Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
15 mai 2016

CHAVAGNES-EN-PAILLERS (85) - L'ÉGLISE

Étymologie du nom de Chavagnes.

Ici, comme presque toujours, il existe une grande diversité d'opinions. Les uns font venir ce mot de campus agnorum ; ils s'appuient sur ce qu'il est probable que de nombreux troupeaux ont été entretenus dans le voisinage de Durinum, où l'on fabriquait autrefois beaucoup d'étoffes de laine.

D'autres prétendent que Chavagnes fut nommé en latin Campus-Vineus, par suite de la grande quantité de vignes qui existaient anciennement autour du bourg. Les vieux titres font voir, en effet, que toute la partie située au midi et au couchant de Chavagnes était consacrée à la culture de la vigne. On croit en trouver la raison dans la facilité de cette culture, qui exige moins d'engrais que le blé, et dans le débouché avantageux que l'Angleterre offrait aux vins du Poitou, à l'époque où les Anglais étaient maîtres du pays.

Enfin, si l'on voulait en croire les paysans, le nom de Chavagnes aurait une tout autre origine, et voici l'histoire passablement étrange qu'ils racontent à ce sujet. Suivant eux, Chavagnes portait jadis le nom de Saint-Pierre. Un jour, des jeunes gens de cette paroisse et de celle des Brouzils se rencontrèrent près de la forêt de Grasla, et se prirent de querelle pour la possession d'un âne gris. Ni les uns ni les autres ne voulaient abandonner le malheureux animal, qui se vit saisi des deux parts, et tiraillé de telle sorte, que la tête et le corps restèrent entre les mains des gens de St-Pierre, à la grande confusion de leurs adversaires qui n'emportèrent que la queue. A la suite de cette victoire, les habitants de Saint-Pierre reçurent le sobriquet de Chef ou Chaf-d'Âne, d'où, par corruption, se forme le nom de Chavagnes. Une chanson composée en mémoire de cet évènement avait autrefois une grande vogue parmi les habitants de Chavagnes. Ceux-ci y raillaient leurs voisins des Brouzils, et le refrain de chaque couplet était : "Nous irons le chercher sur l'âne, sur l'âne gris". (Notice historique et archéologique sur la paroisse de Chavagnes-en-Paillers, par M.A. de La Villegille)

P1340483zzz

L'ancienne église, construite à ce qu'on croit au XIIème siècle, et qui avait peut-être remplacé un édifice plus ancien, contemporain de Charlemagne, avait beaucoup souffert, comme tout le pays, des guerres de religion. Celles-ci s'étaient prolongées des dizaines d'années : pillées, incendiées par les protestants, à plusieurs reprises sans doute, cette église était restée 30 ou 40 ans dans un état de ruine complète. Le choeur avait été restauré par les soins du Seigneur de La Rabatelière, qui était aussi Seigneur de la paroisse ; mais en 1605, alors que la guerre était finie depuis 10 ans, la nef présentait encore l'aspect le plus lamentable, il n'y avait plus ni couverture, ni charpente, les murs étaient en partie tombés.

Ruinés eux-mêmes, les paroissiens de Chavagnes voulurent pourtant aviser aux moyens de restaurer leur église ; et réunis sur la place, à l'issue de la grand'messe, ils mirent en vente des rentes dues à la fabrique, "contraints à cela (dit le procès-verbal qui existe au château de la Rabatelière) par leur pauvreté, provenant du malheur et oppression des guerres passées". Et comme la somme ainsi obtenue était encore bien insuffisante, ils promettaient d'y suppléer "par leur bienveillance et dévotion", c'est-à-dire de leurs pauvres économies.

Cette restauration se fit très lentement : les ressources étaient si faibles ! En 1620, on recueillait encore des aumônes pour les travaux de l'église.

Bien ébranlée par tant de malheurs, la vieille église connut deux cents ans après une nouvelle épreuve.

Le 4 octobre 1793, elle était à nouveau brûlée, cette fois par les soldats républicains de l'armée de Mayence, en même temps que le bourg et l'Ulière (le château de la Chardière avait été pris d'assaut et incendié l'avant-veille).

Tout l'aménagement intérieur fut anéanti ; la couverture et la charpente furent entièrement détruites ; les cloches fondirent dans le brasier. Plusieurs années, pendant que la guerre se poursuivait, l'édifice resta dans cet état de ruine, qui à chaque saison allait s'agravant. Les murs eux-mêmes commençaient à tomber ; on y disait pourtant la messe, dans les intervalles de la persécution. En août 1796, le gouvernement révolutionnaire mit l'église en vente, et quelques paroissiens se réunirent pour la racheter. Le bourg se relevait lentement de ses ruines ; chacun s'abritait comme il pouvait dans les masures incendiées, sans portes ni fenêtres, souvent sans toit.

Quand cessa enfin la persécution, le curé de Chavagnes, M. Remaud, reprit ouvertement son ministère, et son premier soin fut de faire remonter la charpente de son église et de la couvrir, à l'exception du clocher. Intérieurement, il n'y avait qu'un simple autel provisoire.

 

Chavagnes - ancienne église

 

En 1803, aidé par la paroisse, le Père Baudouin, successeur de M. Remaud, acheva la restauration du choeur, fit recrépir l'église, en orna modestement l'intérieur. On acheta de nouvelles cloches. En 1806, enfin le toit du clocher fut terminé.

 

P1340540ZZZ

 

Une fois encore Chavagnes avait retrouvé son église. Un autre problème se posa bientôt, celui de ses dimensions, de plus en plus insuffisantes pour le chiffre accru de la population, surtout à mesure que se multipliaient les bancs fixes et les chaises, longtemps inconnus ou presque dans nos églises de campagne.

"L'église, dit un document de l'époque, est beaucoup trop petite pour pouvoir contenir convenablement tous les fidèles, tant de cette paroisse que des paroisses voisines, qui viennent aux saints offices. On ne peut circuler en cette église aux heures des offices, sans être froissé, harcelé de toutes parts ; la foule des fidèles, serrée et pressée de tous côtés n'a pas le plus souvent la faculté de fléchir les genoux et d'adresser ses prières à Dieu avec la piété convenable ; les issues sont tellement obstruées que pour entrer ou sortir il faut travailler longtemps des pieds ou des coudes". L'auteur de ces lignes, où il faut peut-être voir quelque exagération, assure pourtant qu'il est dans sa description au-dessous de la réalité. Les séminaristes, qui n'avaient alors plus de chapelle, venaient à la messe paroissiale, et occupaient tout le choeur.

Malgré une grande tribune construite en 1818 par Charles Rabréaud de la Prévoisière - 3 ou 400 personnes y pouvaient tenir - l'église était encore bien insuffisante. En 1825, on envisagea sérieusement de l'agrandir. Divers projets restèrent sans résultat.

Mais le moment venait où il faudrait rebâtir l'église. Des remaniements ornementaux entrepris en 1830 par M. Lucet, une grande fenêtre un peu imprudemment ouverte dans la façade pour donner davantage de jour, des niches creusées dans le choeur pour les deux statues que Mme de Suzannet venait de donner à la paroisse (ce sont les statues de Saint Joseph et de Saint Antoine), tout cela avait nui gravement à la solidité de l'église, dont les murs tant de fois ébranlés demandaient plus de ménagements. Le choeur surtout menaçait ruine.

Un dimanche de 1842 - le 19 septembre 18 septembre- pendant la grand'messe, alors que l'église était comme d'habitude pleine à craquer, la grande corniche de briques et de plâtre construite autour du choeur en 1830, s'effondra brusquement sur une longueur de 6 ou 8 mètres, entraînant dans sa chute les statues de Saint Joseph et de Saint Antoine. Chose à peine croyable, personne ne fut tué par l'avalanche ; il y eut cependant une cinquantaine de blessés, certains sérieusement atteints ; mais la peur se mit dans la foule, et dans la bousculade générale vers les portes, plusieurs personnes furent renversées et foulées aux pieds, et une bonne vieille, la veuve Durand, transportée à l'hospice dans un état grave, y mourut le jeudi suivant. Deux autres personnes moururent dit-on de leurs blessures. [Catherine Guerry, veuve Durand, âgée de 73 ans, native de Chavagnes, demeurant au Rochais, est décédée à l'hospice de Chavagnes le 22 septembre 1842.]

 

Chavagnes - veuve Durand 1842 décès

 

Après un tel accident, la reconstruction fut plus que jamais à l'ordre du jour. Tout le monde la désirait. Les gens du Cormier se mirent à tirer de la pierre - 160 mètres cubes qu'ils offrirent pour la future église. Le conseil de fabrique, année par année, économisait ses revenus dans la même intention.

A l'automne de 1846, le désir des Chavagnais de voir s'élever une nouvelle église était si grand qu'on ne voulut pas attendre davantage.

Le 8 septembre 1846 - comment ne pas souligner cette date - on commençait sous l'invocation de la Reine des Cieux une oeuvre qui devait s'achever au jour de l'Assomption 1853.

- Le châtelain de l'Ulière, Tancrède de Guerry de Beauregard, emmenait à Nantes dans sa voiture le curé de Chavagnes, M. Bugeon et le maire, M. Constant Gourraud pour rencontrer un architecte. Celui-ci vint à Chavagnes peu de jours après ; prévenus du jour de sa visite, les paroissiens vinrent en grand nombre, et l'on débattit la question. On compta les ressources. La fabrique avait 14.000 francs en caisse, en y comprenant les revenus de l'année courante ; une souscription fut décidée dans la paroisse, et chacun promit son concours ; un propriétaire donnait des arbres, un autre du sable, d'autres de la pierre ; les cultivateurs promirent tous les charrois nécessaires, et ceux qui n'avaient pas d'attelage, des journées de travail. M. de Beauregard prenait à sa charge la chapelle de la Sainte Vierge. Dans l'enthousiasme la reconstruction fut décidée. Le 9 novembre, le conseil municipal votait son approbation.

Le 1er décembre, on ouvrit la souscription, et dès le lendemain, M. de Beauregard commença la tournée de la paroisse, pour recueillir les premières sommes versées, les offres pour l'avenir.

Après le bourg qu'il visita avec M. le Curé, il parcourut, pendant tout le mois de décembre, les villages et les métairies, accompagné soit de l'instituteur Gréau, soit du sacristain Arrivé, soit de l'Abbé Morin, prêtre habitué qui faisait à Chavagnes les fonctions de vicaire. Chaque soir, M. le Curé venait à l'Ulière, et l'on faisait le relevé. On conserve encore le petit carnet ou s'inscrivait l'argent reçu ou promis. La paroisse prouva dans cette souscription la sincérité de son enthousiasme ; il y eut de nombreux dons de 2 ou 300 fr. ; Pierre Laporte de la Baudrière donna 600 fr. ; la veuve Remaud de la Déderie, 1.000 fr. ; le fermier des Gracières, 1.000 fr. ; et ceci était le don du chef de famille auquel chacun dans la maison ajoutait quelque chose sur ses propres économies. A côté de ces offrandes s'inscrivent celles, tout aussi émouvantes, des pauvres servantes, 20, 30 ou 40 fr. parfois - peut-être tout ce qu'elles avaient. Et le cri général était : s'il le faut, on fera plus encore.

A Noël, la quête était terminée : elle se montait au total à 21.000 fr.

Dès le mois de janvier, pendant que les architectes préparaient leurs plans, on commençait, sans plus attendre, à passer des marchés et à acheter les matériaux. Le devis des architectes se montait à 80.000 fr. ; mais réduction faite de ce que la paroisse devait fournir en nature : charrois, main d'oeuvre, le prix total ne se serait réduit à 50.000 fr. On ne disposait que de 35.000 environ. La fabrique adopta donc les plans, et remettant à plus tard la construction des clochers, on décida de partager les travaux en deux étapes : on commencerait par le choeur, les deux chapelles latérales et le transept, avec la coupole qui devait les surmonter ; et si alors on était contraint de s'arrêter faute de ressources on relierait provisoirement à l'ancienne nef la nouvelle construction, pour l'achever lorsque ce serait possible.

Quelques difficultés de la part de l'administration faillit un moment retarder l'entreprise. Enfin le 3 mai 1847, on commençait à creuser les fondations, et ce même jour, Monseigneur venait bénir la première pierre.

Voici la traduction de l'inscription latine que portait une plaque de cuivre encastrée dans la première pierre que bénissait Monseigneur le 3 mai 1847. Elle mérite de figurer ici, car elle exprime admirablement les sentiments qui animaient cette entreprise.

"A la plus grande gloire de Dieu, à Jésus Sauveur, à Marie la Vierge Mère. L'an du Seigneur 1847, le 3e Jour du Mois de Mai, sous l'heureux règne de Pie IX, Pape, notre très saint Seigneur, les Paroissiens de Chavagnes-en-Paillers, brûlant du zèle de la Maison de Dieu, ont jeté ici les fondements de leur nouvelle église paroissiale, qu'ils doivent élever de leurs mains et à frais communs. Le même jour cette première pierre a été solennellement et suivant les rites sacrés bénie et posée au milieu d'un grand concours de clergé et de peuple par Illustrissime, et Révérendissime Père en Dieu Monseigneur Jacques-Marie-Joseph, évêque de la Sainte Église de Luçon, assisté de discret et vénérable Messire Th. Bugeon, curé de la paroisse, C. Gourraud, maire.
Ô Marie notre mère, ô notre souveraine, à vous nos coeurs, à vous nos biens. Aidez vos serviteurs, bénissez vos enfants."

Le 9 juin, on commence à démolir le clocher. Mais voilà que les difficultés surgissent ; l'administration fait des objections à cette entreprise pour laquelle elle n'a pas été consultée ; le 19 juin, le préfet ordonne d'arrêter les travaux ... Enfin on trouva un moyen de tourner les formalités administratives ; mais plus d'un mois avait encore été perdu.

On travailla pendant toute la campagne de 1847 ; et en 1848, dès que le temps le permit, la construction fut reprise. Au fond de l'ancienne nef, qui servait provisoirement d'église, un mur de pierres sèches avait été élevé, et un autel placé devant.

Chavagnes - projet église

A l'automne de 1848, date prévue pour l'achèvement de la première tranche, le choeur, le transept et les chapelles latérales, avec la coupole au dessus, étaient pratiquement terminés et couverts. Pour la nef qui restait encore à construire, avec la partie inférieure des clochers, on pensait attendre que furent réunis les fonds suffisants.

Mais bientôt il se révéla qu'on ne pourrait attendre plus longtemps pour achever l'église. Pendant l'hiver qui suivit, la construction terminée se mit en effet à travailler d'une manière inquiétante. Des lézardes apparurent dans les arcades du transept et le long des murs ; des piliers semblaient menacer de dévier. Il fallut se hâter d'étayer la construction à grand frais. De ce travail inquiétant dans la maçonnerie, la poussée de la coupole vers l'emplacement de la future nef était la cause. Pour consolider l'ensemble, il fallait évidemment l'achever : tel fut l'avis unanime des architectes.

La situation était bien embarrassante. La fabrique avait 1.600 francs en caisse, et il restait à rentrer une partie des souscriptions ; on avait aussi l'argent des dons divers, celui de legs faits pour l'oeuvre par Charles Rabréaud, par la veuve Berthomé. Mais on était encore loin du compte. Des mois passèrent. Finalement, après bien des discussions, la fabrique, sur le conseil de Monseigneur, emprunta 6.000 francs qu'on crut pouvoir suffire avec ce qu'on avait déjà, pour construire la nef et la base des clochers.

Le 25 juin 1849, le travail reprit : on découvrit la vieille nef, on descendit la charpente. Bientôt la nef de la nouvelle église commença à élever ses murs. On y travailla activement jusqu'à la mauvaise saison ; et dès la fin de janvier 1850, les ouvriers profitant d'un temps favorable se remirent à l'ouvrage ; dans la paroisse, on se réjouissait déjà, on voyait dans peu de mois l'église ouverte au culte.

La situation véritable était bien différente. Les dépenses de la construction dépassaient de beaucoup ce à quoi on s'était attendu ; l'argent manquait, il y avait même de l'arriéré. Cependant, l'entrepreneur, vu l'urgence, prit sur lui de poursuivre les travaux jusqu'au point indiqué par l'architecte pour assurer la solidité de l'ensemble. Quand la construction s'arrêta tout-à-fait, les murs étaient montés jusqu'à 10 m 50, les arcades de la grand nef étaient achevées, et les nefs latérales prêtes pour que la charpente soit placée. Où trouver l'argent pour payer l'arriéré et achever ce qui restait à faire ?

Ce fut une consternation générale. Sans église, sans moyens de l'achever, la fabrique fut grandement embarrassée. Évidemment la paroisse ne pouvait, comme elle l'avait espéré dans l'enthousiasme du début, bâtir sa nouvelle église avec ses seules ressources. Avec l'appui de Monseigneur, qui prit toute cette affaire extrêmement à coeur, on chercha donc à obtenir un secours du gouvernement. Mais les formalités se prolongeaient, les mois passaient et la paroisse se voyait toujours sans église. La désolation était grande. Les offices paroissiaux se faisaient à la chapelle de la Salette mais celle-ci était bien trop petite, et une partie des fidèles devait assister aux messes du Couvent et du Séminaire.

Comme si de ce fait l'unité paroissiale se trouvait brisée, la division se mit alors dans les esprits à mesure que se prolongeait une situation dont tout le monde souffrait, on cherchait qui en était responsable : pourquoi avoir démoli l'ancienne nef, si on manquait des moyens nécessaires pour construire la nouvelle ? Les discussions, les rivalités se multipliaient, on parla de procès ...

L'esprit de foi qui animait l'oeuvre au début n'avait pas disparu pourtant ; dans beaucoup de maisons de la paroisse, dit-on, on récitait le chapelet en commun pour l'achèvement de l'entreprise.

Cette situation malheureuse devait cependant se prolonger des mois. Les travaux étaient au point mort depuis un an quand, en avril 1851, le gouvernement accorda enfin 6.000 francs pour notre église avec promesse de 2.000 pour l'année suivante. C'était bien insuffisant sans doute, mais avec cette subvention on pouvait payer l'arriéré dû à l'entrepreneur puis se remettre sans tarder à l'ouvrage, à l'aide d'un second emprunt, que Monseigneur pressait la fabrique de faire.

En Mai, avec l'argent de dons divers (500 fr.) on monta la charpente des nefs latérales et on les couvrit ... Mais bientôt tout allait à nouveau de mal en pis ; tant que durcit l'instance entamée par la Municipalité devant le conseil de préfecture, les mandats du gouvernements ne pouvaient être payés ; puis deux autres procès naquirent, l'un avec un contremaître renvoyé, l'autre avec l'entrepreneur. Mécontent du conseil de fabrique, qui avait laissé la commune entamer un procès en son nom, Monseigneur le cassait et en nommait un nouveau ; la légalité de cette décision était contestée, et le nouveau conseil dans cette situation délicate n'osait faire un emprunt ... A l'été de 1852, cette situation impossible durait encore.

C'est alors que vint à Chavagnes l'homme qui allait savoir rallier les esprits, guider les bonnes volontés dispersées, réveiller l'enthousiasme et la foi un moment déroutés par ces querelles.

SUYROT (de) Paul

Le 13 septembre 1852, l'Abbé Paul de Suyrot était nommé à la cure de Chavagnes. Son installation se fit le dimanche suivant, dans la chapelle de la Salette (alors dénommée chapelle de Miséricorde) ; pour donner à cette installation plus de solennité, Monseigneur y avait délégué un vicaire général, mais la cérémonie ne semble pas avoir attiré, comme c'était l'usage, un grand concours de population ; la division des esprits était grande encore. Mais le nouveau curé sut en peu de mois redresser cette situation difficile et se faire apprécier et aimer de tous.

Maintenant que les procès étaient enfin apaisés, Monseigneur attendait du nouveau curé une prompte reprise des travaux. La dégradation inquiétante de la coupole, l'état des murs éprouvés par plusieurs hivers rigoureux rendaient urgente cette reprise. Cependant quelques mois devaient encore s'écouler sans qu'on put rien faire ; l'administration faisait de nouvelles difficultés pour délivrer l'argent de la subvention ; la mauvaise saison arriva.

Bref il fallut attendre le printemps de 1853 pour se remettre à l'ouvrage. Enfin au mois d'avril, les travaux reprirent ; se substituant à l'entrepreneur et à l'architecte, M. Barillaud, économe du Séminaire et trésorier de la fabrique, en assura la direction. Il fit au préalable descendre la coupole ; trois architectes appelés en consultation sur cette question inquiétante, avaient unanimement conclu à la nécessité de la démolir, à cause de son poids qui écrasait l'édifice, et de divers autres vices de construction qui auraient pu avoir à la longue des conséquences désastreuses ; et il avait fallu s'y résigner.

Alors on reprit la construction ; une fois l'arriéré payé à l'entrepreneur (l'architecte se retira en renonçant à ses honoraires, en compensation des erreurs qu'il avait commises), il restait environ 2.000 fr. de la subvention de l'État, et ce fut une grande joie dans la paroisse et un nouvel élan en fut donné : des souscriptions arrivèrent, une quête fut organisée et on recueillit ainsi près de 3.000 fr. La paroisse retrouvait son enthousiasme. Les travaux avancèrent rapidement ; on acheva les murs de la nef, on monta la façade jusqu'à la corniche ; bientôt la charpente qui remplaçait la coupole fut montée et couverte. En juillet la charpente de la nef était placée à son tour, on commençait à la couvrir ... La joie était grande.

C'est alors que le curé de Chavagnes eut une belle inspiration. Sans communiquer à personne son idée, il pressait les travaux : pour consacrer solennellement l'unité paroissial retrouvée, et surtout pour marquer la reconnaissance de tous à la Reine des Cieux, patronne de l'oeuvre commencée au 8 septembre 1846, qu'on avait tant priée pour obtenir la fin des difficultés, il fallait que le 15 août la paroisse se réunit pour la première fois dans sa nouvelle église.

Le dimanche 7 août, le curé de Chavagnes fit part de ce désir à ses paroissiens. L'idée n'était-elle pas chimérique ? Chacun ne pouvait-il constater que d'énormes tas de démolitions encombraient encore la nouvelle église ? Huit jours seulement restaient avant l'Assomption ; où trouverait-on la main-d'oeuvre pour déblayer tout cela, car on était alors en pleine période des moissons. Mais le curé de Chavagnes sut trouver les mots qu'il fallait pour cet appel à la paroisse, puisque de l'avis général, les hommes ne pouvaient à eux seuls faire tout ce travail, et bien ! il fallait que les femmes y prennent part aussi ; elles auraient même l'honneur de le commencer, les deux premiers jours de la semaine leur seraient réservés. A ces paroles inspirées, l'enthousiasme répondit.

Le lundi matin, toutes les femmes de la paroisses étaient là, et s'attaquaient avec ardeur aux énormes tas de déblais, aux masses de décombres et de platras provenant de la coupole démolie, aux débris de charpente ; avec des paniers, des brouettes, des civières improvisées, elles transportèrent tout cela au dehors ; les petites filles de l'école étaient là aussi, même quelques bébés de 4 ou 5 ans, qui transportèrent de la terre dans leur tablier ! D'autres femmes, la pioche à la main, démolissaient la base d'un gros mur restant de l'ancienne église. Tout cela se faisait dans le recueillement le plus émouvant, comme si ce temple avait déjà été consacré par la foi de ceux qui y avaient travaillé. Seuls les ordres venaient parfois rompre ce silence.

Le mardi soir, à l'étonnement général, presque tout était déblayé ; et les femmes de Chavagnes auraient bien voulu achever le travail elles-mêmes Mais le mercredi, comme M. le Curé l'avait réglé, les hommes vinrent, à leur tour, pour achever le déblaiement. Les prêtres de la paroisse, les séminaristes étaient là aussi ; et l'on raconte qu'un pauvre pèlerin d'Aizenay, revenant de prier au tombeau du Père de Montfort à Saint-Laurent-sur-Sèvre, s'arrêta quelques heures pour travailler avec les hommes de Chavagnes. Bientôt ce qui restait à déblayer fut transporté hors de l'église. On s'attaqua alors aux énormes étais, placés pour soutenir la coupole et les arcades quand la construction avait donné des inquiétudes, et qui encombraient encore le choeur. M. Barillaud dirigeait ce travail délicat ; bientôt les lourdes masses s'effondraient, et chacun battit des mains.

Fières de leur travail, les femmes étaient là encore, réclamant l'honneur d'y mettre la dernière main en passant le balai ...

Le samedi, il y avait foule encore pour préparer la décoration du sanctuaire, que M. le Curé venait diriger dans les rares moments que lui laissaient les confessions.

Enfin, le grand jour arriva. Le lundi, jour se l'Assomption, à neuf heures, une foule énorme remplissait la nouvelle église, et M. le Curé, suivi d'un nombreux clergé, faisait son entrée au chant du psaume : Laetatus sum in his quae dicta sunt mihi "Ces mots nous ont remplis de joie : nous entrons dans la Maison du Seigneur". M. le Curé bénit le sanctuaire, puis on apporta triomphalement le Saint Sacrement, et la messe commença. Après l'Évangile, le Curé de Chavagnes, des marches de l'autel, dit à tous en quelques mots, son émotion, sa joie, sa reconnaissance envers la Sainte Vierge.

Les Enfants de Marie vinrent offrir le pain bénit, instituant la coutume qu'au jour de l'Assomption les femmes de Chavagnes feraient cette offrande, en mémoire de leur travail pour préparer l'église. Puis toute la paroisse vint déposer son offrande devant l'autel.

Bientôt la messe s'achevait ; la foule s'avançait à la Sainte Table, et bien des yeux, dit-on, se mouillaient alors des larmes de la joie et de la reconnaissance ; ce sont les termes d'une lettre écrite par un Chavagnais à Monseigneur la semaine même de la bénédiction, et dont j'ai suivi ici le récit.

Cette belle cérémonie, dont le souvenir se perpétua longtemps à Chavagnes, consacrait vraiment et de toutes manières l'unité paroissiale retrouvée.

Pourtant elle s'était déroulée dans une église encore inachevée ; le bas de la nef était encore sans couverture, et seules les toiles fermaient tant bien que mal les fenêtres sans vitraux. L'argent dont on disposait payait à peu près la moitié des travaux faits depuis le printemps ; pour l'autre moitié (4 à 5.000 fr.) on espérait un nouveau secours du gouvernement, et une demande avait été faite dans ce sens. Mais les mois passaient, et on ne recevait rien ; bien au contraire cette demande rencontrait une véritable hostilité. Le rapport demandé à l'architecte du département par l'administration à cette occasion, exagérait avec malveillance les défauts de la construction et poussait l'absurdité jusqu'à conclure à sa démolition ! On essuya donc un refus catégorique. Mais rien ne découragea M. de Suyrot ; il lui fallait avec les seules ressources de la fabrique payer tout le travail fait et achever la couverture. Une mauvaise récolte empêchait la paroisse de faire un nouvel effort, la fabrique amortit des rentes qui lui étaient dues et fit un nouvel emprunt.

A l'hiver, toute l'église était couverte, et le 8 décembre 1853, M. de Suyrot qui plaçait une fois encore cette oeuvre sous l'invocation de la Vierge, procédait solennellement à la bénédiction de l'ensemble de l'église. Le même jour s'ouvrit une mission donnée par les Pères Coumailleau, Sirot et Vincent.

Pendant 3 années entières, l'église resta dans cet état, sans voûte, sans dallage, sans vitraux, à l'exception de ceux du choeur (celui représentant Saint Paul avait été donné à la Paroisse par M. de Suyrot et quand, il a dû être changé M. Crouzat a tenu à replacer sur le nouveau vitrail le blason de notre ancien curé). Le vent s'engouffrait par les ouvertures, et l'on imagine ce que l'église devait être dans la rigueur des hivers.

Pendant ces 3 années, M. de Suyrot continua donc à recueillir de nouveaux dons et à économiser le plus possible les revenus de l'église. A l'automne de 1856, il fit enfin dresser par l'architecte du département un devis de ce qui restait à faire. La fabrique avec l'aide de la paroisse, tant en nouvelles souscriptions qu'en main-d'oeuvre, pouvait en assurer environ les deux tiers ; pour le reste, on tenta une fois encore d'obtenir une subvention gouvernementale.

En 1857, on exécuta la voûte, et le carrelage vint remplacer la terre battue. Pendant ce temps, la demande de subvention faisait son chemin de bureau en bureau ; mais quand elle aboutit enfin, au printemps de 1858, au lieu de 15 ou 20.000 fr. espérés, on reçut seulement la promesse de 5.000 fr échelonnés en trois paiements. Dans ces conditions, on se résigna à ne construire qu'un clocher. Les travaux s'en poursuivirent lentement, et ce n'est qu'en 1861 que la flèche fut terminée.

Peu après, N. de Suyrot quittait Chavagnes pour la cure des Herbiers, profondément regretté par toute la paroisse. Il avait eu du moins la joie de voir avant de partir son église pratiquement achevée.

Son successeur, M. Bouin eut sans doute encore l'espoir de voir s'élever le deuxième clocher prévu par le plan ; c'est cela sans doute qui explique que la consécration de l'église n'ait eu lieu qu'en 1866, après l'abandon définitif de cette idée.

Cette consécration solennelle fut donc faite le 23 octobre 1866, en la fête du Saint Rédempteur, par Mgr Colet évêque de Luçon, Mgr de Lespinay, vicaire-général célébrant la messe pontificale. Le procès-verbal, conservé aux archives de la cure, décrit l'ornementation de l'église et des rues, les arcs de triomphe, les oriflammes aux couleurs papales, décoration qui, dit-il, "attestait le bon goût des habitants".

Parmi les nombreuses personnalités présentes à cette consécration et qui ont signé le procès-verbal nous voyons figurer, outre Monseigneur et ses grands vicaires, le docteur Tastour, maire de Montaigu, le comte de Montsorbier, maire de Boulogne, et une quarantaine de prêtres, dont beaucoup étaient certainement des enfants de la paroisse : M. Brancard, curé de Ste-Radegonde des Noyers, David, curé d'Angles, Chauvet, curé de Nieul-le-Dolent, Chauveau, curé de Saint-Florent-des-Bois ... L'ancien curé de Chavagnes, M. Bugeon, qui avait commencé l'oeuvre était là aussi ; et presque au bas du procès-verbal, modestement glissée entre bien d'autres, on découvre une signature : L. Rorthais ... C'est le futur curé de Chavagnes ...

La fabrique acquitta peu à peu les dettes qu'elle avait contractées pour la construction de l'église. Cette dette qui était de 20.000 fr. en 1856, de 11.000 fr. encore en 1871, fut entièrement amortis en 1880.

Tout en remboursant ses emprunts, la fabrique poursuivait aussi l'aménagement intérieur de l'église, encore bien incomplet au moment de la consécration.

En 1871, la décoration de la chapelle Saint Sébastien était terminée.

 

P1340515ZZZ

 

Vers 1875, on fit faire par M. Béranger, sculpteur à Nantes, les belles boiseries du choeur ; elles coûtèrent 10.000 fr.

En 1879, à l'occasion de sa première visite pastorale ; Mgr Catteau bénit le groupe de statues de l'autel.

En 1887 enfin fut placée la Sainte Table, oeuvre du même sculpteur que le reste des boiseries ; et la même année, le Comte Louis de Suzannet offrit à la paroisse les fonts-baptismaux.

 

P1340530ZZZ

 

Telle fut l'histoire de notre église. On a pu voir l'attachement qu'au cours des siècles la paroisse lui a toujours témoigné. Les peines que l'église coûtées à nos ancêtres, les sacrifices qu'ils ont faits pour elle, la foi qu'ils ont témoignés en l'édifiant, doivent la rendre encore plus chère.

AMBLARD DE GUERRY


AD85 - Bulletin paroissiaux de Chavagnes-en-Paillers - Années 1951 - 1952

P1340516ZZZ

P1340522ZZZ

P1340483ZZZZZ

P1340480ZZZ

 

 

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité