SOLDATS DES DEUX-SÈVRES AUX ARMÉES DE LA RÉPUBLIQUE


Le département des Deux-Sèvres eut à fournir, pour l'année 1791, un contingent de 574 hommes de troupe.

Au lieu d'un bataillon de 600 hommes, les commissaires du gouvernement reçurent, en 1792, l'inscription de 12.000 jeunes gens, ce qui montre le degré de l'enthousiasme révolutionnaire. Beaucoup de ces volontaires avaient exagéré leur âge pour pouvoir partir. On dut les renvoyer dans leurs foyers, "pour ne pas tarir, dans la nation, les sources de la richesse et de l'abondance".

Le premier bataillon des Deux-Sèvres se forma à Niort, et il fut passé en revue par Dumouriez, sur la place de la Brèche. Le général adressa aux jeunes soldats d'éloquentes paroles guerrières. L'élection des officiers du bataillon eut lieu ce même jour.

Jemmapes z


CHARLES ROUGET-LAFOSSE (*) fut nommé commandant du premier bataillon des Deux-Sèvres.

En 1792, ce bataillon combattit à Jemmapes. Charles Rouget-Lafosse, son commandant, y fut tué. Un autre Rouget portait le drapeau du bataillon sur ce champ de bataille. C'était un cousin du célèbre Rouget de l'Isle, l'auteur du "Chant de guerre pour l'armée du Rhin, La Marseillaise".

C'est le bataillon des Deux-Sèvres qui prit, le premier, possession des hauteurs du Bois-Bossu. On compta, après ce combat, quarante survivants.

Le 5 avril 1793, alors que le général Dumouriez passa à l'ennemi, la légion des Deux-Sèvres, tira sur son chef.

Les évènements avaient soulevé les énergies et le patriotisme de tous. "Aux armes, citoyens ! aux armes !" s'écriaient les envoyés du gouvernement dans le département des Deux-Sèvres, Xavier Audouin et Loyseau-Grand-Maison. "Ne soyez effrayés de rien ! Vos forces croîtront en proportion de vos dangers ! Le courage supplée à tout ! Confiance et surveillance !"

Les administrateurs du département lancèrent une proclamation : "La Nation, disaient-ils, en se levant tout entière, prouvera à l'univers qu'elle veut être libre. Aux armes, habitants des campagnes, levez-vous ! montrez-vous ! La victoire est à nous ! La liberté et la paix seront votre partage !"

Le rassemblement des citoyens se fit aux chefs-lieux des districts. Les bannières portaient l'inscription : "Le peuple français debout contre les tyrans !"

Il fallut fabriquer des souliers, de la poudre, mobiliser les richesses, réquisitionner le salpêtre des caves.

 

Voici quelques faits d'armes concernant des soldats des Deux-Sèvres, sous la Révolution :

LE FÉRON THÉOPHILE, lieutenant au 4e Bataillon des Fédérés, aussi distingué par ses talents militaires et sa valeur guerrière que par sa moralité et ses vertus, fut tué, le 12 septembre 1793, dans une sortie faite de la place de Bouchain, en chargeant l'ennemi et animant ses camarades par son exemple.

POINOT ANDRÉ, fusilier, 7e Compagnie du 1er Bataillon des Deux-Sèvres, tué au mois de juillet 1793 ; l'ennemi ayant fait sauter la mine sous les murs de Valenciennes, le brave Poinot vole à la brèche avec ses camarades pour opposer son corps à l'irruption des assiégeants qui s'y portaient en foule ; mais il est emporté par un boulet de canon.

BROTTIER JEAN, fusilier à la 1ère Compagnie du 1er Bataillon des Deux-Sèvres, tué le 7 mai 1793. Placé en sentinelle perdue, cet intrépide soldat soutint, seul, pendant quelque temps, contre une patrouille de douze Autrichiens, tira trois coups de fusil sur eux et périt, victime de son dévouement héroïque.

BONNET JEAN, fusilier au Bataillon de Parthenay, tué le 7 mai 1793. L'ennemi se présentait en force et chargeait. Ce jeune homme s'écrie à ses camarades qui se débandaient : "Amis, rallions-nous et marchons en avant." Son ardeur passe dans le coeur de ses frères d'armes ; ils font face à l'ennemi fondent sur lui. Mais le brave Bonnet est frappé mortellement d'un coup de feu.

LACOUR PIERRE-ANTOINE, sergent au 8e Bataillon des Deux-Sèvres, tué au mois de mars 1793. Républicain prononcé, il ne voulut point racheter sa vie par un trait de lâcheté. Étant tombé au pouvoir des insurgés, à Argenton-le-Peuple, il préféra être coupé en morceaux plutôt que d'exprimer un voeu contraire à ses sentiments.

Tout un passé - G.-J. Picard - 1938

 


 

(*) CHARLES ROUGET-LAFOSSE, fils de François Rouget, maire de Niort en 1728 et 1744, naquit à Niort, paroisse Saint-André, le 18 décembre 1738. Il fit ses études au collège de Niort, tenu par les Oratoriens. 

Rouget-Lafosse baptême z

Il n'avait que vingt ans lorsqu'il débuta dans la carrière militaire. Dès la première année de son service, il se trouva, en 1758, à la bataille de Crevelt, où son chapeau fut emporté par un boulet de canon, qui tua derrière lui un de ses camarades, grenadier au régiment de Touraine.

Moins heureux l'année suivante à Minden, il reçut plusieurs blessures.

En 1760, à Closter-Camp, où la mort de d'Assas fut le signal de la victoire, Lafosse se signala par plusieurs actes de valeur, mais il arrosa de son propre sang les lauriers de cette glorieuse journée. Il reçut deux coups de sabre, l'un sur le sommet de la tête et une partie du front, l'autre passant sur le nez et s'étendant sur les deux joues. Ses exploits lui valurent le grade de capitaine. Louis XVI le nomma chevalier de Saint-Louis.

 

Rouget-Lafosse signature z

 

Lafosse était dans ses foyers, lorsque la révolution française éclata. Dumouriez, dans son séjour à Niort, se lia d'une manière particulière avec Lafosse ; il en fit son ami. Ce fut par l'influence de ce général qu'il fut chargé, conjointement avec Bouchet de Marigny, d'organiser le 1er bataillon des Deux-Sèvres. Ce bataillon choisit Lafosse pour son chef. Celui-ci honora ce poste d'honneur. Jemmapes fut le dernier théâtre de ses exploits.

Pâturages - Belgique - église St-Michel 3 z

Il fut inhumé, par les soins de son parent Rouget, à la porte de l'église, dans le village de Pâturages (Colfontaine - Belgique) . Il était âgé de cinquante-quatre ans.

 

Histoire de la ville de Niort - Louis H. Briquet - 1832


 

NIORT 1835

La famille Rouget-Lafosse est une des plus anciennes familles municipales de Niort ; elle a fourni plusieurs maires à la ville et pendant plus de deux cents ans ses membres ont occupé des fonctions importantes dans la magistrature.

Rouget-Lafosse fils naissance 1778 z

Par exception, M. Charles Rouget-Lafosse avait suivi une carrière militaire ... (voir ci-dessus). Son fils, Charles, né à Niort, paroisse Saint-André, le 4 février 1778, resta dans la vie civile et fut pendant de longues années membre du Conseil d'arrondissement de Melle et du Conseil général des Deux-Sèvres.

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ROUGET-LAFOSSE Portrait

Son petit-fils, CHARLES ROUGET-LAFOSSE, naquit à Niort le 20 septembre 1806.

Rouger-Lafosse petit-fils baptême z

Il fit ses études à Montmorillon, chez les Jésuites, et son droit à Paris, de 1825 à 1828. Fidèle aux traditions de sa famille, il se destinait à la magistrature et était déjà présenté pour une place de juge-auditeur, lorsque survint la Révolution de 1830.

Ses sentiments légitimistes, antipathiques au régime nouveau, le tinrent à l'écart de la vie publique pendant la monarchie de Juillet.

Le 24 août 1842, il épousa Marie Barré de Chabant, fille du colonel Barré de Chabant, lequel, pendant les guerres de l'Empire, avait épousé à Venise Élisabeth Moro-Malipiero, descendante du doge Cristoforo-Moro.

Lorsqu'il fut question, après la Révolution de février, de nommer une Assemblée constituante, les royalistes offrirent la candidature à la députation à Charles Rouget-Lafosse ; pour des raisons personnelles, il déclina cet honneur. Mais en 1849, pour l'élection de l'Assemblée législative, la même offre lui ayant été faite, il accepta.

M. Rouget-Lafosse fut porté sur la liste des royalistes, sur celle des chefs ouvriers de la ville de Niort, et sur celle de la Revue de l'Ouest. Il fut élu député le 15 mai par 19.611 voix.

A l'Assemblée, Rouget-Lafosse, légitimiste de coeur et de conviction, suivit toujours en politique la direction de l'illustre orateur qui personnifiait alors le parti, nous avons nommé Berryer.

Lors du coup d'État du 2 décembre 1851, Rouget-Lafosse fut au nombre des députés courageux qui se réunirent à la mairie du 10e arrondissement et là répondirent au coup de force du Président par un décret de déchéance. Cet acte fut voté et signé par les représentants présents à cette mémorable séance, puis, du balcon de la mairie, il fut promulgué par la grande voix de Berryer qui en jeta plusieurs exemplaires à la foule. Mais, quelques heures après, la mairie fut cernée par un bataillon de chasseurs à pied et par le 64e régiment de ligne. Les représentants, au nombre de 221, furent faits prisonniers et dirigés sur le quartier de cavalerie du quai d'Orsay ; dans la nuit, ils furent transportés en voitures cellulaires au Mont-Valérien, à Mazas et à Vincennes.

Charles Rouget-Lafosse fut envoyé à Vincennes, et il y resta trois jours prisonnier. Tel fut le drame politique qui mit un terme à son mandat de député.

A dater de ce moment et en présence de la restauration du régime impérial, Rouget-Lafosse, fidèle à des convictions que rien ne put ébranler renonça à la vie politique.

Dans sa retraite volontaire, en dehors de l'affection de tous ceux qui l'approchaient, il jouissait de l'estime et de la considération qu'amis et adversaires accordent toujours à ceux qui n'ont jamais connu les défaillances.

Une des filles de M. Rouget-Lafosse a épousé M. de Laubarière.

Il est décédé à Niort, le 6 avril 1893, à l'âge de 86 ans.

Rouget-Lafosse petit-fils décès z

Archives politiques du Département des Deux-Sèvres - Tome 2 - par Émile Monnet - 1889
AD79 - Registres paroissiaux et d'état-civil de Niort.