détenue dans la maison de réclusion à Mauriac.

Ces pétitions et ces certificats de civisme firent impression sur Musset, représentant, envoyé dans le Cantal, qui ordonna la mise en liberté des prisonniers par l'arrêté suivant, en date du 28 brumaire an III (18 novembre 1794).

"Mort aux tyrans ... Le représentant du peuple, Musset, envoyé dans les départements du Puy-de-Dôme, Corrèze, Cantal, Nièvre, pressé par des pétitions multipliées de prononcer sur les détenus du District de Mauriac voulant leur appliquer les dispositions de la loi du 17 septembre (v.s.) et faire jouir des exceptions ceux qui peuvent y avoir droit, sur l'avis du Comité révolutionnaire du District de Mauriac et d'après le voeu du peuple consulté dans la société populaire sur chacun des ci-dessous nommés, arrête ce qui suit :

Art. I - Pierre Rolland ; Elisabeth Lescurier-Fournol, femme divorcée Raffin ; Louise Ferrière ; Lescurier, de Salers ; Espinasse, femme Chazette ; seront mis en liberté et ladite Fournol, femme Raffin, sera sous la surveillance immédiate de la municipalité.

Art. II - Pierre Bertrandy, sa femme et sa famille ; Anne Pons, veuve Chazette, et sa famille seront mis en arrestation dans leur commune respective sous la surveillance des autorités ...

Art. VI - Les agents nationaux des communes où se trouve des individus en arrestation, sont spécialement chargés de les surveiller et d'informer, chaque décade, le Comité révolutionnaire de la conduite de chacun d'eux ...
Signé : Musset."

Dans cet arrêté de Musset, il n'est pas fait mention de Léonarde de Ferrière de Sauveboeuf incarcérée elle aussi. Elle fut mise en liberté, mais plus tard.

"Séance du 27 germinal an III (16 avril 1795) ... Il a été fait lecture d'une pétition de la citoyenne Léonarde Ferrière-Sauveboeuf, détenue en état d'arrestation sous la surveillance de cette municipalité et tendante à obtenir l'agrément de se rendre à Salers pour y passer quelque temps en famille auprès d'un frère qu'elle n'a pas vu depuis le commencement de la Révolution.

Le conseil, considérant qu'une pareille autorisation excède sa compétence et paraît réservée à l'administration du District, mais, n'ayant pour son compte aucune objection à faire contre elle, ouï l'agent national, estime qu'il n'y a pas d'inconvénient à accorder à la pétitionnaire l'agrément qu'elle sollicite et la délaisser à se pourvoir, à cet égard, par devant l'administration du District ..."

Grâce à l'arrêté de Musset, les prisonniers de Salers obtinrent leur mise en liberté ; il est vrai que quelques-uns durent subir encore quelque temps la surveillance des autorités administratives ; mais ils purent du moins jouir d'une liberté relative.

Pendant le reste de la Révolution, la noblesse de Salers eut encore beaucoup à souffrir ; les émigrés rentrèrent, mais ils trouvèrent leurs biens en partie vendus, leurs maisons dévalisées, leurs familles dispersées. Ruinés pour la plupart, ils disparurent eux-mêmes les uns emportés par la mort, les autres allant chercher ailleurs un asile sous un ciel plus doux. Une seule famille noble existait encore à Salers, la famille de Raffin, possédant la belle maison de la Jourdanie (ou Jordanie), à cent mètres de la ville, près la chapelle de Notre-Dame de Lorette.

château de la Jordanie z

 


Histoire de la révolution en Auvergne - Tome 4 - Jean-Baptiste Serres - 1895

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