CHAMTOCEAUX (Près Ancenis - Loire-Inférieure) 21.8bre.1820

BARBOT

Monsieur,

Je viens de lire pour la première fois la Biographie des hommes vivants que vous avez imprimée au mois de 7bre 1816. Je n'ai pas été peu surpris de me voir figurer dans cet ouvrage avec qualifications infamantes. Voici l'article : tome 1er, page 197.

"Barbot (Jean-Jacques) habitant de Sallais dans le Département du Maine et Loire, fut en 1793 l'un des Chefs Royalistes du Canton du Coroux, puis Major de la Division de Scheton, et enfin Commandant des Chasseurs de Stofflet. Il dirigea en 1795 la troupe qui investit le Château de Souliers, où Marigny se trouva malade, et fit trainer ce malheureux Chef dans un champ voisin, où on le fusilla. Barbot se rangea ensuite ouvertement du Parti Républicain, et fut nommé adjoint de la Commune de St Sauveur de Laudemont, et ensuite Receveur des Contributions".

D. P.

Reprenons :

Barbot Jean-Jacques, habitant de Sallais, on a voulu dire, sans-doute, Jallais. Je n'ai jamais habité Jallais, la suite le prouvera ; fut en 1793 l'un des Chefs Royalistes du Canton du Coroux, dites du Loroux, à cette époque, c'étoit Monsieur Désigny qui commandoit ce poste, et qui a été guillotiné à Nantes en 1794 lors de notre retour du Mans. Moi , j'étois alors sous les ordres de M. De Bonchamp et ensuite Floriot, il est vrai que j'ai été nommé Chef de cette division au mois de juin 1794 ainsi que je peux le prouver par le Brevet que Stofflet m'a délivré et que j'ai en original sous les yeux. Et enfin, Commandant des Chasseurs de Stofflet, il dirigea en 1795 la troupe qui investit le Château de Souliers où Marigny se trouva malade, fit trainer ce malheureux Chef ...

Ici, il se trouve un anacronisme que je vais prouver par l'ouvrage même que vous avez imprimé. Lisez la page 305 1er tome, vous trouverez Bernard de Marigny, oncle du Général Vendéen qui périt en 1794, ce n'est donc pas en 1795.

Parcourons le détail de cette action : il est certain que c'est en 1794 que ce malheureux Marigny périt. J'ignore quel mois. Ce doit être juin. Très certainement je n'ai pas commandé cette action, il y avait même un obstacle invinsible : cette année 1794, je reçu au mois d'avril une balle dans le genou droit qui me retint couché jusqu'au mois de juin. Le Général Stofflet m'envoya le 1er de ce mois pour organiser et commander la Division du Loroux, à peine pouvois-je soutenir le cheval. Il m'auroit été impossible de parcourir tant de chemin, même à cheval, je prouverai à MM. D. et P. tout ce que je viens d'avancer par des pièces originales, s'ils l'exigent. Je n'étois donc pas Commandant des Chasseurs de Stofflet, et par suite ce n'est donc pas moi qui ai fait périr Marigny. D'un autre côté, en 1794, j'étois Major de la Division Chetou.

Barbot se rangea ensuite ouvertement du Parti Républicain - voilà ouvertement une calomnie atroce. Ceux qui me connoissent et qui ne m'ont pas perdu de vue depuis le commencement de la révolution, ne feront que rire de cette inculpation très vague. Non, Monsieur, jamais et très certainement jamais, je n'ai été un instant républicain. Dès 1792, je fus obligé de quitter ma maison pour cause d'aristocratie ; en 1793, la guerre pour le Roi s'étant allumée dans la Vendée, j'y passai et je n'ai cessé de me trouver à mon poste jusqu'aux 100 jours inclusivement, ainsi que je peux encore le prouver par le Brevet de Major Divisionnaire que m'a délivré le Général d'Autichamp. Sa Religion est assez connue pour n'être pas bien persuadé qu'il n'auroit jamais voulu confier un poste si important à un homme qui auroit été ouvertement républicain, on ne lui pardonneroit pas dans notre parti une erreur si grossière.

Maintenant, si on doit des égards aux vivants comme le porte l'épigraphe de l'ouvrage dont il est cas, je le demande à MM. D. et P. s'ils tiennent bien parole à mon égard. Ne suis-je pas en droit de vous demander leurs noms afin que je puisse répondre à leur inculpation déshonorante mais avant tout, à leur décharge que tout ce qu'ils ont avancé est vrai ; que Barbot habitant de Jallais, commandant la 1ère compagnie des Chasseurs de Stofflet en 1794 et 1795, a commandé ceux qui ont fait périr Marigny ; que Barbot a été accusé parmi nous dans les 100 jours et avant cette époque de républicanisme, pour avoir servi avec la gendarmerie et les gardes des Communes, que M. Barré notre Sous-Préfet (Beaupreaux) soldait pour combattre les déserteurs qui ne vouloient pas servir Bonaparte en 1812, mais ce Barbot et moi faisons deux individus, servant dans la même armée avec des grades bien différents, nous portons le même nom, sans être parents, au reste ce Barbot habite encore Jallais, et est assez galant-homme pour convenir qu'en toute sa conduite, il a agi par ordres supérieurs.

Mais, Monsieur, comment effacer les calomnies qui pèsent ici sur moi ? L'ouvrage que vous avez imprimé attestera à la postérité que j'ai agi avec cruauté et que, par une légèreté inconcevable, j'ai passé dans le parti que je n'ai cessé de combattre jusqu'à ce jour puisque ces Messieurs ont pris l'engagement d'avoir des égards aux vivants, moi je ne leur en demande point, mais je veux justice, et une justice authentique :

1° par la voie des journaux

2° par une réponse précise à cette lettre souscrite de ces Messieurs, auteurs de mon article.

C'est, sans doute, une méprise de nom, mais vous sentez que mon honneur est trop vivement attaqué pour que je reste tranquille sous une pareille inculpation.

J'ai l'honneur d'être,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur

BARBOT

Chevalier de Saint-Louis

Le Colonel Vendéen Retraité, Chevalier de Saint-Louis, soussigné, beau-frère de Jean-Jacques Barbot, se joint à celui-ci pour prier instamment M. L.G. Michaud, de vouloir bien faire ce que la probité de l'honneur exige en pareille circonstance.

Son très humble et très obéissant serviteur

Palierne

Ancenis le 24 Octobre 1820  (AD85 - 1 J 1982)

BARBOT SIGNATURE z