Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
20 octobre 2016

ANGERS (49) - LE TERRORISTE GABRIEL-ÉTIENNE-JEAN GOUPPIL (1755-1811)

ANGERS (49) - LE TERRORISTE GABRIEL-ÉTIENNE-JEAN GOUPPIL

Gabriel-Etienne-Jean Gouppil naquit à Angers, paroisse Sainte-Croix, le 5 avril 1755. Il était fils de Gabriel-Urbain Goupil, pharmacien, rue Toussaint, et d'Etiennette-Renée Cathernault (mariés le 1er juillet 1754, paroisse de la Trinité à Angers). Après son mariage avec sa cousine, Charlotte-Renée Gouppil, il alla demeurer rue Courte, où il exerça également la profession d'apothicaire.

GOUPIL naissance


"Procès-verbal de réception du sieur Goupil fils, marchand-apothicaire-épicier :
Aujourd'hui quatre janvier mil sept cent quatre vingt.
Par-devant nous, Jean-François Allard, écuyer, conseiller du Roy, lieutenant-général de Police d'Angers, en présence des gens du Roy, ayant avec nous maître Pierre-Étienne Lefebvre, notre commis greffier ordinaire, ont comparu les personnes des sieurs Gabriel-Étienne-Jean-Baptiste Goupil, marchand maistre apothicaire épicier en la ville et faux bourgs, à nous présenté par Messieurs Guérin, Pantin, Buffebran du Coudray, docteurs régents de la Faculté de Médecine de l'Université de cette ville et par les sieurs Coustard père, Guittet, Ollivier, Coustard fils, gardes jurés de la Communauté des marchands maistres apothicaires épiciers de cette ville, tous lesquels nous ont certifié que le dit sieur Gabriel-Étienne-Jean-Baptiste Goupil a fait son apprentissage chez le sieur Goupil son père, qu'ils l'ont tous examiné et interrogé et trouvé capable d'être reçu, et en conséquence, ils l'ont reçu marchand maistre apothicaire espicier en cette ville et faux bourgs, au moyen de ce qu'il est de la religion catholique, apostolique et romaine, et de ce qu'il a satisfait aux règlements de la dite Communauté ; au moyen de quoi ils nous ont suppliés de lui faire prêter le serment accoutumé.
Sur quoi fesant droit nous avons reçu et recevons le serment du dit sieur Gabriel-Étienne-Jean-Baptiste, en la qualité de marchand maître apothicaire épicier de cette ville. En conséquence lui avons permis d'ouvrir et tenir boutique, et exercer son art, tout ainsi que les autres marchands maîtres apothicaires épiciers, avec défense que nous fesons à toutes personnes de la troubler sous les peines de droit, à la charge par lui de fidèlement se comporter dans l'exercice de son art, d'exécuter les statuts et règlements de la dite Communauté, ce qu'il a promis faire. Dont l'avons jugé et ce qu'il s'oblige aux rentes, charges et devoir de la dite Communauté pour sa part et portion. Ce qui sera exécuté immédiatement.
(Suivent les signatures".)  (Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Angers - 1931 - Série 6, tome 6)

Les apothicaires d'Angers se sont vu attribuer comme blason, conformément à l'édit de 1696 : De sinople, à un saint Nicolas évêque, adextré en pointe de trois enfants dans un baquet, le tout d'or.

 

Apothicaires d'Angers blason

 

 

Quand le 27 février 1789, les pharmaciens d'Angers se réunirent pour rédiger le "cahier" de leur corporation, Goupil père présida la séance en qualité de "doyen", alors que son fils remplissait les fonctions de "garde et procureur". Gouppil fils était en même temps procureur de la Société de Saint-Laud (la Société de Saint-Laud se composait d'environ 30 citoyens et notables d'Angers), et c'est en cette qualité que le 21 décembre 1791 il se présenta à l'Hôtel-de-Ville pour faire la déclaration demandée par un décret de l'Assemblée Nationale. Élu notable du Conseil général de la commune d'Angers le 20 novembre 1791, il devint officier municipal aux élections du mois de décembre 1792 et garda ces fonctions jusqu'au mois de mars 1794.

Quand au mois de juin 1793, les Vendéens entrèrent à Angers, Gouppil devint leur prisonnier. "Connu et fameux dans la ville d'Angers, dit M. Gruget, curé de la Trinité, le sieur Gouppil fils, apothicaire, s'était si bien signalé depuis la Révolution ! Il eût été heureux pour lui que les commandants de l'armée catholique ne s'en fussent pas rapportés au serment qu'il leur fit de changer de conduite et qu'ils l'eussent emmené avec eux ; ils lui auraient épargné bien des crimes."

Le 23 juillet, nous voyons Gouppil fils prendre à la mairie d'Angers un passeport "pour gérer ses affaires dans différentes villes et bourgs." Cette pièce nous donne son signalement : 5 pieds 5 pouces, cheveux et sourcils châtains, yeux gris, nez long, bouche grande, menton allongé, front haut, visage maigre et allongé.

Lorsqu'on apprit qu'au retour de leur campagne d'Outre-Loire, les Vendéens marchaient sur Angers, les représentants du peuple Esnue de la Vallée et Francastel décidèrent, le 29 novembre 1793, l'évacuation des prisons et le transport immédiat et en masse des détenus. L'exécution de cette mesure fut confiée à la Commission militaire, à laquelle les représentants adjoignirent Gouppil, officier municipal d'Angers, "pour toutes les opérations" que nécessiterait ce transfert.

Partis le 30 novembre, à 8 heures du matin, les 800 hommes n'arrivèrent aux Ponts-de-Cé qu'à 3 heures de l'après-midi. Ils restèrent en cette ville jusqu'au matin du 4 décembre. En passant sur le "grand pont" - raconte M. du Reau, l'un des prisonniers - je vis un corps étendu sur les planches, sur lequel toute la chaîne passa. C'était le curé de Saint-Evroult, qui attaché comme les autres, avait succombé au besoin, à ses infirmités et à la vieillesse. Son neveu, le fameux Gouppil, qui nous conduisait, le fit jeter sur une charrette ; il y fut cahoté jusqu'à Doué, où il ne tarda pas à expirer."

La chaîne, diminuée de près de moitié par les fusillades (1), arriva à Doué le 5 décembre à deux heures du matin.
Gouppil prit part aux fusillades qui eurent lieu à Doué les jours suivants (2).

Le 15 janvier 1794, Gouppil instrumentait à la prison du Calvaire. C'est ce que nous apprend Joseph Trotouin, administrateur de cette maison, dans la déposition qu'il fit le 11 juin 1795 devant le directeur du juré d'accusation :

"Dans le mois de nivôse an II, les citoyens Gouppil, Bremaud et Girard-Rethureau se sont présentés en cette maison pour prendre les noms des femmes accusées d'avoir servi les armées des brigands. Celles présumées accusées de ce délit se présentèrent. Parmi elles étaient : Marie Raimbault femme Réthoré et ses cinq filles, Perrine Allard femme Gazeau et ses deux filles ; elles avaient été arrêtées au Bourg-d'Iré, où à leur arrivée elles avaient déclaré qu'elles y prenaient domicile ne voulant pas habiter le pays de la Vendée tant qu'il serait le théâtre de la guerre. Le citoyen Gouppil leur dit qu'il se rappelait bien qu'elles avaient fait cette déclaration au Comité révolutionnaire le jour qu'elles arrivèrent à Angers ; qu'il les invitait à écrire à la municipalité du Bourg-d'Iré pour en avoir un certificat. Le citoyen Bremaud, chargé sans doute de prendre des notes pour servir d'instruction au jugement que la Commission militaire devait prononcer contre ces femmes, rédigea de suite des notes qu'il communiqua au citoyen Gouppil. Les certificats demandés parvinrent vers la fin de pluviôse. La Commission militaire à qui ils furent adressés, fit demander ces femmes le 3 ventôse (21 février) pour les mettre en liberté ainsi que grand nombre d'autres qui avaient obtenu des réclamations de leurs municipalités. Il me fut impossible de faire conduire la femme Gazeau et ses deux filles, la femme Réthoré et ses deux filles aînées, parce qu'elles avaient été fusillées le 29 nivôse (18 janvier), deux ou trois jours après que les membres du Comité révolutionnaire en eurent pris les noms.

Du 4 au 13 février 1794, eut lieu un nouveau recensement général des prisons d'Angers. Pour cette écrasante besogne, la Commission militaire s'adjoignit le citoyen Gouppil. Aidé de deux collègues, il procéda à l'interrogatoire de 73 hommes et des 12 femmes de la prison nationale, le 6 et le 7 février. Il y avait 258 hommes et 8 femmes à la citadelle : ils furent tous interrogés par Gouppil et deux autres commissaires les 9, 10, 11, 12 et 13 février.

La Commission militaire avait employé Gouppil en qualité d' "adjoint", et d'une façon provisoire. Les membres du Comité révolutionnaire d'Angers écrivirent, le 19 février, à Francastel pour le demander comme collègue, à la place du citoyen Denou, décédé le 5 du même mois. Comme le représentant du peuple ne répondait pas, le Comité revint à la charge le 11 mars : ce jour-là même sa nomination était faite par Francastel, et Gouppil entrait immédiatement en fonctions.

Dès le 11 mars, Gouppil fut chargé par ses nouveaux collègues de conduire à Nantes 76 prêtres nivernais et angevins. Partis d'Angers le matin du 13 mars, ces ecclésiastiques furent remis le 15 par Gouppil au comité révolutionnaire de Nantes.

Voici quelques détails sur cette triste expédition : ils nous sont fournis par un des prêtres de Nevers échappés à la mort.

L'abbé Imbert repassa à Angers le 23 avril 1795, se rendant dans son diocèse. Il dit à Joachim-Jean Trotouin, l'officier municipal qui visa son passeport, "qu'ayant été conduits d'Angers à Nantes en bateau, Gouppil leur fit le traitement le plus mauvais possible, les fit attacher d'une manière très gênante et leur débita différentes cruautés. Ils s'attendaient à tout instant à recevoir la mort" (3).

L'abbé Imbert devint curé de la cathédrale de Nevers et écrivit le récit de son voyage de Nevers à Brest accompli dans les premiers mois de 1794. Nous en extrayons quelques passages :

"Le citoyen Gouppil, membre du Comité révolutionnaire d'Angers, avait été nommé commissaire pour conduire les prêtres et leur remettre les 6 sols par lieue jusqu'à Nantes ... A Oudon, Gouppil remit en deux fois aux prêtres 240 livres pour le chemin fait jusqu'alors ; il réservait, disait-il, les 216 livres qui lui restaient pour payer la route jusqu'à Nantes et acheter des chemises aux plus indigents. On verra qu'il jugea plus à propos de garder cette somme pour lui ... On entendit le citoyen Gouppil dire (le 14 mars) à un batelier : Au signal que je te ferai, tu m'amèneras un petit bateau pour passer à l'autre bord de la rivière. On pense avec raison qu'on ne devrait rien augurer de bon de cette précaution ... Le 15 mars, on arriva à Nantes. Avant de débarquer, le commandant Marquet et le commissaire général Gouppil allèrent près des autorités savoir où ils devaient déposer les prêtres ; ils revinrent et dirent qu'on allait descendre jusqu'à une demi-lieue au-dessous de la ville, vis-à-vis la Sécherie, et qu'on serait placé dans une galiote hollandaise ; mais qu'avant tout on serait fouillé et dépouillé encore plus sévèrement qu'à Angers. Sur les 240 livres que leur avait remises Gouppil, les prêtres n'avaient pas dépensé plus de 20 livres. Effrayés, ils crurent devoir confier les 200 livres à peu près qui leur restaient au citoyen Marquet, qui promit de les leur rendre après la fouille ou le lendemain ; mais il a gardé les 200 livres, comme Gouppil a gardé les 216 livres destinées à acheter des chemises ... A 8 heures du soir, on arriva près de la galiote hollandaise. Une échelle était tendue pour monter de la barque sur le pont, où étaient Gouppil et un membre du Comité révolutionnaire de Nantes. Pendant que les vieillards ou infirmes montaient, les soldats les dépouillaient de leurs chapeaux, vestes, souliers, boucles, etc., fouillaient dans les poches des autres. Pour descendre du pont à la plus affreuse prison, il y avait une autre échelle. On mettait des cordes sous les bras de ceux qui ne pouvaient descendre, on les traînait durement sur l'échelle, on les contusionnait ..."

On a accusé Goupil d'avoir fait noyer à la Baumette quelques-uns des prêtres qu'il devait conduire à Nantes. Le fait est faux, puisque l'abbé Imbert dit que les 76 prêtres furent enfermés dans la galiote hollandaise. Ce qui a donné lieu à cette croyance, ce sont les dispositions que montrait Gouppil en partant d'Angers.

Le 4 novembre 1794, François-Henri Jodin, adjudant-major de la place d'Angers, déclarait au Comité révolutionnaire qu'étant à la citadelle il avait lui-même délivré à Gouppil les prêtres de Nevers "sur le vu des pouvoirs de la Commission militaire et du Comité révolutionnaire. J'observai à Gouppil qu'il n'avait pas assez de subsistances, parce qu'en ayant fait délivrer pour deux jours on était alors au second jour. Gouppil me répondit qu'il en avait assez, parce qu'ils seraient noyés à la hauteur de Nantes." (De fait, Goupil écrivait à l'économe de la Rossignolerie, le 13 mars 1794, vers 2 heures du matin : "Je pars pour la Loire".) - La veille, Simon Edon, capitaine de gendarmerie d'Angers, avait fait la déposition suivante : "En causant avec Gouppil sur le voyage de ces prêtres, il me dit qu'il ne comptait pas qu'ils iraient plus loin que Saint-Florent-le-Vieil. La noyade était si bien préméditée, que quelques jours auparavant, étant au Comité révolutionnaire, je vis les dépouilles de tous ces prêtres, qu'on me dit avoir été prises, entre autres les redingotes et les manteaux, pour faire des capotes aux soldats." (4)

Le jour même de leur entrée dans la galiote hollandaise, plusieurs prêtres décédèrent, et il en fut de même les jours suivants. Tous les Angevins moururent en peu de temps. M. Gruget écrivait en 1816, en parlant de Gouppil : "A son retour de Nantes, il disait à un respectable domestique de M. de Campagnole, où était le tribunal révolutionnaire : VOS BONS PRÊTRES ont été baiser les pieds du saint Père ! J'étais assez près de lui alors pour entendre cet horrible propos."

Le 16 mars, Hentz et Francastel destituèrent les membres du Comité révolutionnaire d'Angers et leur donnèrent des successeurs ; mais les représentants firent une exception pour Gouppil, qui continua de faire partie du second Comité révolutionnaire.

Le 9 avril, Gouppil était nommé membre de la Commission militaire.

Du 31 mars au 11 avril, Goupil prit une part très active aux interrogatoires qui furent faits dans les quatre prisons du Calvaire, du Bon-Pasteur, des Pénitentes et du Grand-Séminaire. - Sur la conduite tenue en cette circonstance par Gouppil, nous avons le témoignage d'Étienne Bardou, qui fit, le 3 novembre 1794, la déposition suviante au second Comité révolutionnaire : "Je fus nommé administrateur pour la maison du Grand-Séminaire lorsqu'on en fit une maison d'arrêt, et lors de la translation aux Carmélites j'ai été continué. J'ai assisté aux interrogatoires faits à la maison du Grand-Séminaire par Obrumier et Gouppil fils, membres de la Commission militaire, en présence de deux membres du Comité révolutionnaire (Leduc en était un, je ne me souviens pas quel était l'autre). Gouppil et Obrumier avaient un secrétaire avec eux, que je crois se nommer Petit. Différentes fois, Obrumier qui interrogeait, a pris la plume et fait en même temps fonction de secrétaire. En procédant à ces interrogatoires, on faisait en sorte de ne trouver que des coupables. Ils étaient faits avec un ton menaçant et capable d'inspirer la terreur, au point que ces pauvres femmes tremblaient. On leur demandait en ces terme : D'où es-tu ? Qu'as-tu fait ? Ton mari est avec les brigands ? Tu as été au chêne de Saint-Laurent, tu ne peux le nier car j'y ai été ! Tu ne peux le nier, car je t'y ai vue ! Et enfin ils fermaient l'interrogatoire en leur disant d'un ton brusque : Retire-toi. Ensuite ils firent enlever un peu plus de trente de ces femmes. Je croyais qu'on les avait conduites à la Commission militaire pour être jugées publiquement, mais j'ai appris depuis environ trois semaines que ces mêmes femmes étaient fusillées et que les interrogatoires dont je viens de rendre compte étaient définitifs. Si je l'avais su, j'aurais fait des réclamations contre des procédures aussi illégales. C'est Hubert, concierge de la maison du Grand-Séminaire, qui m'a dit que ces femmes avaient été fusillées avec celles qui sortaient des autres maisons d'arrêt. Lors de ces interrogatoires faits par Gouppil et Obrumier, Nicolas, gendarme de la 35e division de Paris et agent de la Commission militaire, faisait passer toutes les religieuses dans une chambre particulière, les fouillait et leur prenait tout ce qu'elles pouvaient avoir, par ordre de la Commission."

Voici maintenant la déposition faite le même jour par une administratrice, Anne Chedevergne : "J'ai vu au Séminaire les citoyens Gouppil et Obrumier fils, membres de la Commission militaire, faire les interrogatoires des femmes détenues de la manière suivante : Comment t'appelles-tu ? D'où es-tu ? allais-tu à la messe des prêtres constitutionnels ? Tu as été au chêne, car je t'y ai vue ! Aux messes dites à la Guillotière ? Sur les aveux ou dénégations de ces femmes, ils disaient : Tu as une figure fanatique ! - Écris, disaient-ils à celui qui tenait la plume, FANATIQUE JUSQU'AUX OS. Faisant l'interrogatoire d'une femme du Lion-d'Angers, Gouppil lui dit : Tu as l'air d'une maligne bougresse ! Il y avait longtemps qu'il la connaissait. Obrumier ayant demandé ce qu'il fallait mettre. Gouppil répondit : Fanatique, marquée d'une F. Lors de l'interrogatoire qu'ils ont fait subir à des ex-religieuses insermentées, Gouppil leur disait de ne rien cacher, que Nicolas allait les visiter. En effet, Nicolas allait les visiter. En effet, Nicolas, commissaire de la Commission, les faisait passer dans un appartement du ci-devant séminaire, où il les fouillait avec une indécence outrageante, suivant ce qui se répandait dans cette maison d'arrêt. - Un jour, ayant consulté Gouppil sur la nourriture de ces femmes, il me répondit : Traite-les avec humanité, car nous ne pouvons nous dissimuler que la plupart sont égarées et les autres victimes de la mauvaise humeur de leurs municipalités."

Anne-Hyacinthe Viger veuve Étienne Besson, ancienne administratrice comme la précédente de la prison du Grand-Séminaire, déclarait le 25 novembre 1794 au Comité Révolutionnaire : "Au Grand Séminaire qui contenait environ 500 détenues, Gouppil fils, Obrumier fils et un autre membre de la Commission Militaire vinrent faire leurs interrogatoires. Toutes les détenues furent interrogées dans trois jours. Gouppil était particulièrement l'interrogeant. Il demandait à toutes les détenues pourquoi elles étaient arrêtées. Presque toutes lui répondaient qu'elles n'en savaient rien et que c'était parce qu'elles n'allaient pas à la messe ; les unes prétendaient y avoir été, d'autres ne savaient que répondre. Elles étaient notées. J'ignore quelles étaient ces notes et leur application. Trois jours après, on fit l'appel de 32. Choudieu me dit que c'était pour la fusillade. Je me retirai de crainte d'assister à un tel spectacle. Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'il en sortit un grand nombre dans la journée."

Ces deux femmes furent le 16 avril fusillées au Champ-des-Martyrs. Gouppil y assistait comme aux fusillades précédentes. C'est ce que disait Vial, dans un ouvrage publié au mois de janvier 1795 : "L'exécution de ces sortes de jugements était presque toujours déférée au cannibale Gouppil, qui conduisait les victimes jusqu'au bord de la fosse ; lorsque quelques-unes d'entre elles restaient avec un souffle de vie, après avoir été fusillées, Gouppil leur plongeait son sabre dans le ventre, et venait le présenter couvert de sang à ses collègues, en criant : Vive la République !" - Jean-Jacques Le Peudry, ancien membre du Comité Révolutionnaire, disait le 15 juin 1795 au directeur du juré d'accusation : "Gouppil assistait à toutes les fusillades, et lorsque parmi les fusillées, il s'en trouvait quelques-unes qui n'étaient pas mortes, alors Gouppil leur portait des coups de sabre pour les achever." - Tout ceci nous est confirmé par M. Gruget, qui écrivait en 1816 dans son rapport à Mgr Montault : "Ce fut probablement dans ce jour (15 janvier 1794) que Gouppil, qui figurait toujours à tous les massacres, rencontra, près de l'église de la Trinité, une de ses parentes, Mlle Rougon, laquelle, jetant les yeux derrière elle et apercevant cette multitude de victimes qu'on conduisait à la mort, fit un pas en arrière et frémit d'horreur en voyant ce spectacle : Prends bien garde à ce que tu fais, Manette, lui dit l'anthropophage d'un ton furieux et qui ne respirait que le sang, car quoique tu sois ma parente, je t'en ferais autant ! Il les conduisit au Champ des Martyrs, le sabre sous son bras, et il s'en servait pour achever les pauvres victimes à qui il restait encore un peu de vie après la fusillade."

Le 29 avril, Hentz et Francastel ordonnèrent que la Commission Militaire cesserait ses fonctions le 9 mai ; par le même arrêté, ils décidèrent que Gouppil redeviendrait membre du Comité Révolutionnaire d'Angers.

C'est le 16 mai que Gouppil rentra au sein du Comité, mais ce ne fut pas pour longtemps ! En effet, une lettre du représentant Bourbotte, en date du 23 mai, ayant appelé à Nantes la Commission Militaire, Gouppil s'empressa de quitter Angers pour suivre ses anciens collègues.

Par un arrêté du 10 juin, le représentant Bô établit à Noirmoutier la Commission Militaire d'Angers. Gouppil et ses compagnons s'installèrent dans cette île et y siégèrent jusqu'au mois d'août.

Le 6 août, Bô donna ordre à la Commission de venir s'établir à Nantes. Arrivés le 9, les membres de la Commission entrèrent en fonctions cinq jours après et continuèrent leurs opérations jusqu'au 7 décembre 1794.

Goupil n'attendit pas cette époque pour quitter Nantes. Dès le 17 octobre, se sentant fatigué, il avait demandé à être remplacé, et le 30 du même mois les représentants du peuple lui délivraient un passeport pour se retirer à Angers, afin d'y rétablir sa santé.

Il arriva à Angers au moment où les terroristes étaient l'objet d'une enquête minutieuse de la part du second Comité révolutionnaire.

Le 23 décembre 1794, Gouppil fils, apothicaire, rue Toussaint, se présente à la mairie avec cinq autres témoins ; il s'agit d'attester qu'Obrumier est séparé de sa femme depuis plus de 6 mois. Le 5 janvier 1795, il est un des témoins du divorce, prononcé par l'autorité municipale, et le 6 février suivant il assiste au second mariage d'Obrumier.

Mais les beaux jours des Terroristes étaient finis. Charette et ses officiers signèrent le 17 février 1795 le traité de la Jaunais et l'opinion publique devint implacable contre les buveurs de sang. "Le mardi 3 mars, écrit M. Gruget dans son Journal, la musique fut à la porte de Gouppil et de plusieurs autres comme lui, chanter un Libera. Ce soir, à la comédie, il a été crié : A bas les Jacobins ! à vas les buveurs de sang ! Thierry et un autre ont été chassés." - "Le 31 mars, continue le curé de la Trinité, Gouppil et plusieurs autres de sa trempe ont été insultés à la comédie et en ont été chassés."

Le 24 mai 1795, le juge de paix Myionnet, après une nouvelle enquête sur les hommes de la Terreur, lançait contre eux un mandat d'arrêt. La veille, on avait interné Gouppil à la citadelle. Il fut transféré, le 2 juin, à la prison nationale et relâché peu après.

Le juge de paix avait renvoyé l'affaire au directeur du juré d'accusation, le citoyen Macé-Desbois. Ce dernier fit à son tour une troisième enquête sur les terroristes angevins, et Gouppil fut arrêté de nouveau au mois d'août. Des embarras de procédure firent traîner la chose en longueur. Ils n'étaient pas encore jugés quand fut voté, le 26 octobre 1795, le décret d'amnistie.

Rendus à la liberté, les terroristes et leurs amis fondèrent immédiatement une société. Ennemis de la Constitution de 1795, ils demandaient celle de 1793. Cette société fut fermée par Hoche le 6 mars 1796.

Au commencement de l'année 1798, le Directoire poursuivit en même temps les royalistes et les terroristes. Les Affiches d'Angers, du 10 mars, annoncèrent que Gouppil fils et trois autres de ses anciens compagnons venaient d'être arrêtés. Ils ne tardèrent pas à recouvrer leur liberté.

Voici comment M. Blordier-Langlois, qui l'avait connu, s'exprime sur le compte de notre terroriste : "Gouppil, le fils d'un apothicaire fut honorablement connu, et qui lui-même avant la Révolution s'était fait aimer par sa sociabilité et la douceur de son caractère, Gouppil, que ses nombreux amis, avant le règne de la Terreur, avaient trouvé le plus obséquieux des hommes, Gouppil était devenu un homme féroce. C'est de lui que j'ai voulu parler quand je dis : "Un des hommes qui venaient de prononcer l'arrêt de sang, présidait ce cortège le sabre nu à la main, etc." Gouppil ne traîna plus qu'une solitaire existence. Je crois le voir encore, maigre, la tête en avant, les yeux baissés, marcher triste et pensif parmi ses concitoyens qui le laissaient passer sans lui rien dire ; plus souvent il portait ses chagrins dans une agréable campagne qu'il avait près des Champs Saint-Martin, mais dont le charme était impuissant à ramener le calme dans son âme. Enfin un jour néfaste le conduit au rocher de la Baumette et là Gouppil termine dans le gouffre une vie devenue désormais pour lui insupportable."

"Gouppil, pharmacien, rue Toussaint, écrit de son côté François Grille, était doux et faible en sa jeunesse. La peur l'avait rendu féroce. De crainte de passer pour aristocrate, il s'était fait Jacobin sans-culotte. Il présidait aux exécutions, les hâtait, y aidait, et puis quand la Terreur fut passée, il devint sombre, atrabilaire, fou, et alla se jeter à l'eau du haut du rocher de la Baumette".

Angers rocher de la Baumette

C'est le 15 novembre 1811 que Gouppil alla se noyer à la Baumette, et son corps ne fut retrouvé sur la rive opposée que le 11 du mois suivant. Voici son acte de décès, tel qu'il est consigné sur l'état-civil de Bouchemaine :

Le 12 décembre 1811, nous, François Ledroit, adjoint au maire et officier de l'état civil de la commune de Bouchemaine, avons reçu un extrait de procès-verbaux rédigé et à nous adressé par le sieur Étienne-Michel Myionnet, juge de paix du canton sud-est et officier de police judiciaire d'Angers, exerçant en place du juge de paix du canton nord-ouest de ladite ville d'Angers, dans lequel il nous certifie que le 11 de ce mois il s'est transporté au lieu de la Rive en cette commune, pour faire l'inspection d'un cadavre trouvé dans le lit de la rivière de Maine et qui a été reconnu par lui et par plusieurs autres pour être le corps de Gabriel-Étienne-Jean Gouppil, ancien pharmacien, fils de feu Gabriel-Urbain Gouppil (mort à Angers, le 15 octobre 1806) et d'Étiennette-Renée Caternault, son épouse, âgé de 57 ans, demeurant rue Toussaint à Angers, veuf de dame Charlotte-Renée-Goupil, et qui était absent de chez lui depuis le 15 novembre dernier. De quoi avons dressé acte les mêmes jours et an que dessus.
Ledroit, adjoint.

 

GOUPPIL DECES

 

- La raison pour laquelle on mit si longtemps à retrouver son corps, nous est donnée par M. Gruget, en 1816 : "Pour ne pas manquer son coup, il avait rempli ses poches de pierres."

Gouppil laissa une fille unique qui était d'une grande piété et qui épousa M. Pierre Gaultier aîné. Elle mourut dans son domicile de la rue des Arènes, après avoir eu la douleur de perdre ses deux enfants.

 

(1) Le 6 novembre 1794, Jacques Gautret, ex-accusateur public d'Angers, disait au Comité révolutionnaire : "Je sais par notoriété publique qu'il y a eu des fusillades et des noyades en grand nombre. Lorsque les brigands assiégèrent Angers, je sais par le rapport de Gouppil qu'au premier coup de canon il en a été fusillé une grande quantité aux Ponts-de-Cé, tant hommes que femmes, et aussi sur la route de Doué."

(2) Le 31 octobre 1794, Réthoré-Desvaux, secrétaire du district de Vihiers, réfugié à Angers, déclarait au Comité révolutionnaire : "J'ai connaissance qu'étant à Doué avec les papiers du district de Vihiers dans le mois de frimaire an II et pendant mon séjour, je vis une chaîne de 60 personnes qu'on disait aller à la fusillade, lesquelles étaient conduites par Obrumier fils et Gouppil. Le 15 juin 1795, François Fardeau, commis au district d'Angers, disait au directeur du juré d'accusation : "J'ai vu une lettre, signée Obrumier et Gouppil, autant que je puis m'en souvenir, adressée au Comité révolutionnaire et qui portait en substance, autant que je puis également me le rappeler : "On ne dira pas que nous n'aimons pas l'égalité : nous venons de faire guillotiner deux nobles, deux prêtres et deux roturiers. Nous en faisons guillotiner et fusiller tous les jours une bonne quantité. Vive la République ! J'ai remarqué qu'au bas de cette lettre, en post scriptum, était écrit : Dans la conduite que nous venons de faire de nos prisonniers, nous en avons fait fusiller 7 à 800. Cette lettre a dû être communiquée à l'accusateur public par Bérault fils aîné, archiviste du district."

(3) Le 11 juin 1795, Trotouin faisait la déclaration suivante au directeur du juré d'accusation : "Étant un jour de permanence, un des prêtres de Nevers qui avait été exporté et conduit à cet effet à Nantes par Gouppil fils, se plaignit à moi que Goupil leur avait fait éprouver des traitements rigoureux pendant leur transport et leur avait même pris quelque argent. Ayant rencontré Gouppil père, je lui fis part des plaintes que ces prêtres faisaient de son fils. Je présume que le père en prévint son fils, puisque quelque temps après Gouppil fils, pour se disculper des imputations dont on cherchait à noircir sa conduite, m'écrivait en forme de justification la lettre que je représente."

(4) Le 12 juin 1795, Edon disait au directeur du juré d'accusation : "Causant avec Gouppil avant que la force armée ne fût arrivée, je lui demandai où il conduirait ces prêtres. A quoi Gouppil répondit qu'il avait ordre de les conduire à Nantes, mais qu'il croyait bien qu'ils n'arriveraient pas jusque-là, que sûrement ils seraient attaqués sur la route et que ses mesures étaient prises en conséquence. En effet, les prêtres furent embarqués sur un bateau, et la force armée sur un autre."

L'Anjou Historique - Douzième année - N° 2 - Septembre-Octobre 1911

Publicité
Commentaires
L
C'est le même genre de salopard que l'on retrouvera bientôt dans les prochains ''troubles''...
Répondre
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité