Au commencement de décembre 1793, les généraux Haxo et Dutruy, à la tête de 5.000 hommes, s'emparèrent de Beauvoir, se rendirent maîtres de tout le marais et forcèrent Charette à se réfugier dans l'île de Bouin. L'adjudant général Jordy le poursuivit jusque dans ses retranchements, qu'il enleva à la baïonnette ; mais il ne put se saisir de sa personne ...
Armée de l'Ouest
16 frimaire an 2e (à minuit) (6 décembre 1793)
Le citoyen Jordy, chef de brigade, donne l'ordre à toutes ses trois colonnes d'avancer et de diriger leur marche de manière qu'à onze heures du matin chacune soit en présence et sous Bouin. Il est vrai que les deux colonnes de flanc, qui seules avoient du canon ne pouvant arriver à cause des marais et que la colonne du cent 2e seule arriva sous le canon des batteries de Bouin après avoir traversé 41 fossés demi-glacés et pleins d'eau où de marais ; et forte seulement de 674 hommes. Ayant tout considéré, il vit que sa troupe étoit trop avancée pour se retirer. Les Brigands avoient trois batteries, l'une derrière, l'autre et en amphitéâtre à la hauteur des moulins. Un coup républicain étoit le seul parti à prendre, il envoye le bataillon du 57e sur sa droite, celui du 77e sur sa gauche, il fit rester le 10e de la Meurthe au centre et enfin le 109e Regt en seconde ligne. (C'est-à-dire des détachements de ces corps qui lui étoient restés ayant envoyé le surplus pour venir par Beauvoir et par Bourgneuf). Tous étant ainsi disposé, il ordonne aux 57e et 77e de longer les flancs de l'ennemi, et au 10e de la Meurthe d'avancer la bayonnette croisée et d'essuyer la première décharge de l'ennemi sans tirer un coup de fusil, mais alors de marcher avec la plus grande célérité, pendant que les deux bataillons de flanc font aussi leur attaque de la même manière.
L'ennemi fort de 1.800 hommes ayant Charette, Guérin et Le Coutre à leur tête, fait une résistance opiniâtre mais le 10e de la Meurthe ayant foncé le centre entre dans leur premier retranchement. L'ennemi est culbuté, les 2e et 3e retranchements sont alors attaqués par les 674 hommes réunis, rien ne résiste plus aux braves Républicains, les trois retranchements où pour mieux redoutes sont emportés, le canon des Brigands tourné contre eux, mais il ne peut servir parce que tous en pêle-mêle, les Républicains poursuivent partout les fugitifs la bayonnette dans les reins. Enfin environ 800 obtiennent leur salut dans la fuite, Charette lui-même est obligé de se sauver à pied ainsi que Guérin, Le Coutre et environ mille Brigands restent morts sur le champ de bataille.
Près de 900 patriotes tant hommes que femmes que retenoient les Brigands comme prisonniers qui devoient être égorgés par ces monstres quelque moment après furent sauvés par les Républicains. On leur a pris en outre treize pièces de canon. Il est vrai que la République a eu à regretter dix-neuf braves tués sur le champ de bataille, et 83 blessés dont huit grièvement. (AD85 - Extrait du Moniteur Universel - SHD B 5/7-68)
L'isle de Bouin, le 17 frimaire (7 décembre 1793)
Mort aux Brigands, Liberté, Égalité.
Dutruy Soldat Chef de l'armée des Sables au Comité de Salut Public
Vive la république. Nous avons trouvé besogne, nous avons battu, taillé, fusillé ; l'exécrable Charette a fui à pied dans les boues, nous leur avons pris 200 chevaux, cinq pièces de canon. Ça va, ça été, ça ira. Je cours après, je les trouverai et les battrai. J'en suis sûr mes frères d'armes si habituent. Le brave adjudant général Dufour fait son ravage avec une des colonnes de notre petite armée, c'est un bon bougre.
Salut et fraternité
Dutruy. (AD85 - SHD B 5/7-69)
Ceci se passait le 6 décembre 1793. Dans les registres d'état-civil de Bouin, on trouve le nom de quelques habitants décédés au cours de cette journée-là :
PIERRE GENDRON, capitaine de navire, âgé de 60 ans, fils de Fiacre Gendron et de Marie Brunet, époux de Françoise Lusteau.
- JEAN VINCENDEAU, âgé de 37 ans, fils de Jean Vincendeau et de Marie Boulard, époux de Magdelaine Quebaud.
- SÉBASTIEN THOMAS, âgé de 32 ans, fils de Sébastien Thomas et de Catherine Retureau, époux de Marie Vincendeau.
- JOSEPH GIRARD, âgé de 56 ans.
- PIERRE RICOLEAU, âgé de 64 ans, fils de René et de Marie Couthuis, veuf en premières noces de Marguerite Guillon, époux en secondes noces de Marie ... illisible.
- PHILIPPE MOREAU, âgé de 63 ans, fils de Philippe Moreau et de Catherine Leroy, veuf de Marie Échandoux (?)
- TOUSSAINT JOUSSEAUME, âgé d'environ 50 ans, fils de Toussaint et de Marie Paillonneau, époux de Marie Allain.
- PIERRE GIRAUDET, âgé de 63 ans, fils de Pierre Giraudet et de Suzanne Raimbaud et époux de Perrine Baudry
- MAGDELON ROUILLARD, époux de Marie Herminier.
Le 20 du même mois, 33 habitants de Bouin furent menés dans un champ près du village de la Claie pour y être fusillés. Une croix rappelle leur martyre.
"Après la prise de Bouin par les troupes du général Haxo, le 6 décembre 1793, 33 habitants de cette île, encordés, furent fusillés ici, à la Claye, le lundi 20 janvier 1794". (1er pluviôse an II)
1 - BAUD Pierre, laboureur, soldat, âgé de 37 ans, fils de Pierre Baud et de Marie Burgaud (Boyaud ?), et époux de Catherine Delaprée - 5 enfants - (proposée pour une pension de 50 F.)
2 - BERTIN Pierre
3 - BILLET Jean-Baptiste
4 - BLANCHET Pierre, âgé de 39 ans, laboureur, fils de Jean Blanchet et de Françoise Thomas, époux de Jacquette Rousseau ; quelques jours avant sa mort, son épouse donne le jour à une petite fille prénommée Marie-Anne (16 janvier 1793).
5 - BLANCHET Alexandre, laboureur, époux de Françoise Robin
6 - BLUTEAU Jean, laboureur, époux de Madeleine Piraud
7 - DELAPRÉE Jacques, marchand voiturier, époux d'Agathe Vrignaud
8 - DELAPRÉE Joseph
9 - DELAPRÉE Joseph fils, pêcheur, âgé d'environ 43 ans, demeurant à l'Épois, fils de Joseph Delaprée et Marguerite Robin, époux de Rose Piraud.
10 - DROUET Pierre, journalier à l'Époids, né le 2 janvier 1752, époux de Renée Vincendeau (secours alloué de 50 F.), 3 enfants, mariés le 16 septembre 1777.
11 - DUGUÉ Jacques, âgé de 42 ans, meunier, demeurant à l'Époids, fils de Jean Dugué et de Louise Méraude, veuf de Françoise Groizard et époux en secondes noces de Perrine Barraud.
12 - EMERIT André
13 - FRESNEAU Claude, originaire Fresnay, Loire inférieure, jardinier, âgé de 56 ans, fils de Claude Fresneau et Marie Vrignaud, veuf de Marie Maçonneau.
14 - GUÉREL François, garçon, cultivateur, âgé de 34 ans, fils de Jean Guérel et de Catherine Coindreau.
15 - GUÉRIN Jean-Baptiste
16 - GUÉRIN Étienne
17 - HERVÉ Louis, tonnelier, âgé de 39 ans, fils de Louis Hervé et Anne Jousset, époux de Marie Robard ; un fils, Louis, né le 6 février 1785
18 - LASSOUS René
19 - LASSOUS Pierre
20 - LOUÉ Jean, poissonnier, âgé de 48 ans, époux de Marie Véronneau
21 - MOREAU Élie, cultivateur, du village de la Fromentière, âgé de 43 ans, fils de Philippe Moreau et de Catherine Leroy, époux de Jeanne Robard - 5 enfants, (proposée pour une pension de 50 F.)
22 - MOREAU Joseph, cultivateur, âgé de 78 ans, fils de Philippe Moreau et de Catherine Leroy.
23 - NORMAND Pierre, cultivateur, âgé de 38 ans, époux de Julienne Barraud.
24 - PALVADEAU Pierre, âgé d'environ 26 ans, laboureur, fils de Pierre et de Marguerite Burgaud (?), époux de Marguerite Gervier.
25 - ROBARD François, âgé de 33 ans, époux de Louise Dugué
26 - ROBARD Jean
27 - ROBARD Jacques, âgé de 54 ans, fils de Pierre et de Marie Piraud, époux de Marie-Anne Thomas.
28 - ROBARD Mathurin
29 - SORIN Abraham, meunier, âgé de 40 ans, fils de Jacques Sorin et de Julienne Girard et époux de Marie Gervier, soldat - 3 enfants (proposée pour une pension de 40 F.)
30 - THOMAS Sébastien, pêcheur, âgé de 55 ans, fils de Pierre Thomas et de Marie Guérel, époux de Catherine Retureau (l'acte, du 16 septembre 1816, indique ce décès au 19 janvier 1794 (?).
31 - THOMAS Pierre, pêcheur, âgé de 30 ans, fils de Sébastien Thomas et Catherine Retureau, époux de Jeanne Barraud.
32 - THOMAS Vincent
33 - VRIGNAUD Joseph
AD85 - Registres paroissiaux et d'état-civil de Bouin
AD85 - Bulletin paroissial de Beauvoir-sur-Mer - 1917
Les photographies de cet article m'ont été communiquées par M. Amaury Guitard que je remercie vivement.
Au 2° § il est écrit : “L'ennemi fort de 1.800 hommes ayant Charette, Guérin et Le Coutre à leur tête, fait une résistance opiniâtre …“
Or, Le Coutre ne semble pas être connu. Ne s'agirait-il pas de Le Couvreur ? capitaine de paroisse de Legé .
Merci pour la réponse.