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La Maraîchine Normande
2 avril 2016

RAUVILLE-LA-PLACE (50) - BEAULIEU-SOUS-BRESSUIRE - NIORT (79) - 1830 - L'AFFAIRE DU PRÊTRE DISSIDENT LETELLIER

 

Bressuire 33

Le prêtre Letellier comparaissait le 7 mai 1830, devant le tribunal correctionnel de Bressuire, comme prévenu d'avoir présidé à une réunion de plus de vingt personnes, professant le culte dissident.

Voici l'interrogatoire textuel de Letellier, qui s'exprime avec beaucoup de clarté et d'assurance.

D. Quels sont vos noms ? - R. Guy-Mathieu Letellier, âgé de 50 ans, prêtre, né à Roville-la-Place [Rauville-la-Place] , arrondissement de Valogne, résidant chez Mademoiselle Delahaye, ayant fait déclaration de domicile dans la commune de Breuil-Chaussée.

D. Depuis quelle époque êtes-vous arrivé à Beaulieu ? - R. Le 23 décembre dernier.

D. Qui vous a engagé à venir à Beaulieu ? - R. Mademoiselle Delahaye.

D. M. de Thémines vous avait-il donné des pouvoirs pour exercer les fonctions de votre ministère dans ce pays-ci ? - R. Mgr de Thémines a reçu ma rétractation et m'a donné les pouvoirs nécessaires pour exercer le ministère ecclésiastique où bon me semblerait. J'ai fait cette rétractation quinze ou seize mois après avoir été reçu prêtre.

D. Depuis votre arrivée à Beaulieu n'avez-vous pas réuni au domicile de Mademoiselle Delahaye plus de vingt personnes aux offices que vous célébriez ? - R. Je n'ai engagé personne à venir aux cérémonies religieuses que je célébrais ; mais tous ceux qui ont voulu y venir ont été admis, même au-dessus de vingt personnes.

D. Outre les services que vous célébriez, ne donniez-vous pas des instructions, et ne prêchiez vous pas sur l'évangile ? - R. Oui.

D. Dans le culte que vous professez reconnaissez-vous des supérieurs ! - R. Tant que M. de Thémines a vécu, je l'ai considéré comme mon supérieur ; maintenant c'est l'église universelle.

M. le procureur du Roi : Mais, qui dirige l'église universelle ? - R. Comment, Monsieur, qui dirige l'église universelle ! ... le Saint-Esprit.

M. le président : Reconnaissez-vous le pape pour supérieur ? - R. Oui.

D. En conséquence, si le pape vous ordonnait de quitter ce pays-ci, le feriez-vous ? - R. Je ne délaisserais mon poste qu'autant que je penserais que cela serait nécessaire au bien de la religion.

D. Reconnaissez-vous le concordat ? - R. Non. On peut reconnaître le pape, sans approuver tous ses actes ; le concordat ne s'applique qu'à l'église de France, et non à l'église universelle.

D. Pourquoi avez-vous pris le nom de La Savoirie dans les lettres que vous avez écrites au ministre de la maison du Roi ? - R. Parce que c'est le nom d'une propriété de mon père, par lequel on avait coutume de me distinguer.

D. Pourquoi avez-vous pris seulement le nom de Guy-Mathieu dans les demandes que vous avez faites de la croix de Saint-Louis et du brevet de commissaire des guerres ? - R. Parce que, dans les guerres de la Vendée, je n'étais connu que sous ces noms-là pour ne pas compromettre ma famille, et que je n'avais été alors breveté que sous ces noms.

D. A quelle époque avez-vous été ordonné ? - R. En 1826, par l'évêque de Meaux.

D. N'avez-vous pas été interdit par l'évêque de Meaux ! - R. Non.

D. Pourquoi donc vous a-t-on interdit, à Paris et ailleurs, la faculté de célébrer les saints mystères ? - R. Je n'ai été interdit nulle part de la célébration des saints mystères ; j'ai seulement reçu un exeat de l'évêque de Meaux.
D. N'avez vous pas subi une condamnation à Valogne ? - R. Oui ; mais je l'ai fait rapporter par le tribunal de Coutances. C'était pour avoir enseigné sans diplôme.


Voici le jugement qui a été rendu à la suite des débats.

Attendu qu'il faut distinguer la croyance de l'exercice extérieur du culte ; que si, aux termes de l'art. 5 de la Charte constitutionnelle, chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection, il n'en résulte pas que le gouvernement soit dépouillé de tout droit de surveillance sur le mode d'exercice public d'un culte quelconque ; que ledit article 5 de la Charte, en assurant la liberté de conscience, n'a point affranchi par-là l'exercice du culte de toute surveillance et d'obéissance aux lois du royaume ; que cela résulte du mot "obtenir" qui suppose naturellement l'obligation de demander une autorisation pour jouir de la protection promise ; que si, dans l'intérêt de sa conservation, le gouvernement a le droit de surveiller l'exercice des cultes connus par lui, à plus forte raison doit-il avoir ce droit à l'égard d'un culte qui, comme celui de la religion dissidente ou des anti-concordataires, n'est pas reconnu, n'est pas salarié par l'état, n'a pas de chef en France, d'églises ou de temples qui servent aux réunions publiques de ceux qui le professent, et n'offre en un mot aucune garantie de soumission au gouvernement et aux lois, dont quelques-unes, notamment le concordat, ne sont pas reconnues par les dissidens.

Attendu qu'il est constant que GUY-MATHIEU LETELLIER, se disant prêtre de l'église dissidente, a fait partie, depuis le mois de décembre dernier, d'une association ou réunion composée de plus de vingt personnes, dont le but était de s'occuper d'objets religieux ; qu'en donnant aux personnes qui se rassemblaient très-fréquemment, des instructions religieuses et les faisant participer aux offices qu'il célébrait, il s'est constitué le chef de la réunion, que n'ayant obtenu aucune autorisation du gouvernement pour réunir ainsi plus de vingt personnes, il s'est mis en contravention aux dispositions de l'art. 291 du code pénal, et s'est rendu passible des peines portées par l'art. 292 dudit code, lesquels ne sont point abrogés ;

Le tribunal déclare Guy-Mathieu Letellier atteint et convaincu d'avoir, depuis le mois de décembre dernier, formé, sans une autorisation préalable du gouvernement, au domicile de la demoiselle Delahaye, dans la commune de Beaulieu, une association ou réunion de plus de vingt personnes, dont il était le chef, pour s'occuper d'objets religieux à certains jours, notamment les dimanches ; pour réparation de quoi le condamne à 60 fr. d'amende, ordonne la dissolution de la réunion et condamne Letellier aux frais.

Il y a eu appel de cette décision porté devant le tribunal de Niort (Deux-Sèvres), qui a confirmé en son audience du 11 juin, le jugement du tribunal correctionnel de Bressuire. (Journal des presbytères et des fabriques - Volume 2 - 1830)

 

 

Niort vue 1835

 

On a jugé à Niort, le 11 juin [1830], l'affaire du prêtre LETELLIER, condamné à une amende par le tribunal de Bressuire, pour avoir exercé un culte clandestin.

Son avocat a produit des certificats, pour montrer la moralité de son client ; il a dit que LETELLIER, à son arrivée dans l'arrondissement de Bressuire, avait fait à l'autorité la déclaration qu'il voulait y exercer ses fonctions comme prêtre de la "petite église" ; il a demandé pourquoi on poursuivrait Letellier, tandis qu'on laissait en paix bien d'autres prêtres dissidents.

M. le procureur du Roi, Brunet, s'est affligé de voir un ecclésiastique sur les bancs de la police correctionnelle, dans un temps surtout où les journaux saisissent avidement tout ce qui peut humilier et flétrir le clergé.

Il est vrai que Letellier produit en sa faveur des attestations honorables ; mais une lettre du grand-vicaire de Meaux porte qu'il a été un sujet de scandale dans le diocèse, et qu'on lui a retiré tous les pouvoirs.

Souffririez-vous, a dit le magistrat, que des hommes déclarés indignes des fonctions du ministère dans d'autres diocèses viennent troubler le nôtre et y abuser des gens simples ? Si on a excusé quelquefois la dissidence chez de vieux prêtres égarés par un excès d'attachement à leurs anciens évêques, peut-on leur assimiler Letellier ordonné par un évêque institué depuis le Concordat ? Il s'est évidemment jeté dans le schisme par dépit et pour échapper à la juste punition de ses écarts.

Le tribunal de Niort, adoptant les motifs du tribunal de Bressuire, a confirmé le premier jugement.

Extrait : L'ami de la Religion et du Roi - Volume 64 - 1830

Extrait de l'Etat nominatif d'anciens combattants résidant dans la Manche et le Calvados, en date du 5 février 1815 (SHD XU 39-31 - AD85) :

Letellier Guy-Mathieu, demeurant à Foucarville, instituteur
Grade : Commissaire des guerres
Motifs qui ont déterminé la Commission à ne pas les comprendre dans ses propositions :
N'ayant justifié d'aucun service, les officiers de l'armée royale vendéenne ne le veulent point reconnaître, et l'opinion publique lui est contraire.

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