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La Maraîchine Normande
10 janvier 2016

LE PLAN-DE-VITROLLES (05) - AMÉLIE-EDWIGE-JOSÉPHINE-EMMA-PHILIPPINE D'ARNAUD DE VITROLLES (1797-1829)

Amélie de Vitrolles

 

Amélie-Edwige-Joséphine-Emma-Philippine de Vitrolles naquit le 10 juillet 1797, à Altenbourg, en Saxe, où ses parents s'étaient retirés pendant la Révolution. Elle fut la seconde enfant d'Eugène-François d'Arnaud, baron de Vitrolles et de Thérésia de Folleville.

Amélie manifesta de bonne heure tous les symptômes d'une nature ardente. Elle éprouvait, à la moindre contrariété, de violentes colères ; elle se tordait, se roulait sur le sol, se frappait et se déchirait jusqu'au sang. En l'entendant pleurer et crier, son illustre père venait vers elle, lui adressait des reproches mêlés à de sages conseils. Alors, humiliée de sa conduite, Amélie répondait : Je ne puis me retenir. Toute honteuse elle se retirait à l'écart, non pour bouder mais pour réfléchir. Un oeil observateur eût pu, déjà découvrir le travail latent d'une volonté qui voulait se vaincre et qui, en se développant avec l'âge, devait la rendre d'une patience inaltérable et d'une douceur angélique.

Mme la baronne de Vitrolles fut la première institutrice d'Amélie, "n'osant, disait-elle, confier à qui que ce soit une enfant aussi terrible." Un jour fatiguée de son incessante étourderie, sa mère lui dit : "Va-t-en, fille insupportable, quand tu seras plus assidue, je recommencerai". Ces paroles amères frappent Amélie au coeur ; elle se retire avec la pensée de racheter sa faute et de reconquérir l'affection qu'elle a perdue. Elle étudia seule ; quand un mot, une lettre l'embarrassent, elle s'adresse aux gens de service. Quelques jours après, elle supplie Mme de Vitrolles de lui donner sa leçon, et sa mère est tout étonnée de la voir lire couramment. Amélie n'avait alors que quatre ans. Dieu lui avait donné une heureuse mémoire, une imagination vive, un jugement sûr ; son intelligence était apte à toutes les études.

M. le baron conduisit Amélie à Tournon, chez sa tante, Mme la comtesse de Bozas. Elle quitta, avec toute la raison d'une personne faite, quoiqu'elle n'eût que sept ans, les baisers chéris de sa mère et les tendresses de son frère Guillaume, qu'elle affectionnait tant. Ce n'est pas qu'elle fût séduite par la nouveauté du changement, ni que son coeur n'éprouvât les douleurs de la séparation ; mais elle avait compris qu'il y avait là un devoir de famille. Nous en avons la preuve dans ce qu'elle écrivait plus tard à une de ses amies. "Quand mon père me quitta, à Tournon, je me sentis défaillir et mes yeux versèrent pendant longtemps d'abondantes larmes." Ah ! elle avait bien raison la pauvre enfant ! Habituée à une vie libre et active, jouissant d'une robuste santé, elle avait besoin d'exercice, et elle n'allait trouver que l'immobilité dans une vie terne et dont chaque jour ressemblait aux jours passés. Il lui fallait de l'activité, de l'air et de la surprise ; elle n'allait trouver qu'une monotonie désespérante.

Mme de Bozas, déjà sur la vieillesse et souvent souffrante, était austère et sérieuse. Ces habitudes sévères se faisaient sentir sur tout son entourage. Elle était imbue des principes jansénistes, de cette hérésie qui a mis des bornes à la miséricorde divine et a brisé la sainte vertu de l'espérance.

Amélie fut envoyée à l'école d'une ancienne religieuse, aussi janséniste, que la révolution avait jetée hors de son couvent. Là, comme chez sa tante, elle ne trouvait que réprimandes sévères, que punitions outrées ; jamais une parole d'encouragement et d'affection ne vinrent rasséréner son coeur. Aussi, sa vie toute entière garda-t-elle l'empreinte de son séjour à Tournon. Son âme, sur laquelle Dieu avait versé un rayon de sa bonté, ne put s'attacher aux durs principes que professaient sa tante et sa maîtresse. Cette direction froide et fausse ne purent arrêter ses élans quand arriva sa première communion. De même que Jésus se donnait tout entier à elle, Amélie se donna sans réserve à son divin époux. Son coeur s'ouvrit à l'amour divin comme le lys s'épanouit aux rayons du soleil levant. C'est à cette époque que l'on doit rapporter le travail incessant, héroïque qui éleva l'édifice de ses sublimes vertus.

M. le baron de Vitrolles fut pris en 1813, au milieu des troupes que commandait le duc d'Angoulême. A la nouvelle de l'emprisonnement de son père, Amélie tombe évanouie et reste cinq heures sans connaissance. Quand elle a recouvré ses sens, elle demande à sa tante l'autorisation d'aller solliciter sa grâce. Elle part, en compagnie de M. l'abbé de Pins ; elle descend à Paris, chez M. de Vaudremont, qui voit journellement le terrible Fouché. Le lendemain, elle est reçue par ce ministre. Sa jeunesse, sa beauté, ses larmes, sa parole éloquente impressionnent vivement ce coeur blasé ; il promet à la jeune fille de faire tout ce qui sera en son pouvoir pour sauver son noble père. En attendant, elle est autorisée à le voir et à passer avec lui une journée.

M. de Vitrolles était enfermé au donjon de Vincennes. Les premières émotions passées, il profita de ces heures précieuses, pour donner à sa fille ses instructions et lui remettre des papiers de la plus haute importance. Elle n'avait alors que dix-huit ans, mais son père devait la juger bien prudente et bien réservée, puisqu'il ne fit pas difficulté de lui confier des secrets d'état.

Ce fut après Waterloo, le 18 juin 1815, que M. de Vitrolles sortit de prison, par la protection du duc d'Otrante, qui le retint à Paris, avec la pensée d'utiliser ses talents dans l'intérêt de la cause royaliste. "C'était un coeur chaud, dit M. de Vaulabelle, une intelligence prompte, un esprit plein de ressources et d'audace, une de ces natures avisées, énergiques qui restent perdues dans les fonds durant le calme, que les tourmentes politiques font se révéler et se produite, et qui sont les hommes d'un évènement." Louis XVIII le nomma ministre d'État et secrétaire de ses conseils.

A la suite de ces évènements Amélie ne retourna plus chez sa tante, la comtesse de Bozas, et rentra dans sa famille pour ne plus la quitter. M. de Vitrolles s'établit à Paris afin de remplir les hautes fonctions que le roi lui avait confiées. Il donna à sa fille la direction de sa maison. Quoiqu'elle n'eût que vingt ans, elle l'administra avec prudence et sagesse. Les gens de service furent maintenus dans le devoir ; l'union et la réserve régnèrent parmi eux, la religion fut respectée et pratiquée. Sur tous, elle avait conquis cet ascendant que donne une vertu sans conteste.

Dès cette époque, Amélie possédait toute la confiance de son père, qui n'avait pas de secret pour elle. Souvent même, M. de Vitrolles lui demandait son avis. Elle faisait une grande partie de la correspondance.

Connaissant toutes les affaires, elle les traitait en l'absence du ministre d'État. Elle recevait avec tant de modestie et de bonté que tous ceux qui l'abordaient en étaient ravis.

Amélie avait réglé sa vie, et chaque heure avait son travail. En toute saison, elle se rendait à six heures à l'église, entendait plusieurs messes et communiait chaque jour. "Les joies ineffables de son âme, a dit un témoin, se traduisaient sur son beau visage, qu'une lumière céleste éclairait. On eût dit un séraphin en extase devant l'Éternel." Dans l'après-midi, elle retournait au pied du tabernacle et y faisait de longues prières. Obligée par de hautes convenances et pour plaire à sa famille, elle descendait au salon, où se rencontrait, chaque soir, ce que Paris comptait de plus remarquable dans la finance, la diplomatie, la politique, la littérature et les beaux-arts ; mais de bonne heure, elle se retirait dans sa chambre pour prier. L'amour de Dieu pour les hommes, les humiliations et les souffrances du calvaire, la solitude de Jésus dans les tabernacles, la malice et la laideur du péché, les voies insondables de la miséricorde divine, étaient les sujets continuels de ses méditations. Comme sainte Thérèse, elle aimait la souffrance ; ses jeûnes étaient prolongés, ses mortifications nombreuses. Malgré la justesse de son esprit, elle se laissa aller souvent à de pieux excès que son directeur dut modérer. Elle cachait les effets de ses austérités volontaires à sa famille, qui n'y voyait que les suites de sa maladie.

Une âme aussi privilégiée ne pouvait oublier les membres souffrants de Jésus Christ. Les jours et les heures des visites étaient réglés selon le nombre et les besoins des malheureux. Elle leur parlait de Dieu et de leur âme ; elle le faisait avec tant de bonté qu'elle les amenait à une vie plus chrétienne. Aucune infirmité ne la rebutait ; elle montait dans les mansardes les plus infectes, elle faisait les lits des malades, pansait leurs blessures et ne leur refusait aucun des services que nécessitaient leur état. Elle y apportait une charité toute céleste ; aucune puanteur ne l'incommodait, elle semblait avoir perdu le sens de l'odorat. Un jour qu'elle soignait une vieille femme qui avait une plaie exhalant une odeur fétide, cette femme lui dit : "Vous, mademoiselle, qui ne sentez rien, vous pouvez rester et me panser, mais faites sortir votre amie et votre femme de chambre, elles pourraient se trouver mal."

On raconte encore qu'une pauvre femme, couverte d'ulcères, se mourait dans un réduit affreux. Elle ne voulait pas entendre parler de Dieu, qu'elle ne cessait de blasphémer. On fait appeler Amélie. Elle se rend au chevet de la malade, après avoir fait pour elle une fervente prière. Elle monte sur son triste grabat, elle se penche sur elle, et, nouvelle Elisabeth, elle l'embrasse avec tant d'affection, elle lui dit de si douces paroles, qu'elle gagne à Dieu cette pécheresse endurcie.

Ce qu'elle faisait à Paris pour les pauvres, les malades, les ignorants, elle le continuait quand elle se trouvait au château de Vitrolles. Elle allait dans les campagnes environnantes porter d'abondantes aumônes, des paroles de consolation et d'espérance. Elle réunissait autour d'elle les enfants, leur faisait le catéchisme et leur apprenait la prière. Chaque dimanche, dans la soirée, elle réunissait à l'église les filles et les femmes, et récitait, au milieu d'elles, le saint rosaire. On peut dire que sa dévotion était vraiment contagieuse, car personne ne manquait à ces pieuses réunions.

Amélie avait une tendre dévotion au Sacré-Coeur de Jésus. Elle l'implanta à Vitrolles, et, après un demi-siècle, il n'est pas de fille et de femme dans ce hameau qui ne veuille appartenir à cette confrérie et n'en remplisse fidèlement les obligations. Elle obtint de son père, qui ne savait rien lui refuser, l'argent nécessaire pour bâtir une élégante chapelle, qu'elle dédia à ce Coeur qui a tant aimé les hommes.

Dans ce magnifique et vaste château de Vitrolles, elle avait choisi la chambre la plus simple, la plus froide, sans horizon, mais dont l'unique fenêtre donnait sur l'église paroissiale et correspondait au tabernacle ; ce fut là le motif de ses préférences. De là, elle pouvait surveiller la lampe qu'elle entretenait elle-même avec le plus grand soin. C'est elle qui soignait les linges d'église et les confectionnait ; elle qui pourvoyait à tout et veillait à ce que la plus grande propreté régnât dans la maison de Dieu. Plus libre qu'à Paris, elle consacrait aussi de plus longues heures au pied du saint tabernacle. Elle y venait non-seulement le jour, mais elle se levait dans le coeur de la nuit, sortait doucement du château, entrait dans l'église et restait des heures entières en face du Saint-Sacrement.

 

Le Plan-de-Vitrolles église

 

Le Plan-de-Vitrolles ne fut érigée en paroisse que le 23 juillet 1828. Amélie souffrait de ne pas entendre la messe chaque jour. Aussi était-elle heureuse quand un prêtre venait célébrer le saint Sacrifice ! Elle invitait souvent les curés des paroisses voisines ; souvent aussi elle montait par des chemins à peine tracés, soit à Barcillonnette, soit à Haute-Vitrolles, pour avoir ce bienfait. Sa maladie s'aggravant chaque année l'empêcha bientôt de faire ces courses soit à pied soit à cheval.

Amélie avait reçu de Dieu une vaste intelligence. Elle parlait l'allemand, l'anglais, l'espagnol et l'italien avec une égale facilité ; elle possédait le latin et le grec et connaissait même un peu l'hébreu. Un soir, au château de Vitrolles, c'était en automne, elle lut, devant un missionnaire apostolique, un beau passage de saint Jean Chrysostôme. Cet ecclésiastique, frappé de l'élégance de la traduction qui reproduisait le style imagé du docteur de l'Église, demande le nom du traducteurs. La pieuse héléniste répond avec modestie : "C'est le texte que j'ai entre les mains."

Amélie n'avait pas seulement de la facilité pour les langues, mais encore une aptitude toute particulière pour la philosophie. On a dit qu'elle connaissait les divers systèmes de la philosophie allemande. Quand une controverse sur ces matières si abstraites s'engageait dans les salons de son père, elle étonnait les assistants par la clarté et l'aisance avec lesquelles elle exposait et réfutait les erreurs de l'esprit humain. Elle excellait à en montrer toute l'absurdité.

Au culte des sciences et des lettres elle joignait l'amour des arts ; elle avait un vrai talent de peinture ; elle a laissé plusieurs toiles d'un vrai mérite. L'église du Plan-de-Vitrolles possède d'elle un Sacré-Coeur de Jésus. Malgré son état de souffrance, elle n'a cessé de peindre à ses heures de loisirs. Avons-nous besoin de dire qu'elle ne s'occupait que de sujets religieux, que jamais son pinceau n'a crayonné une scène qui ne pût laisser l'âme indifférente à ses éternelles destinées ! Son unique pensée, l'objet constant de sa noble ambition fut d'aimer et de faire aimer sans mesure celui qui nous a tant aimés.

Il existe au château de Vitrolles une ébauche que la mort ne lui a pas permis d'achever. On peut la voir ; elle est encore sur le chevalet, dans sa petite et modeste chambre à coucher. Les visiteurs ont enlevé, comme de saintes reliques, ses pinceaux et ses couleurs, et généralement tout ce qui a pu être pris furtivement et sans trop d'éclat.

M. de Vitrolles, justement fier de sa fille, aurait voulu la produire à la cour. Plusieurs fois, il l'avait engagée à l'accompagner aux soirées des Tuileries. Pour condescendre aux désirs paternels, Amélie se soumit une fois ; mais sous ses splendides vêtements elle plaçait un cilice. C'est ainsi qu'elle se mettait à l'abri des séductions du monde. M. de Vitrolles s'étant aperçu qu'Amélie ne trouvait là que de la peine et de la fatigue, un vrai et profond déplaisir, la laissa libre.

Sa famille avait rêvé pour elle une grande alliance. A chaque ouverture, elle répondait avec une grâce charmante : "Dieu et ma famille suffisent à mon coeur ; je n'ai jamais compris hors de mes parents d'autre amour que l'amour de Dieu". En effet, elle avait pour tous ses proches la plus affectueuse tendresse. Son frère Guillaume avait pris, en 1821, un engagement dans la marine. Au moment de son embarquement, elle éprouva la même émotion qu'elle avait ressentie à la nouvelle de l'arrestation de son père.

Amélie connut aussi les douceurs de l'amitié chrétienne ; elle aima ses amies, et ses amies lui sont restées fidèles. Il m'a été donné d'en consulter quelques-unes, et toutes ont conservé d'elle le souvenir d'une créature angélique, compatissante à leurs peines et partageant leurs joies.

Cette âme d'élite eut pourtant des heures d'épreuves. Alors qu'elle priait avec plus de ferveur, elle se mortifiait davantage. Dieu a des voies impénétrables pour conduire certaines âmes à la perfection. Parfois, il les fait passer par les tristesses du jardin des Oliviers et par les douleurs du Calvaire, quand déjà elles ont été enivrées dans les délices du Thabor. C'est à ce creuset que le coeur achève de se détacher de toutes les choses crées et se prend d'un immense dégoût pour tout ce qui n'est pas Dieu ; c'est la fournaise qui dévore dans l'âme tout ce qui reste de terrestre, pour n'y laisser que les désirs brûlants du saint amour et de la véritable patrie.

 

Le Plan-de-Vitrolles

 

Amélie savait que l'ignorance est l'ennemie du bien, et que l'on ne saurait aimer ce que l'on ne connaît pas. C'est pourquoi, en 1823,; elle fonda au Plan-de-Vitrolles, une école gratuite de filles, qu'elle confia aux soeurs de la Providande de Portieux. Le noviciat, pour les vocations locales, établit d'abord à St-Bonnet, fut transporté au Plan-de-Vitrolles, en 1829. Cette petite communauté végétait ; leur protectrice était descendue dans la tombe, et 1830 avait été funeste à la généreuse famille de Vitrolles, Monseigneur de la Croix-d'Azolette, évêque de Gap, comprenant tout le bien que ces modestes religieuses pouvaient faire dans les paroisses résolut de les conserver dans son diocèse. Il négocia la séparation avec la maison mère ; les religieuses venues de Portieux rentrèrent dans leur couvent, et le noviciat fut transporté à Gap. Sous l'habile direction du saint abbé Lagier, cette congrégation, bénie de Dieu, a prospéré. Ces modestes religieuses sont aujourd'hui, dans toutes les paroisses, les puissantes et les dévouées auxiliaires du bien. L'idée première de leur institution revient à Amélie.

En 1828, M. de Vitrolles nommé ministre plénipotentiaire à Florence pria sa fille de l'accompagnier. Amélie demanda quelques jours pour réfléchir. Ayant reconnu la volonté de Dieu dans celle de son père, elle se soumit, et partit avec lui pour l'Italie.

Elle fut à Florence ce qu'elle avait été à Paris et à Vitrolles, l'amante de Jésus, l'amie des pauvres, le secours des malades. On peut dire que les derniers jours qu'elle passa sur la terre furent pour son impatient amour un cruel martyre, une longue agonie. Elle était de la paroisse de Sainte-Félicité ; quoique souffrante, elle se rendait chaque matin à la messe, passait de longues heures devant le tabernacle. Elle écrivait le 21 novembre à Madame de Coulaincourt : "L'église est assez voisine ; mes jambes enflées peuvent m'y conduire ; je n'y vais qu'une fois le jour ; je montre à Dieu mon indigence ; c'est la seule prière dont je suis capable." Le 30 avril 1829, elle disait à la même : "J'ai entendu au coeur la voix de l'époux, elle me commandait la paix. La pensée de la mort est dure ; mais il la rend douce et consolante. On doit se réjouir quand on est sur le point d'aborder le rivage, d'arriver à la patrie."

Sa sainteté s'était révélée comme ces essences fortes qu'on ne peut longtemps cacher ; le peuple italien qui sait si bien distinguer les âmes d'élite eut bientôt pour Amélie la plus grande vénération. Il accourait à son passage, s'assemblait autour d'elle pour toucher et baiser ses vêtements. Une dame Russe lui dut sa conversion.

Ses souffrances s'aggravaient toujours. Le fruit achevait de se mûrir ; il allait bientôt se détacher de lui-même. Elle prenait peu de repos, le plus souvent sur un méchant fauteuil ; depuis quelques semaines, deux verres de lait coupés avec du thé faisaient toute sa nourriture ; elle n'avait jamais voulu que sa camériste couchât dans sa chambre. Un matin celle-ci la trouva étendue sur le plancher. - Pourquoi ne m'avoir pas appelée ? - N'étais-je pas bien, répondit-elle.

La marche de sa maladie trompa tout le monde, elle seule ne fut pas surprise. Son calme, sa tranquillité ajoutait à l'illusion de sa famille. Elle laissa sa mère revenir en France, pour lui épargner les angoisses de recevoir son dernier soupir. Elle lui remit une petite croix qu'elle portait au cou, et Mme de Vitrolles partit avec l'espérance de revoir sa fille chérie. Son père, occupé de diplomatie, habitué à la voir souffrante, ne s'apercevait pas des ravages de la maladie.

Le jour de l'Assomption, elle entendit la messe à Sainte-Félicité. Au retour de l'église, sa camériste lui dit que les chants avaient été bien beaux. Elle lui répondit : "Dans huit jours, il me sera donné d'en entendre de plus harmonieux". Pendant toute l'octave, elle entendit la messe dans sa chambre, et le dimanche, elle fut à la chapelle de l'ambassade pour rassurer son père qui commençait à s'inquiéter.

Amélie mit ordre à ses affaires ; elle écrivit plusieurs lettres qui furent trouvées dans son secrétaire après sa mort ; il y en avait une pour chaque membre de sa famille, une pour l'évêque de Beauvais, auteur des ordonnances de 1828, et une pour le roi, Charles X ayant lu cette lettre, s'écria : "La France a perdu, en Mademoiselle de Vitrolles, un grand coeur". Celles à sa famille furent comme le testament de sa piété. Dans la journée, elle avait fait jeter au feu tous ses manuscrits. Le 23 août, sentant que son heure approchait, elle reçut, à huit heures du matin, du curé de sa paroisse, le saint-viatique et l'extrême-onction. Pendant la cérémonie, elle était assise sur un fauteuil, en face de l'autel où l'on célébrait ; la ferveur lui donnait des forces ; ses yeux presque éteints semblaient exprimer l'ardent amour qui consumait son âme. L'agonie la prit vers le soir. Le prieur de Sainte-Félicité vint l'assister à cette heure suprême.

Son noble père était à genoux auprès de son fauteuil ; elle étendit sa main mourante sur sa tête, comme pour appeler sur lui les bénédictions du ciel. Tout à côté, étaient sa camériste et un valet de pied, témoins de cette scène attendrissante. Vers les sept heures, elle expira doucement, les yeux fixés vers le ciel. La mort ne changea rien à ses traits ; elle conserva cet air de douleur qui lui était naturel. Elle semblait dormir du plus doux des sommeils.

Quand la nouvelle de sa mort se répandit dans Florence, ces mots : "La sainte est morte" volèrent de bouche en bouche, le peuple envahit sa chambre changée en chapelle ardente. Il touchait avec un saint respect ses vêtements. Ses restes furent déposés momentanément dans les cryptes de cette belle église de l'Annonciade, où ils séjournèrent pendant trois mois. Pour les ramener en France, on fut obligé de le faire en secret. Ils reposent aujourd'hui dans le caveau de l'église paroissiale du Plan-de-Vitrolles, et les habitants aiment à venir prier sur son tombeau et s'inspirer de ses vertus.

Tous ceux qui l'ont connue ont rendue témoignage de son admirable vertu. Nous ne pouvons les citer tous ; nous nous arrêterons à quelques-uns. M. de Freyssinous disait : "Quand je rencontre à l'église Mademoiselle de Vitrolles, je le regarde comme un présage d'une bonne journée." Le frère de Lamenais : "On ne peut savoir quelle vertu l'emporte le plus en elle, elle les a toutes au plus haut degré." Un préfet de Marseille : "La conversation de Mademoiselle de Vitrolles vous fait aimer Dieu et la vertu". Mgr Arbaud : "Je n'ai pas lu dans la vie des plus grands saints les détails d'une vertu plus soutenue."

AD05 - Notice sur Amélie de Vitrolles - par l'abbé Allard Bruno-Marie - curé du Poët - (8° PIECE 946)

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