Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
24 mai 2016

SAUMUR (49) - 13 MARS 1794 - LE BRÛLEMENT DES CHAPELETS

Si le chapelet eut ses fervents, il eut aussi ses détracteurs et ses ennemis : la Révolution française croyant l'anéantir n'a cependant pas réussi. C'est là une page imposante qu'on ne peut décemment passer sous silence, car le 13 mars 1794 restera une date mémorable des annales saumuroises avec le fameux "brûlement des chapelets."

P1340910CHAPELET ZZZ

Cette exécution fut la conséquence de l'Arrêté du Comité révolutionnaire dont les articles valent d'être reproduits :

1° Toutes les maisons de fabrique ou de commerce de ces différents objets seront visitées, dans ce jour, par deux commissaires pris dans le sein du Comité ;

2° ces commissaires se feront ouvrir tous les ateliers et magasins qui les préparent ou les renferment ;

3° ils enlèveront tout ce qui se trouve de ces objets sans exception ni remise aucune à aucun réclamant ;

4° ils déposeront tout ce qu'ils auront enlevé, au lieu des séances du Comité, pour qu'il en soit fait un autodafé public ;

5° tout ce qui sera en nature entière de coco sera respecté et laissé intact aux propriétaires, même tout ce qui en cette matière se trouvera sous forme indifférente ;

6° sont nommés pour commissaires à cette opération les citoyens Lepetit et Moret, membres du Comité ;

7° sont déclarés suspects tout ouvrier ou marchand tenant ces objets retrouvés qui se seront permis d'en dérober pour la vente, ou se permettront par la suite d'en fabriquer de nouveaux, et dans ce cas, susceptibles d'arrestation ;

et comme le chapelet est la marque principale des rebelles et leur signe de convenance et de ralliement le plus solennel, le Comité déclare la même peine contre quiconque se retiendra ce signe et s'en permettra l'usage visible.

Au cours des journées des 10 et 11 mars, les commissaires du Comité se transportèrent chez les divers fabricants et marchands de chapelet pour les dévaliser.

Le 12 mars, le Comité révolutionnaire mandait au district de Saumur :

"... Tous les chapelets, christs, reliquaires, en un mot tout le tas de vétilles monacales qui, de temps immémorial, produisaient à Saumur le bien de quelques-uns en détruisant le bon sens et nourrissant la stupidité d'un fort grand nombre d'autres, viennent de tomber sous la serre révolutionnaire. Ils doivent y trouver leur fin dernière dans un autodafé qui va en faire justice, demain à trois heures de l'après-midi. C'est à l'arbre de la liberté que sera offert l'holocauste ..."

Le brûlement des chapelets se fit effectivement le 13 mars. Le surlendemain, le Comité révolutionnaire rendait compte de l'opération à Hentz et Francastel : "L'autodafé des chapelets et autres prétintailles chrétiennes a été éclairé du plus beau jour. Un vent fait exprès et qu'on pourrait dire républicain a pressé de son souffle la combustion du béat holocauste qui était énorme par sa masse. Tout cela a été vu de très bon oeil à l'exception peut-être de certaines gens qui s'en faisaient un bien très terrestre mais qui ne se sont permis que des soupirs étouffés."

Et à titre très curieux et non moins local voici les dépositions de Mayaud frères et Estevon :

"Le 10 mars 1793, à 10 heures du main, ayant appris que deux commissaires du Comité révolutionnaire de Saumur étaient entrés dans notre magasin et y avaient enlevé quelques douzaines de chapelets, en annonçant qu'ils allaient revenir pour s'emparer de tout ce qui nous en restait, P. Mayaud, l'un de nous, alla au Comité révolutionnaire pour s'instruire de ce que cela voulait dire. Il trouva Lepetit, qui répondit que c'était une mesure révolutionnaire et qu'il n'y avait pas de réclamation à faire. Sollicité de donner au moins quelqu'un pour faire l'inventaire de concert, Lepetit répondit qu'on n'en avait pas le temps, parce qu'il fallait que cela fut exécuté de suite ; et qu'au reste cette précaution serait absolument inutile. En conséquence, P. Mayaud se retira et se rendit à la maison, où son frère et leur famille, ils se mirent en devoir de faire l'inventaire de ce qui allait être enlevé de chapelets et autres objets du même genre. Ils les descendirent du grenier où ils en avaient une bonne partie, à l'entrée de leur magasin. Un instant après, arrivèrent les commissaires du Comité révolutionnaire, Lepetit et Moret, armés et accompagnés d'une voiture attelée de quatre chevaux, qu'ils firent charger par les volontaires. Pendant ce chargement, Lepetit nous fit beaucoup de rodomontades et de reproches d'avoir continué un semblable commerce, malgré l'exposé que nous lui fîmes que si nous ne l'avions pas fait depuis deux ans, plus de cent à cent cinquante familles auraient manqué de pain. Il nous dit que le Comité révolutionnaire avait pris cette mesure sur la représentation qu'il lui avait faite d'après l'insulte qu'il avait reçue la veille chez un ouvrier en chapelet. Après le chargement de cette première voiture, comme il y en avait encore autant, on revint faire un second tour, qui fut aussi considérable que le premier. Le total de cette perte est de plus de 32.000 livres".

Le Préfet de Maine-et-Loire, le 17 septembre 1802 écrivait au Ministre de l'Intérieur :

"Depuis 1794 qu'on brûla pour quatre-vingt à cent mille francs de chapelets qui étaient emmagasinés, la fabrication cessa entièrement. Elle a repris avec la liberté des cultes et avec d'autant plus de vigueurs que les demandes avaient été plus longtemps interrompues. Ce commerce qui met annuellement en circulation trois cent mille francs paraît devoir se soutenir, au moyen de ce que les pratiques sont toujours à peuprès les mêmes dans les principaux débouchés, comme l'Espagne, l'Italie et le Portugal".

Quoi qu'on dit et qu'on fit, la religion reprit ses droits imprescriptibles et l'on continua de réciter des patenôtres ; douze ans plus tard une anecdote que nous devons à un de nos excellents chercheurs et amis nous prouve que le chapelet a repris toute sa prépondérance, son importance et sa place dans l'industrie.

C'étaient les 7 et 8 août 1814, lors du passage de Monseigneur le Duc d'Angoulême en notre cité. Ce fut grande liesse et les jeunes filles de Saumur présentèrent alors au Prince quatre corbeilles (blé, vin, fruits cuits et chapelets) ; sur cette dernière corbeille étaient inscrits ces vers :

Par les mains de la piété
Ce présent que je viens vous faire
Par une fervente prière
Du Ciel implore la bonté.

C'est de notre pays une industrie antique
C'est aussi de la Foi l'instrument symbolique
Qui par ses chaînons précieux
Semble vouloir unir la terre avec les cieux
En passant par vos mains que ne peut-il sans cesse
Vous faire souvenir de la vive tendresse
Qu'un peuple satisfait vous témoigne en ce jour !
Puissiez-vous, Monseigneur, répondre à son amour.
Le chapelet demeurait indéfectiblement lié à la vie de la cité.

Cathelineau chapelet


Extrait : Société des lettres, sciences et arts du Saumurois - 1934/10 (A22, N72)

Publicité
Commentaires
X
Quelques mois plus tard, la mère de Pierre Mayaud fut déportée à Bourges avec les Vendéens, et y mourut de maladie. Son beau-frère, Dupin, fut guillotiné pour avoir fourni des moyens de transport aux Vendéens à Saumur.<br /> <br /> Xavier Mayaud
Répondre
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité