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La Maraîchine Normande
15 septembre 2016

FONTENAY-LE-COMTE - DOIX (85) - FRANÇOIS GUSTEAU, PRIEUR-CURÉ - "HEUREUX CELUI QUI MEURT LES ARMES A LA MAIN"

LE CURÉ-PRIEUR DE DOIX
Chantait Noël en Patois Poitevin

Gusteau François portrait


Qui se souvient que le Curé-Prieur de Doix fut un fin rimailleur, poète régional célèbre ?

L'abbé François Gusteau passa ses instants de loisirs à composer de multiples chansons, poèmes, beaucoup en Patois Poitevin, les autres en Français et notamment une quarantaine de Noëls, dont le célèbre COMPLIMENS DAU BREGEAY.

Gusteau baptême paroisse St Nicolas

FRANÇOIS GUSTEAU était né à Fontenay-le-Comte, rue des Loges, paroisse Saint-Nicolas, le 15 mars 1699, baptisé le 16, de François Gusteau, marchand, et de Marguerite Royer. Très jeune, il fut orienté vers le Sacerdoce par le Curé de Notre-Dame, et le 30 novembre 1720 fut clerc tonsuré du Diocèse de la Rochelle.

Le 22 avril 1722, il est nommé à la Cure de Saint-Hilaire de Champagné-les-Marais, où il resta quelques années.

Puis le 21 décembre 1730, il est nommé prieur-curé de Doix. C'est dans cette cure à la nomination de l'Abbaye de Nieul-sur-l'Autize, et dépendant de l'Archiprêtré d'Ardin, qu'il partagea sa vie entre son église qu'il fit reconstruire, remplacée au XIXème siècle, les lettres qu'il appelait Poitevines et la prédication à l'édification de ses paroissiens.

Sa plume était facile et ses Noëls jouirent dès leur apparition d'une grande popularité et furent chantés dans tout le Poitou, mais vite éclipsés par le prodigieux succès des cantiques de cet autre Vendéen, Saint-Louis-Marie GRIGNON DE MONTFORT, propagés par ses disciples pendant plus de deux siècles.

Il composa même pour les petits écoliers de Doix, qui la jouèrent en 1742, devant une foule de Fontenaisiens : "L'heureux mystère de la nuit de Noël", pièce en cinq actes, où se lisent les dialogues naïfs de Lucas, Colin et Pierrot.

Son portrait existe à la Cure de Doix, et une réplique faite depuis pour le Musée de Fontenay, nous montre un visage affable et ouvert au regard doux, mais pénétrant. Les traits tempèrent d'une grande expression de finesse ce qu'ils peuvent avoir d'affirmés, la figure est large, encadrée d'une chevelure bouclée sobrement, une expression spirituelle éclaire l'ensemble. Le rabut noir encadré de blanc, s'étale largement sur sa poitrine, et pendant les séances de pose, il composa en bon français un épigramme qu'il intitula : "Épigramme que je fis quand Antoni me peignit pendant l'hiver" dont nous extrayons quelques vers :

Il gelait et Mathieu, voulait se faire peindre
Il avait un faux air ou bien un bon rhume à craindre.
Antoni lui disait découvrez-vous milor
J'ai besoin de contour de votre grosse face ...
Mais son chef-d'oeuvre fut le célèbre "Complimons dau Bregeay" :
Perrot quiarche ton chalumia
Plante m'iqui tes agneaux,
Et t'en vins aque nous
Vaint voy queque chouse de bea
Que j'allons voy trertous, etc ...

Et dans seize couplets, c'est un long et savoureux dialogue entre Perrot, Grigot, Colin, Georget et Robin, où on lit :

Mon bon Jésus quand y ve voy
Mon coeur en farfouille de joy
L'aise me fait chantay
Qui me donne à vous mille foy ...

L'abbé Gusteau mourut le 18 mars 1761, à l'âge de 62 ans. Les circonstances de son décès sont ainsi décrites par son vicaire :

"Il fut foudroyé le Jour de la Passion, par une attaque d'apoplexie, alors qu'il célébrait le Saint Office. Les témoins ont rapporté qu'il s'éteignit en murmurant ces mots : "Heureux celui qui meurt les armes à la main !"

Et son acte de décès porte : "Le 22 mars, a été inhumé dans le cimetière de ce lieu, le corps de Messire François Gusteau, Prieur-Curé de cette Paroisse, âgé de 62 ans et 10 jours, en présence de Messieurs les Curés de Chais, Fontaines, Velluire, Saint-Pierre et Saint-Médard et Vix".

Gusteau décès

Son vicaire qui lui succéda, l'abbé Desprez a écrit en marge de l'acte la mention suivante : "M. François Gusteau prieur-curé de Dois, a gouverné cette Paroisse pendant 30 ans, avec un zèle infatigable : c'était un Prêtre accompli, et je lui ai succédé après avoir été quinze ans son vicaire. C'est lui qui a fait bâtir l'église et le presbytère. Les pleurs de ses paroissiens firent son panégyrique, le jour de son enterrement qui fut un jour de Pâques."

La tombe de François Gusteau est encore visible dans le cimetière de Doix, où elle fut transférée après la désaffection de l'ancien. Il y repose sous une vieille dalle de pierre toute moussue.

Tout entier aux arts, l'abbé Gusteau fut un des grands poètes Poitevins du XVIIIème siècle, mais combien le savent ?

JEAN LAGNIAU
La Fin de la Rabinaïe - n°130 - Décembre 1996

AD85 - Registres paroissiaux de Fontenay-le-Comte et Registres d'état-civil de Doix.

 

Gusteau François portrait 3


 

NOËLS

 

 

COMPLIMENS DAU BREGEAY
Sur l'air : En passant par un échalier.


Perot, quiarche ton chalumeas, bis
Plante m'iqui tous tes ageas,
Et t'en vains oque nous ;
Vains vol quieque chouse de beas,
Que j'allons voir tretous.

In Onge, aveque dau plumet, bis
Vaint de m'avreti qu'à minet,
O l'est né, chez Colas,
Sus de la paille, dans son tet,
Daux Enfans le pu beas.

Allons trechay quiau doux Poupon ; bis
Gle merite bay qu'y courgeons,
Car glest, se disant-ail,
Le Ras daux Cieux que j'attendons,
Et d'au bon Dieu le Fail.

Séchons rendus tout d'au premay, bis
Pre le besay, pre l'adoray,
Pre chaufay ses drapeas,
Pre bufay son feu, pre tiray
De l'éve en ses seillas.


PEROT
Oui, mais velat men embarras ; bis
Que dire, quand je srons là-bas,
Pre netre compliment ?
Sçà, Grizot, que diras-tu, tas,
Quand tu voiras l'Enfant ?

GRIGOT
Y l'y dirai, mon bon Seignous, bis
Ayez soplait pidé de nous ;
Ah ! qui srions ravis,
De voir le Maître de tretous
Dans in pu bea logis.

COLIN
Y cré, ma, qui feront fort bay, bis
Si le voisons, de le priay
De béni nos Troupéas,
Nos Beux, nos Vaches, nos Vachay,
Nos Moutons, nos Aigneas.

GEORGET
Per ma, qui sai trop pois hardi, bis
Y tirray le pé devers ly,
Sans autre compliment ;
Gle lirat en mon quieur qui dy,
Qui l'aime grandement.

COLIN
Quieu bay dit, car, pre les grans Gens, bis
O sont de pauvres complimens
Quo fant gens comme nous ;
Quand y font sus tous les savans,
Y passons pre dau foux.

ROBIN
Y en ai pretant bay fait un bea, bis
Pre le dressay j'étions tra,
Et j'avons bay sué ;
Regardez si gne cadre pas,
Gle ma presque tué.

Après avoi pris moun bounet, bis
M'être mouché pr'être bay net,
Et fait les baisemains,
De mon Pere, et pi de Jacquet,
Y diray, si je ne crains :

Mon bon Jésus, quand y ve voy, bis
Mon quieur est farfouillé de joy,
L'aise me fait chantay ;
Qui me doune à vous mille foy,
Et qui veut ve zaimay.

Hier au ser j'étas dans mon lit, bis
Quand l'Ange, comme çà, me dit
Que vous étiez naquiu,
Je parta dré le premier brit,
Et me vela vainguiu.

Mon Grand-père autrefois lisa, bis
Dans un saint Livre qu'il boutra,
Que vous deviez veni ;
En mourant il me prescriva
De tourjou vous servi.

Faites-moi savoy, sans façons, bis
Ce qu'il faut que je fassions
Pre plaire à vos bontés ?
Ah ! queu l'houneur que je séchons
De vos domestiqués.

Tretous ensemble.

Ah ! jarti tay le pus savant ; bis
Et bay, Robin, marche devant,
Et parle pre tretous.
Qui craioit que t'en savais tant ?
Tay bay pus fin que nous.

 

 


 

Prophétie au sujet de la naissance du Messie
Paraphrase du 7e chap. d'Isaïe
Sur l'air : O la haut Pérochon


Nos dévanciers disant
Que le sage Isaïe
Enseigne clairement,
Dans ine Prephétie,
Qu'in jou deux chétis héares
Vinguirant vers quiau lon,
Pre nous faire la guiarre,
Mais qui les vainquirons.

Chantons Noël, Pearete,
Allons, gué mes enfans,
Netre joie est parfaite ;
Y voisons le bon temps.

Acaz, Roi de chez nous,
Ou trop foible ou trop lâche,
Les voyant oguit poux ;
Car o faut que je sache
Qu'in Roi l'envoyit quiare,
Disant : venez chassay
Quies coquins de mes téares,
Gle me font endévay.

Chantons Noël, etc.

O l'étoit fait de ly ;
Mais Dieu, dans sa colère,
Se daignit souveni
Que glétoit netre pere.
Glenvoyit son prephete
Qui, de quiau pauvre Ras,
Parlant à la Beurette,
Dissit : écoute Achas.

Chantons Noël, etc.

Ne crains jà quiès coquins ;
Dieu, cas que te l'offence,
Dans son peuple a quéquins
Qui valant que gly pense :
Quiès Princes daux armées
Sont comme daux tisons ;
Ne crains point lau fumée,
Car t'en aras raison.

Chantons Noël, etc.

Si tu ne me crais pas,
Demande daux miracles,
Tant la haut que ça bas,
T'en aras sans obstacle ;
Te voiras clair à l'hure ;
Si te doute trejous,
Téras, sais-en bay sure,
Aillou planter daux choux.

Chantons Noël, etc.

Achas fut bay content
Quand glentendit quiès tarmes ;
D'abord gletoit tremblant,
Mais, devenu pu fearme,
Gledissit : Dieu ne veille
Qui tante mon Seignou
Pr'obtenir dau merveille !
Qui ne say jà si fou.

Chantons Noël, etc.

Eh bay donc se dissit,
Après quieu, le prephète,
Famille de David,
Dont la pearte y regréte,
Ve contristé les houmes,
Et jusqu'à vetre Dieu ;
Mais sa bonté ve soume,
D'espérer malgré quieu.

Chantons Noël, etc.

Pre faire concevoy
Que Dieu taint sa parole,
Et que, de quies deux Roy,
L'entreprise étoit folle,
Une Vierge sans houme
Arat, dito le Ciel,
In fail qu'o faut qu'on noume
Le grand Emmanuel.

Chantons Noël, etc.

L'Emmanuel promis
Est le Dieu que les Anges
Avant dit qui s'est mis,
Sus dau foin, dans dau langes ;
Allons l'y rendre homage,
Et le remerciay ;
Prenons en le courage,
En ly faut esperay.

Chantons Noël, etc.

Precas fouire de vous,
Mon Jesus, mon refuge ;
O l'est vrai que j'ons pous :
Ve zete netre juge ;
Mais, ce qui nous console,
Ve zete netre juge ;
Mais, ce qui nous console,
Ve zete notre ami ;
Et sus quielle parole
Nos coeur sont refermi.

Chantons Noël, etc.

 


 

 

Sur la Conception Immaculée de la Mère du Messie
Sur l'air : O l'etet in Monsieu qui at écarté sa mie.


De toute éternité,
Aux Ceaux fut arrêté,
Qu'o faudret ine Mere
Au fail de Dieu le pere.

Quiau qui la choisissit,
O fut le Saint-Esprit,
Qui la prit la plus belle
Qui fut so les ételles.

Ly même la rendit
Telle que gle velit ;
Et, prembély sa face,
Gle l'ornit de sa grace.

Pis, velant empéchay
Qu'o ne se trouvit ray
Qui souillit sa naissance,
Gle sy prenit d'avance.

Quand donc o l'arrivit
Qu'Anne la concevit,
Glempêchit que sen âme
Ne devainguit infâme.

Le démon veloit bay
De son coeur s'emparay,
Mais Dieu ly fit connaître
Que gnen seret jà maître.

Quemant, se disit-y,
La Mere de mon fils
Seroit ta chambriere ?
Faut-il que tu l'espere ?

Va, je tau prometi
Quand je te maudissi ;
Son pé, maligne Bête,
Ecrasera ta tête.

Dans la Loi qui disoit
Que l'homme périroit,
La Vierge, que je prise,
Ne fut jamais comprise.

Le péché quo lavant
Les mortels qui naissant,
Ne fut point l'héritage
D'ine fille aussi sage.

Je peux l'en exemptay,
Comme aux autres l'otay ;
Puisqu'y veux qu'à me sarve,
Ma grace l'en présarve.

Vas-tan, maudit Satan,
Bouilli dans ten étang ;
Ta griffe, sus Marie,
Ne sera jà souffrie.

Après moi dans les Cieux,
Sus tous les Bienheureux,
Pr'être récompensée,
A se verrat placée.

Pre toi, vilain Démon,
Pre ta punition,
En maugrayant ta vie,
Te l'aras pr'ennemie.

A serat, tous les jours,
Et l'aide et le recours
De quielay de ses freres
Qui la prendrant pre mere.

Tous les dons qui feray,
A quiea que j'aimeray,
Découlerant par elle,
Dessus chaque fidèle.

Les Houmes.

Ah ! j'au reconnoissons,
J'au voyons, j'au sentons,
Ve zete netre amie.
Boune Vierge Marie.

Priez trejous pre nous,
Qui soumes tous à vous ;
Si vezavons pr'avocate,
Satan mordrat sa patte.


 

 

PRESENT DAU PASTUREA
NO POITEVINEA EN RIME EN OT
Sur l'air : Quand un bon vin meuble mon estomach.


Vesin Colas, dame, o lest à quiau cot
Quo faut prenre en moin ses deux bot
Et pi couri le trot ;
Le trot et la galipotte,
Sans soulai ni bot ni botte,
Pu vit quin mulot,
Pr'alay voi, dans la grange à Guillot,
In Dieu dans in maillot,
Qui grand paroît petiot.
Glest si bea, si doux, si dévot,
Que glat charmé Margot.

Glat, disant-ail, glat dessus son jabot,
De nos péchés in grous fagot,
Qui ly peze beacot,
Prin grous fagot de la sorte,
Nearme n'a les moins prou forte,
Tretout son manchot :
Mais son sang qui poirat netre écot
Le levrat tout din cot,
A ce qu'o dit Pérot,
Et baillerat au diable in talbot,
Pre le teindre au cachot.

O paressit arser in Angelot,
Emplumassé quemin Linot,
Brillant quemin fallot ;
Glanoncit quiélay nouvelles
Qui, dans beacot de cervelles,
Causant dau chacot,
Herodea, cas que gnen soune mot,
Sans tout fret son pirot
Et se mord le balot,
Craignant de se trouvay penot,
Et moins qu'in ra d'Yvetot.

Luc et Robin n'ant ja le poussiot,
Car, prevoy l'enfant joliot,
Gle courant le galot.
Pre Cathelinette a vole,
Dansant après la pibole
Dau cousin Furgot,
Qui condit Jacquet qui porte in pot,
Rempli de Babijeot,
Pre le petit belot.
Ah ! tas raison, belle Catot,
Car y gagnons beacot.

Le grand Sifeart, et le nègre Astharot,
Baissant le nez, transit, capot,
Et poussant dau sanglot,
En voyant que lau puissance
Va tomber en décadence,
Queme lau tripot.
Mais les Saints, in Abraham, in Loth,
Pu vifs que dau Bichot,
Chantant nau de complot,
Et louant le Dieu Sabahot,
Qui sauve zeaux étot.

Que portrons jy pr'amusay le Poupot ?
Y ay bay chez nous in Echarbot
Qui fait le moulinot :
Dame, jamais gne s'arrache
Dau paper voure y l'attache.
Offrons-ly, Rigot ?
Ah ! Colas, ne séchons pas si sot,
Le grand Dieu pense trot
A ce qui perdit tot,
Pre s'occupay, quemin marmot,
Din Osea, din Barbot.

Gle disant quy que le cousin Frifot,
Mathieu Robin, Jacques Guillot,
Ly portant dau fagot ;
Et que Jeannette Sagotte,
Et la vesine Ribote,
Fant bouillir son pot.
Quient fort bay, mais quieu n'est pas le tot ;
Car, cas que gne dit mot,
Quiau Dieu, mon cher Pérot,
Veut aver nos quieurs pre son lot ;
Nous demande-teil trot ?

Que les grands gens qui faisant dau fassot,
Tiriant de laux estipot
De l'or à plein sachot.
Pr'eday de pauvre ine troupe,
Que glempissant de soupe
Tretous lau carot ;
Et qu'au lieu de jouay au tripot,
Au piquet, à Gringot,
De mangeau dau turbot,
Gle se mortifiant bencot :
Glaux zaime meux Rigot.


 

Extraits des Poésies Patoises par l'abbé Gusteau - Poitiers - 1855-1861 - Henri Oudin, Imprimeur-Libraire.

 

 

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