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La Maraîchine Normande
17 octobre 2016

LE MESNIL-EN-VALLÉE (49) - CRAON (53) - ANGERS (49) - CHARLES-MARIE-JOSEPH HUAU DE LA BERNARDRIE, CURÉ (1746-1794)

 

Le Mesnil-en-Vallée

 

Charles-Marie-Joseph Huau de la Bernardrie naquit le 7 septembre 1746 au Mesnil-en-Vallée, d' "honorable homme" Charles-Joseph-Félix Huau de la Bernardrie, marchand, et de "demoiselle" Anne-Marguerite Piou.

HUAU DE LA BERNARDRIE

Après avoir fait ses études à l'Université d'Angers, qui lui conféra le diplôme de maître ès arts et lui délivra des lettres de quinquennium, il fut vicaire à Notre-Dame de Chemillé (1773-1776), vicaire à Saint-Martin d'Angers (1776-1778), l'un des quatre aumôniers de l'hôpital Saint-Jean d'Angers (1778-1781), curé de Notre-Dame d'Alençon (1781-1783), et enfin curé de Saint-Clément de Craon (1783-1794). Il n'y avait alors qu'une seule paroisse pour toute la ville de Craon.

A la séance du 4 février 1790, tous les députés de l'Assemblée Nationale Constituante firent le serment civique, ainsi conçu : "Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée pr le roi." Ce serment fut prêté dans un certain nombre de communes de France, notamment à Craon. M. Huau de la Bernardrie ne fit aucune difficulté de le prêter, d'abord parce que tous les ecclésiastiques membres de l'Assemblée Constituante l'avaient fait, ensuite parce que la Constitution civile du clergé n'était pas votée à cette époque. Ce serment civique était parfaitement licite.

Il n'en est pas de même du serment demandé au clergé par la loi du 27 novembre, 26 décembre 1790, dont voici la formule : "Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m'est confiée, d'être fidèle à la nation, la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi."

Malgré la similitude des formules, ce second serment ne pouvait être prêté par les ecclésiastiques, parce que la Constitution civile du clergé était devenue une loi de l'État depuis le 24 août 1790. Aussi fut-il solennellement condamné par le Souverain Pontife.

Voilà ce qui explique la conduite du curé de Craon. Au prône de la messe du dimanche 16 janvier 1791, il s'exprime ainsi : "On a dit que j'avais prêté serment ; je ne l'ai point fait. J'ai bien prêté le serment civique (du 4 février 1790), mais je ne prêterai jamais celui-ci, parce qu'il est contre ma conscience et contre la religion. Je verserais plutôt jusqu'à la dernière goutte de mon sang que de prêter le serment. Je ne sortirai point pour cela de la cure de Saint-Clément. Jamais je n'abandonnerai le troupeau qui m'a été confié, et personne, pas même l'Assemblée Nationale avec le Département n'ont le droit de m'en faire sortir." Le dimanche suivant, 23 janvier, le curé et ses deux vicaires refusent officiellement de jurer ; la municipalité présente à l'église rédige procès-verbal de ce refus.

C'est le 30 juillet que fut installé le curé constitutionnel de Saint-Clément de Craon (1). M. de la Bernardrie quitta alors sa paroisse pour aller se réfugier à Angers, faubourg Bressigny, chez la veuve Monrobin. Mais voilà qu'un arrêté du directoire du département de Maine-et-Loire, en date du 1er février 1792, enjoint aux prêtres insermentés de venir résider à Angers, pour y être soumis à un appel nominal quotidien. M. Huau de la Bernardrie se présente à la mairie le 18 février, et déclare qu'il habite chez Mme Monrobin depuis six mois et demi. Tous les jours il se rend à l'appel, et pourtant il échappe à l'internement général des prêtres qui a lieu au Petit Séminaire (rue du Musée) le 17 juin 1792. Bientôt on le voit quitter Angers pour aller se cacher dans sa paroisse natale, au Mesnil-en-Vallée.

On sait que la guerre de Vendée commença le 12 mars 1793.

M. de la Bernardrie resta constamment dans le pays et ne suivit pas l'armée catholique et royale quand elle passe la Loire à Saint-Florent-le-Vieil le 18 octobre pour se rendre à Granville.

Arrêté à Maumusson (Loire-Inférieure) le 1er janvier 1794, il fut aussitôt emprisonné à Ancenis. C'est là que le 3 janvier il subit un premier interrogatoire devant le Comité révolutionnaire de cette ville :

Quels sont vos nom, âge, profession et demeure ? - Je me nomme Charles-Marie-Joseph Huau dit de la Bernardrie ; je suis âgé de 48 ans ; je suis prêtre ; j'étais curé de la paroisse de Saint-Clément de la ville de Craon, où j'ai demeuré jusqu'au 30 juillet 1791.

Quand, où, par qui, et pourquoi avez-vous été arrêté ? - J'ai été arrêté le 12 nivôse (1er janvier 1794), dans une pièce de terre dépendante de la métairie de Lassie, en la commune de Maumusson, par une patrouille de la garde ; il était environ neuf heures du matin. J'ignore les raisons pourquoi.

Depuis quand avez-vous quitté votre cure de Craon et qu'avez-vous fait depuis ? - Je viens de dire que ce fut le 30 juillet 1791 que je quittai la maison curiale de Craon. Au commencement du mois d'août suivant, je me rendis dans la ville d'Angers. Je me réfugiai dans une maison, au faubourg de Bressigny. Je fis ma déclaration au Département établi en la ville d'Angers. Je me présentai tous les jours à l'appel nominal qui était fait des prêtres réfugiés.

Quelles sont les personnes chez qui vous étiez réfugié au faubourg Bressigny ? - J'étais logé chez une dame Monrobin, sans état, vivant de son petit revenu. J'y ai demeuré environ onze mois, et pendant cet espace de temps je me suis toujours trouvé à l'appel nominal.

Depuis l'époque que vous indiquez, où vous êtes-vous retiré ? - J'ai erré, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre.
Avez-vous pris les armes contre la patrie ? Vous êtes-vous lié avec les rebelles ? Faisiez-vous nombre dans leurs armées ? - Je n'ai jamais porté les armes ni n'ai fait nombre dans les armées des révoltés.

En votre qualité de prêtre, avez-vous fait le serment que vous prescrivait impérieusement la loi ? - J'ai fait le serment civique qu'exigeait la loi. Ce fut au mois de janvier (février) 1790. Je n'en ai pas fait d'autre, ce qui m'a obligé de quitter ma cure.

N'avez-vous point prêché la contre-révolution dans votre paroisse de Craon ? - Non, mes paroissiens sont dans le cas de l'attester.

Dans les campagnes que vous avez fréquentées, n'avez-vous pas dit la messe, confessé et fait d'autres cérémonies, et ce depuis votre sortie de Craon ? - Jamais. Je n'en ai pas eu l'idée. En le faisant, j'aurais mis le trouble.

Lors de votre arrestation, pourquoi avez-vous pris le nom de Charles Bordager ? - Si je le pris, c'est parce que je le portais au collège.

Oû êtes-vous né ? - Je suis né en la commune du Mesnil.

Depuis votre départ de Craon, n'avez-vous pas vécu avec des prêtres réfractaires ? N'étiez-vous pas coalisé avec eux pour abuser le peuple ? - Je n'ai jamais eu cette idée. J'ai trop de religion. Je ne me suis point coalisé avec aucun prêtre réfractaire.
Avez-vous dit la vérité ? - Oui.

Le Comité révolutionnaire d'Ancenis, constatant que le détenu "est prêtre réfractaire et ci-devant curé de la paroisse de Saint-Clément de la ville de Craon", ordonne, le 7 janvier, de le conduire à Angers, pour y être jugé par la Commission Militaire.

Arrivé à Angers, le 17 janvier, il est conduit au Comité révolutionnaire qui siège à l'Évêché. Après avoir examiné ses papiers, le Comité l'envoie à la Prison Nationale, située au bas de la place des Halles.

Morin et Vacheron, membres de la Commission Militaire, assistés de Baudron, membre du Comité Révolutionnaire, se portent à la Prison Nationale, le 20 janvier, pour y interroger sommairement les détenus. Le curé de Craon comparaît devant eux.

Voici le résumé de l'interrogatoire : "Charles Huau de la Bernardrie, prêtre inconstitutionnel, âgé de 48 ans, curé de Craon. Il n'a prêté que le serment civique. Renvoyé à plus ample information."

Le dimanche 26 janvier, la Commission Militaire lui fait subir un dernier interrogatoire dans l'église des Jacobins, lieu ordinaire de ses séances publiques :

D. - Ses nom, âge, profession et demeure.

R. - S'appeler Charles-Marie-Joseph Huau de la Bernardrie, âgé de 47 ans, natif du Mesnil, ci-devant curé de Craon, non assermenté.

D. - Pourquoi il n'a point obéi à la loi de la déportation (26 août 1792).

R. - Qu'il en avait grande envie, mais que des affaires de famille l'en ont empêché, et qu'il en a eu grand regret, depuis, aimant beaucoup à voyager.

D. - Que la nation avait prévenu son goût, puisqu'elle avait ordonné (le 26 août 1792) qu'il fût déporté en pays étranger.

R. - Que le fait est vrai, mais que ses affaires l'ont retenu.

Séance tenante, M. de la Bernardrie est condamné à mort pour quatre motifs : "1) Il a eu des intelligences avec les brigands de la Vendée ; 2) il a enfreint la loi relative à la déportation des prêtres non assermentés ; 3) après cette infraction à la loi, il a toujours erré ou habité des pays envahis par les brigands, et par là il a servi, excité ou maintenu leurs projets contre-révolutionnaires qui ont éclaté dans ce département et la Vendée ; 4) par l'ensemble des délits commis par lui, il est prouvé impérieusement qu'il a provoqué au rétablissement de la royauté et à la destruction de la République Française."

Dans la soirée du même jour, 26 janvier, à quatre heures, le confesseur de la foi montait à l'échafaud, sur la place du Ralliement ; ou plutôt on fut obligé de l'y porter à cause de sa grande faiblesse.

M. Gruget, curé de la Trinité d'Angers, qui était caché dans une maison située devant la chapelle des Soeurs de l'Espérance, écrivait le lendemain dans son Journal :

"M. Huau La Bernardrie, curé de Craon, en ce diocèse, natif de la paroisse du Mesnil, près Saint-Florent était âgé d'environ cinquante ans. C'était un pasteur très éclairé et très attaché à son devoir. Il a eu bien des persécutions à souffrir dans sa paroisse. Cela ne l'empêchait pas d'être très attaché à son peuple. - Il s'était rendu à Angers pour obéir à l'arrêté du département. Il trouva le moyen de se soustraire à toutes les recherches qu'on faisait des prêtres pour les mettre au Séminaire. Il avait trouvé occasion de passer chez M. son père, qui demeurait au Mesnil. Il y était (?) lorsqu'il fut pris ; il était même malade. Mais, quoiqu'infirme, il fut conduit dans les prisons d'Angers, où il souffrit tout ce qu'on peut souffrir de plus inhumain. - Il fut conduit au tribunal pour être jugé. Il fut condamné à mort, comme étant un chef de l'armée catholique. Alors ramassant ce qu'il avait de force : C'est ainsi que vous jugez et que vous faites mourir les honnêtes gens, leur dit-il. Je ne suis point un des chefs de l'armée catholique, ainsi que vous le dites, je n'ai jamais assisté au combat ; je n'ai su ce qui se passait que parce qu'on me le rapportait. Je suis prêtre et curé de la ville de Craon, je suis prêtre catholique et je veux mourir dans le sein de l'Église catholique, voilà ma profession." Ce langage, loin de les étonner, ne fit qu'enhardir ses bourreaux. Ils confirmèrent la sentence de mort, et il fut porté au supplice pour terminer sa vie et recevoir la couronne réservée aux confesseurs de la foi et à ceux qui meurent pour la soutenir."

LOUIS-JACQUES BOUCHARD, né à Baugé le 24 août 1759, premier vicaire à Craon, déclara le 16 janvier 1791 : "Je verrais les couteaux prêts à me couper la gorge, je ne prêterais jamais le serment qu'on exige de moi. Je veux être fidèle à l'ancienne loi, et non pas suivre la nouvelle qu'on veut établir". De Craon, il écrit, le 21 mars 1791, à la Gazette de Paris : "Nous sommes vingt prêtres, dont un curé, deux vicaires, huit chanoines, deux prêtres au collège, quatre bénédictins, trois dominicains. Nul de nous n'a trahi sa foi ni son honneur à raison du serment du 27 novembre 1790. Nous sommes encore et serons toujours intacts comme en sortant de l'Ordination, moyennant la grâce de Dieu." (Mais quatre jurèrent dans la suite : Mathurin Benoist, chanoine, Monsallier et Vezac, bénédictins, Buin, dominicain). Le 30 juillet 1791, a lieu l'installation de l'intrus : M. Bouchard reste encore quelques semaines à Craon, puis il se rend à Angers, chez sa mère, rue des Carmes. Emprisonné traîtreusement le 17 juin 1792, il part le 12 septembre pour la déportation en Espagne. Revenu lors de l'application du Concordat, M. Bouchard fut successivement curé de Denezé-sous-le-Lude (1802-1819), curé de Chartrené (1819-1822). Mort en fonctions le 5 avril 1822.

PIERRE CHANTELOU, second vicaire à Craon, fut emprisonné à Laval en juin 1792 et déporté en Angleterre, où il obtint un préceptorat. Rentré en France vers 1830, il devint professeur d'anglais au collège de Château-Gontier et mourut prêtre habitué à Mesnil, le 6 février 1842, âgé de 80 ans.

(1) PIERRE-MATHURIN BENOIST, né à Château-Gontier, le 21 mai 1754, d'abord vicaire à Saint-Clément de Craon, fut ensuite nommé chanoine de Saint-Nicolas de Craon. Seul des huit chanoines, il prêta serment à la constitution civile du clergé. Installé intrus de Saint-Clément de Craon le 30 juillet 1791, il renonça à la prêtrise le 10 mars 1794, mais en 1795, il reprit à Craon le culte constitutionnel, qu'il exerça jusqu'à l'application du Concordat. A cette époque, il se réconcilia avec l'Église et devint curé de la Selle-Craonnaise, où il mourut en 1815.

L'Anjou Historique - avril 1938 - Trente-huitième année

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