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La Maraîchine Normande
5 août 2018

YOLET (15) - LES PRÉDICTIONS DU FRÈRE JEAN DE LA ROQUETAILLADE (JOHANNES DE RUPESCISSA) (1310 ? - 1366 ?)

ROQUETAILLADE z

Johannes de Rupescissa, cordelier au couvent d'Aurillac, orpailleur, alchimiste et prophète.

 

Le vieux chroniqueur Froissart, qui connut le frère Jean, le présente en ces termes :


En ce temps-là, y avait en la cité d'Avignon un frère mineur, plein de grande clergie et de grand entendement, lequel s'appelait frère JEAN DE LA ROQUETAILLADE, et que le pape Innocent VI faisait tenir en prison au château de Bagnoles, pour les grandes merveilles qu'il disait et devaient advenir mêmement et principalement sur les prélats et princes de la sainte Église, pour les superfluités et le grand orgueil qu'ils démènent, et aussi sur le royaume de France, et sur les grands de la chrétienté, pour les oppressions qu'ils font sur le menu peuple.

Quand on lui demandait compte de tels propos, frère Jean répondait avec aplomb qu'il avait trouvé tout cela dans l'Apocalypse de saint Jean, son patron. Le plus drôle, c'est que le bon Froissart, qui n'était peut-être pas très ferré sur les Écritures, en croyait, quand à lui, le moine sur parole car il ajoute dans sa délicieuse chronique :

Les preuves véritables dont il s'armait le sauvèrent de non être ars (c'est-à-dire d'être brûlé vif) plusieurs fois.

Non seulement le moine Jean prêchait en public les doctrines dont Froissart vient de nous donner un résumé, mais encore il n'hésitait pas à faire imprimer un livre : "Vade mecum in tribulatione" (Viens avec moi dans l'affliction), où se trouve une extraordinaire prophétie de la Révolution ; mais, vous allez vous en assurer, une prophétie qui ne laisse rien à désirer comme profusion et comme précision de détails.

J'emprunte au travail de M. de Lanoye la traduction de ce curieux morceau ; il ne saurait être trop répandu, trop offert à l'admiration et à la reconnaissance publiques ; Jean de La Roquetaillade s'écrie donc :

Aulcuns me disent : "Pourquoi vous limiter à un lustre ou deux, au lieu de pénétrer au-delà, pour nous faire connaître ce qui doit advenir longtemps après que nous serons trépassés et raidis ..." - D'autres m'accusent de peu de sapience, parce que j'hésite à m'enfoncer plus avant dans les choses futures. - Si je ne le fais, pauvres imprudents qui me blâmez, c'est à la seule fin de ne pas troubler la faiblesse de votre entendement, car vous pensez que ce qui est présentement éternellement sera ; les moines s'imaginent qu'ils prélèveront toujours la dîme sur les vilains, gent taillable et corvéable à merci - les baillis et les viguiers croyent qu'ils s'engraisseront toujours aux dépens des pauvres plaideurs.

Les bannerets et châtelains sont convaincus qu'ils jouiront à tout jamais des droits d'ost, de ban, champart, mainmorte, quint et requint, lods et censives, forage et pulvérage, et autres que je ne saurais énumérer - les gens d'armes, routiers, soudarts et malandrins pensent qu'ils pourront toujours vivre sur le commun, et manger les bonnes oies du manant. Mais si, non content de me tenir clos et emprisonné autour de l'an mil quatre centième, j'abordais les siècles les plus éloignés, vous seriez tous ébahis et tremblants.

Vous verriez la forme et la substance de toutes choses complètement changées ; non point en ce qu'on n'aura plus ni jaquettes, ni hernnins, ni sambucques pontificales ; non point en ce qu'on ne mangera plus de paons farcis, de héroneaux à la sauce et des poires à l'hypocras ; mais changées de telle sorte que rien n'en restera.

Les belles abbayes qui nourrissent l'orgueil de tant de religieux seront détruites ou habitées par les vilains, et les beaux ordres de la chrétienté finiront misérablement.

Les seigneurs qui possèdent aujourd'hui les droits de haute et de basse justice, de fourches et d'échelles, s'estimeront trop heureux s'ils peuvent sauver leur col de la hart. Quant aux maltotiers, ils verront pareillement leurs privilèges tomber, avec les droits d'aubaine, de régale et d'ébergement, de même les gens de métiers et de corporations verront disparaître leurs jurandes et maîtrises. Que dirai-je du roi, notre sire ? Sa couronne tombera, sera mise en lambeaux.


Maintenant que nous savons ce que prêchait le bon moine Jean, sous couleur de sermon, vous êtes moins surpris de l'avoir, avec Froissart, retrouvé reclus en Avignon, dans les prisons du Pape.

Il mourut, âgé de moins de cinquante ans, enfermé au fond de quelque "in pace" d'un couvent de Villefranche (Rhône).

Il était né à Yolet (Cantal), et longtemps, il avait supplié les autorités ecclésiastiques qu'on lui permit d'aller mourir dans son pays ; on s'y opposa toujours.

Mais, détail étrange au milieu de tant d'autres : la montagne natale lui suscita un vengeur ; quatre siècles en effet après la mort de Jean de La Roquetaillade, cette même commune Yolet, qui avait été le berceau du moine révolutionnaire, vit naître un enfant qui fut le conventionnel Carrier.

 

Poitiers-Blossacques - L'intransigeant - 17 juillet 1897

 

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