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La Maraîchine Normande
12 septembre 2016

CROZON - QUIMPER (29) - 1794 - GABRIEL RAGUÉNEZ, PRÊTRE RÉFRACTAIRE, GUILLOTINÉ A QUIMPER

GABRIEL RAGUÉNEZ, né à Crozon, le 11 janvier 1761, était vicaire à Landudec.

Raguénès acte naissance

Il fut arrêté dans sa paroisse natale en avril 1794. Il était déguisé en paysan du pays ; il fut trahi, dit-on, par le femme du ci-devant entreposeur de Crozon ou par l'entreposeur lui-même, et conduit à Quimper.

Dans le trajet de la prison à l'hôpital Sainte-Catherine où se tenaient les séances du tribunal, il marcha d'un pas ferme ; il était escorté par la force armée ; il avait un air modeste et content. Un peuple immense s'était répandu sur son passage : c'était le samedi des Rameaux, 12 avril 1794. Tant en allant au tribunal qu'en retournant en prison, il avait toujours la vue baissée.

 « Le 23 Germinal an II (12 Avril 1794) de la République une et indivisible, à l'audience publique du tribunal criminel du Finistère, à laquelle se sont trouvés Le Guillou, président, Laënnec, Creff et Guillo, juges, a été conduit de la maison de justice, par deux gendarmes, un particulier vêtu à la mode de la campagne, lequel,

interrogé par le président de ses surnoms, âge, profession, demeure,

a répondu se nommer Gabriel Raguénez, âgé de trente-trois ans écoulés depuis le onze Janvier, prêtre errant çà et là dans la paroisse de Crozon. 

Dans quelles communes avez-vous fait les fonctions de prêtre ?

Répond dans la paroisse de Landudec, à Crozon, à Scaër et Pouldergat. 

N'avez-vous pas rempli les fonctions curiales dans quelqu'une de ces paroisses ou du moins celle de vicaire ?

Répond avoir rempli les fonctions de vicaire à Pouldergat ; qu'à sa sortie de cette paroisse, il fut appelé comme simple prêtre à Landudec, qu'il y remplit les fonctions de vicaire, mais sans commission du ci-devant évêque. 

A quelle époque avez-vous quitté la commune de Landudec ?

Répond l'avoir quittée trois mois avant qu'on a exigé le serment relatif à la ci-devant Constitution civile du Clergé.

Avez-vous prêté le serment exigé par l'article 39 du décret du 24 Juillet 1790 ?

Répond n'avoir prêté aucun serment relatif à la ci-devant Constitution civile du Clergé. 

Avez-vous du moins prêté le serment de maintenir la liberté et l'égalité exigé de tous les ecclésiastiques fonctionnaires ou non fonctionnaires publics décrété par la loi des 21 et 23 Avril 1793 ?

Répond que non et déclare n'avoir pas su qu'on eût exigé ce serment. 

Avez-vous, dans le courant de la décade qui a suivi la publication du décret des 29 et 30 Vendémiaire, fait votre soumission de vous remettre entre les mains des administrateurs de votre département pour être déporté ?

Répond que non, parce qu'il n'a pas eu connaissance de ce décret. 

Où avez-vous été pris ?

Répond, dans un courtil près d'un village nommé Goandour, en Crozon.

Connaissez-vous les nommés Louis Rividic et Yves Kerénec, de Gouandour ?

Répond les connaître depuis longtemps. 

Depuis quand étiez-vous caché chez eux ?

Répond qu'il n'était pas caché chez eux. 

Vous vous y étiez du moins retiré et vous en aviez reçu asile.

Répond n'avoir fait que passer chez ces particuliers et encore n'avoir passé que dans leur cour, avoue cependant être entré dans leur maison pour prendre du feu pour allumer sa pipe 

[Note : Nous apprenons par la déposition des témoins que M. Raguénez, lors de son arrestation, le 21 Germinal an II (17 Avril 1794), était habillé en meunier. Il fut arrêté dans le courtil de la maison par Joseph Vrille, grenadier du détachement de l'Aisne, mais qu'aussitôt deux femmes, sorties en pleurant de la maison, saisirent les mains du grenadier pour lui faire lâcher prise].

Dans quelqu'autre temps Rividic et Kerinec ne vous ont-ils pas donné retraite ? 

Répond y avoir été quelquefois comme ailleurs, mais n'y avoir pas été longtemps. 

Où logiez-vous le plus ordinairement et avez-vous logé quelque fois chez Rividic et Kerinec.

Répond qu'il demande à être exempté de répondre à cette question, qu'au surplus, il logeait çà et là.

Avez-vous fait les fonctions de prêtre depuis que vous avez quitté la commune de Landudec ? 

Répond ne les avoir faites nulle part ; qu'à sa sortie de Landudec il se rendit à Crozon, où il est né ; que, tôt après, sur un arrêté du District de Châteaulin rendu contre lui personnellement, pour cause de manifestation d'opinion religieuse non constitutionnelle, il fut mis en arrestation à Brest, d'où il ne sortit qu'en Septembre, lors de l'amnistie. Gabriel Raguénez signa son interrogatoire ».

Condamné à mort, M. Raguénez fut exécuté le lendemain de la sentence, qui fut prononcée sur-le-champ (Archives départementales - Peyron).

 

Quimper

 

Son juge fut le voir dans sa prison, causa quelque temps avec lui, et le pria de lui pardonner sa mort. M. Raguénez lui sauta au cou, l'embrassa et lui dit : "Oui, Monsieur, je vous pardonne ma mort, et je souhaite que Dieu vous la pardonne aussi."

Il déjeuna bien tranquillement avec sa mère, qui l'avait suivi jusqu'à Quimper. Celle-ci voulait que son fils lui permît d'être présente à sa mort. M. Raguénez refusa. La mère insista, en disant que la Sainte Vierge avait bien été présente à la mort de son fils. M. Raguénez répondit, avec un ton honnête : "Ma mère, vous ne savez pas ce que vous dites ; il n'y a nulle comparaison à faire entre Dieu, la Sainte Vierge, et de misérables pêcheurs comme nous ; en grâce, retirez-vous, et donnez-moi le temps de me préparer à la mort."

Sa mère prit congé de lui et sortit aussitôt de la ville, bien contente, disait-elle, d'avoir un fils martyr.

Les gens du pays disent que M. Raguénez aurait ajouté, en embrassant sa mère pour la dernière fois : "Allez, ma mère, quand vous arriverez au bourg de Crozon, les cloches sonneront l'Angelus du soir ; elles vous annonceront la mort de votre fils. Mais ne le pleurez pas ; chantez un Te Deum d'actions de grâces, car j'espère être alors au ciel."

Le 1er mai 1794, à neuf heures, la force armée arrive à la prison pour le conduire à l'échafaud. Il marcha d'un pas si ferme et si fort qu'il étonnait tous les spectateurs, même les plus scélérats.

Arrivé sur l'échafaud, il se met à genoux, fait une courte prière, se lève avec courage, se dépouille lui-même de sa veste, et se met sous la guillotine ; le couteau tombe et lui coupe à peu près la moitié du cou ; M. Raguénez parle encore ; le bourreau lève le couteau et le laisse retomber une seconde fois ; la tête n'était pas tout à fait détachée.

Un général républicain, le plus grand scélérat peut-être qui ait paru sur les terres du Finistère, était présent, à la tête de sa troupe ; il détache tout à fait la tête d'un coup de sabre, et dit : "C'est dommage que ce soit un fanatique, il n'y a pas de républicain qui meure avec plus de courage."

Le corps de M. Raguenez fut enterré dans le cimetière de Loc-Maria à Quimper. Le peuple qui connaissait et estimait ce saint prêtre avant de le vénérer comme martyr, a gardé de lui le plus pieux souvenir, si bien que les vieillards de Quimper parlent encore à leurs enfants de sa mort précieuse devant Dieu et devant les hommes.

N.B. - Ce récit a été fait d'après des notes laissées par M. l'abbé de Mauduit, curé de Crozon, en 1805.

La Semaine Religieuse du Diocèse de Quimper et de Léon - 42e année - n° I - Vendredi 7 janvier 1927

Extrait du livre : Vie de Mgr Joseph-Marie Graveran, Evêque de Quimper et de Léon
par M. l'abbé Joseph-Marie Téphany - 1870

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