PUGNY (79) - L'IRRÉDUCTIBLE ABBÉ PIERRE-MICHEL GUILLON
L'IRRÉDUCTIBLE ABBÉ GUILLON
L'abbé Pierre-Michel Guillon, curé de Pugny en 1792 ne dissimula jamais ses opinions contre-révolutionnaires et refusa de prêter serment à la Constitution civile du clergé.
Arrêté et conduit à Niort, le Conseil de l'Administration départementale ordonna "qu'il soit transféré à Bressuire par les soins de la gendarmerie et présenté devant le Tribunal de Bressuire qui jugera s'il est dans le cas de la déportation ou du bannissement hors de la République Française".
Appréhendé à nouveau après l'insurrection d'août 1792, il fut acquitté par le Tribunal Criminel des Deux-Sèvres.
Comment plus tard, réussit-il à échapper à l'exil ? Toujours est-il qu'on le retrouva bientôt parmi ses paroissiens. Traqué, il se réfugia à la Guibaudière, chez les époux Drillaud où une cache avait été aménagée par le fermier dans le grenier de la maison. Il exerça ainsi, courageusement, pendant la Terreur, son ministère clandestin, baptisant les nouveaux-nés, unissant secrètement les époux, et bénissant les morts.
Il refusa d'accepter le Concordat, de même d'ailleurs que plusieurs confrères du voisinage. En butte aux poursuites de l'administration et recherché par la gendarmerie, il rentra, pour la deuxième fois, dans la clandestinité. L'évêque de Poitiers, Mgr de Barral parvint à le rencontrer mais ne put le convaincre. Le Préfet en conçut une vive irritation. Il fit arrêter, d'un coup, six curés dissidents, mais Guillon échappa à la rafle. Il était, en 1805, le seul insoumis de l'arrondissement et son église était fermée. Pugny comptait à cette époque près de 200 dissidents, soit la quasi totalité de la population.
Le vieux Guillon, ex-prieur de Pugny, qui passait pour le théologien de la dissidence, fut arrêté, le 9 août 1807, à Saint-Pierre-du-Chemin (Vendée). On l'amena à Parthenay. M. Le Mauviel, desservant de La Chapelle-Saint-Laurent, et son ami, l'accompagnait. L'aspect pitoyable de l'ancien prieur, septuagénaire, accablé d'infirmités, inspira compassion au sous-préfet Charbonneaux, qui traita le captif avec beaucoup d'égards. "Il était depuis trois ans dans un tombeau", expliquait le magistrat à Dupin. La femme qui cachait le prêtre insoumis, malade elle aussi, fut envoyée en prison à Niort.
Guillon n'alla pas en prison ; on le mit en surveillance chez son neveu. Cet individu, exposait Charbonneaux, va tous les jours à la messe ; il ne peut que faire du bien à son oncle. Le vieillard se soumettrait-il ? Tout le monde l'y exhortait, et, des premiers, son ancien compagnon de dissidence, M. Le Mauviel.
L'ex-prieur de Pugny réfléchit pendant trois semaines ; puis il se décida. La profession de foi qu'il adressait au préfet, le 30 août, fut jugée suffisante, encore que le passage concernant l'Empereur présentât quelque ambiguïté.
"Je professe, disait Guillon, et reconnois que le Pape régnant est successeur de Saint Pierre et le Chef visible de l'Église universelle.
Quand à Mgr l'évêque, je le reconnois autant et de la manière que le permet et le prescrit la Sainte Église Catholique, apostolique et romaine, à laquelle je suis intimement attaché et dans le sein de laquelle je veux vivre et mourir.
Pour ce qui est du gouvernement, je reconnois que Napoléon est le souverain du gouvernement ou Empire Français."
La femme qui l'avait caché fut relâchée au bout d'un mois.
Il s'éteignit à Parthenay, chez son neveu Cornuault, rue Basse-Ville, à l'âge de 77 ans, le 6 novembre 1811.
Sources :
Histoire des communes des Deux-Sèvres - Le Pays du Bocage par Maurice Poignat
La Petite Église dans la Vendée et les Deux-Sèvres - Auguste Billaud - Nouvelles Éditions Latines - 1982