BOUIN (85) - MATHURIN BITON
Fils d'Honoré Biton et de Catherine Latrue, Mathurin Biton, 45 ans, né à la Limouzinière, était domicilié depuis plusieurs années à Bouin. Il était entré le 10 juin 1783, par son mariage avec Gabrielle Prou, dans une famille très zélée pour la cause de la Religion et de la monarchie. Il avait un petit garçon de cinq ans. (Constant-Alexandre-Pierre-Mathurin, né à Bouin, le 25 mars 1789 et baptisé le lendemain.)
Il fit les campagnes de l'armée de Charette comme caporal, armé, disent les témoins, d' "un mauvais fusil". Il se battit à Saint-Gervais, en avril, contre l'armée de Boulard ; on l'accusait en outre de s'être batu à Legé, à la fin de septembre, contre l'armée de Beysser.
Il fut compris dans les arrestations qui suivirent, à Bouin, la victoire des républicains. C'était le 16 décembre. Mais, épuisé par les fatigues de la guerre, il tomba gravement malade.
Les autorités municipales de Bouin eurent peur sans doute qu'il expirât dans la maison d'arrêt ; elles l'en firent sortir le 21, pour être soigné à son domicile sous la responsabilité de sa femme.
Eut-il le temps de se guérir ? Il est permis d'en douter.
En tout cas, il ne pouvait guère échapper à la vengeance de ses ennemis ; il fut dénoncé deux fois au commencement de février 1794, comme rebelle, et incarcéré de nouveau peu de temps après.
Mathurin Biton fait partie des 43 prisonniers de Bouin entassés avec beaucoup d'autres dans le château de Noirmoutier.
Le 17 juillet, on l'interrogea. Le tribunal crut devoir surseoir à son jugement : c'était déjà la condamnation ; et le 3 août, il fut condamné à mort dans le groupe des 22.
Les considérants de sa condamnation ne mentionnent que des faits de guerre.
Que se passa-t-il alors ? Mathurin Biton fut-il exécuté avec les autres ? L'acte d'accusation omet Mathurin Biton et ne parle que de 21 condamnés. D'autre part les archives du greffe disent vingt-et-un condamnés et un mort en prison ; et sur le réquisitoire de l'accusateur public, on voit, en marge de son nom, écrit en toutes lettres le mot : mort.
Il plane donc un doute sur le genre de mort de la victime. Peut-être la commission militaire s'acharna-t-elle sur un mourant, qui ne vécut pas assez pour être exécuté.
Toutefois la tradition de Noirmoutier est très nette : il y avait bien 22 condamnés emmenés au lieu de l'exécution. On peut se demander si, par un raffinement de cruauté, le cadavre de Biton fut emporté avec les 21 condamnés vivants.
Sa femme, restée à Bouin, eut probablement le loisir de le voir avant ses derniers moments : le 14 juillet, elle obtint un passeport pour Noirmoutier.
Elle n'est pas nommée dans le recensement de la commune de Bouin de l'an IV ; elle dut disparaître, elle aussi, dans la tourmente révolutionnaire.
Docteur Pelletier
AD85 - Semaine Catholique du Diocèse de Luçon - 1913 - p. 257-258