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La Maraîchine Normande
9 juin 2016

NIORT (79) - 15 MARS 1794 - DEUX CENTS PRÊTRES EMPRISONNÉS AU CHÂTEAU, PROTÉGÉS PAR LA MUNICIPALITÉ

château de Niort 3


Une scène qui, à son début, menaçait d'être tragique, se passa, le 15 mars, et montra qu'avec du coeur et de la fermeté, on parvient à maîtriser les masses les plus exaltées et à les rappeler à des sentiments moins féroces, lorsque l'accomplissement du devoir pousse jusqu'au sacrifice de la vie.

Deux cents prêtres environ que les Administrations départementales de la Vendée, de Maine-et-Loire et des Deux-Sèvres avaient dirigés sur la ville, étaient renfermés dans la salle basse du donjon, appelée infirmerie.

Sur ces entrefaites parut à Niort une compagnie franche de cent cinquante volontaires qui formait une de ces bandes désignées sous le nom sinistre de Marseillais.

Le lendemain de leur arrivée, ces patriotes sans frein apprirent que le château renfermait un grand nombre d'ecclésiastiques réfractaires. Pleins de fureur contre des hommes innocents qu'on leur avait représentés comme les fauteurs de la guerre civile, ils se réunirent le matin sur la plate-forme, en face du donjon alors entouré de douves profondes qu'on franchissait au moyen d'un pont de bois étroit, de cent pas de long environ. Là, ils demandèrent qu'on leur livrât les prisonniers, pour en faire prompte justice.

Le citoyen F. ROUGET, de garde ce jour-là à la maison commune, en sa qualité d'officier municipal, informé de ce qui se passe, accourt aussitôt, après avoir fait prévenir le maire qui réunit à la hâte le Conseil.

L'arrêté suivant fut pris immédiatement :

"L'Assemblée, considérant qu'il est du devoir des administrateurs de veiller à la sûreté des citoyens quels que soient leurs principes ;
Considérant que ceux qui sont dans les prisons y sont sous la sauve-garde de la loi et ne doivent être frappés que du glaive qu'elle dirige ;
Arrête que trois de ses membres se transporteront sur-le-champ auprès des gardes volontaires et nationaux, pour les faire rentrer, au nom de la loi, dans le sentier qu'elle leur a tracé.
Les citoyens Guillemeau, maire, Rouget et Guillemeau, procureur syndic, sont désignés pour cette mission."

Le Conseil général du Département adopta la même mesure, et trois de ses membres, Sauzeau, Guérin et Guilhaut sortirent sur-le-champ pour calmer cette effervescence ; mais il résulte du récit des faits par le dernier auteur survivant de ce drame saisissant, qu'ils ne parurent même pas sur le théâtre de l'action (1).

Pendant qu'on délibérait, le citoyen Rouget était seul à opposer aux cris furieux de cette soldatesque indisciplinée, les paroles les plus calmes et les plus sensées ; à ses violences, la résistance la plus énergique. Guillemeau jeune qui avait pris les devants, unit ses efforts à ceux de son collègue. Ils luttaient vivement lorsque le maire survint.

Les Marseillais menaçaient toujours, mais n'avançaient pas.

Lassés de l'opiniâtre refus des magistrats de leur livrer passage, quelques-uns pointèrent contre la porte de l'infirmerie une petite pièce de quatre qu'ils avaient amenée avec eux.

Le maire, son neveu et Rouget, voyant cette cruelle manoeuvre, se placèrent résolument sur le pont et, s'adossant à la porte même de la pièce qui contenait les détenus, dirent à ces forcenés que leur boulet atteindrait les magistrats du peuple avant d'arriver aux malheureux qu'ils voulaient assassiner.

L'idée de tirer sur des fonctionnaires publics revêtus de leur écharpe tricolore arrêta la main de celui qui tenait la mèche allumée, prêt à mettre le feu, et tout fut sauvé.

Un Gascon, le chevalier Castillon de Saint-Victor, qui parlait parfaitement la langue d'Oc et qui, en qualité d'ancien militaire, exerçait une certaine influence, se mêla à cette troupe furieuse pour la calmer ; mais le commandant de place, Prévigneau, contribua le plus à détourner le péril, en faisant battre la générale. Les soldats coururent au lieu de réunion et de nouvelles mesures de sûreté furent prises, en cas d'attaque. Heureusement elles furent inutiles ; la compagnie franche partit pour Fontenay et décapita en passant, saint Billy, patron des portefaix, dont la statue en pierre était demeurée debout à la porte des Capucins. Il fallait absolument à ces braves une tête à couper.

Dans la nuit, les prêtres dont le sort avait causé de si vives alarmes et qui avaient été si noblement protégés, furent expédiés sur Brouage, dans des chariots couverts.

(1) Lettre du docteur Guillemeau publiée, en 1838, dans la Revue de l'Ouest. A cette époque, beaucoup de témoins de ces évènements vivaient encore. Aucun n'a démenti cette lettre qui doit être considérée comme l'expression de la vérité.

Extrait : Église et la Révolution à Niort et dans les Deux-Sèvres - 1870 - Vicomte Alfred de Lastic Saint-Jal

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