SAINT-MALÔ-DU-BOIS (85) - LOUIS-MARIE-CLAUDE BAUDRY, CURÉ (1772-1793)
M. Baudry prit possession de la cure de Saint-Malo, le 16 juin 1772. Il dirigeait donc son peuple depuis longtemps déjà, quand vinrent les mauvais jours de la Révolution. Il était attaché à sa paroisse et ses paroissiens n'étaient pas moins attachés à lui. Aussi, pasteur fidèle, il ne put se résigner à quitter son troupeau. D'après le Journal d'un fontenaisien pendant la Révolution, le 16 août 1792, il demanda à partir en exil. Ayant refusé de prêter le serment, il courut de grands dangers en restant à Saint-Malo, malgré les menaces dont étaient l'objet les bons prêtres, et cela d'autant plus que cette paroisse était signalée, dès 1791, comme foyer d'agitation royaliste.
Il est certain, en effet, que pendant toute la durée de la guerre les hommes de Saint-Malo se portaient en masse à tous les appels des chefs de l'armée vendéenne. Mais, chaque expédition terminée, ils rentraient dans leurs foyers, à l'exception de 150 environ qui suivirent toujours l'armée catholique.
Ce qui faisait écrire à Dumouriez dans un rapport du 29 décembre 1791 à l'administration départementale : "La paroisse de Saint-Malo, trop voisine de Saint-Laurent, est un des points de rassemblement, et si les volontaires n'étaient craints, ils seraient assommés ..."
Cela prouve que le vaillant curé de Saint-Malo, dès cette époque, pouvait compter sur la protection et la fidélité de ses bons paroissiens.
M. Baudry l'avait bien compris ! Néanmoins, quand arrivèrent les années terribles 1793-1794, ce prêtre ne se crut plus en sûreté dans les maisons du bourg, ni dans les villages les plus isolés et les plus retirés de la paroisse.
Une précieuse note, écrite de la main de M. Pichaud, l'un de ses successeurs, nous apprend qu'il s'était arrangé une petite cachette sous un tas de pierres, hérissé de broussailles, au beau milieu d'un champ de la métairie de la Synfrère, appelé le Champ du Buisson. Dans ce réduit étroit et malsain on avait placé un bahut oblong, sorte de cercueil, où il se couchait pour dormir, chaque soir, quand il ne parcourait pas le pays pour administrer les Sacrements après avoir fait à Dieu le sacrifice de sa vie.
C'est dans cette misérable cachette qu'on lui portait sa nourriture, quand les alertes continuelles et les bruits de guerre ne lui permettaient pas de sortir. Son chien fidèle rôdait sans cesse aux alentours, sentinelle vigilante, tout prêt à l'avertir et à se défendre si l'ennemi qui passait à distance avait approché.
Le soin de sa paroisse occupa sans cesse le pasteur. Combien de temps M. Baudry vécut-il ainsi ? Notre petite note ne le dit pas. Ce que nous savons seulement, c'est qu'un jour de cette année 1793, miné par les fatigues, les privations, la maladie, le zélé pasteur sentit que sa dernière heure était proche. Son tombeau d'ailleurs et son cercueil étaient prêts. Il n'avait qu'à s'y coucher une dernière fois pour y dormir son dernier sommeil.
Cependant, l'un des braves métayers de la Synfrère, qui d'ordinaire pourvoyait à ses besoins, un nommé Robert, le voyant si épuisé, ne put se résoudre à le laisser dans sa cachette par les grands froids de l'hiver, il l'emmena dans sa maison pour être plus à même de lui donner des soins, malgré le danger qu'il courait lui-même.
Grâce à cet acte de charité, le saint prêtre, martyr à sa manière de la persécution révolutionnaire, puisqu'il ne voulut pas abandonner la paroisse confiée à ses soins, mourut paisiblement dans un lit, entouré de l'affection et des larmes de quelques paroissiens.
Ceux-ci l'enterrèrent pendant la nuit, à la hâte, au milieu du cimetière de Saint-Malo.
Tout porte à croire que M. Baudry mourut dans les derniers mois de l'année 1793.
Plus tard, ses restes vénérables furent exhumés et transférés dans le choeur de l'ancienne église, qui ne fut pas brûlée pendant la Révolution. (1)
(1) Plusieurs autres prêtres pourvurent aux besoins spirituels de la population de Saint-Malo, dès 1794. D'abord M. Gasnault, vicaire de cette paroisse, qui, plus tard, quitta le pays et partit pour l'Espagne, dit M. Bourloton, où il se fixa à Tolède. Il est parlé de lui dans une lettre, datée de cette ville, du 12 mars 1796. L'abbé Jean-Baptiste Gasnault fut fusillé à Noirmoutier, le 3 janvier 1794, selon le Chanoine L.-P. Prunier dans son ouvrage "Le Martyre de la Vendée", p. 145.
L'autre prêtre fut un M. Coyaud, qui signe curé de Saint-Xandre, en Aunis, desservant de la cure de Saint-Malo, nommé par Mgr de Coucy, évêque de La Rochelle. Ce prêtre signe les registres paroissiaux jusqu'à la fin de 1797. Il fut arrêté en 1799, malgré la présence de son frère, commissaire du Directoire exécutif à l'Administration départementale de la Vendée. (D'après Chroniques paroissiales).
Extrait : Le Clergé Vendéen, Victime de la Révolution Française - par l'Abbé A. Baraud, Prêtre - 1904