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La Maraîchine Normande
26 décembre 2015

LA COUDRE (79) - 1902 - CONSÉCRATION D'UN AUTEL

 

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Le 24 septembre dernier était grand jour de fête pour les bons habitants de la Coudre. Cette petite paroisse qui se cache au milieu du bocage Bressuirais, - tel un nid d'oiseau sous la feuillée -, avait en effet, ce jour-là, l'honneur envié de recevoir le premier Pasteur du diocèse. Déjà, au mois de mai, Mgr l'Évêque de Poitiers avait, au moment de sa tournée de Confirmation, visité cette modeste portion de son troupeau, et, satisfait sans doute du gracieux accueil qu'il y avait trouvé, touché profondément aussi, dans son coeur pastoral, des sentiments de foi ardente recueillis sur son passage, il avait, en partant, laissé l'espoir d'un prochain retour. L'occasion d'ailleurs allait s'en offrir d'elle-même. Un autel nouveau, depuis quelque temps installé dans l'église, grâce à la générosité d'une âme trop vite enlevée à l'affection des siens et aux oeuvres charitables, Madame Octave Mounier, semblait attendre avec impatience les honneurs de la Consécration religieuse.

Accédant donc aux pressantes instances de la famille de cette regrettée bienfaitrice de l'église et de la localité, répondant d'autre part au vif désir du zélé curé de cette paroisse, Monseigneur avait pris l'engagement de revenir à bref délai. La cérémonie de la consécration avait été fixée au mercredi 24 septembre.

Et voilà pourquoi, ce jour-là, les pieux habitants de la Coudre étaient en fête.

 

La Coudre château de la Coindrie

 

Le Prélat, arrivé dès la veille accompagné par M. Vergneau, chanoine honoraire, avait trouvé hospitalité au château de la Coindrie. C'est un honneur très grand pour une famille chrétienne de recevoir sous son toit l'Évêque du diocèse. Les châtelains de la Coindrie sentaient tout le prix de cette faveur, et il convient d'ajouter qu'ils surent, de tous points, s'en montrer dignes.

Le soir même, les reliques des saints martyrs qui devaient être scellées dans la pierre de l'autel furent portées solennellement en procession jusqu'au lieu où elles allaient provisoirement être déposées, et l'office des martyrs récité par les prêtres présents.

Le temps qui s'annonçait maussade et pluvieux toute l'après-midi, devait, le lendemain, s'épanouir sous l'action d'un beau et calme soleil d'automne. Le soleil est comme un sourire du Ciel aux fêtes de la terre, et c'est pourquoi, sans doute, Dieu voulut que la matinée du 24 fût radieuse pour la Coudre.

Quand le Pontife fit son entrée dans la gracieuse église, escorté de M. l'abbé Vergneau, de Messieurs les doyens d'Argenton-Château et de Secondigny, ainsi que du clergé des paroisses avoisinantes, de Saint-Clémentin, de Voultegon, de Saint-Aubin-du-Plain et de Sanzay, une assistance nombreuse de fidèles s'y trouvait déjà réunie, heureuse de prendre part à une fête nouvelle. La cérémonie allait commencer.

Il serait superflu de relater dans cette simple chronique les détails de ces cérémonies touchantes qui font la consécration d'un autel.

Pour qui sait comprendre, oh ! comme ce sont choses belles dans leurs symboles, toutes ces aspersions, tous ces encensements, toutes ces onctions, toutes ces prières mystiques autour de l'autel ! Peu familiarisé avec pareille cérémonie, le peuple devine plutôt qu'il ne s'explique la grandeur de ces rites sacrés. L'attention soutenue et le recueillement profond des fidèles de la Coudre durant une cérémonie qui devait durer de longues heures, indiquaient clairement que leur âme était tout entière pénétrée des grandes choses qui s'accomplissaient sous leurs yeux.

L'encens est le symbole de la prière et de la louange. Aussi n'est-il pas étonnant que l'encensement joue un rôle si important dans la consécration d'un autel. Le voyant de Patmos parle quelque part d'un autel entrevu par lui devant le trône de Dieu, autour duquel se tenait un ange portant un encensoir d'or et brûlant l'encens avec abondance. Autour du maître-autel de la Coudre et pendant près d'une heure et demie, M. l'abbé Peltier, curé de Voultegon, avec toute la dignité et la piété qui lui sont familières, mit un zèle consciencieux à remplir cette angélique fonction.

 

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L'autel, purifié par les libations saintes et parfumé des onctions de cette huile de joie dont parle le Psalmiste, était, de par sa consécration, devenu digne de la divine Hostie. Le saint Sacrifice allait y être célébré par le curé de la paroisse. Mais, avant de monter à cet autel consacré, le célébrant voulut adresser à Monseigneur, tant en son nom qu'au nom de la paroisse, l'expression de ses remerciements et de sa joie. Il le fit avec cette délicatesse de langage et de sentiments qui lui est propre. Nous voudrions reproduire intégralement ici cette allocution ; mais le cadre restreint de ce récit nous permet à peine de détacher de ci de là quelques pensées.
Après un salut de bienvenue à l'Évêque, l'orateur s'écriait :

"Ah ! Monseigneur, cet autel maintenant orné de la parure mystique de sa consécration, est devenu, aux yeux de notre foi, l'une des plus belles choses de la terre ! David, dans un langage ruisselant de poésie, nous représente Dieu venant fixer son séjour au centre du soleil, et de là dardant sur ses enfants d'ici-bas les rayons de son amour. Ah ! prophète, prophète, qu'aurais-tu dit si tu avais contemplé comme nous, avec les yeux de la chair, l'autel de nos églises ? Le séjour de Dieu au centre du soleil n'est qu'une gracieuse fiction, tandis que sur nos autels nous possédons la réalité, nous avons la demeure réelle du Dieu vivant. L'astre qui rayonne sur notre tête donne une lumière qui s'éclipse la nuit, une chaleur refroidie par l'hiver, une vie qui finit par s'épuiser ; mais de l'autel vient une lumière qui ne connaît pas d'ombres, une chaleur toujours plus intense, une vie qui sera éternelle."

Le bon curé fit ensuite le récit des transformations qu'eut à subir son église pour arriver à l'état actuel ; il dit qu'il mit à cette oeuvre tout son bon vouloir, tout son coeur ... "L'oeuvre était achevée, ajouta-t-il ; le temple était bâti ; mais c'était un firmament sans soleil ; il lui manquait son centre de lumière, de chaleur et de vie ... Il fallait l'autel, séjour du soleil eucharistique ... Une famille aussi généreuse que chrétienne se chargea d'y pourvoir." En terminant, le curé souhaite à ses paroissiens d'être fidèles à cette église, foyer de leur foi, d'aimer cet autel, centre de toute vie surnaturelle. "Souvenez-vous qu'ici l'on est mort pour la défense du foyer chrétien et de l'autel pro aris et focis, et que les enfants doivent rester dignes de leurs aïeux."

A cette allocution de circonstance, Monseigneur répondit par les paroles que son coeur lui inspirait, adressant un éloge mérité au zèle du pasteur et à la piété des paroissiens, disant tout le bonheur qu'il goûtait de se trouver au milieu d'une population si chrétienne et l'impression très douce qu'il emporterait de son séjour à la Coudre ...

L'oblation solennelle du saint Sacrifice de la Messe fut le couronnement de cette fête religieuse, fête petite aux yeux du monde, mais bien grande au regard de Dieu. Les pieux habitants de la Coudre conserveront de cette journée un inépuisable souvenir : habebunt hunc diem in monumentum, et comme on le leur a dit si bien, restant toujours fidèles à la foi des ancêtres, ils aimeront à entourer d'un culte incessant et leur église et leur autel : et celebrabunt eum cultu sempiterno.

 

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Élie BARIN
La Semaine Religieuse du Diocèse de Poitiers - 12 octobre 1902 (A39, N41)

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