NANTES (44) - JANVIER 1794 - NÉGLIGENCE DANS L'INHUMATION DES CADAVRES ET DES CHEVAUX
ARMÉE DE L'OUEST
EXTRAIT D'UNE LETTRE DES CITOYENS LAUBRY ET NOËL, DE NANTES, LE 1er PLUVIÔSE AN II (20 janvier 1794)
AU MINISTRE DE LA GUERRE
Nous ne pouvons te cacher ce que nous avons apperçu cet après-midi, en allant examiner les dehors de la ville ; il faut l'avoir vu pour le croire. En rentrant en ville, nous vîmes à environ une portée de fusil d'un superbe édifice, tout vis-à-vis des fenêtres, cinq chevaux morts en putréfaction plus ou moins avancée. Nous demandâmes quel était ce beau bâtiment ? On nous répondit que c'était le lieu où le département tenait ses séances. Juge de notre surprise dans ce moment, et quelle fut, lorsqu'après nous être avancés vers l'édifice, nous vîmes contre les murailles et directement sous ses fenêtres, un autre cheval aux yeux très pourris.
Nous ne te dissimulerons pas, et tu le sentiras aussi bien que nous, qu'il faut d'autres pouvoirs que les nôtres pour faire disparaître de pareilles négligences qui, si elles sont encore tolérées quelques semaines, donneront inévitablement lieu à des maladies d'autant plus cruelles, que les mêmes dispositions existent sur toute la surface de cette contrée.
L'on n'apperçoit pas également les nombreux cadavres humains, parce que l'on a jetté dessus quelques pouces de terre qui, à la première pluie douce, n'empêcheront pas les miasmes putrides d'infecter tout l'atmosphère et de porter au loin les principes de la contagion la plus meurtrière. Tous les jours, on en trouve un grand nombre sur les rivages, qu'au lieu d'enterrer, l'on repousse à l'eau, absurde manoeuvre qu'un peu plus loin l'on est obligé de recommencer.
Quoiqu'il en soit, compte toujours sur notre zèle et notre activité pour ramener, autant qu'il sera en notre pouvoir, non seulement la salubrité particulière des hôpitaux, mais aussi la salubrité générale.
Signé Laubry et Noël
Pour extrait Le Ministre de la Guerre.
AD85 - SHD B 5/8-23