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La Maraîchine Normande
4 mai 2016

LA PROCESSION DE LA FÊTE-DIEU A PARIS, EN 1793

Parmi les papiers de la police secrète de Paris, il existe des notes extrêmement curieuses sur les processions publiques du Saint-Sacrement qui se firent, à Paris, le jeudi 30 mai 1793, jour de la Fête-Dieu, en cette année lugubre qui avait vu l'échafaud de Louis XVI, et qui devait contempler encore les horreurs de la guerre civile, les grands massacres de la Terreur et le pillage des églises profanées.

Ces notes sont signées du citoyen Dutard, ancien avocat, enrôlé par Garat, membre de la Convention et ministre de l'intérieur, dans la police secrète, le 30 avril 1793.

Dutard était un "sans-culotte" éprouvé, mais, chose rare dans cette classe d'hommes, il était intelligent, il avait du bon sens et n'était pas dépourvu d'une certaine honnêteté politique.

GARAT

Qu'on en juge ; le 25 mai, il adressait à Garat un rapport ainsi conçu :

"La Fête-Dieu approche. Rappelez-vous, citoyen ministre, que c'est à cette époque, l'an passé, que Péthion, le Dieu du peuple, fut accueilli à coups de pierre par les sans-culottes de la section des Arcis, pour avoir déclaré dans une ordonnance qu'on serait libre, ce jour-là, de travailler ou de ne pas travailler. Rappelez-vous qu'à la même époque, les sans-culottes de Paris délibérèrent pendant quelques jours s'ils devaient ou non lapider Manuel, pour avoir osé imprimer qu'on serait libre de tapisser ou non ; que, ce jour-là, des hommes qui, par opiniâtreté ou par irréligion, n'avaient pas tapissé, reçurent de bons coups de bâton.

Je ne sais si c'est fanatisme de la part du peuple qui veut unanimement une chose qui lui fait plaisir et à laquelle il est attaché, ou si ce n'est pas une infamie stupide et aveugle de la part des représentants de ce même peuple qui contrarient absolument tous ses goûts et des penchants dont cent années de révolution ne sauraient le délivrer."

La procession dont le sans-culotte Dutard prenait si chaudement la défense se fit en effet, à l'extérieur, grâce, peut-être, à l'impression que ce rapport avait produit sur le citoyen ministre Garat.

Fête-Dieu Procession - Paris

Dutard en rend compte dans une nouvelle note adressée, comme la première, au ministre.

"Mes premiers regards se sont portés, en ce jour de la Fête-Dieu, vers les processions et cérémonies du jour. Dans plusieurs églises j'ai vu beaucoup de peuple et surtout les épouses des sans-culottes. On avait la procession intra muros.

"J'arrive dans la rue Saint-Martin, près de Saint-Merry : j'entends un tambour et j'aperçois une bannière. Déjà dans tout le quartier on savait que la paroisse Saint-Leu allait sortir en procession.

J'accourus au-devant ; tout y était modeste. Une douzaine de prêtres à la tête desquels était un vieillard respectable, le doyen qui portait le rayon sous le dais. Un suisse de bonne mine précédait le cortège ; une force armée de douze volontaires à peu près, sur deux rangs, devant et derrière. Une populace nombreuse suivait dévotement.

Tout le long de la rue, tout le monde s'est prosterné. Je n'ai pas vu un seul homme qui n'ait ôté son chapeau. Lorsqu'on a passé devant le poste de la section Bon-Conseil, toute la force armée s'est mise sous les armes.

Quand le tambour qui précédait et les gens qui suivaient ont annoncé la procession, quel a été l'embarras de nos citoyennes de la halle ! Elles se sont concertées à l'instant pour voir s'il n'y aurait pas moyen de tapisser avant que la procession passât. Une partie se sont prosternées d'avance à genoux, et enfin lorsque le bon Dieu a passé, toutes à peu près se sont prosternées. Les hommes ont fait de même. Des marchands ont tiré des coups de fusil en l'air. Plus de cent coups ont été tirés. Tout le monde approuvant la cérémonie et aucun que j'ai entendu ne l'a désapprouvée.

C'est un tableau bien frappant que celui-là. J'ai vu dans des physionomies les images parlantes des impressions qui se sont fait si vivement sentir au fond de l'âme des assistants. J'y ai vu le repentir, le parallèle que chacun fait forcément de l'état actuel des choses avec celui d'autrefois. J'ai vu la privation qu'éprouvait le peuple par l'abolition d'une cérémonie qui fut jadis la plus belle de l'Église. J'y ai vu aussi les regrets sur la perte des profits que cette fête et autres valaient à des milliers d'ouvriers. Quelques personnes avaient les larmes aux yeux. Les prêtres et le cortège m'ont paru fort contents de l'accueil qu'on leur a fait partout.

J'espère, citoyen ministre, que vous ne laisserez pas cet article sur votre cheminée".

Extrait : La Semaine religieuse du diocèse d'Alby - 3 novembre 1883 - (A11, N1)

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