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La Maraîchine Normande
30 septembre 2016

MONTAIGU - BOUFFÉRÉ (85 - UN VIEIL ÉMIGRÉ, CURÉ, LE COMTE SYLVESTRE-FRANÇOIS DU CHAFFAULT (1734-1822)

Sylvestre-François, comte du Chaffault, naquit à Montaigu, paroisse Saint-Jean-Baptiste, le 5 décembre 1734, du noble et puissant seigneur messire Julien-Gabriel du Chaffault, seigneur de la Sénardière en Boufféré, et de noble et puissante dame Marie-Jeanne Robert de Chaon ; il fut baptisé le lendemain, dans l'église de Saint-Jean-Baptiste ; ses parrain et marraine furent Séraphin du Chaffault, officier de marine, son grand-oncle, et Catherine-Françoise Boyer, dame de la Salle-Lézardière en Challans.

 

du Chaffault naissance

 

L'influence de son parrain et de son oncle, Louis-Charles du Chaffault, auraient dû, ce semble, déterminer le jeune Sylvestre à choisir la marine pour carrière ; il entra cependant dans l'armée de terre, et prit part à la guerre de 7 ans, en Allemagne.

Le 22 janvier 1759, il épousa Françoise-Renée Morin de la Guignardière, en Avrillé. Dieu bénit cette union en leur accordant une nombreuse postérité, six garçons et trois filles. L'aînée, mariée au comte de Chevigné, en 1782, et sa soeur, qui avait épousé Alexandre de Rorthays, en 1784, avaient rendu leurs parents aïeuls de sept petits enfants. Leur soeur, Marie-Rosalie, aspirait à la dignité de chanoinesse ; son frère, Henri-Barthélémy, qui s'engagea dans l'armée vendéenne où il fut tué, clerc-tonsuré, avait produit les preuves de noblesse exigées pour être admis comme membre du chapitre de Lyon ; l'aîné de la famille venait de s'unir à Mlle de Mc-Carthy ; tous les autres enfants étaient avantageusement placés au commencement de l'année 1789.

Comblés des dons de la fortune, aimés et considérés de leurs voisins, le comte et la comtesse du Chaffault n'avaient rien à souhaiter pour compléter leur bonheur ; mais, il n'y a point de situation stable ici-bas et la Révolution qui venait d'éclater, leur en fit faire une cruelle expérience.

Le comte du Chaffault dut prendre le chemin de l'exil, en 1791 ; sa femme, qui avait suivi l'armée vendéenne, mourut à la Flèche vers la fin de 1793 ; deux de ses filles périrent dans les prisons du Mans ; la troisième, héroïque amazone, prise les armes à la main, combattant contre les bleus, fut fusillée comme brigande.

Quant au comte du Chaffault, il avait rejoint le prince de Condé, à Worms ; il s'engagea dans la cavalerie noble, prit part "à toutes les affaires, se conduisit avec honneur, se distingua par un courage et une constance dignes d'éloge et le dévouement le plus entier au service du roi." (Certificat délivré au quartier général, Frisbretz. Signé : Louis-Joseph de Bourbon, Drouin, notaire).

Cette belle conduite fut récompensée par le titre de chevalier de saint Louis, le 21 janvier 1798.

Rentré en France le 16 mars 1802, le comte du Chaffault trouva, comme les autres émigrés, sa position bien différente de celle d'autrefois. Nous venons d'énumérer les pertes que la Révolution lui avait fait subir dans sa famille ; à peine lui restait-il quelques débris de sa brillante fortune ; le domaine de la Guignardière était passé en des mains étrangères. Si la Sénardière, berceau de ses pères, n'avait pas été vendue, l'incendie révolutionnaire n'avait pas épargné ses bâtiments.

Sénardière Boufféré

Le vieux gentilhomme déplorait l'état de la France et sa triste situation personnelle. Sa foi et sa piété lui inspirèrent alors une résolution, que son âge semblait rendre irréalisable ; mais son tempérament robuste et son caractère énergique lui firent trouver une nouvelle jeunesse pour servir l'Église dans l'état ecclésiastique ; il se fit ordonner prêtre, en 1803. Sa carrière sacerdotale, relativement longue, montra que, pour avoir été tardive, sa vocation n'en était pas moins réelle, bien qu'il s'y mêla peut-être, un peu d'ambition. On prétend que le bon vieillard aurait dit, avec une simplicité naïve, qu'il pourrait bien arriver à l'évêché de Nantes ! Ce brin de vanité sénile n'est-il pas excusable dans un gentilhomme, qui avait été jugé digne des honneurs de la cour, s'était couvert de gloire militaire, mettait au nombre de ses ancêtres, Saint-Martin de Vertou et comptait dans sa famille plusieurs illustres prélats ? ... "La vocation ecclésiastique était de tradition dans sa noble famille", écrit M. de la Nicollière, archiviste de la ville de Nantes, dans une brochure publiée en 1888, à l'occasion de la découverte du tombeau de Pierre du Chaffault, évêque de Nantes (1477).

Mgr Duvoisin le nomma chanoine honoraire de la cathédrale de Nantes, en 1804.

SENARDIERE BOUFFERE CHAPELLE

Après son ordination, l'abbé du Chaffault se retira à la Sénardière, où il s'était fait arranger un modeste logement. Il célébrait la sainte messe dans la chapelle du château épargnée par le marteau des démolisseurs de 93. Cette position tranquille et modeste ne put suffire au zèle du nouvel abbé ni à l'activité de l'ancien militaire ; il se fit autoriser à desservir l'hôpital de Montaigu. Il s'y rendait, tous les vendredis, pour confesser les soeurs et les malades, ce qu'il continua de faire, après avoir accepté la cure de la Guyonnière, comme nous allons le dire.

La Vendée, qui avait perdu le siège épiscopal de Luçon par suite du Concordat, avait été réunie au diocèse de la Rochelle. Les prêtres manquaient. Mgr Paillou offrit la paroisse de la Guyonnière à l'abbé du Chaffault, qui l'accepta. Il y remplit les fonctions de curé pendant plus de dix ans avec un zèle et une abnégation dont semblaient le rendre incapable et son âge et sa condition.

Pour apprécier le mérite du gentilhomme desservant, il faudrait avoir connu le presbytère qui lui servit de demeure ; il consistait en un rez-de-chaussée, composé de deux pièces ; un escalier, simple comme une échelle, conduisait à un étage qui n'était qu'un grenier, l'église paroissiale était pauvre et menaçait ruine (elle a été reconstruite par M. Amiot en 1835) ; elle n'avait pas de clocher ; le pignon de la façade était surmonté d'une sorte de bretèche à deux baies, destinées à recevoir les cloches. Par dérision, les voisins appelaient ce campanile primitif "les lunettes de la Guyonnière".

Une lettre écrite en 1867 par M. Amiot, successeur médiat de l'abbé du Chaffault, rappelle, d'une manière touchante, les vertus de son vénérable prédécesseur : "Sa charité pour les pauvres était sans bornes et toujours exercée avec une extrême délicatesse. La pièce de 6 fr. était l'aumône la plus ordinaire avec le morceau de pain ; les enfants recevaient assez souvent le petit écu de 3 fr. La servante était toujours blâmée vertement, lorsque la part était réduite, pour cela que c'était deux frères ou deux soeurs, le père et le fils, la mère et la fille ; et son mot le plus habituel était : N'ont-ils pas deux estomacs ?"

Le généreux curé avait un stock de blé à la Sénardière, qui lui servait pour renouveler les provisions de sa cure, quand elles étaient épuisées. Il aimait à faire remarquer, quand on lui amenait du blé, que c'était une attention de la providence pour lui procurer le moyen de continuer ses aumônes.

La charité du bon prêtre envers les pauvres n'absorbait pas entièrement ses modiques ressources ; il n'oubliait pas son église, il lui fit don d'un calice d'argent et d'un, encensoir de même métal, sur sa navette ; les trois objets portent l'écusson du donateur. On pouvait voir encore dans la sacristie de la Guyonnière une vieille chasuble de satin rouge qui pourrait bien être un reste de la garde-robe de la comtesse du Chaffault. Le vieux curé laissa aussi dans la sacristie une armoire antique dont les panneaux sculptés sont entrés dans le tombeau de l'autel de la chapelle de l'orphelinat de Melay.

"Sa régularité dans le saint ministère", continue M. Amiot, est restée dans le souvenir de nos vieillards. Il allait à l'église et aux malades, toujours empressé, et avec plaisir. Il prêchait surtout du coeur, et, dans ses exhortations, souvent les larmes et les sanglots étouffaient sa voix. L'auditoire pleurait avec lui ..

Sa dévotion à la sainte messe se manifestait, quelquefois, par un attendrissement très édifiant pour l'assistance. Je tiens d'un prêtre qu'il a vu célébrer, qu'il redoublait d'attention et de piété aux oraisons qui précèdent la communion.

La charité et le dévouement du bon pasteur pour son troupeau ne lui faisait point oublier ses nombreux enfants ; il priait et faisait prier pour eux, toujours. Toute personne qui venait à la cure et qui n'était pas trop pressée de s'en retourner, recevait du bon prêtre la prière de réciter avec lui le chapelet ; on en a compté 12 dans un jour. Quand il annonçait la prière pour ses enfants, il fondait en larmes et disait : J'ai si grand peur qu'ils se perdent".

Aux prières pour ses enfants, le vertueux père joignait les avertissements qu'il ne craignait pas de leur donner en public. Un jour que son fils Gabriel assistait à la grand-messe à la Guyonnière, son père l'admonesta en ces termes : "Gabriel, tiens-toi mieux !"

C'est ce même Gabriel, qui, veuf de sa première femme, épousa en secondes noces la fille de son frère aîné, Marie-... du Chaffault. Le mariage fut célébré à Nantes et béni par le seigneur de la Guyonnière, père du marié et grand-père de la mariée qui maria, ainsi, son fils avec sa petite-fille. Ajoutons que c'est probablement un fait unique dans l'histoire.

Il paraît que le vénérable pasteur n'était pas sans inquiétude sur les suites de cette union. Un ancien de la paroisse, nous a rapporté que le bon curé avait dit aux époux : "Mes enfants, je crains que ce mariage ne vous porte pas bonheur, vous êtes trop près parents."

Hélas ! quelques mois après, la femme laissait son oncle, veuf, pour la seconde fois, et celui-ci, oublieux des leçons et des exemples de sa vertueuse famille, ne fut pas un sujet de consolation pour les vieux jours de son père.

L'âge n'affaiblissait point les idées politiques du gentilhomme et de l'émigré ; il trouva le temps de les consigner dans une brochure intitulée : "Réflexions sur la révolution française, 1815". Cet écrit fut saisi par la police "comme renfermant des opinions contraires à la charte".

Son zèle, non plus, ne demeurait pas confiné, dans les limites de sa paroisse. Le 10 février 1816, au service célébré dans l'église de Bourbon-Vendée pour le marquis Louis de la Rochejaquelein, le curé de la Guyonnière prononça l'oraison funèbre du héros qui avait succombé aux Mathes, paroisse du Perrier, en combattant pour la cause des Bourbons.

Dans ce discours, qui se ressent de l'âge de son auteur (80 ans), l'orateur s'attache à flétrir les ennemis de la religion et de la royauté, cause des malheurs de la France, et à exalter le mérite et la valeur du héros mort en combattant les partisans de la Révolution.

Cependant, le courageux vieillard avait atteint sa 84e année, ses forces trahissaient son courage, il fallut céder aux exigences de l'âge. Il se retira à Nantes, au mois de septembre 1817. Il espérait changer son titre de chanoine honoraire pour celui de titulaire ; il avait obtenu du roi Louis XVIII la promesse de la première chanoinie vacante au chapitre de la cathédrale de Nantes. La mort ne lui permit pas de réaliser cette espérance.

Il rendit son âme à Dieu, près de la cathédrale, le 9 janvier 1822, à 10 heures du soir, dans la 88e année de son âge, et la 21e de son sacerdoce.

On transporta le corps du vénérable chanoine dans le cimetière de Boufféré, près des tombeaux de plusieurs membres de sa famille.

Boufféré église

Lors de la reconstruction de l'église paroissiale, en 1861, on ouvrit la tombe du saint prêtre en creusant les fondations du nouvel édifice ; ses ossements, pieusement recueillis, ont été inhumés dans l'enceinte de la nouvelle église ; une plaque de marbre noir avec une épitaphe en lettres dorées, incrustée au bas du pilier gauche du choeur, marque l'endroit précis où reposent les restes du comte du Chaffault, officier émigré, prêtre, curé, chanoine.

La Semaine catholique du diocèse de Luçon - 1893 (AD85 - 4 Num 115/18)

Le 8 février 1793, deux certificats de résidence sont demandés à la municipalité de Luçon. Ces certificats nous permettent d'obtenir une description de l'épouse de Sylvestre-François et de leur fille Marie-Rosalie.

MARIE-FRANÇOISE-RENÉE DU CHAFFAULT, épouse de Sylvestre-François du Chaffault, âgée de 50 ans, taille d'environ cinq pieds un pouce, cheveux et sourcils blonds, yeux bleus, nez rond, bouche moyenne, menton saillant, front large, visage allongé.

MARIE-ROSALIE, fille de Sylvestre-François du Chaffault, âgée de 20 ans, taille de quatre pieds onze pouces, cheveux et sourcils blonds, yeux bleus, nez rond et bien fait, bouche petite, menton aigu, visage rond, lisse et plein.

DU CHAFFAULT

AD85 - Délibérations municipales de Luçon - 3 décembre 1792 - 12 vendémiaire an III - E-DEPOT 128 1 D 3 - vue 15

 

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